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27/11/2014 | FRANCE | N°14/03955

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 27 novembre 2014, 14/03955


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 82B



14e chambre



ARRÊT N°



contradictoire



DU 27 NOVEMBRE 2014



R.G. N° 14/03955



AFFAIRE :



COMITÉ CENTRAL D'ENTREPRISE DE LA SOCIÉTÉ INITIAL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité de droit audit siège





C/

SAS INITIAL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège




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Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 30 Avril 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 00

N° Section : 00

N° RG : 14/00917



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 82B

14e chambre

ARRÊT N°

contradictoire

DU 27 NOVEMBRE 2014

R.G. N° 14/03955

AFFAIRE :

COMITÉ CENTRAL D'ENTREPRISE DE LA SOCIÉTÉ INITIAL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité de droit audit siège

C/

SAS INITIAL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 30 Avril 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 00

N° Section : 00

N° RG : 14/00917

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Franck LAFON

Me Monique TARDY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

COMITÉ CENTRAL D'ENTREPRISE DE LA SOCIÉTÉ INITIAL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité de droit audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 618 - N° du dossier 20140248

assisté de Me Caroline SUBSTELNY, avocat au barreau de REIMS

APPELANTE

****************

SAS INITIAL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620

assistée de Me Louis BOUDIAS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Octobre 2014, Madame Véronique CATRY, conseiller, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Michel SOMMER, président,

Madame Véronique CATRY, conseiller,

Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE

FAITS ET PROCÉDURE,

La société INITIAL est une entreprise de plus de 3000 salariés qui a pour activité la location de linge et le nettoyage industriel de textiles professionnels.

Disposant de nombreuses unités de production sur le territoire, elle est dotée de 31 comités d'établissement et d'un comité central d'entreprise ainsi que de 30 comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Au cours de la réunion du CCE des 24 et 25 septembre 2013, la direction de la société a présenté un projet de mise en place d'un nouveau schéma opérationnel et commercial destiné, par la réorganisation de la direction commerciale et de la direction des opérations, à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et permettre sa croissance.

La présentation, effectuée en « power point » décrivant les différents axes du projet, a été accompagnée de la remise aux représentants du personnel d'une note économique détaillée.

A l'issue de cette réunion, le CCE a demandé, afin de pouvoir donner son avis, de consulter les salariés et d'avoir communication d'un état exact des personnes par fonction, des plans de rémunération variable, des fiches de postes et du nombre de clients par personne.

Le processus d'information-consultation des membres du CCE s'est poursuivi lors de la réunion du 18 décembre 2013 avec une nouvelle présentation « power point », une nouvelle note économique étant remise aux représentants du personnel.

La direction a précisé que la nouvelle organisation devait être mise en place le plus rapidement possible afin de faire face à la concurrence accrue et permanente, à la pression sur les prix en résultant, à la crise subie par les clients impactant le chiffre d'affaires et à la recherche permanente de nouveaux clients.

Lors de cette réunion, le CCE a demandé que les CHSCT soient consultés. La direction ayant répondu que les CHSCT seraient informés mais non consultés pour avis, le CCE a donné lecture de sa délibération aux termes de laquelle il a désigné son secrétaire pour le représenter afin d'engager devant le tribunal de grande instance territorialement compétent une action en suspension de la mise en place de la réorganisation jusqu'à parfaite régularisation de la procédure d'information consultation.

C'est dans ces conditions que le 13 février 2014, le CCE de la société INITIAL a assigné cette société devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre qui, par ordonnance du 30 avril 2014, a :

- rejeté les moyens d'excès de pouvoir et d'irrecevabilité opposés par la société INITIAL,

- ordonné la suspension de la mise en place du nouveau schéma opérationnel et commercial jusqu'à ce que tous les CHSCT territorialement compétents puis a posteriori le CCE soient régulièrement consultés, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter d'un mois suivant la signification de la décision,

- rejeté la demande formée par le CCE tendant à la remise en état de l'organisation antérieure sous astreinte,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société INITIAL aux dépens.

Le 23 mai 2014, le CCE de la société INITIAL a interjeté appel de cette décision.

****

Le CCE de la société INITIAL, dans ses dernières conclusions du 23 septembre 2014, demande à la cour de :

. infirmer l'ordonnance déférée et statuant à nouveau,

. ordonner à la société INITIAL de suspendre la réorganisation mise en place sous astreinte de 5000 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de l'arrêt,

. ordonner à la société de remettre en l'état l'organisation telle qu'elle existait avant le 1er janvier 2014 et ce jusqu'à ce que les CHSCT puis le CCE aient été régulièrement consultés, soit jusqu'à ce que ces instances aient rendu un avis et ce sous astreinte de 5000 euros par jour de retard à compter du 20ème jour suivant la signification de l'arrêt,

. condamner la société à lui verser en application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 5000 euros en remboursement des frais engagés en première instance et cette même somme en remboursement de ceux engagés en appel.

La société INITIAL, dans ses dernières conclusions du 3 octobre 2014, demande à la cour de :

. dire que l'invocation de la nécessité de consultation préalable des CHSCT dont a excipé le CCE lors de la toute dernière minute de la dernière réunion du 18 décembre 2013, soit 3 mois après la première réunion consultative des 24 et 25 septembre 2013, pour refuser de donner son avis, n'est pas fondée en droit et que cette position du CCE relève d'un abus de droit caractérisé,

. dire qu'aucun trouble manifestement illicite ou péril imminent n'est constitué,

. en conséquence réformer et infirmer l'ordonnance de référé rendue le 30 avril 2014 en toutes ses dispositions,

. dire l'action du CCE non fondée et manifestement abusive et le condamner sur la base de l'article 559 du code de procédure civile à une amende civile dont la cour fixera la montant,

. rejeter l'ensemble des demandes du CCE,

. le condamner aux dépens.

****

Les parties présentent essentiellement les moyens suivants :

Le CCE rappelle les obligations mises à la charge de l'employeur par les articles L. 2323-2 et suivants du code du travail, les articles L. 4612-8 et L. 4121-1 du même code, fait valoir qu'aucun CHSCT n'a été saisi de la moindre procédure d'information-consultation et soutient que le projet de réorganisation suppose une consultation préalable des CHSCT territorialement compétents, compte tenu des impacts sur les conditions de travail des salariés concernés.

Il expose que les salariés du Service Clients, dans le cadre du nouveau schéma, sont affectés à de nouvelles activités et à une forte évolution de leur métier, que la spécialisation prévue des équipes suppose des formations, que la réorganisation entraîne un changement de métier s'accompagnant d'une forte évolution des conditions de travail eu égard à une nouvelle répartition géographique des secteurs, engendrant un changement de clients pour certains inconnus, une augmentation des temps de trajet et une modification de la rémunération variable, ce dans le cadre d'un nouvel organigramme, sous la responsabilité d'une nouvelle hiérarchie aux fonctions et objectifs révisés, cette situation étant susceptible de créer du stress et un sentiment de dévalorisation chez certains salariés.

La société INITIAL rappelle quant à elle que l'article L. 2323-6 du code du travail fonde une compétence générale du CE ou du CCE en matière de conditions de travail et que ce n'est qu'en cas d'aménagement important des conditions de santé et de sécurité ou des conditions de travail que le CHSCT est consulté.

Elle expose que le constat économique actuel impose une innovation permanente à laquelle ne répond pas l'organisation commerciale actuelle qui est inadaptée car pilotée par deux directions, la direction des ventes et celle des opérations dont les frontières ne sont pas définies de façon satisfaisante en terme d'activités et qui ne recoupent pas les mêmes secteurs géographiques, que le nouveau schéma n'a aucun impact sur l'emploi, qu'il ne brusque nullement les 104 salariés concernés sur plus de 3000 dans l'entreprise, dans leur rythme, leur santé, leurs horaires, l'articulation de leur vie professionnelle et privée mais leur propose d'opter entre une des composantes de leurs fonctions actuelles soit en faveur du service fidélisation clients soit vers celui du développement client, ce qui s'est d'ailleurs fait de façon harmonieuse.

Elle conteste donc l'importance des changements résultant du nouveau schéma organisationnel et observe que le CCE ne s'en est aucunement ému pendant les trois mois qui se sont écoulés entre les deux réunions et que sa demande de consultation des CHSCT à la dernière minute de la seconde réunion est purement dilatoire.

MOTIFS DE L'ARRÊT,

Le CCE fonde son action sur les articles 808 et 809 qui disposent, le premier, que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différent et le second, en son alinéa 1er seul susceptible d'application, que le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L'appelant invoque le trouble manifestement illicite qui résulte de la mise en place du nouveau schéma, sans son accord, en violation des stipulations d'ordre public prescrivant la consultation préalable du CE et des CHSCT.

Selon l'article L. 2323-6 du code du travail, le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle.

Selon l'article L. 4612-8 du même code, le CHSCT est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de l'organisation du travail et avant toute modification des cadences et des normes de productivité.

La mission générale d'information et de consultation donnée au CE portant sur les conditions de travail, n'exclut pas la consultation du CHSCT, qui s'impose lorsque le projet présenté emporte un aménagement important modifiant les conditions de travail.

En l'espèce, le nouveau schéma tend à réorganiser la direction des opérations et la direction commerciale.

Concrètement, cette réorganisation se traduit par la spécialisation des anciens postes d'attachés de clientèle généralistes qui deviennent dédiés soit au développement soit à la fidélisation de la clientèle, par une nouvelle répartition des secteurs géographiques d'activité regroupés en 11 régions, par l'instauration d'une organisation hiérarchique trinôme aux fonctions et objectifs révisés et par l'adoption d'un plan de rémunération variable modifié, divisée en plusieurs primes détaillées, distinctes selon la spécialisation.

Cette nouvelle organisation, qui transforme une catégorie de postes, celle des attachés de clientèle, en de nouveaux postes spécialisés, entraîne un aménagement important des conditions de travail des salariés concernés, facteur de risques psycho-sociaux, qui imposait la consultation des CHSCT, peu important le nombre relativement peu important de salariés concernés par rapport au nombre total de salariés dans l'entreprise, les autres critères relevés ci-dessus permettant de caractériser l'importance de la modification des conditions de travail apportée par le nouveau schéma organisationnel pour ces salariés.

Il ne saurait être reproché au CCE de ne pas s'être rapproché des CHSCT pendant les trois mois écoulés entre la première réunion et celle du 18 décembre 2013 dès lors, selon les déclarations de la direction lors de la première réunion, que les fiches décrivant les missions affectées aux nouveaux postes d'attachés de clientèle, dédiés fidélisation ou développement, n'étaient pas encore finalisées et que les nouveaux plans de rémunération variable n'étaient pas plus établis en septembre 2013, de sorte que toute consultation immédiate des CHSCT n'aurait pu suffire et éviter une consultation complémentaire.

Il appartenait à la direction de la société qui avait la maîtrise de la convocation du CCE, de le convoquer avant l'expiration d'un délai de trois mois suivant la première réunion, dès qu'elle était en mesure de présenter les éléments d'information manquants sur la nouvelle organisation.

C'est donc à bon droit que, les CHSCT n'ayant pas été consultés avant la mise en place du nouveau schéma à partir du 1er janvier 2014, le premier juge en a ordonné la suspension sous astreinte.

Depuis le prononcé de l'ordonnance, la société a procédé à la consultation des CHSCT sur le nouveau schéma. Les 30 CHSCT ont été convoqués entre le 19 juin et le 7 juillet 2014.

Tous ont émis un avis favorable au projet sauf 8 d'entre eux, dont 5 réservant leur avis dans l'attente du rapport du cabinet d'expertise qu'ils ont désigné pour effectuer un diagnostic des risques psycho-sociaux susceptible d'être encourus.

Ces CHSCT se sont réunis courant septembre 2014 après dépôt des rapports d'expertise et ont émis un avis défavorable (au vu des risques psycho-sociaux diagnostiqués).

La procédure d'information-consultation des CHSCT a ainsi été régularisée en cause d'appel.

Il convient de constater cette régularisation, de dire n'y avoir lieu à mesure de remise en l'état antérieur, de confirmer l'ordonnance déférée, eu égard au trouble manifestement illicite causé, sauf à réduire l'astreinte à 300 euros par jour de retard, et de dire que la demande de suspension de la mise en place de la nouvelle organisation jusqu'à consultation des CHSCT est sans objet à ce jour.

Le CCE étant maintenant en mesure de donner son avis, qu'il n'a pas donné lors de la réunion du 18 décembre 2013, il convient d'ordonner la suspension de la mise en place de la nouvelle organisation sous astreinte de 300 euros par jour de retard à l'expiration du délai de 2 mois suivant la signification du présent arrêt.

Il n'y a pas lieu, en équité, à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant contradictoirement et en dernier ressort,

Constate qu'à la date à laquelle la cour statue, les CHSCT ont été consultés ;

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, sauf à réduire à 300 euros (trois cents euros) par jour de retard l'astreinte ayant été fixée ;

Y ajoutant,

Dit que la demande de suspension de la mise en place de la nouvelle organisation jusqu'à consultation des CHSCT est devenue sans objet ;

Ordonne la suspension de la mise en place du nouveau schéma organisationnel jusqu'à ce que le CCE soit consulté, sous astreinte de 300 euros (trois cents euros) par jour de retard à l'expiration du délai de 2 mois suivant la signification du présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Condamne la société INITIAL aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés par l'avocat représentant le CCE de la société INITIAL, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-Michel SOMMER, Président et par Madame Agnès MARIE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 14/03955
Date de la décision : 27/11/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 14, arrêt n°14/03955 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-27;14.03955 ?
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