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09/04/2015 | FRANCE | N°13/03338

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 09 avril 2015, 13/03338


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

OF

5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 09 AVRIL 2015



R.G. N° 13/03338



AFFAIRE :



[WQ] [P]

C/

SAS LAFORET FRANCHISE







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juin 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : F 10/01858





Copies exécutoires délivrées à :



Me

Franck LAFON



la SELAFA HUBERT MAZINGUE ET ASSOCIES



PÔLE EMPLOI



Copies certifiées conformes délivrées à :



[WQ] [G]



SAS LAFORET FRANCHISE







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE NEUF AVRIL DEUX MIL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

OF

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 AVRIL 2015

R.G. N° 13/03338

AFFAIRE :

[WQ] [P]

C/

SAS LAFORET FRANCHISE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juin 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : F 10/01858

Copies exécutoires délivrées à :

Me Franck LAFON

la SELAFA HUBERT MAZINGUE ET ASSOCIES

PÔLE EMPLOI

Copies certifiées conformes délivrées à :

[WQ] [G]

SAS LAFORET FRANCHISE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF AVRIL DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [WQ] [P]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 substitué par Me Vincent ROUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0069

APPELANT

****************

SAS LAFORET FRANCHISE

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Hubert MAZINGUE de la SELAFA HUBERT MAZINGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0008

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Février 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Olivier FOURMY, Président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Mme Mariella LUXARDO, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jérémy GRAVIER,

Par jugement en date du 28 juin 2013, le conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt, en départage, a notamment':

. dit que le licenciement de M. [WQ] [P] par la société Laforêt Franchise SAS (ci-après, 'la société' ou 'Laforêt') repose sur une faute grave';

. condamné la société à payer à M. [P] les sommes de':

- 13'792,33'euros à titre de rappel de salaire en compensation des jours de RTT non pris';

- 14'000'euros à titre de dommages intérêts en réparation des circonstances vexatoires du licenciement';

. débouté les parties de leurs autres demandes';

. condamné la société Laforêt Franchise SAS à payer à M. [P] la somme de 1'500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte en date du 23 juillet 2013, M. [WQ] [P] a relevé appel de ce jugement.

Vu les conclusions déposées à l'audience du 19 février 2015, tant pour la société Laforêt Franchise que pour M. [P], ainsi que les pièces y afférentes respectivement (ci-après référencées L' et B'), auxquelles la cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

Vu les explications et les observations orales des parties à l'audience du 19 février 2015.

FAITS et PROCÉDURE

A titre préliminaire, la cour doit indiquer qu'elle a examiné, à diverses reprises, plusieurs dossiers concernant des licenciements de cadres dirigeants ou supérieurs de la société Laforêt Franchise SAS': M. [T] [Y], dit [L], d'abord'; plus récemment (à compter du mois d'octobre 2014)': M. [WQ] [O] [X]'; M. [KX] [L]'(observation étant faite que ces trois personnes ont fait partie de l'équipe dirigeante de la société à son origine, MM. [X] et de [KX] [L] étant considérés, à l'époque où la société a été reprise par son président actuel, M. [BD], comme étant les 'fondateurs' de ce qui était devenu le groupe Laforêt)'; M.'[WQ] [P]'; M. [W] [F]'; M. [A] [I].

Le 13 juin 2006, la société Accuracy réalise un audit du groupe Laforêt.

Le 25 septembre 2006 est constituée l'unité économique et sociale (UES) Laforêt.

Le 19 mai 2008, la société Accuracy réalise un second audit.

En octobre 2008, M. [T] [L], directeur juridique, administratif et financier, est licencié (ce licenciement sera jugé sans cause réelle et sérieuse'; arrêt RG n°12/01829 de la cour de céans, en date du 16 mai 2013).

En février 2010, M. [X] et M. [KX] [L] établissent le rapport de la direction générale opérationnelle (DGO) de la société.

Le 21 mars 2010, un rapport 'd'audit' de Laforêt Immobilier est dressé par Mme [V] [GL], recrutée, le mois précédent, en qualité de secrétaire générale (ci-après, le RapportM).

M. [P], pour ce qui le concerne, a été engagé par Laforêt le 24 juin 1985, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, en qualité de négociateur immobilier.

Il a progressivement grimpé dans la hiérarchie de la société, devenant, en 1995, directeur du développement, poste qu'il occupera jusqu'à son licenciement.

Son salaire moyen s'établit alors à la somme de 14'240'euros.

Par lettre en date du 26 mars 2010, remise sur son lieu de travail par voie d'huissier, M.'[P] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement.

Le 19 avril 2010, M. [P] a été licencié pour faute grave, de même que M. [F], MM. [X], [KX] [L] étant quant à eux licenciés pour faute lourde.

Par lettre en date du 26 mai 2010, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes (CPH), lequel s'est mis en départage.

C'est dans ces conditions que le jugement entrepris a été rendu.

Devant la cour, M. [P], faisant notamment valoir qu'aucun des griefs retenus contre lui n'est établi, demande à la cour de':

. confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à lui payer diverses sommes';

. le réformer pour le surplus';

. dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse';

. condamner la société Laforêt Franchise SAS à lui payer les sommes de':

- 42'719'euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis'; et celle de 4'272'euros au titre des congés payés y afférents';

- 98'872'euros au titre de l'indemnité légale de licenciement';

- 355'100'euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';

- 75'000'euros en réparation de son préjudice moral';

outre les intérêts au taux légal, et capitalisés, à compter de la date de la saisine du CPH';

- 12'000'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

et la condamner aux dépens.

La société Laforêt Franchise SAS sollicite, pour sa part, de la cour, à titre principal, de':

. confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement est fondé sur des manquements qualifiés de faute grave';

. débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire, la société demande à la cour de':

. dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse';

. débouter M. [P] de ses demandes fondées sur les articles L.'1235-3 du code du travail et 1382 du code civil.

La société demande également à la cour, sur appel incident, d'infirmer le jugement':

. dire et juger que M. [P] a le statut de cadre dirigeant';

. infirmer le jugement et dire que la somme brute de 13'792,33 euros (11'937,29'euros) n'est pas due à titre de rappel de salaires en compensation de RTT';

. condamner M. [P] au remboursement de cette somme';

. dire que le licenciement ne présente pas de caractère vexatoire, que la somme de 14'000'euros n'est pas due';

. infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société demande à la cour de condamner, en tout état de cause, M. [P] à payer la somme de 5'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Il appartient à l'employeur qui l'allègue d'en rapporter, seul, la preuve.

Ce sont les termes de la lettre de licenciement qui fixent les limites du litige.

Avant de l'examiner, il convient d'indiquer que M. [P] soulève la «'prétendue découverte des faits allégués'» par Laforêt, au travers de l'audit, en date du 21 mars'2010, qu'il qualifie d'illicite.

Sur la licéité de l'audit du 21 mars 2010

Il est constant que le RapportM, intitulé «'Compte-rendu d'audit'», a été élaboré de manière unilatérale, à la demande de M. [BD], par Mme [GL], «'dont la première mission consiste a dressé un état des lieux'» (page'1 du RapportM).

De plus, la cour note que les griefs invoqués à l'encontre de M. [P] résultent directement du RapportM, en date du 21 mars 2010, et qu'il existe une version de ce rapport, datée 23 mars 2010, qui s'intitule'«'Réunion du 21'mars 2010': Formalisation'» et a pour objet': «'Préparation départ Direction Laforêt, élaboration du carcan des cause de licenciements':

. [WQ] [X] et [WQ] [Y] ' faute lourde, intention de nuire, d'agir contre le réseau et les actionnaires, d'agir dans leur intérêt personnel

. [WQ] [P] et G. [F] ' faute grave'» (ci-après, la 'Formalisation').

La Formalisation est en tout point identique au RapportM, sauf trois colonnes en marge droite du document Formalisation (une pour MM. [X] et [L]'; une pour M. [P]'; une pour M. [F]).

La cour note également que, pour élaborer ce rapport, Mme [GL] a conduit de nombreux entretiens avec divers salariés ou franchisés, lesquels se sont tous déroulés dans un bureau de la société.

Ainsi, le RapportM ne peut en aucune manière être considéré comme un rapport d'audit, au sens strict, en ce qu'il a, d'évidence, été d'emblée conçu comme un outil pour licencier M.'[L] et M. [X], M. [P] ou M. [F], puisqu'en à peine 48 heures, il passe du statut d'audit au statut de 'carcan pour un licenciement'. La façon dont il est écrit le démontre amplement. Pour ne reprendre qu'un extrait': «'Bdc et PK ont toujours demandé au Président de ne pas intervenir dans l'opérationnel.

Cette demande a été respectée.

BdC et PK en ont profiter pour imputer à l'actionnaire (') tous les dysfonctionnements et les restrictions budgétaires ''» (sic).

Cette présentation, qui tend à exonérer, par principe, la présidence de la société de toute responsabilité éventuelle dans les difficultés ou dysfonctionnements de celle-ci et, en tout cas, à prétendre que ces difficultés n'ont pu être découvertes qu'à l'occasion de l'analyse à laquelle a procédé Mme [GL], ne correspond pas, en tout cas pas toujours, à la réalité.

Il conviendra de garder à l'esprit, tout au long du présent arrêt, ce que le RapportM fait apparaître de la structure de la société et suggère (ou affirme) des rôles de chacun au sein de celle-ci.

Il résulte en effet de ce rapport, et des différentes pièces produites devant la cour, que la société est présidée par M. [BD] et divisée en deux 'blocs'.

Le bloc 'fonctionnel', qui comprend la direction des services fonctionnels et correspond aux fonctions qu'ont occupées M.'[T] [L] puis M. [E], est placé directement sous l'autorité de M.'[BD]'; il comprend les services administratifs, comptables, informatiques et juridiques (responsable': Mme [M]).

Le bloc 'opérationnel' comprend deux directions générales, dirigées respectivement par MM. [WQ] [X] et [KX] [L], auxquels sont rattachés, notamment': la direction du développement, placée sous l'autorité de M. [WQ] [P]'; la direction commerciale, que dirige M. [W] [F]'; et la direction marketing, confiée à M. [A] [I].

Mais la circonstance que le RapportM ne puisse être considéré comme un rapport d'audit au sens strict ne saurait en elle-même le rendre «'illicite'».

Son caractère illicite ne peut davantage être établi par les entretiens que M. [BD] aurait eu avec le successeur de M. [P] en vue de «'tenter de 'trouver' des éléments'» contre ce dernier (B115). La cour considère qu'il relève du pouvoir de direction de l'entreprise de s'assurer, par de tels entretiens, du bon fonctionnement de celle-ci.

C'est une question de savoir quelle valeur de preuve peut être conférée aux comptes-rendus de tels entretiens et aux rapports éventuellement dressés sur cette base.

En son état, le RapportM, de même que la Formalisation constituent non pas des preuves, mais des éléments de preuve, que les parties pouvaient et ont effectivement librement discuté (d'ailleurs, abondamment) entre elles et devant la cour, dont il appartient à celle-ci de déterminer l'éventuelle valeur probante.

La cour dira donc que le RapportM n'est pas illicite.

Sur la prescription

La cour notera ici que M. [P], s'il utilise l'expression «'prétendue découverte des faits allégués'» en faisant référence au RapportM, ne soulève pas la prescription, en tant que telle, des faits fautifs allégués contre lui dans la lettre de licenciement, sauf sur quelques points précis, qui seront donc abordés ci-après au cas par cas.

Il convient de garder à l'esprit, dans cette perspective, que M. [BD] a pris la présidence de la société en 2005, qu'il est un spécialiste de l'immobilier et que les très nombreux documents et courriels soumis à l'examen de la cour par les parties démontrent qu'il intervenait directement dans la marche de la société, y compris dans des domaines mineurs.

Sur le caractère économique du licenciement

Il est incontestable que M. [P] faisait partie, pour reprendre l'expression utilisée par la défense de la société (même si elle l'attribue à des 'collaborateurs'), de la «'clique des 5'», c'est-à-dire des dirigeants ou cadres historiques de Laforêt, qui sont en réalité six': M. [X], M. [T] [L], M. [KX] [L], M. [P], M.'[F] et M. [I], qui ont tous fait l'objet d'un licenciement, M. [T] [L] le premier, comme la cour l'a indiqué plus haut.

Il est également acquis que la rémunération annuelle globale, toutes primes confondues, de ces dirigeants ou cadres était élevée. La défense de la société le souligne, d'ailleurs, en précisant que la rémunération de M. [P] se situait au plus haut niveau de la hiérarchie des salaires.

En outre, M. [P] n'est pas contesté lorsqu'il indique que son successeur, M. [H], dispose d'une rémunération inférieure de moitié à celle qui était la sienne.

La cour doit également indiquer que, dans le cadre du dossier opposant la société à M. [KX] [L], qui fait l'objet d'un arrêt distinct, en délibéré à la même date que le présent, il a été indiqué que, courant 2006, la société Réseau immobilier de franchises SAS (RIF) a, au travers du mécanisme appelé LBO, acquis les titres de la société SOFICOPA, de droit belge, contractant pour ce faire un emprunt d'environ la moitié du prix d'achat de 51,6 millions d'euros.

La société RIF devait rembourser à la banque la somme de 2,5 millions d'euros en 2007, puis une somme de 1,875 millions d'euros en juin et décembre des années 2008 à 2013 (au titre du capital emprunté).

Selon la défense de M. [L], les licenciements opérés, notamment ceux de M. [L] et de M. [X], devaient permettre d'économiser une somme d'environ 1,5'millions d'euros par an.

Or, comme l'a souligné la défense de M. [L], un licenciement pour faute lourde permet d'éviter une procédure de licenciement économique.

De plus, dans ses écritures, la défense de la société cite un article de journal économique, selon lequel, Laforêt est passé de 880 à 800 agences entre le 1er octobre 2008 et le 1er'octobre 2009, tandis qu'elle est passée de 26'000'transactions et 190 millions d'euros hors taxe d'honoraires, en 2008, à 25'000 transactions et 150'millions d'euros de chiffre d'affaire hors taxe en 2009.

Pour éclairant qu'ils puissent être, ces éléments ne permettent pas à la cour de conclure au caractère économique du licenciement de M. [P].

Il convient donc d'examiner celui-ci selon les termes retenus par la société.

Sur le licenciement

A titre liminaire, la cour doit indiquer qu'il importe, pour une meilleure compréhension des arguments respectifs, de se replacer dans le contexte de l'année 2010, tel qu'il apparaît au travers des pièces produites': une crise mondiale avait frappé l'immobilier'; le volume comme le prix des transactions avaient brutalement chuté'; le groupe Laforêt, dont la notoriété sur le territoire national n'était pas contestable, n'était pas été épargné et a dû faire face à la fermeture ou aux difficultés importantes de nombreuses agences.

Pour une part importante, le mécontentement des franchisés s'explique par l'impossibilité dans laquelle ils se sont trouvés, alors que l'activité vente était déprimée, de pouvoir élargir leur champ d'intervention à l'activité location.

Compte tenu de la longueur du document, la cour ne reproduit pas ici in extenso la lettre de licenciement mais y renvoie expressément.

Aux termes de la lettre de licenciement, huit griefs sont formulés à l'encontre de M. [P], que la cour reprend dans l'ordre dans lequel ce dernier les a contestés devant elle':

. Motif 1': absence de vérification du respect des dispositions de la loi [C] relative à la remise du document d'information précontractuelle (DIP) aux franchisés';

. Motif 2': Attribution arbitraire des zones géographiques aux franchisés';

. Motif 3': Absence de suivi des encaissements des droits d'entrée ;

. Motif 4': Domaine international: absence de réponse aux demandes de masters franchise'; absence de suivi des encaissements; absence de vérification de la fiabilité des sociétés intermédiaires («'grief abandonné'», selon les écritures de M. [P])';

. Motif 5': Absence de possession de la carte T réglementaire lors de la reprise des franchises par d'autres franchisés'; absence d'encadrement dans la reprise d'agences défaillantes;

. Motif 6': Instauration de pratiques contraignantes consistant à obliger les franchisés à ouvrir une nouvelle agence en sachant pertinemment qu'une telle seconde agence ne serait pas viable;

. Motif 7': Gestion fautive des renouvellements des contrats de franchise'; absence de mise en place d'une procédure de renouvellement des contrats de franchise';

. Motif 8': Recrutement en qualité de formateur d'un ancien employé de franchisé.

. Sur le Motif 1': absence de vérification du respect des dispositions de la loi [C] relative à la remise du document d'information précontractuelle (DIP) aux franchisés'

Le premier juge a considéré à cet égard que la lettre de licenciement ne «'vise aucun fait précis ni matériellement vérifiable, de sorte que ce grief ne peut être considéré comme établi'».

Devant la cour, M. [P], après avoir précisé qu'il ne disposait d'aucune délégation de pouvoir pour signer les contrats de franchise, «'pouvoirs dont seule la Direction Générale disposait'», reprend cette détermination à son bénéfice.

La société se fonde sur le RapportM, selon lequel sur 42 contrats signés en 2009 et 2010, 29 présentations de l'état local du marché étaient sans date et 13 présentations de l'état local du marché datées dont six non conformes. Elle invoque également un litige avec un franchisé à [Localité 4], [Localité 7] et [SE], qui aurait contraint la société à signer un protocole transactionnel le 17 août 2010.

S'il est indifférent, pour établir le grief, qu'aucun des franchisés ne se soit plaint, comme l'allègue M. [P], s'agissant du nécessaire respect d'une loi, la cour ne peut que faire sienne la considération du premier juge.

La lettre de licenciement est particulièrement vague': «'' le délai de 20 jours entre la remise du document d'informations précontractuelles et la signature du contrat n'est pas scrupuleusement respectée'.'», ce qui n'empêche pas M. [BD] de conclure que ce seul grief suffirait à prononcer le licenciement, tant il est «'inacceptable'» d'avoir ainsi mis en jeu la responsabilité pénale des personnes physiques et morales.

La seule affirmation que 42 contrats signés en 2009 et 2010 est à l'évidence insuffisante pour démontrer le grief formé à l'encontre de M. [P].

S'agissant plus spécialement du cas du franchisé d'[Localité 4], la société ne peut raisonnablement soutenir n'avoir découvert les irrégularités (à supposer qu'elles soient constituées) seulement à l'occasion du RapportM, alors que les contrats en cause remontent à 2005, 2001 et 2009. Si la cour peut admettre qu'il appartenait à M. [P] et à son équipe de s'assurer, en vue de la signature des contrats, que le délai de 20 jours pour la fourniture préalable du DIP soit respecté, tous les contrats étaient transmis aux services juridiques, lesquels relèvent, comme il a été indiqué, des services fonctionnels.

Sur ce point précis, les faits allégués doivent être considérés comme prescrits.

Ce grief sera écarté.

. Sur le Motif 2': Attribution arbitraire des zones géographiques aux franchisés

Le jugement entrepris a retenu ce grief comme établi, en faisant référence aux pièces versées par Laforêt, qui évoquent notamment une «'attribution des régions (') nulle'», «'des méthodes de flibustier'», le comportement «'inadmissible des développeurs'», «'des pratiques douteuses sur le secteur attribué'», le fait que M. [P] et M. [R] (un directeur territorial) aient provoqué «'des conflits dans les régions qui vont entraîner'» deux contrats de franchise sur un espace limité.

La cour note en outre que le juge retient que «'l'audit interne (') souligne des pratiques qu'il qualifie de clientélisme en interne et au sein du réseau'».

Toutefois, aucun élément n'est apporté par le juge démontrant cette affirmation de la société et elle n'est pas davantage démontrée devant la cour. Celle-ci ne retiendra donc pas ce point, au demeurant non pertinent au regard du grief allégué.

S'agissant de l'attribution arbitraire des zones géographiques aux franchisés, la cour note que M. [P] n'est pas contredit lorsqu'il indique que les contrats de franchise ne prévoient aucune limite géographique.

Il souligne par ailleurs que, par contrat (LO3), il s'était vu assigner des objectifs quantitatifs en termes de signature de contrats de franchise et de chiffre d'affaires.

La cour relève que le développement du réseau, en nombre de franchisés, est ainsi de l'intérêt personnel de M. [P], mais aussi de l'intérêt personnel de la société, compte tenu de la concurrence entre groupes sur le marché de l'immobilier.

Par ailleurs, la société ne démontre en aucune manière que le développement du réseau, à le supposer anarchique, aurait eu pour corrélation une baisse, ni même une moindre progression du chiffre d'affaires de la société.

Enfin, si l'on peut comprendre aisément l'irritation qu'a pu susciter chez certains franchisés la crainte de voir ouvrir une nouvelle franchise sur un ressort qui était auparavant le leur, au point, parfois, qu'ils aient pu se sentir contraints de prendre eux-mêmes cette nouvelle franchise à leur charge, la société ne démontre que deux situations dans lesquelles la situation a quelque peu dégénéré ([Localité 3]/[Localité 6] et [Localité 8]/[Localité 10]'; encore convient-il de noter, dans ce dernier cas, que l'agence de [Localité 10] a fait l'objet d'un contrat signé par M. [BD]'; B145). Outre que ce nombre est particulièrement limité au regard du nombre de franchisés (plus de 700), les éléments soumis à la cour montrent que ces événements résultent non pas de directives qu'auraient donné M. [P] mais d'initiatives locales.

Enfin, le processus de recrutement, tel que décrit par M. [P] dans ses écritures, n'est pas sérieusement contredit par la société.

Dans ces conditions, la cour, infirmant le premier juge sur ce point, dira ce grief non établi, étant observé que la formulation de ce grief dans l'argumentation de la société recouvre pour partie celle du Motif 6, qui sera traité distinctement ci-après (cas de M. et Mme [K]).

. Sur le Motif 3': Absence de suivi des encaissements des droits d'entrée

Ce grief a également été retenu par le premier juge, se basant notamment sur le clientélisme au sein du réseau, sur des échanges entre MM. [IR], [P] et [R], ainsi que sur un courriel de Mme'[Z].

S'agissant de ce courriel, la cour ne peut le retenir, dans la mesure où l'expression «'la très nette impression n'être prise pour un tiroir caisse'» qu'a soulignée le premier juge ne saurait permettre d'établir le grief en cause.

Il en va de même pour le grief de 'clientélisme', aucune démonstration n'étant apportée par la société que ce clientélisme, à le supposer établi, aurait eu un quelconque effet négatif sur les encaissements de droit d'entrée et, plus généralement, le chiffre d'affaires de la société. Le seul exemple un tant soit peu probant donné (celui d'un franchisé d'[Localité 5]) constitue en réalité une présentation inexacte de la situation.

Et le favoritisme ici visé n'a aucun lien avec la question de l'encaissement / de la péremption de chèques.

Car ce qui est ici reproché est à la fois d'avoir négligé le suivi des encaissements de droits d'entrée, ce qui aurait occasionné la découverte de chèques périmés, pour un montant de 170'000'euros, et l'encaissement avant la date prévue de certains droits d'entrée.

La cour observe que la société affirme, sans le démontrer autrement que par ce qu'a indiqué M. [E], que le «'suivi des facturations et encaissements de droit d'entrée est assuré exclusivement par [WQ] [P]'» et cet argument est d'autant moins pertinent que M. [E] est le responsable des services fonctionnels et directement intéressé, en tant que tel, à ce qu'une éventuelle faute dans l'encaissement des chèques soit imputée non pas à ses services mais à M. [P].

Il demeure que M. [P], ainsi que la société en justifie par la production de diverses pièces (L. 231, L. 260, L. 290), a pu être sollicité ou donner des instructions pour retarder l'encaissement de chèques ou ne pas 'annuler' un chèque déjà versé.

Et, l'argument est plus sérieux, que les chèques pouvaient être, contrairement à ce qu'indique M. [P], encaissés que l'agence concernée ouvre ou non (L31).

Mais, sous réserve de ce qui précède, la société ne peut valablement soutenir que le non-encaissement est imputable à M. [P], dès lors qu'elle n'invoque pas même qu'il aurait conservé ces chèques par devers lui et qu'ils se trouvaient, en fait, entre les mains des services fonctionnels (B115).

La société n'explique au demeurant ni pourquoi ni comment des chèques auraient pu se trouver 'périmés'.

Enfin, la référence aux contrats de 'Master-franchise', qui concernent le domaine international, lequel fait l'objet d'un grief distinct (Motif 4), est ici inopérante.

La cour infirmera le premier juge pour dire ce Motif 3 non établi.

. Sur le Motif 4': Domaine international': absence de réponse aux demandes de masters franchise'; absence de suivi des encaissements'; absence de vérification de la fiabilité des sociétés intermédiaires («'grief abandonné'», selon les écritures de M. [P])

Le premier juge, en se référant au RapportM et à un écrit du master franchisé en Belgique, M. [J], a retenu le premier élément de ce grief, tout en écartant le second.

La société souligne, en effet, que M. [P] n'assure pas le suivi des contrats de master franchise et, en outre, ne vérifie pas la fiabilité des sociétés intermédiaires avec lesquelles il traite, citant sur ce point M. [S], de la société Vitae Conseil, «'qui a proposé ses services en vue de conclure une master franchise pour l'Algérie alors même qu'il avait déjà vendu cette master franchise à une société algérienne'».

A titre de preuves «'accablantes'» de ce motif, la société n'évoque plus M. [S] mais fait exclusivement référence, dans ses écritures, aux échanges intervenus entre M. [J] (master franchisé de Bruxelles) et la société.

La cour observe qu'il s'agit en fait d'un courriel adressé à M. [P] (L292).

La société ne produit aucun autre élément de preuve, autre que le RapportM, aux termes duquel l'intégralité des droits d'entrée n'a pas été encaissée.

Rien ne permet à la cour de vérifier ce qu'il en est.

Quant aux reproches adressés par M. [J] à M. [P], à supposer même que ce dernier soit le seul responsable de la situation, ils ne sauraient, s'agissant exclusivement (au vu du courriel produit) de la mise à disposition de «'matériel pour le développement'», constituer une faute grave. D'autant que le même M. [J] pourra adresser des courriels de remerciement, voire élogieux (B120 et 146).

Enfin, la cour note qu'il résulte de pièces versées par la société elle-même et discutées par M. [P] dans ses écritures (L151, 154, 156, 176), que M. [BD] était informé de difficultés que pouvait soulever un master franchisé (en l'espèce, celui de Casablanca). La cour note que la transmission faite par M. [P] à Mme [M] en juillet 2009, a elle-même été transmise au président de la société.

Un échange ultérieur verra la responsable des affaires juridiques discuter par courriel avec MM. [X] et [L] et vérifier avec M. [BD] que la réponse proposée correspondait bien avec ce qui avait été convenu.

Ce grief ne peut davantage être retenu.

. Sur le Motif 5': Absence de possession de la carte T réglementaire lors de la reprise des franchises par d'autres franchisés'; gestion fautive dans l'accompagnement des agences défaillantes

Le premier juge n'a pas expressément statué sur la question de la carte réglementaire, tout en la discutant, mais a retenu ce grief.

La cour doit relever que le motif invoqué ici est en réalité complexe, le lien entre l'absence de possession de la carte T (qui renvoie à la loi dite 'Hoguet''; la société souligne que l'absence de possession de la carte T réglementaire dans ces conditions faisait peser aussi bien un risque pénal qu'un risque civil) et le mauvais accompagnement dans la reprise des agences défaillantes n'étant pas automatique. De plus la société procède par affirmation: «'Poser la question c'est y répondre'».

En tant que tel, ce motif est inopérant.

En tout état de cause, M. [P] relève immédiatement que, à les supposer établis, les faits invoqués remontant à la période 2008-2009, ainsi qu'il résulte expressément des écritures de la société (paragraphe 206 des conclusions), ils seraient prescrits.

Il précise en outre que, lors de la transmission d'un dossier de cession, son service adressait « systématiquement un mail d'information aux Directeurs Généraux (') ainsi qu'au Directeur des Services Fonctionnels'».

La cour relève que M. [P] n'est pas démenti sur ce point, que les services fonctionnels relèvent directement de M. [BD], que la société ne peut ainsi invoquer avoir découvert les faits tardivement et que, comme M. [P] le plaide, à les supposer avérés, ils seraient prescrits.

La cour ne peut donc en aucune manière retenir ce grief.

. Sur le Motif 6': Instauration de pratiques contraignantes consistant à obliger les franchisés à ouvrir une nouvelle agence en sachant pertinemment qu'une telle seconde agence ne serait pas viable';

Comme indiqué plus haut, il s'agit d'abord ici du cas particulier de la franchise de M. et Mme'[K] et des trois nouvelles agences que ceux-ci se seraient vus contraints d'ouvrir, sous la pression de M. [P] (L86).

Le premier juge a retenu ce grief, en indiquant que la société avait signé un protocole avec les intéressés et que «'ce protocole a conduit au règlement au profit des franchisés de la somme de 39.000'euros et à la résiliation des contrats de franchise'».

La cour note que, s'il est exact qu'un protocole a été signé entre la société et les consorts [K], la signature par les consorts [K] des trois contrats de franchise distincts concernant les nouvelles agences est intervenue le 15 mai 2007.

A supposer que M. [P] ait eu un comportement fautif, comme le suggèrent les consorts [K], il ne peut être sanctionné par une faute grave, le grief étant prescrit.

Au demeurant, ainsi que M. [P] le relève et que la cour l'a déjà mentionné, l'intérêt même de la société Laforêt était le développement de son réseau et l'accroissement du maillage du réseau. Cette politique faisait intervenir plusieurs personnes, notamment le franchisé président de la région concernée (B131). Si elle a pu être 'intensive' à l'époque où M. [P] était directeur du développement, elle s'est poursuivie de la même manière après son licenciement (B115) et a pu conduire à des excès (reproche fait par le tribunal de commerce de Nanterre de l'obligation de la société «'d'exécuter dans leur intérêt commun les termes du contrat avec toute la loyauté et la bonne foi qu'un franchisé est en droit d'attendre de son franchiseur'» ; tribunal de commerce de Nanterre, 09 mai 2014 ' B130).

Le reproche ainsi fait à M. [P], à supposer même qu'il ne soit pas prescrit, serait ainsi infondé, la société ayant eu la même politique de développement après son licenciement.

. Sur le motif 7': Gestion fautive des renouvellements des contrats de franchise'; absence de mise en place d'une procédure de renouvèlement des contrats de franchise

La société fait observer que le fort développement qu'elle a connu dans les années 2000 à 2008 a «'conduit au fait qu'un grand nombre de contrats de franchise d'une durée de cinq ans sont arrivés à échéance courant 2010'». Or, [WQ] [P] n'a pris que «'seulement partiellement'» en charge la gestion des renouvellements et ce, sans organisation particulière. «'Résultat sur les 112 contrats envoyés en janvier 2010 seuls 16 ont été retournés signés à la date du 4 mars 2010'», souligne la lettre de licenciement.

La société ajoute que «'des franchisés exercent leur contrat de franchise sans aucun contrat en cours, leur contrat étant expiré'» (souligné dans les écritures).

M. [P] réplique, notamment, que le renouvellement des contrats ne faisait pas partie de ses attributions.

Il cite à cet égard à la fois le RapportM (L35) et le Manuel de la direction des services (B13). Selon ce dernier, c'est au service fonctionnel qu'il appartenait de faire partir «'8'mois au moins avant la date d'échéance du contrat une procédure de renouvellement ».

La cour observe que, dans ce que la société considère comme des «'preuves'» de ce grief, elle invoque de nombreux courriels qui concernent en réalité, plus généralement, le mécontentement de certains franchisés (M. [ND], M. [N], par exemple'; L35 et L172) et la taille (ou la répartition) des secteurs de franchise, question déjà débattue plus haut.

La cour relève qu'aux termes du rapport de la direction des services fonctionnels (L33), au 24 février 2010, sur 112 contrats de franchise en phase de renouvellement examinés, seuls 16 peuvent être considérés comme valablement signés, tandis que «'59 franchisés sont sans réaction'» et que «'21 franchisés attendent des réponses de [WQ] [X] et/ou de [WQ] [P]'».

Ainsi, ce seraient une centaine de contrats de franchise qui poseraient difficulté, sur un total de 700 franchises, soit environ 15% du total.

Si un tel chiffre était vérifié, il en résulterait nécessairement une défaillance grave de la ou des personne(s) responsable(s) du renouvellement des franchises.

Mais, au vu des pièces produites, trois ou quatre franchisés se sont inquiétés du non-renouvellement des contrats':

. M. [U], qui s'est inquiété directement auprès de M. [P], le 1er mars 2010, de ne pas avoir de réponse aux questions qu'il a posées en octobre 2009 (L139)';

. M. [D], qui exprime sa préoccupation sur le secteur de [Localité 9]'; un franchisé n'aurait plus de contrat depuis plusieurs mois (L41)';

. M. [Q], qui indique expressément qu'il n'a «'pas encore signé le renouvellement de son contrat »'; mais, en l'espèce, c'est parce qu'il n'est pas d'accord avec la clause de 'quota minimum', qu'il estime trop élevée. De fait, au 14 octobre 2009, le contrat n'avait pas été renouvelé.

Il est d'ailleurs notable que, si la société cite un directeur de région, M. [B] (L49), ce dernier, s'il se fait l'écho du ressenti des franchisés, n'affirme en aucune manière que le renouvellement des contrats est désorganisé mais qu'une «'méfiance se manifeste lors du renouvellement du contrat'» et l'on doit comprendre que cela est lié aux zones de chalandise (point évoqué plus haut).

Au total, il pourrait être reproché à M. [P], alors qu'une grave crise avait frappé l'activité immobilière dans son ensemble, de ne pas avoir mis en place, en liaison avec les services fonctionnels, un système plus performant et plus précis de renouvellement des contrats de franchise. Mais la même remarque vaudrait pour la personne responsable des services fonctionnels, ou pour la personne responsable des affaires juridiques, aucune d'elles ne pouvant ignorer la nécessité pour Laforêt comme pour les franchisés de disposer d'un contrat en bonne et due forme, étant souligné que la régularité juridique des contrats ne relève en aucune manière de M. [P].

Dans cette perspective, et alors que la société ne démontre qu'un nombre très limité de dossiers ayant posé une difficulté, aucune faute grave ne saurait être reprochée à M.'[P].

Ce grief sera écarté.

. Sur le Motif 8': Recrutement en qualité de formateur d'un ancien employé de franchisé

Il s'agit ici de ce que la société qualifie de «'(m)anquements graves en tant que Directeur de la Formation'».

La cour relève que, alors que la lettre de licenciement fait référence à un fait unique, le recrutement en qualité de formateur d'un employé d'un des franchisés, ce qui constituerait un «'manquement à la loyauté que (la société doit) à (ses) franchisés'», la défense de la société saisit l'occasion de la discussion sur ce point pour avancer des statistiques relatives à l'activité de formation, considérant que M. [P] «'n'a strictement rien entrepris à compter de sa prise de fonctions, ni n'a rien proposé (')'».

M. [P] répond à cela qu'il n'est pas le signataire des contrats de travail de ses collaborateurs, que le reproche de ne rien avoir entrepris est nouveau, que ce n'est qu'en février 2010 que le service de la formation lui a été rattaché, qu'il a réagi dès sa prise de fonction.

La cour observe que le redéploiement des actions de formation a été organisé dès le 18 février 2010 (B134), un calendrier étant fixé, et qu'un cabinet de consultants (Arrow Consultants) avait été chargé de procéder à des recrutements de formateurs (B135).

En tout état de cause, la cour considère qu'il ne peut être sérieusement reproché à M. [P] d'avoir choisi une personne ayant déjà une expérience de terrain, en l'espère un négociateur travaillant pour l'un des franchisés du groupe, d'autant moins que la société ne démontre en aucune manière que le responsable de la franchise concernée aurait considéré que cela aurait constitué une man'uvre déloyale.

Ce grief sera donc également écarté par la cour, comme l'avait fait le premier juge.

En conclusion, la cour ne peut retenir aucun grief justifiant le licenciement pour faute grave de M. [P] et infirmera le jugement entrepris à cet égard.

Il convient dès lors d'examiner les différentes demandes formulées par M. [P].

Sur la qualité de cadre dirigeant

C'est par de justes motifs, que la cour adopte, que le premier juge, qui a notamment souligné que «'ni l'autonomie de décision dans son domaine, ni l'étendue des responsabilités, ni la liberté de gestion du temps de travail, ni même le niveau de rémunération ne sont l'apanage exclusif des cadres dirigeants ».

L'organigramme même dressé par la société dans ses conclusions (page 19) montre que M. [P] est le directeur du service 'international', au sein de la direction générale dirigée par MM. [KX] [L] et [WQ] [X].

La société ne démontre en aucune manière que, dans ce cadre, M. [P], quand bien même sa rémunération annuelle totale était élevée (190'600 euros'; L78 et paragraphe 82 des conclusions de la société), aurait «'disposé du pouvoir de participer à la politique économique, sociale et financière de la société, ni qu'il aurait disposé à cet effet d'une délégation générale de l'employeur'».

La cour confirmera le premier juge qui a décidé que M. [P] ne disposait pas du statut de cadre dirigeant.

Sur la demande en paiement de jours de RTT

Pour s'opposer à cette demande, la société se fonde exclusivement sur le statut de cadre dirigeant qu'elle prête à M. [P].

Compte tenu de ce qui précède, la cour accordera, comme le premier juge, la somme de 13'792,33'euros à M. [P] à ce titre.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

Sur le caractère vexatoire de la procédure de licenciement

La société soutient que la lettre de mise à pied peut être notifiée par lettre simple comme elle peut être remise en mains propres ou signifiée par huissier et que le «'fait qu'elle soit notifiée alors que le salarié est à son travail, voire en réunion ne change rien (...)'».

La cour considère que c'est à juste titre que le premier juge a considéré que le fait d'avoir été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement par huissier au cours d'une réunion professionnelle est vexatoire.

En effet, si, dès lors qu'elle envisageait une mesure de licenciement pour faute grave, la société devait prendre les mesures permettant de mettre à pied M. [P], elle ne justifie en aucune manière d'une urgence ni de quelque raison que ce soit de procéder par voie d'huissier, qui plus est en pleine réunion.

La cour confirmera le jugement entrepris qui a alloué à ce titre à M. [P] la somme de 14'000'euros.

Sur l'indemnité de préavis et les congés payés y afférents

M. [P] avait droit à un préavis de trois mois, dont il a été privé, soit la somme de (3x14'239,83 =) 42'719'euros, en outre la somme de 4'271,90'euros au titre des congés payés y afférents.

La cour condamnera Laforêt à payer ces sommes à M. [P].

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

Les dispositions applicables pour le calcul du montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement sont celles de l'article 33 de la convention collective nationale de l'immobilier.

Il en résulte, ce que la société ne conteste pas en tant que tel, que le dispositif légal, plus favorable, doit être appliqué à la situation de M. [P].

M. [P] avait une ancienneté de 24 ans et dix mois.

Il sollicite une indemnité d'un montant qu'il a calculé à la somme de 98'871,90'euros.

Cette demande est fondée et la cour y fera droit.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [P], rappelant qu'il avait près de 25 ans d'ancienneté dans la société au moment de son licenciement, qu'il avait quatre enfants à élever, était âgé de 43 ans, était divorcé d'une femme avec laquelle il a eu deux enfants, indique qu'il n'a pas pu retrouver de travail pendant de longs mois (ce qui fut le cas le 12 janvier 2011). Tant son épouse que son ex-épouse attestent que M. [P] a été «'blessé'», par son licenciement et les méthodes employées par la société Laforêt et l'une de ses amies le confirme.

M. [P] sollicite ainsi une somme correspondant à environ 24 mois de salaire (341'755,90'euros) ou au manque à gagner qu'il a subi (355'100'euros, un peu plus loin dans les écritures).

Compte tenu de l'ensemble des circonstances de la cause, la cour allouera à M. [F] une somme de 250'000'euros.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

La cour ordonnera le remboursement par la société Laforêt Franchise SAS aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à M. [WQ] [P] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois maximum.

Sur la demande de la société de remboursement de la CSG/CRDS

M. [P] demande la confirmation du jugement sur ce point mais la société ne demande rien et ne soumet aucun argument.

La cour confirmera le jugement entrepris sur ce point.

Sur la demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

La société Laforêt, qui succombe, sera condamnée aux dépens.

L'équité commande de condamner la société Laforêt à payer à M. [P] une indemnité d'un montant de 3 000 euros, pour l'ensemble de la procédure, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aucune considération d'équité ne conduit à condamner M. [P] à payer à Laforêt une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision contradictoire,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société Laforêt Franchise SAS à payer à M. [WQ] [P] la somme de 13'792,33'euros à titre de rappel de salaire en compensation des jours de RTT et celle de 14'000'euros à titre de dommages intérêts en réparation des circonstances vexatoires du licenciement, ainsi qu'en ce qu'il a débouté la société Laforêt Franchise SAS de sa demande relative à la CSG/CRDS sur quote-part de participation ;

Statuant à nouveau,

Dit le licenciement de M. [WQ] [P] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société à payer à M. [WQ] [P]':

. la somme 42'719'euros, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, en outre celle de de 4'271,90'euros au titre des congés payés y afférents';

. la somme de 98'871,90'euros à titre d'indemnité de licenciement';

. la somme de 250'000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

. la somme de 3'000'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne le remboursement par la société Laforêt Franchise SAS aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à M. [P] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois ;

Dit que, conformément aux dispositions de l'article R. 1235-2 du code du travail, le greffe transmettra copie du présent arrêt à la direction générale de Pôle Emploi, [Adresse 3] ;

Condamne la société Laforêt Franchise SAS aux entiers dépens';

Déboute la société Laforêt Franchise SAS de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire';

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur Jérémy Gravier, Greffier en préaffectation, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 13/03338
Date de la décision : 09/04/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°13/03338 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-09;13.03338 ?
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