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09/02/2016 | FRANCE | N°14/01898

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 09 février 2016, 14/01898


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 09 FEVRIER 2016



R.G. N° 14/01898



AFFAIRE :



[R] [F]



C/



SAS ADVENTURE LINE PRODUCTIONS







Sur le contredit formé à l'encontre d'un Jugement rendu le 04 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Activités diverses

N° RG : 12/01675



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Copies exécutoires délivrées à :



Me Jérémie ASSOUS



Me Christophe PETTITI





Copies certifiées conformes délivrées à :



[R] [F]



SAS ADVENTURE LINE PRODUCTIONS



le :

REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE N...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 FEVRIER 2016

R.G. N° 14/01898

AFFAIRE :

[R] [F]

C/

SAS ADVENTURE LINE PRODUCTIONS

Sur le contredit formé à l'encontre d'un Jugement rendu le 04 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Activités diverses

N° RG : 12/01675

Copies exécutoires délivrées à :

Me Jérémie ASSOUS

Me Christophe PETTITI

Copies certifiées conformes délivrées à :

[R] [F]

SAS ADVENTURE LINE PRODUCTIONS

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE NEUF FEVRIER DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [R] [F]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Jérémie ASSOUS, avocat au barreau de PARIS

DEMANDEUR AU CONTREDIT

****************

SAS ADVENTURE LINE PRODUCTIONS

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Christophe PETTITI, avocat au barreau de PARIS

DEFENDERESSE AU CONTREDIT

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Novembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BEZIO, président, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé de :

Madame Catherine BÉZIO, président

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jérémy GRAVIER,

FAITS ET PROCEDURE

Statuant sur le contredit formé par M. [R] [F] à l'encontre du jugement en date du 4 mars 2014 par lequel le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a dit que les conventions conclues entre M. [F] et la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS ne sont pas constitutives d'une relation de travail et que le litige relatif à ces conventions ne relève pas de sa compétence -le conseil renvoyant en conséquence l'affaire devant le tribunal de grande instance de Paris ;

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 23 novembre 2015 par M. [F] qui prie la cour d'accueillir son contredit, en jugeant que ses relations contractuelles avec la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS procèdent d'un contrat de travail et, statuant au fond, après évocation, de condamner la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS au paiement des sommes suivantes :

- 13 283,50 € à titre de rappel de salaire, outre 1328,35 € de congés payés afférents

- 13 815,04 € à titre d' heures supplémentaires , outre 1381,50 €de congés payés afférents

- 7369,01 € à titre de repos compensateur, outre 737,90 € de congés payés afférents

- 19 872,26 €, correspondant à un mois de salaire, au titre de l'inobservation de la procédure de licenciement

- 19 872,26 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 6119,02 € d'indemnité de préavis et 611,90 € de congés payés afférents

- 119 233,56 € d'indemnité pour travail dissimulé

avec allocation, en tout état de cause, de la somme de 10 000 €, à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant du non respect des durées maximales de travail, temps de repos, liberté d'aller et venir et droit à l'image ainsi que de la vie privée, et remise, sous astreinte, d'un certificat de travail et d'un bulletin de paye conformes -outre 2000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les écritures développées à la barre par la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS tendant au rejet du contredit, avec condamnation de M. [F] au paiement de la somme de 1000 € de dommages et intérêts et 1000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et dans l'hypothèse d'une requalification, par la cour, des relations contractuelles, en contrat de travail, à réduire, au fond, les prétentions de M. [F] sur la base de deux heures de travail par jour et un taux horaire de 9,90 €, avec condamnation de ce dernier à rembourser la somme de 1500 € avec compensation des sommes dues réciproquement ;

SUR CE LA COUR

Considérant qu'il résulte des pièces et écritures des parties que la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS, productrice de plusieurs émissions de « téléréalité » diffusées sur la chaîne de télévision TF1, dont « KOH LANTA », a produit en 2010 une nouvelle série télévisée, « FAMILLES D'EXPLORATEURS », diffusée en 2011 sur TF1, à raison de neuf épisodes, réalisés en Australie dans [Adresse 2], le dixième et dernier se déroulant en « plateau » ; que cette émission met en concours cinq familles, chacune constituée de quatre membres (et trois générations) ;

Que le thème de cette émission consiste à opposer, entre elles, à l'occasion de diverses épreuves filmées, cinq familles, réunies dans un campement en pleine nature pendant trente jours environ - tout au long du séjour, les participants à l'émission votent pour l'exclusion de certains membres et à l'issue de la dernière épreuve, la famille arrivée en tête, gagne 20 000 €, tandis que la somme de 70 000 €, - outre le montant d'une cagnotte constituée tout au long de l'émission- est allouée à la famille qui, lors de la dixième émission, réalisée sur le plateau, est « plébiscitée » par les téléspectateurs ;

Que quatre membres de la famille [F], [R], [O], [H] et [D], ont pris part à cette émission que la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS qualifie de « jeu » ; qu'ils n'ont pas « gagné », alors que la famille gagnante a perçu la somme de 150 000 € ;

Qu'ils ont saisi le conseil de prud'hommes le 15 juin 2011 afin de voir juger que leur participation à l'émission litigieuse relevait juridiquement de la définition du contrat de travail et d'obtenir, en conséquence, la condamnation de la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS à leur verser les diverses sommes que celle-ci leur devait par application des dispositions du code du travail relatives, notamment, à la durée du temps de travail et à la rupture du contrat à durée indéterminée ;

Que par le jugement présentement frappé de contredit, le conseil s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance, au motif que les relations contractuelles entre les parties ne pouvaient recevoir la qualification de contrat de travail, requise ;

Considérant qu'il n'est pas discuté que M. [F], comme chacun des participants à l'émission « FAMILLES D'EXPLORATEURS », a signé quatre conventions avec la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS :

- la première, commune à l'intéressé et aux trois autres membres de sa famille, intitulée  Règles de participation au jeu « Familles d'explorateurs », qui comporte « les conditions de participation des concurrents » et les règles du « jeu » ;

- la deuxième, ou « engagement de confidentialité », par laquelle, chaque membre s'oblige à ne rien révéler, jusqu'à l'issue du dernier épisode de la série, touchant à la préparation et au déroulement de l'émission, et ce, pour « favoriser le programme et provoquer le surprise des téléspectateurs » : à titre de motivation et d'incitation, la famille reçoit la somme de 6000 €, soit 1500 € par membre, si la confidentialité, ainsi, a été respectée ;

- la troisième convention, « cession des attributs de la personnalité », a trait à la cession par chaque participant, des droits dont il dispose sur son image, sa voix, son nom, aux fins d'exploitations télévisuelles ou audiovisuelles, publicitaires ou photographiques -le participant reçoit 1000 € au titre de cette cession, outre 500 € au titre spécialement de la dernière émission ;

- enfin la dernière convention est un contrat à durée déterminée d'usage régissant la participation de M. [F] au générique de l'émission- le tournage et l'enregistrement de celui-ci est prévu le 5 février 2011, le participant étant rémunéré à raison de 9 € de l'heure, sur la base du SMIC ;

Considérant que le conseil de prud'hommes a jugé dans la décision, présentement soumise à contredit, que ces diverses conventions, et notamment celle relative aux « règles de participation au jeu » n'emportaient aucun lien de subordination, susceptible de justifier leur requalification en contrat de travail -se différenciant en cela des précédentes émissions produites par la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS, dont, celle de KOH LANTA systématiquement citée par M. [F] ;

Considérant qu'au soutien de son contredit M. [F] s'efforce de démontrer que le contrat conclu avec la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS ne correspondait pas aux notions de jeu, ni de documentaire et se rapportait en revanche à une 'uvre de fiction ;

Mais considérant que ces analyses ne démontrent pas pour autant la réalité d'un contrat de travail entre les parties ;

Considérant que s'agissant du contrat de travail celui-ci se définit concrètement par la mise à disposition que le salarié fait, de sa force (physique ou intellectuelle) et de son temps, au profit de l'employeur -acceptant, en définitive, de soumettre sa liberté aux pouvoirs et instructions de ce dernier ;

Or considérant qu'en fait, les parties sont en totale contradiction, M. [F] exposant qu'il devait faire preuve d'activité durant 18 heures, chaque jour - les caméras opérant 24 heures sur 24 - alors que la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS ne fait état que de deux heures par jour ; que ces contradictions persistent quant au contenu du tournage effectué, M. [F] soutenant, contrairement à la société, que les scènes filmées auxquelles il participait étaient préparées et répétées sous la direction de la production ;

Mais considérant que M. [F] ne produit aucune pièce probante au soutien de ses assertions et se borne à citer les témoignages de participants à une autre émission, KOH LANTA, pour établir les conditions de travail qui lui auraient été prétendument imposées lors du tournage de « FAMILLES D'EXPLORATEURS » ;

Et considérant que comme l'ont exactement relevé les premiers juges, le document contractuel signé par M. [F] avec la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS, intitulé « règles de participation au jeu « Familles d'explorateurs », ne traduit nullement, comme il l'énonce, « la détermination de ses tâches par la société de production » et « le pouvoir de contrôle et de sanction de celle-ci » à son égard ;

Qu'aucune disposition du contrat ne traduit l'assujettissement du participant à d'autres règles que celles relatives à l'organisation de ce que la société intimée qualifie de « jeu » ; que les règles instituées à l'article 3.3.2 n'ont d'autre objet que la santé, la sécurité et la préservation du site ;

Que, de plus, M. [F] se prévaut vainement des « règles imposées sur le lieu du tournage » qui, selon lui, auraient démontré la subordination qui était la sienne (répétitions, mise en scène, « interviews interminables ») ; qu'en effet, aucune pièce décrivant ainsi la réalité du tournage de « FAMILLES D'EXPLORATEURS » n'est produite et les seuls documents versés aux débats par le demandeur au contredit ont trait, une fois encore, à la série KOH LANTA ;

Que tout aussi vainement, le demandeur invoque un prétendu pouvoir de sanction de la société à son égard, en citant l'article 3.3.2 du « règlement », alors que ce texte - contrairement à ce que conclut M. [F] - ne lui fait pas interdiction d'entrer en relation avec ses proches et lui prescrit seulement de ne pas « s'éloigner des périmètres définis par l'organisateur, sans son accord, et ce pour des raisons de sécurité ou de réglementation locale des sites » ;

Qu'aucun pouvoir de contrôle ne s'induit d'une telle directive, guidée par des considérations de sécurité dont l'organisateur, au premier chef, est garant ; qu'en cette qualité d'organisateur du « jeu » la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS a également qualité pour exercer les pouvoirs de sanction à l'encontre des participants méconnaissant le règlement et aucune conséquence ne saurait être tirée, de l'exercice de ce pouvoir, sur la requalification requise par le demandeur ;

Considérant que dans ces conditions, la participation de M. [F] au tournage de l'émission « FAMILLES D'EXPLORATEURS » apparaît n'avoir consisté qu'en un concours de l'intéressé et sa famille, contre d'autres participants, destiné à être télédiffusé ; qu'en tout cas, M. [F] ne démontre nullement que les scènes filmées et diffusées aient eu un autre objet ;

Considérant que c'est, en conséquence, par une juste analyse que la cour fait sienne, que les premiers juges ont conclu à l'absence de contrat de travail et à l'incompétence du conseil de prud'hommes - la cour rappelant que lorsque M. [F] a fourni à la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS pour l'élaboration du générique, une participation faisant strictement appel à sa personne et emportant sa mise à disposition, en temps et lieu, auprès de la société, celle-ci lui a fait signer un contrat de travail à durée déterminée ; que ces différences de participation et de contrat justifient que le contrat de « jeu » demeure, lui, exclu de la qualification de contrat de travail ; qu'il reviendra au tribunal de grande instance de déterminer si cette qualification de « jeu » est juridiquement conforme ;

Considérant que le contredit sera donc rejeté comme dit ci-après ;

Considérant que la situation des parties justifie que la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS conserve à sa charge ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition et en dernier ressort,

Rejette le contredit ;

Dit en conséquence que le greffe de cette chambre transmettra le dossier de l'affaire au greffe du tribunal de grande instance de Paris avec une copie du présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Met les frais du contredit à la charge de M. [F].

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 14/01898
Date de la décision : 09/02/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°14/01898 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-09;14.01898 ?
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