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18/04/2019 | FRANCE | N°18/00931

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 18 avril 2019, 18/00931


COUR D'APPEL


DE


VERSAILLES








Code nac : 80A





6e chambre











ARRÊT N° 128





CONTRADICTOIRE





DU 18 AVRIL 2019





N° RG 18/00931





N° Portalis : DBV3-V-B7C-SFBZ











AFFAIRE :





SA AXA ASSISTANCE INC





C/





H... S...





SA JURIDICA








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Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21Novembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de SAINT-GERMAIN-EN- LAYE


N° Section : Encadrement


N° RG : 16/00374











Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 19 Avril 2019 à :


- Me Caroline CANAVÈSE


- Me Isabelle TARAUD


- Me Sophie MALTET


RÉPUBL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N° 128

CONTRADICTOIRE

DU 18 AVRIL 2019

N° RG 18/00931

N° Portalis : DBV3-V-B7C-SFBZ

AFFAIRE :

SA AXA ASSISTANCE INC

C/

H... S...

SA JURIDICA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21Novembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de SAINT-GERMAIN-EN- LAYE

N° Section : Encadrement

N° RG : 16/00374

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 19 Avril 2019 à :

- Me Caroline CANAVÈSE

- Me Isabelle TARAUD

- Me Sophie MALTET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 14 mars 2019 puis prorogé au 18 avril 2019, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

La SA AXA ASSISTANCE CANADA INC

[...] )

Représentée par Me Alicia PHILIBIN-KAYSER substituant Me Caroline CANAVÈSE de la SELEURL CANAVESE Avocat, constituée/plaidant, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : E 0880

APPELANTE

****************

Monsieur H... S...

né le [...] à Châtellerault (86100)

de nationalité Française

[...]

Représenté par Me Isabelle TARAUD, constituée/plaidant, avocate au barreau du VAL-DE-MARNE

INTIMÉ

****************

La SA JURIDICA

N° SIRET : 572 079 150

[...]

Représentée par Me Sophie MALTET de l'ASSOCIATION PERELSTEIN ZERBIB MALTET, constituée/plaidant, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : R062

PARTIE INTERVENANTE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Janvier 2019, Madame, Valérie DE LARMINAT, conseiller, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Rappel des faits constants

M. H... S..., né le [...] , de nationalité française, a conclu le 1er octobre 2009 un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chargé d'assistance technique avec la société de droit canadien Axa Assistance Canada Inc.

Ses fonctions consistaient principalement à répondre aux appels des clients « Juridica/Axa Protection Juridica » et à gérer les dossiers en fournissant aux assurés des informations juridiques sur tous les domaines du droit. Il travaillait au siège social de la société à Montréal au Canada. Sa rémunération était fixée à 26,66 dollars canadiens de l'heure, avec répartition des heures de travail selon une amplitude horaire de 8h30 à 17h, du lundi au samedi, en fonction du planning.

Le 12 mars 2015, la société Axa Assistance Canada Inc a licencié M. S... pour avoir refusé de remplir un formulaire de « délégation de pouvoir » rendu obligatoire, selon l'employeur, par la réglementation canadienne.

Le 19 juin 2015, M. S..., avec trois autres salariés, a saisi la section encadrement du conseil des prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye. Il a mis en cause devant cette juridiction la société Axa Assistance Canada Inc ainsi que la SA Juridica, aux fins de voir appliquer le droit français à cette relation de travail, de voir reconnaître la compétence du juge français, de voir constater l'existence d'une situation de co-emploi, d'un prêt de main-d''uvre illicite et d'un délit de marchandage, de voir dire la rupture du contrat de travail illégale et dépourvue de cause réelle et sérieuse.

L'affaire a été radiée le 5 septembre 2016 pour défaut de diligences du demandeur, puis réinscrite au rôle le 13 octobre 2016.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 21 novembre 2017, la formation de départage du conseil des prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye s'est dit compétente pour connaître du litige, a dit que la loi applicable au litige était le droit français et a renvoyé l'examen de l'affaire au fond.

Le conseil des prud'hommes a essentiellement retenu, sur la compétence, que le contrat de travail litigieux ne comportait pas de clause d'attribution de compétence et qu'aucune règle de droit international ne faisait obstacle à l'application de l'article 14 du code civil. S'agissant de la loi applicable, il a retenu, en application de la législation européenne applicable, que les liens les plus étroits du contrat de travail litigieux l'ont été avec la France, ce qui commande l'application du droit français.

La procédure d'appel

La société Axa Assistance Canada Inc a interjeté appel du jugement par déclaration n° 18-00931 du 7 février 2018.

La société Axa Assistance Canada Inc sollicitait l'infirmation du jugement rendu en ce qu'il a :

- dit le Conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye compétent pour connaître de l'entier litige entre M. S..., la SA Juridica et la société Axa Assistance Canada Inc,

- dit que la loi applicable au présent litige est le droit français.

Par ordonnance du 20 mars 2018, la cour d'appel de Versailles a autorisé la société à assigner à jour fixe les parties défenderesses.

L'arrêt rendu le 27 septembre 2018

Par arrêt en date du 27 septembre 2018, cette cour a :

- rejeté l'appel compétence de la société Axa Assistance Canada Inc,

- confirmé le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a renvoyé l'affaire au fond devant le bureau de jugement,

- évoqué,

- dit que le contrat de travail était régi par le droit français,

- ordonné, avant dire droit, aux sociétés Juridica et Axa Assistance Canada Inc de verser aux débats l'ensemble des contrats conclus entre ces deux sociétés, ainsi que toutes pièces relatives à la mise en place à partir de 2010, à l'exécution, au financement et à la cessation en 2017, des prestations assurées depuis Montréal auprès des clients français de la SA Juridica.

Prétentions de la société Axa Assistance Canada Inc, appelante

Par conclusions adressées par voie électronique le 4 janvier 2019, la société Axa Assistance Canada Inc demande à la cour d'appel de dire et juger qu'elle était l'employeur exclusif de M. S... et donc de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

L'appelante sollicite en outre la condamnation de M. S... aux entiers dépens d'instance et à lui verser une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prétentions de M. S..., intimé

Par conclusions adressées par voie électronique le 1er décembre 2018, M. S... demande à la cour d'appel ce qui suit :

- dire et juger que la SA Juridica a la qualité d'employeur à son égard et que la relation de travail avec la société Axa Assistance Canada Inc se doublait d'un lien de co-emploi avec la SA Juridica,

- dire et juger que les sociétés Juridica et Axa Assistance Canada Inc sont responsables solidairement d'un prêt de main-d''uvre illicite et d'un délit de marchandage, et que la situation ainsi créée constitue également un travail dissimulé,

- dire et juger que la situation d'emploi ainsi créée constituait une fraude aux droits de M.S... tant à l'égard de la privation de ses droits découlant de la loi française que de ceux découlant du statut conventionnel et des autres avantages liés à l'appartenance aux effectifs de la SA Juridica,

- dire et juger que la rupture de la relation de travail intervenue le 12 mars 2015 est illégale et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, condamner solidairement les sociétés Juridica et Axa Assistance Canada Inc à lui verser les sommes suivantes :

' 14 368 euros à titre de rappel de prime de vacances et de treizième mois,

' 6 748 euros à titre de rappel d'indemnité de congés payés,

' 16 800 euros à titre de rappel de primes d'intéressement et de participation,

' 37 488 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant de la privation de la couverture des régimes de retraite complémentaires français des cadres,

' 19 158 euros à titre d'indemnité prévue à l'article L. 8223-1 du code du travail,

' 10 776 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 1 077 euros au titre des congés payés afférents,

' 7 759 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

' 36 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 24 000 euros à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice spécifique découlant de la privation de l'indemnisation par l'assurance chômage française.

M. S... sollicite la condamnation solidaire des sociétés Juridica et Axa Assistance Canada Inc à lui verser une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prétentions de la SA Juridica, intimée

Par conclusions adressées par voie électronique le 28 décembre 2018, la SA Juridica demande à la courd'appel de débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes présentées à son encontre et sollicite la condamnation de M. S... à lui verser une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions respectives, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. S... demande que soit reconnue à son égard une situation de co-emploi entre la société Axa Assistance Canada Inc et la SA Juridica. Il en tire des conséquences sur le terrain de l'exécution du contrat de travail et de sa rupture en formulant différentes demandes financières à ce titre. Il entend également voir reconnaître l'existence d'un prêt de main d''uvre illicite, d'un délit de marchandage et d'un délit de travail dissimulé. Il convient dans un premier temps d'examiner la demande relative à la reconnaissance d'une situation de co-emploi dans la mesure où celle-ci commande la réponse à apporter à toutes les autres demandes.

Sur le co-emploi

M. S..., comme les trois autres salariés, soutient que la SA Juridica et la société Axa Assistance Canada Inc avaient la qualité de co-employeurs, puisqu'un rapport de subordination existait avec chacuned'elle.

Il expose que cette situation de co-emploi s'explique par le contrat de prestation de services qui a étéconclu entre les deux filiales, pour les besoins de l'activité de l'une, dans le cadre de ce qu'elles ontappelé « une entente », ayant pour objectif d'optimiser les horaires d'ouverture des services d'assistance téléphonique de la SA Juridica en tirant parti des fuseaux horaires décalés.

M. S... souligne que son contrat de travail officiel a été conclu par la filiale canadienne Axa Assistance Canada Inc mais qu'il résulte des conditions de fait dans lesquelles a été exercée son activitéqu'il existait une relation de travail avec la SA Juridica.

Ainsi, il allègue qu'il travaillait dans le prolongement de l'équipe française de Juridica, à l'identique et en parfaite coopération. Comme elle, il répondait aux questions juridiques des clients par téléphone et par courriel, contactait des clients qui n'avaient pas pu joindre un service et demandaient à être rappelés, effectuait des recherches juridiques et rédigeait des fiches pratiques.

Le salarié explique que ces missions s'effectuaient au sein d'une équipe constituée et managée par Juridica, dont les membres avaient prioritairement été recrutés parmi les actuels et anciens salariés de l'entreprise. Certains de ces salariés étaient chargés d'encadrer l'équipe et de communiquer les consignes reçues de France aux juristes travaillant au Canada. Un manager en France envoyait quotidiennement les différentes directives à suivre à l'équipe canadienne. Le but était d'harmoniser totalement les méthodes de travail et les procédures afin que les clients ne perçoivent pas de différences.

Il fait encore valoir que l'activité des différents juristes, en France ou au Canada, était donc la même, coordonnée depuis la France. Le travail était conjoint et les salariés au Canada bénéficiaient des mêmes outils afin de réaliser leurs tâches. Pour recevoir les appels de clients français, un mécanisme de transfert avait été mis en place. Les salariés avaient accès à l'intranet de Juridica et étaient rattachés à ses coordonnées en France ainsi qu'à son réseau pour les courriels. Ils bénéficiaient également des formations juridiques dispensées en France.

Le salarié relève également que les missions réalisées depuis le Canada étaient contrôlées par la SA Juridica, étant réalisées à son profit et sous sa responsabilité. Des remontrances pouvaient être adressées directement par un responsable français, sans même passer par le chef d'équipe au Canada. Les entretiens individuels d'évaluation étaient également réalisés au regard des chartes et critères dequalité de Juridica et des objectifs qu'elle fixait. Les indicateurs servant à la fixation des primes étaient ceux communiqués par Juridica. La société Axa Assistance Canada Inc n'a jamais fixé d'objectifs, donné demissions ou évalué les salariés.

La société Axa Assistance Canada Inc soutient que les deux sociétés sont parfaitement autonomes et indépendantes. Elle souligne qu'elle a été fondée préalablement au partenariat avec la SA Juridica etrelève qu'il n'y a aucune confusion relative aux dirigeants des deux structures.

Elle allègue qu'elle était le seul employeur du demandeur, aucun lien de subordination n'existant entre la SA Juridica et le salarié, à l'égard duquel elle était seule compétente pour intervenir. Elle fait valoir que la SA Juridica n'est jamais intervenue dans le processus d'embauche ou dans la détermination des conditions de travail. En effet, c'était elle qui encadrait les directives, contrôlait le respect de l'horaire de travail, assurait les formations, versait la rémunération, disposait du pouvoir de sanction. S'agissant des outils de travail nécessaires à l'accomplissement de la mission des salariés, elle soutient que lesplate-formes en ligne et les logiciels étaient communs à l'ensemble des entités du groupe mais quec'estelle qui fournissait tous les autres moyens matériels nécessaires comme les ordinateurs, les formations ou l'assistance Ressources Humaines.

La SA Juridica soutient que les salariés n'ont jamais été liés à elle par un quelconque lien juridique. Elle allègue que leur embauche s'est faite sans aucune intervention de sa part et que c'est la société Axa Assistance Canada Inc qui a seule déterminé les modalités des contrats de travail et les conditions detravail.

Sur ce,

Une situation de co-emploi entre deux sociétés appartenant à un même groupe se caractérise par une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de la deuxième société. La réunion des trois éléments de confusion, intérêts, activités et direction, est donc nécessaire pour qu'une situation de co-emploi soit reconnue. Il en est ainsi, lorsqu'il existe dans un groupe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion de l'une des sociétés dans la gestion économique et sociale de l'autre.

M. S... entend cependant se placer, non pas sur le terrain de cette conception du co-emploi, maissurle fondement d'une conception classique, lorsque, dans le cadre d'un même contrat de travail, le salarié est dans un rapport de subordination avec plusieurs employeurs.

Il indique en effet, page 7 de ses conclusions : « C'est dans cette hypothèse juridique d'employeurs exerçant conjointement un rapport de subordination sur un même salarié que le co-emploi existant dansce litige doit être constaté. Même si ce rapport d'employeur conjoint s'exerce, dans le cas présent, dans le contexte d'un groupe, les salariés concluants n'ont jamais entendu se placer sur le terrain de la seconde hypothèse, qui a donné lieu à plusieurs décisions de justice retentissantes et à des évolutions restrictives de la jurisprudence. »

En application de l'article L. 1221-1 du code du travail, le critère déterminant du contrat de travail est l'existence d'un lien de subordination juridique. Un salarié est en principe lié à un seul employeur. Ilyaco-emploi lorsque le salarié fait reconnaître l'existence d'un lien de subordination avec une société qui n'est pas partie à son contrat de travail.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur quiale pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Il incombe à celui qui l'invoque, au cas d'espèce M. S..., de prouver le co-emploi.

Dans la mesure où ce sont les circonstances de fait qui déterminent l'existence d'une situation de dépendance dans l'exercice du travail, il convient de procéder à une analyse de la réalité de la situation qui est présentée.

Le salarié produit de très nombreuses pièces à l'appui de sa prétention, dont il ressort les constatations suivantes.

Les équipes française et canadienne avaient les mêmes missions et travaillaient sur des dossiers communs. Des échanges quotidiens, illustrés par de nombreux échanges de courriels, permettaient lesaffectations de dossiers, leur suivi et leur clôture sous la supervision de Juridica. A travers un exemple, il est illustré le fait que les responsables français contrôlaient le bon traitement des dossiers et ils signalaient les éventuelles anomalies au responsable canadien pour qu'il assure les corrections nécessaires.

L'équipe canadienne bénéficiait, comme l'équipe française, de certaines prérogatives comme une habilitation financière pour faire des chèques de règlements aux assurés, avait accès à l'intranet de Juridica, bénéficiait de l'accès aux ressources juridiques de Juridica et plus globalement des moyens informatiques et téléphoniques de Juridica. Elle était destinataire des objectifs et des consignes stratégiques de l'ensemble des collaborateurs d'Axa Protection Juridique. Elle était pleinement intégrée dans la communauté de travail de Juridica.

L'équipe française était amenée à donner des consignes à l'équipe canadienne concernant le traitement des dossiers, qu'il s'agisse des nouvelles offres commerciales à proposer aux clients, des choix des huissiers ou des avocats partenaires de Juridica, de la politique de règlement, des conseils à donner aux clients, des procédures d'intervention dans les dossiers, du traitement des dossiers en expertise. Il est établi par une note (celle de Mme D...) qu'il existait une volonté d'harmoniser totalement les méthodes de travail. Dans ce même esprit, il est établi que les collaborateurs de Montréal ont été sollicités par la France pour rédiger des fiches pratiques à partir de modèles fournis par la France, qui ont ensuite servi de base aux conseils juridiques de l'ensemble des juristes Juridica.

Dans ce contexte de collaboration étroite entre les équipes française et canadienne, d'ailleurs concrétisée par des accords écrits, il n'apparaît pas incohérent que l'organisation du travail en France ait des incidences sur le travail de l'équipe de Montréal, ni que Mme R... E..., qui était la responsable de l'équipe canadienne partage les instructions reçues de France.

L'organigramme de Juridica en date du 25 février 2015 (pièce C5) produit par le salarié, établi semble-t-il par lui-même mais non contesté par les deux sociétés, s'il met en évidence que l'équipe canadienne était intégrée à l'équipe française, ne démontre pas pour autant qu'il existait un lien hiérarchique entre M. I... A... et le salarié.

M. S..., qui soutient qu'il pouvait recevoir des « remontrances » directement d'un responsable français, produit à l'appui de son allégation, un échange de courriels (pièce C 10) qui ne fait état qued'une demande d'information faite dans le cadre du suivi d'un dossier. Il est écrit : « Suite à mon entretien téléphonique, le client attend le courriel que tu devais semble-t-il lui envoyer ». Cet échange, qui ne concerne pas directement M. S..., n'est cependant pas de nature à caractériser l'exercice dupouvoir de direction à l'égard du salarié.

Il en est de même à propos de la pièce C 11 : « Bonjour Myriam, nous avons été relancés par la France car la cliente n'avait pas été contactée comme prévu (') Je te demande d'être vigilante concernant le délai de traitement des rappels planifiés. »

M. S..., qui soutient aussi que les entretiens individuels d'évaluation étaient réalisés au regard des chartes et critères de qualité de Juridica et des objectifs qu'elle fixait, ne produit pas les comptes rendus de ses propres entretiens d'évaluation, de sorte que l'on ne peut pas vérifier ses allégations en ce qui le concerne. En toute hypothèse, seule une évaluation assurée directement par la SA Juridica serait de nature à établir l'existence d'un lien de subordination et non une simple référence à une charte ou à descritères ou des objectifs d'une autre entreprise.

L'étude de l'ensemble de ces pièces démontre qu'il existait certes un lien organisationnel fort entre les deux structures, mais cet examen ne permet pas de caractériser un lien de subordination entre le salarié et la SA Juridica.

La démonstration, de portée générale et ne concernant pas M. S... en particulier, ne permet pas d'établir que le pouvoir de direction ou le pouvoir disciplinaire était exercé par la SA Juridica.

M. S... ne caractérise dès lors pas le lien de subordination qui l'aurait lié à la SA Juridica.

Il ne démontre donc pas de situation de co-emploi.

N'étant pas salarié de la SA Juridica et ne formant aucune réclamation au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail suivies par la société Axa Assistance Canada Inc, il s'ensuit le rejet de l'ensemble des demandes subséquentes de M. S..., c'est-à-dire les demandes financières à titre de rappels de prime de vacances et de treizième mois, de rappels d'indemnités de congés payés, de rappels de primes d'intéressement et de participation, de dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant de la privation de couverture des régimes retraite complémentaires français des cadres, à titre d'indemnité de préavis et des congés payés afférents, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice spécifique découlant de l'indemnisation par l'assurance chômage française et les demandes tendant à voir reconnaître l'existence d'une prêt de main d''uvre illicite, un délit de marchandage et une situation de travail dissimulé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, M. S... supportera les entiers dépens.

Pour des considérations tirées de l'équité, la demande de la société Axa Assistance Canada Inc et cellede la SA Juridica présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye le 21 novembre 2017,

Vu l'arrêt rendu par la 6e chambre de la cour d'appel de Versailles le 27 septembre 2018,

DÉBOUTE M. H... S... de sa demande tendant à voir reconnaître à son égard une situation deco-emploi entre la société Axa Assistance Canada Inc et la SA Juridica et le déboute de l'ensemble de ses demandes subséquentes ;

REJETTE la demande présentée par la société Axa Assistance Canada Inc et celle présentée par laSAJuridica en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. H... S... au paiement des entiers dépens ;

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant étépréalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du codedeprocédure civile, et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, en remplacementde Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, légitimement empêché, et par MonsieurNicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistratsignataire.

Le GREFFIER, P /Le PRÉSIDENT empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 18/00931
Date de la décision : 18/04/2019

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles 06


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-18;18.00931 ?
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