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16/02/2023 | FRANCE | N°20/02548

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 16 février 2023, 20/02548


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 FEVRIER 2023



N° RG 20/02548

N° Portalis : DBV3-V-B7E-UE2B



AFFAIRE :



[H] [I]



C/



ASSOCIATION ORGANISME DE GESTION DE L'ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE DE L'ECOLE [5] devenue ASSOCIATION PENSIONNAT [5],









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes

- Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : AD

N° RG : 17/00941



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Hugues DAUCHEZ



Me Benoît SEVILLIA de la SCP DROUOT AVOCATS



Expédition numérique délivr...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 FEVRIER 2023

N° RG 20/02548

N° Portalis : DBV3-V-B7E-UE2B

AFFAIRE :

[H] [I]

C/

ASSOCIATION ORGANISME DE GESTION DE L'ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE DE L'ECOLE [5] devenue ASSOCIATION PENSIONNAT [5],

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : AD

N° RG : 17/00941

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Hugues DAUCHEZ

Me Benoît SEVILLIA de la SCP DROUOT AVOCATS

Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [H] [W] épouse [I]

née le 23 Mars 1968 à [Localité 4] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Hugues DAUCHEZ, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 654 substitué par Me Elise VAN BENEDEN, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

ASSOCIATION ORGANISME DE GESTION DE L'ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE DE L'ECOLE [5] devenue ASSOCIATION PENSIONNAT [5],

N° SIRET : 785 134 933

Pensionnat [5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Benoît SEVILLIA de la SCP DROUOT AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Madame Régine CAPRA, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Juliette DUPONT,

Par contrat de travail à durée indéterminée du 9 septembre 2010, Madame [H] [I] a été engagée par l'association Organisme de gestion de l'enseignement catholique de l'école [5] de [Localité 2] à compter du 1er septembre 2010, en qualité de surveillante et de personnel de service à temps partiel. La convention collective applicable est celle de l'enseignement privé.

A compter du mois de juillet 2014, la salariée a ressenti une gêne au poignet droit. Cette affection a été prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la législation relative aux maladies professionnelles. Le 22 septembre 2014, le médecin du travail l'a déclarée apte à reprendre son poste mais avec des réserves s'agissant de la manière d'exercer ses fonctions. En janvier 2015, la salariée a subi une opération du poignet suivie d'un arrêt maladie du 12 janvier 2015 au 17 juin 2015. Le 22 juin 2015, dans le cadre de la visite de reprise, le médecin du travail a rendu un avis d'aptitude assorti de réserves. La salariée a de nouveau été placée en arrêt maladie du 28 septembre 2015 au 1er novembre 2015. Le 16 novembre 2015, le médecin du travail l'a déclarée apte à reprendre ses fonctions dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique à compter du 3 décembre 2015. A compter du 3 mars 2016, la salariée à une nouvelle fois fait l'objet d'un arrêt maladie. A l'issue d'une première visite de reprise qui s'est tenue le 5 septembre 2016, la médecine du travail l'a temporairement déclarée inapte. Une seconde visite médicale a eu lieu le 20 septembre 2016, à l'occasion de laquelle la salariée a été déclarée inapte à reprendre son poste de travail.

Par courrier du 21 octobre 2016, la salariée a été convoquée à un entretien préalable puis licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 8 novembre 2016.

Par requête reçue au greffe le 21 novembre 2017, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles afin de voir reconnaître la nullité de son licenciement en raison d'un harcèlement moral et d'obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 27 janvier 2020, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Versailles a :

- dit et jugé que le licenciement de Madame [I] était fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté Madame [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- laissé les entiers dépens à chacune des parties,

- débouté l'OGEC de l'école [5] de sa demande reconventionnelle.

Par déclaration au greffe du 13 novembre 2020, la salariée a interjeté appel de cette décision.

Une ordonnance d'incident du 10 février 2022 a déclaré l'appel recevable.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 14 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la salariée demande à la cour de :

- juger recevables et bien fondées les demandes de Madame [I] et en conséquence ;

- juger que Madame [I] a été victime de harcèlement moral ;

infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles du 27 janvier 2020 en ce qu'il :

- dit et jugé que le licenciement de Madame [I] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- déboute Madame [S] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions

statuer à nouveau et :

- juger que le licenciement de Madame [I] a été victime de harcèlement moral ;

- juger que le licenciement de Madame [I] constitue un licenciement nul ;

- condamner l'association déclarée Pensionnat [5] aux sommes suivantes :

*2 816,50 euros nets à titre de dommages et intérêts pour privation des congés payés ;

*1 172,30 euros bruts à titre de rappel de salaire pendant les arrêts maladie durant l'année 2015

*635,72 euros bruts à titre de rappel de salaire pendant les arrêts maladie durant l'année 2016

*30 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi ;

subsidiairement, 20 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation de l'employeur de son obligation de sécurité ;

*70 000 euros nets en réparation du préjudice financier engendré par le licenciement nul ;

*10 000 euros nets en réparation du licenciement abusif ;

*3 000 euros nets sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'association déclarée Pensionnat [5] à remettre à Madame [I] :

des bulletins de salaires rectifiés ;

une attestation Pôle emploi rectifiée ;

un certificat de travail ;

le tout, conforme et rectifié au vu de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte.

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil ;

- fixer la moyenne des trois derniers salaires de Madame [I] à 1 126,60 euros ;

- condamner l'association déclarée Pensionnat [5] aux entiers dépens, y compris les frais d'exécution éventuels.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 22 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, l'association demande à la cour de :

confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

- dit et jugé que le licenciement de Madame [I] était fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouté Madame [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

- laissé les entiers dépens à chacune des parties ;

- débouté l'OGEC de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

et, statuant à nouveau, de :

- condamner Madame [H] [I] à verser à l'OGEC [5] de [Localité 2] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de même qu'aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 5 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les rappels de salaire :

La salariée soutient que l'employeur lui doit, d'une part, des rappels de salaire au cours de ses arrêts de travail des années 2015 et 2016 en vertu de textes conventionnels, d'autre part, de la prévoyance en se fondant sur le contenu d'une lettre de l'organisme assureur en date du 18 juillet 2017 qui évoque un 'dossier arrêt de travail' au 12 janvier 2015 instruit dans ses services et qui affirme : 'Contractuellement, les prestations sont versées directement à votre employeur qui doit les reverser par le biais de votre bulletin de salaire'.

Pour s'opposer à cette demande et aux calculs de la salariée, l'employeur fournit ses propres calculs desquels il déduit l'absence de rappel de salaire en application successivement des mêmes textes conventionnels, considérant n'être soumis à aucune subrogation en matière de prévoyance et n'être tenu d'aucune somme à ce titre.

Selon les versions successives de la convention collective des personnels des services administratifs et économiques, personnels d'éducation et documentalistes des établissements d'enseignement privés, les dispositions suivantes s'appliquent :

- jusqu'au 31 août 2015 ( article 2.11.2 de la version du 14 juin 2004 Idcc 2408) :

'Si les conditions ci-dessus sont réunies, après 1 an d'ancienneté dans l'établissement, en cas d'absence justifiée par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident dûment constatée par certificat médical, l'établissement, sauf dispositions légales plus favorables, verse au salarié, à l'échéance habituelle, la fraction du salaire net non garantie par les organismes de sécurité sociale :

- pendant 1 mois pour les salariés ayant de 1 à 2 ans de service dans l'établissement ;

- pendant 3 mois pour les salariés ayant plus de 2 ans de service dans l'établissement.

Si le salarié, bien que justifiant de 1 an d'ancienneté au moins dans l'établissement, ne remplit pas les conditions pour percevoir les indemnités journalières de sécurité sociale, l'employeur lui verse son salaire, déduction faite des sommes qu'il aurait perçues de la sécurité sociale si ces droits avaient été ouverts.

Ce droit à indemnisation par l'employeur est ouvert dans la mesure où les droits indiqués ci-dessus n'ont pas été épuisés au cours des 12 mois précédant l'arrêt de travail. Il est limité au reliquat. Pour bénéficier de cette indemnisation, le salarié doit avoir fait valoir ses droits auprès de la sécurité sociale.

En cas de subrogation, l'établissement est tenu de reverser l'intégralité des indemnités journalières de sécurité sociale reçues.'

- à compter du 1er septembre 2015 ( article 5.6 du 7 juillet 2015 Idcc 3211) :

'Après 1 an d'ancienneté dans l'établissement, l'employeur ayant reçu l'avis d'arrêt de travail visé à l'article 5.5 verse dès le premier jour d'arrêt au salarié concerné, à l'échéance habituelle du salaire, une indemnisation complémentaire aux indemnités journalières de sécurité sociale dans les conditions ci-dessous détaillées :

Ancienneté Maintien du salaire Maintien du salaire

par l'employeur à 100% par l'employeur aux deux tiers du net perçu

...

Entre 2 ans et 11 ans 40 premiers jours 40 jours suivants

...'

Vu ces textes successifs et les éléments d'appréciation dont il ne résulte pas à suffisance que l'employeur devait contractuellement percevoir ou aurait perçu des indemnités complémentaires de prévoyance, celui-ci n'est redevable hors prévoyance que d'un rappel de salaire pour l'année de 2015, et ce à hauteur de 656,54 euros bruts.

Le jugement sera donc infirmé sur ce chef et l'employeur sera condamné au paiement de cette somme.

Sur la demande de dommages et intérêts relative aux congés payés :

La salariée sollicite l'indemnisation du préjudice, au regard notamment de son état de santé, consécutif à la privation de son droit au repos et plus généralement à l'obligation de sécurité de l'employeur qui n'a pas pris les mesures propres à lui assurer la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, considérant avoir été privée du fait de ce dernier de 73 jours de congés acquis, soit 58 jours par année scolaire, 2014/2015 inclus, et 51 jours en vertu des dispositions conventionnelles en intégrant les périodes de suspension du contrat de travail conformément à l'article L. 3141-5 du code du travail, au cours des années scolaires successives jusqu'en 2015 sauf l'année 2013/2014.

L'employeur réplique qu'en vertu de l'article L. 3245-1 du code du travail la demande est prescrite pour la période antérieure au 1er juin 2014 et qu'en tenant compte dans l'assiette de calcul des jours ouvrés des suspensions du contrat de travail imputables à un accident du travail ou à une maladie professionnelle même non interrompues mais dans la limite d'un an, dès lors sans pouvoir en acquérir à compter du 6 mars 2016, la salariée, qui avait droit en application des dispositions conventionnelles à 44,44 jours de congés par an jusqu'au 31 août 2015 en vertu de l'article 2.14.3 nonobstant les mentions du contrat de travail, et à 51 jours annuels à compter du 1er septembre 2015, a été remplie de ses droits en ce que le solde en sa faveur de 8,44 jours de congés payés au cours des années 2014/2015 a été compensé par le trop-perçu d'indemnités compensatrices de congés payés pour les deux années de référence suivantes.

Il ressort du contrat de travail que les parties ont entendu appliquer le régime plus favorable des droits à congés payés de l'article 3.23 de la convention collective alors applicable correspondant à la catégorie des personnels d'éducation à l'exclusion des dispositions de l'article 2.14.3 concernant ceux qui relèvent de plusieurs catégories d'emploi pour lesquelles il existe des durées différentes de congés payés.

Selon cet article 3.23, applicable jusqu'au 31 août 2014, les personnels des catégories 1, 2 et 3 bénéficient de 9,6 semaines (58 jours ouvrables) de congés payés pendant les vacances scolaires dont au moins 5 consécutives pendant les vacances scolaires d'été.

A compter du 1er septembre 2015, la convention collective prévoit en son article 5.2 :

'Les congés payés se comptabilisent en jours ouvrables.

A chaque fonction correspond un nombre de jours de congés payés de référence (voir annexe VI):

' fonctions ouvrant droit à 51 jours de congés payés ;

' fonctions ouvrant droit à 36 jours de congés payés.

Le nombre de jours de congés payés applicable à compter du 1er septembre 2015 est déterminé selon la ou les fonctions majoritaire(s) composant le poste en temps de travail apprécié sur l'année.

Le salarié bénéficie de 36 jours de congés payés si le temps de travail consacré aux fonctions ouvrant droit à 36 jours de congés payés correspond à 65 % et plus de son temps de travail apprécié sur l'année.

Le salarié bénéficie de 51 jours de congés payés si le temps de travail consacré aux fonctions ouvrant droit à 51 jours de congés payés correspond à plus de 35 % de son temps de travail apprécié sur l'année.

Les salariés qui occupent un poste de cadre en application des dispositions de l'article 2.3 bénéficient de 36 jours de congés payés (voir annexe VII).

Quatre semaines consécutives de congés payés sont attribuées pendant les vacances scolaires d'été.

Toute dérogation à cette règle devra faire l'objet d'une consultation des représentants du personnel et d'un accord individuel écrit entre l'employeur et le salarié concerné.'

A ce titre, il est constant, tel que cela ressort en effet des éléments d'appréciation, notamment du compte-rendu de la réunion du personnel du 29 septembre 2015, que la salariée entre dans la catégorie bénéficiant de 51 jours de congés payés.

Conformément à l'article 2.14.1 de la convention collective applicable jusqu'au 31 août 2015, pour le calcul du droit au congé, la période de référence commence le 1er juin de l'année précédente et s'achève le 31 mai de l'année en cours, sauf accord particulier dans le respect du code du travail.

L'employeur, qui sollicite de voir débouter la salariée de sa demande d'indemnisation de son préjudice résultant de la privation de ses droits à congés et de son droit au repos, fait valoir à cette fin que la prescription de l'article L. 3245-1 du code du travail s'applique à la demande d'indemnisation formée par la salariée du chef de congés non pris et que le délai de prescription de trois ans a couru à compter de l'expiration de la période de référence légale reprise par les dispositions conventionnelles au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris.

En effet, en vertu de la prescription la plus longue susceptible d'application à la demande de dommages et intérêts résultant de congés payés non pris, cette demande est partiellement prescrite dès lors que par application des dispositions de l'article susvisé et des dispositions transitoires de la loi numéro 2013-504 du 14 juin 2013, la salariée ayant agi en justice le 21 novembre 2017, celle-ci n'est pas recevable à réclamer une indemnisation du préjudice résultant de ses congés payés non pris pour les années de référence ayant débuté avant l'année 2014.

La salariée affirmant avoir été remplie de ses droits à congés payés au cours de l'année 2015/2016, sa demande non prescrite est limitée à l'année de référence 2014/2015.

En application de l'article L. 3141-5 5° du code du travail, en tenant compte des périodes de suspension du contrat de travail imputable à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, la salariée a bien acquis 58 jours de congés payés au cours de l'année de référence 2014/2015 alors qu'il est constant qu'elle n'a bénéficié que de 36 jours durant cette même année, soit un solde de congés payés de 22 jours qui n'ont pu être pris du fait de l'employeur qui l'a ainsi privée de ses droits à congés et l'a empêchée de profiter de temps de repos quand elle était au surplus affectée et souffrait d'une maladie professionnelle au titre du tableau n°57 : ' Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail', tous éléments qui justifient l'octroi de dommages et intérêts d'un montant de 1000 euros nets en réparation du préjudice subi, somme qui n'est pas compensable avec le trop-perçu, dont le paiement n'est pas réclamé, d'indemnité compensatrice de congés payés que l'employeur soutient avoir réglé pour les années suivantes.

Sur le harcèlement moral :

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'

Il résulte des dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments de fait présentés par le salarié laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La salariée, qui justifie à compter du milieu de l'année 2014 de plusieurs arrêts de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle et de certificats médicaux relatifs à des affections non psychiques en lien avec un syndrome du canal carpien et de douleurs associées, ainsi que d' une attestation du 11 avril 2017 établie par une psychologue clinicienne selon laquelle à cette date la salariée souffrait encore de symptôme important lié à son travail 'évoquant une névrose traumatique en lien avec son travail' et des troubles du sommeil, une angoisse importante à l'évocation de tout souvenir lié à cette situation professionnelle, invoque au soutien de sa demande de voir reconnaître l'existence d'un harcèlement moral les éléments de fait matériellement établis et laissant supposer, considérés ensemble, l'existence d'un tel harcèlement, qui suivent :

- la privation de droits à congés payés et consécutivement un manque de repos ;

- le non-paiement d'une partie du salaire dû durant ses arrêts de travail ;

- l'absence d'aménagement de son poste de travail dans le sens d'un allégement de ses tâches ménagères selon deux témoignages, et ce en dépit des conclusions de la visite périodique du 22 décembre 2014: 'limiter les charges lourdes et ne pas lui confier la shampouineuse' ; en outre, la réponse tardive de l'employeur à sa demande d'une réduction de ses heures de ménage par avenant du 21 septembre 2015 ; de même, une affectation selon ses plannings 2015/2016 à des tâches ménagères de balayage, lavage, dépoussiérage toujours nombreuses, sans diminution en proportion, et variées, dans différents locaux, alors que le 22 juin 2015 le médecin du travail avait préconisé lors de la visite de reprise la déclarant apte un aménagement de son poste de travail dans le sens d'une diminution des charges lourdes et d'une absence de grands ménages; également, à la suite d'une nouvelle visite du 9 septembre 2015, le maintien de nombreuses tâches ménagères en proportion inchangée et même étendues au dépoussiérage de plinthes, extincteurs, radiateurs, alarmes incendie et portes, quand il était indiqué par le médecin du travail qu'il convenait de diminuer les tâches ménagères et d'éviter les tâches de balayage ; dans ce contexte, une lettre adressée le 1er décembre 2015 au médecin du travail dans laquelle l'employeur détaille des tâches ménagères qui restent importantes quantitativement et proportionnellement ;

- des retards et erreurs dans la fourniture des attestations de salaire destinées à la Cpam l'ayant contrainte à devoir formuler des rappels à ce sujet compte tenu des demandes récurrentes de l'organisme social et d'un refus d'indemnisation en août 2014 en raison de cette carence ;

- une retenue de salaire de 361,89 euros sur les bulletins de paie d'avril et de juin 2015.

Afin de démontrer que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et proportionnées à l'objectif légitimement poursuivi, l'employeur fait valoir que :

- les congés payés non pris au cours de l'année de référence 2014/2015 se compensent avec le trop-perçu d'indemnité compensatrice de congés payés l'année suivante ; or, la privation de 22 jours de congés payés, dès lors, d'une partie importante de ses temps de repos, tel que démontré supra, a concerné l'année de référence au cours de laquelle la salariée a été confrontée à la détérioration de son état de santé et de sa capacité objective à exercer son emploi, toutes incidences négatives et préjudiciables que n'est pas de nature à compenser le trop-perçu d'indemnité compensatrice allégué pour l'année suivante ;

- la salariée n'a été privée d'aucun salaire au cours de ses arrêts de travail ; c'est cependant inexact pour l'année de 2015 durant laquelle 656,54 euros bruts correspondant environ à un demi-salaire ont manqué à la salariée ;

- dès 2014, des mesures ont été mises en place pour soulager la salariée ; toutefois, ne sont pas de nature à en justifier ni une facture de 2018 ni une fiche d'entreprise de 2019, pas davantage un avenant et un emploi du temps d'une employée dont le renfort allégué était insuffisant selon ce que déclare cette dernière dès lors que la salariée continuait à se retrouver 'seule avec entre 28 et 32 enfants durant une heure.', ce que corrobore le témoignage d'une autre collègue, toutes attestations dont la sincérité ni le caractère probant ne sont utilement remis en cause ;

- la salariée a été dispensée des grands nettoyages d'été ; cependant, l'employeur n'a fait qu'accéder à une demande de la salariée de ' renoncer aux 40 heures du ménage des vacances d'été' qui avait été formulée plus de trois mois auparavant ; cette situation n'a été validée que par avenant du 21 septembre 2015 ;

- à partir de la rentrée 2015 les heures ménagères quotidiennes n'ont plus concerné que des rangements et du nettoyage usuel ; néanmoins, à partir de cette date les tâches ménagères demeuraient variées et non négligeables en proportion, dont des tâches de dépoussiérage physiquement exigeantes au moyen notamment d'un balai, quand dans le même temps le médecin du travail préconisait encore moins de tâches ménagères et d'éviter le balai puis rappelait à l'employeur que seules les tâches auprès des enfants pouvaient être conservées puisque les spécialistes médicaux avaient interdit des postes de nettoyage, de ménage et d'aspirateur outre d'utilisation du balai ;

- les courriers de la Cpam relatifs aux attestations de salaire sont à rapprocher de la durée des arrêts de travail, soit plus de deux années au cours desquelles il a été confronté à des contraintes administratives en matière de prévoyance et de calcul des droits par suite d'un changement de convention collective ; toutefois, il n'explique ni ne justifie son incurie dans la gestion administrative des arrêts de travail notamment sa carence dans la fourniture des attestations de salaire de manière récurrentes au cours des années 2014 à 2016, et ce malgré les relances de la salariée qui a été pénalisée par ces retards ;

- les données inexactes portées sur des bulletins de paie sont dues à la complexité de la gestion comptable des arrêts de travail ; ce seul argument ne saurait permettre à l'employeur de justifier la délivrance de bulletins de paie à plusieurs reprises erronés et inexplicites qui ont conduit l'inspection du travail à s'en étonner et qui l'ont lui-même contraint à établir de nouveaux calculs dans le cadre de la présente instance.

En conséquence, il y a lieu de dire que la salariée a été victime de harcèlement moral.

S'agissant de la demande de condamnation au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, la salariée estime que son préjudice est très important au regard notamment de ses états de service, du nombre d'agissements de harcèlement moral et de leurs conséquences sur son état de santé, l'employeur sollicitant le rejet d'une telle demande.

Compte tenu, notamment, de la nature et de la durée des agissements subis outre des conséquences sur sa santé, il y a lieu d'allouer à la salariée la somme de 6000 euros nets à titre de dommages et intérêt en réparation du préjudice subi, le jugement étant dès lors infirmé sur le quantum.

Sur la nullité du licenciement :

La salariée conclut à la nullité du licenciement en considérant que son inaptitude est la conséquence du harcèlement moral subi faute notamment d'aménagement de son poste afin de préserver son état de santé, alors que l'employeur estime que le licenciement, non nul faute de harcèlement moral, est bien fondé sur l'inaptitude de la salariée et l'impossibilité de procéder à son reclassement.

A l'issue de la visite de reprise effectuée le 20 septembre 2016 dans le cadre d'un arrêt de travail pour maladie dont le caractère professionnel a été reconnu dès le 6 janvier 2015 au titre des affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail, la salariée a été déclarée 'inapte sur son poste actuel ( Agent d'entretien - garde d'enfants)', le médecin du travail ajoutant : 'poste à rechercher : poste de travail sans stress.', précision qui avait déjà été mentionnée sur la fiche relative au premier examen réalisé le 5 septembre 2016, lequel faisait suite à une succession d'avis de ce même médecin dans le sens d'une diminution progressive de ses tâches ménagères à compter de septembre 2014 jusqu'à leur suppression préconisée au cours des derniers mois de l'année 2015.

Il ressort des éléments d'appréciation que l'état de santé de la salariée à l'origine de son inaptitude s'est progressivement dégradé jusqu'à entraîner son inaptitude à son poste de travail dans toutes ses composantes et à devoir préconiser un poste sans stress, et ce, en lien avec des agissements constitutifs de harcèlement moral commis par l'employeur qui n'a pas pris ou a tardé à prendre des mesures adaptatives et correctives utiles dans le cadre des préconisations successives du médecin du travail.

Il y aura donc lieu de dire que le licenciement est nul conformément aux dispositions de l'article L 1152-3 du code du travail.

Sur les conséquences indemnitaires du licenciement nul :

La salariée sollicite deux indemnités au titre du licenciement qu'elle évalue respectivement à 70000 euros pour préjudice financier engendré par le licenciement nul au titre de la perte de rémunération qu'elle aurait obtenue depuis son éviction si elle avait demandé sa réintégration, et à 10000 euros nets en réparation du licenciement abusif, cette dernière somme correspondant selon elle à dix mois de salaire.

L'employeur conclut au rejet de ces demandes.

Lorsqu'un licenciement est nul, le salarié peut en principe demander sa réintégration. S'il ne le fait pas ou si cette réintégration est impossible, il a droit à l'indemnisation du préjudice né de ce licenciement nul, au moins égale à six mois de salaire.

Compte-tenu de l'âge de la salariée au moment de la rupture ( 48 ans), de son ancienneté et de sa capacité à retrouver un emploi telle que celle-ci résulte des éléments fournis, la somme de 10000 euros nets ( environ dix mois de salaire de référence ) lui sera allouée à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement nul.

La salariée qui notamment ne sollicite pas sa réintégration ne justifie pas d'un préjudice distinct. Elle sera donc déboutée du surplus de ses demandes au titre du licenciement nul.

Sur les intérêts au taux légal :

Les intérêts au taux courront :

- sur les sommes de nature salariale, à compter du 4 décembre 2017, date de présentation de la lettre recommandée de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite ;

- sur les autres sommes, à compter du présent arrêt.

Il y a lieu à capitalisation de ces intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

Sur la remise de documents :

Compte tenu des développements qui précèdent et au regard des éléments de la cause, la demande de remise sous astreinte n'est fondée qu'en ce qui concerne les bulletins de paie. Il y est fait droit comme indiqué au dispositif.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées à la salariée par Pôle Emploi du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités.

Sur les frais irrépétibles:

En équité, il n'y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qu'au bénéfice de la salariée à laquelle sera allouée la somme de 3000 euros de ce chef au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Sur les dépens :

L'employeur, partie succombante, supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne l'association Organisme de gestion de l'enseignement catholique de l'école [5] de [Localité 2], devenue Pensionnat [5], à payer à Madame [H] [I] les sommes suivantes :

- 656,54 euros bruts à titre de rappel de salaire,

- 1000 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre des congés payés non pris du fait de l'employeur.

Dit que Madame [H] [I] a subi un harcèlement moral.

Condamne l'association Organisme de gestion de l'enseignement catholique de l'école [5] de [Localité 2], devenue Pensionnat [5], à payer à Madame [H] [I] la somme de 6000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Dit nul le licenciement de Madame [H] [I].

Condamne l'association Organisme de gestion de l'enseignement catholique de l'école [5] de [Localité 2], devenue Pensionnat [5], à payer à Madame [H] [I] la somme de 10000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement nul.

Dit que les intérêts au taux légal courront :

- sur les sommes de nature salariale, à compter du 4 décembre 2017, date de présentation de la lettre recommandée de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite ;

- sur les autres sommes, à compter du présent arrêt.

Dit qu'il y a lieu à capitalisation de ces intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

Condamne l'association Organisme de gestion de l'enseignement catholique de l'école [5] de [Localité 2], devenue Pensionnat [5], à remettre à Madame [H] [I] des bulletins de salaire conformes au présent arrêt, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai, ce, pendant soixante jours.

Ordonne le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de trois mois d'indemnités.

Dit qu'une copie du présent arrêt sera transmise à Pôle Emploi.

Condamne l'association Organisme de gestion de l'enseignement catholique de l'école [5] de [Localité 2], devenue Pensionnat [5], à payer à Madame [H] [I] la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne l'association Organisme de gestion de l'enseignement catholique de l'école [5] de [Localité 2], devenue Pensionnat [5], aux entiers dépens de première instance et d'appel..

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 20/02548
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;20.02548 ?
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