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02/05/2024 | FRANCE | N°21/07387

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre commerciale 3-1, 02 mai 2024, 21/07387


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 30G



Chambre commerciale 3-1



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 MAI 2024



N° RG 21/07387 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U4LN





AFFAIRE :



S.D.C. [Adresse 2]



C/



EPAMSA







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Versailles

N° Chambre : 3

N° RG : 19/01987



Expéditions exécuto

ires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Benjamin LEMOINE



Me Michèle DE KERCKHOVE



Me Yoann SIBILLE



TJ VERSAILLES









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'app...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30G

Chambre commerciale 3-1

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 MAI 2024

N° RG 21/07387 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U4LN

AFFAIRE :

S.D.C. [Adresse 2]

C/

EPAMSA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Versailles

N° Chambre : 3

N° RG : 19/01987

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Benjamin LEMOINE

Me Michèle DE KERCKHOVE

Me Yoann SIBILLE

TJ VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. COMCARY

RCS Versailles n° 531 099 984

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Benjamin LEMOINE de la SELARL RIQUIER - LEMOINE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 179

APPELANTE

****************

S.D.C. [Adresse 2] représenté par son syndic, la SAS IMMO DE FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.26

EPAMSA - ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMÉNAGEMENT DU MANTOIS SEINE AVAL

RCS Versailles n° 410 638 100

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Yoann SIBILLE de la SELARL SIBILLE AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 664 et Me Frédérique FAVRE de la SELARL PARAGRAPHE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de COUTANCES

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSÉ DES FAITS

Selon acte sous seing privé du 7 mars 2011, Mme [K] veuve [L] a donné à bail commercial à la société Comcary, pour une durée de neuf ans à compter rétroactivement du 1er janvier 2011, des locaux dépendant d'un immeuble sis [Adresse 2]), afin qu'elle y exploite une activité de boulangerie-pâtisserie, moyennant un loyer annuel en principal de 23.000 €.

Aux termes d'un arrêté en date du 13 décembre 2011, le maire de [Localité 5] a ordonné la fermeture du commerce en raison de l'état général des locaux et des équipements, du fait d'infiltrations affectant la toiture.

L'Etablissement Public d'Aménagement du Mantois Seine Aval (ci-après 'Epamsa') a acquis la propriété du local donné à bail suivant jugement d'adjudication du 20 juin 2012.

Soutenant avoir fait réaliser les travaux de remise en état des installations lui incombant et reprochant à l'Epamsa de ne pas avoir fait procéder aux travaux de réfection de la toiture malgré ses relances et mise en demeure, la société Comcary l'a fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles, par acte d'huissier du 31 octobre 2014, aux fins notamment de voir désigner un expert judiciaire et ordonner la suspension de son obligation au paiement des loyers.

Par acte du 4 décembre 2014, l'Epamsa a fait assigner en intervention forcée le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], pris en la personne de son syndic.

Par ordonnance du 8 janvier 2015, le juge des référés a notamment :

- Joint les deux procédures,

- Désigné M. [P] [R] en qualité d'expert judiciaire,

- Rejeté la demande de suspension du paiement des loyers,

- Laissé provisoirement les dépens à la charge de la société Comcary.

Mme [Z] [T], nommée en remplacement de M. [R] par ordonnance du 20 janvier 2015, a déposé son rapport le 28 mars 2017.

Par actes d'huissier des 14 et 18 décembre 2018, la société Comcary a fait assigner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic, et l'Epamsa devant le tribunal judiciaire de Versailles, aux fins notamment d'être autorisée à suspendre le paiement des loyers jusqu'au jour où l'exercice de son activité commerciale sera à nouveau autorisée par la mairie de [Localité 5], de les voir condamner in solidum au paiement d'une somme de 7.800 € HT au titre des travaux de reprise de peinture des locaux tels que chiffrés par l'expert, outre 107.046,75 € au titre de son préjudice financier pour la période du 22 juillet 2014 au 22 décembre 2018, et à procéder aux travaux d'étanchéité de la toiture préconisés par l'expert, sous astreinte de 150 € par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir.

Par jugement du 8 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Versailles a :

- Déclaré la société Comcary recevable en ses demandes ;

- Condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], représenté par son syndic, le Cabinet Pro Gest Habitat Sensible, à réaliser les travaux de remplacement de l'étanchéité et remplacement de quelques plaques de bac acier corrodées (300 m² environ) tels que préconisés par I'expert judiciaire, pour un montant de 44.400 € HT, dans un délai de six mois à compter de la signification du jugement ;

- Dit qu'à défaut de réalisation des travaux dans ce délai, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2]), représenté par son syndic, le Cabinet Pro Gest Habitat Sensible, sera redevable d'une astreinte de 100 € par jour de retard, qui courra pendant un délai de deux mois ;

- Condamné in solidum l'Etablissement Public d'Aménagement du Mantois Seine Aval (Epamsa) et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2]), représenté par son syndic, le Cabinet Pro Gest Habitat Sensible, à payer à la société Comcary la somme de 7.800 €, augmentée de la TVA au taux applicable au jour du jugement, au titre des travaux de reprise de peinture intérieure ;

- Ordonné la suspension du paiement des loyers à compter du 18 décembre 2018 et jusqu'à la réalisation des travaux d'étanchéité par le syndicat des copropriétaires ;

- Rejeté le surplus des demandes de la société Comcary ;

- Condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2]), représenté par son syndic, le Cabinet Pro Gest Habitat Sensible, à garantir l'Etablissement Public d'Aménagement du Mantois Seine Aval (Epamsa) au titre de la condamnation au paiement de la somme de 7.800 € augmentée de la TVA ;

- Condamné in solidum l'Etablissement Public d'Aménagement du Mantois Seine Aval (Epamsa) et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2]), représenté par son syndic, le Cabinet Pro Gest Habitat Sensible, à payer à la société Comcary la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné in solidum l'Etablissement Public d'Aménagement du Mantois Seine Aval (Epamsa) et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2]), représenté par son syndic, le Cabinet Pro Gest Habitat Sensible, au paiement des dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, qui pourront être recouvrés par Maître Lemoine, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- Ordonné I'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 14 décembre 2021, la société Comcary a interjeté appel de ce jugement. Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] a interjeté appel incident le 9 juin 2022.

Par ordonnance d'incident du 20 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a :

- Déclaré irrecevable l'appel principal interjeté par la société Comcary le 14 décembre 2021 ;

- Déclaré recevable l'appel incident interjeté par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] le 9 juin 2022 ;

- Dit que l'instance se poursuit afin qu'il soit statué sur l'appel incident interjeté par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] ;

- Condamné la société Comcary aux dépens de l'incident ;

- Condamné la société Comcary à payer à l'Etablissement Public d'Aménagement du Mantois Seine Aval la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté l'Etablissement Public d'Aménagement du Mantois Seine Aval de sa demande au titre des frais irrépétibles formulée contre le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2].

Par arrêt de déféré du 11 mai 2023, la cour à confirmé l'ordonnance.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 9 juin 2022, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], représenté par son syndic, le Cabinet Immo de France SARL, demande à la cour de :

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Versailles le 8 juillet 2021 ;

En conséquence,

- Constater le défaut de qualité et d'intérêt de la SARL Comcary ;

- Déclarer irrecevable la SARL Comcary en ses demandes ;

En tout état de cause,

- Débouter la SARL Comcary de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la SARL Comcary au paiement au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] représenté par son syndic, le cabinet Immo de France, de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 19 décembre 2023, l'Etablissement Public d'Aménagement du Mantois Seine Aval (Epamsa) demande à la cour de :

A titre principal,

- Rappeler qu'il n'y a pas lieu de statuer sur l'appel principal de la SARL Comcary ;

- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré la SARL Comcary recevable à agir ;

En conséquence,

- Débouter la SARL Comcary de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions pour défaut d'intérêt à agir ;

A titre subsidiaire,

- Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce que l'indemnité accordée soit retenue sur la base du montant HT et non TTC des travaux (soit 7.800 € HT) ;

- Condamner in solidum la SARL Comcary et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] à verser à l'Epamsa la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SARL Comcary et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 décembre 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'exception d'irrecevabilité

Le syndicat des copropriétaires soulève l'irrecevabilité de l'action de la société Comcary, soutenant que cette dernière n'était plus, à la date de la notification de l'arrêté de fermeture administrative pris par le maire de [Localité 5], soit au 13 décembre 2011, la locataire du local commercial en cause au regard du bail consenti le 26 septembre 2011 par Mme [K] veuve [L], propriétaire, à la société la Brioche Dorée ayant pour gérante Mme [J] [L] née [I]. Le syndicat des copropriétaires critique le jugement qui a écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir en raison du défaut de résiliation du bail consenti à la société Comacary antérieurement à celui conclu avec Mme [L], estimant qu'il importe peu qu'il n'ait pas été mis fin au bail du 7 mars 2011, dès lors que la société Comcary ne justifie pas avoir exploité une activité dans les locaux, alors que c'est Mme [L] qui était présente lors de la saisie-vente réalisée en juin 2012.

L'Epamsa soutient que la conclusion d'un nouveau bail le 29 septembre 2011 suppose qu'il ait été mis fin au premier bail du 7 mars 2011. Elle rappelle que le bail du 29 septembre 2011 a été publié peu après l'immatriculation de la société La Brioche Dorée et que la société Comcary n'a produit aucun document justifiant de son activité à compter du 29 septembre 2011. Il considère que le document du 28 décembre 2011 évoquant l'absence de cession du fonds de commerce n'a pas date certaine et que celle-ci n'entraine pas nécessairement la nullité du bail signé avec la société La Brioche Dorée, ce d'autant que le fonds de commerce n'avait aucune valeur compte tenu de sa faible existence. Il souligne que dans le cadre de la procédure d'adjudication, Mme [L] a confirmé l'existence du bail avec la société La Brioche Dorée et l'arrêté municipal de fermeture administrative vise bien Mme [L] en qualité de représentante légale de la société locataire, alors qu'à cette date, elle était gérante de la société La Brioche Dorée.

*****

L'article 31 du code de procédure civile dispose : " L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ".

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir. En effet, le tribunal a pu constater que le bail consenti par Mme [K] à la société Comcary le 7 mars 2011 avait acquis date certaine pour avoir été enregistré le 14 mars 2011 et que si un second bail avait été conclu par Mme [K] avec la société La Brioche Dorée le 26 septembre 2011, puis enregistré le 23 novembre suivant, la procédure de résiliation du premier bail n'avait pas été mise en 'uvre, alors que les dispositions de l'article L.145-9 du code de commerce sont d'ordre public.

Le tribunal a justement rappelé que le conflit entre locataires d'un même local se résout par l'antériorité des titres ayant acquis date certaine. La cour relève que le bail a été conclu par la société La Brioche Dorée alors qu'elle était en cours de formation et qu'il n'est pas démontré que le bail a été régulièrement repris par les associés de cette personne morale après son immatriculation. Il n'est ainsi pas justifié que la société La Brioche Dorée a entendu se prévaloir du bail du 26 septembre 2011.

Les premiers juges ont pu constater que le juge des référés par ordonnance du 19 novembre 2013 a dit n'y avoir lieu à référé concernant la demande de l'Epamsa formulée à l'encontre de la société La Brioche Dorée et de Mme [K], aux fins de reprise des locaux, en raison de l'existence du bail du 7 mars 2011 et de l'information donnée à l'Epamsa concernant l'absence de finalisation de la cession du fonds de commerce.

Le tribunal fait encore état de courriers de l'Epamsa, démontrant qu'elle a considéré la société Comcary comme étant sa locataire depuis l'ordonnance susvisée, y compris en cours de procédure, à l'occasion d'une indexation du loyer qui lui a été notifiée en 2019 et que l'Epamsa n'a pas remis en cause la qualité de locataire de la société Comcary dans le cadre de la procédure de référé expertise. Ces courriers sont évoqués par l'expert en page 19 de son rapport. Ainsi, le 16 janvier 2014, c'est bien la société Comcary qui a demandé l'autorisation de vendre le fonds de commerce à l'Epamsa, laquelle, dans son courrier en réponse du 17 février suivant, n'a pas contesté la qualité de locataire de l'appelante. Refusant de délivrer l'autorisation sollicitée en raison du défaut de paiement des loyers, c'est à la société Comcary que l'Epamsa a réclamé le règlement de l'arriéré. De même, lorsque la société Comcary a demandé à l'Epamsa l'autorisation de modifier la destination du bail, ce dernier n'a à nouveau pas contesté la qualité de locataire de l'appelante, répondant simplement que la demande devait être formulée dans les formes requises.

Le fait que Mme [J] [L], associée de la société La Brioche Dorée, se soit trouvée dans les locaux loués lors de la saisie immobilière ou à l'occasion de la notification de l'arrêté municipal de fermeture administrative de la boulangerie-pâtisserie en cause pris par le maire de la commune de [Localité 5] le 13 décembre 2011, est indifférent, dès lors qu'il est constant que Mme [K], Mme [J] [I] née [L] et M. [B] [L] sont tous de la même famille. Il ne peut donc en être tiré aucune conclusion.

Dans la mesure où le commerce a fait l'objet d'un arrêté de fermeture administrative qui a été notifié à Mme [L] qui était présente dans les locaux, les intimés sont mal fondés à affirmer que la société Comcary n'y exerçait aucune activité.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu'il a déclaré l'action de la société Comcary recevable.

Enfin, la demande de dommages et intérêts formulée par la société Comcary en application des dispositions de l'article 123 du code de procédure civile ne peut prospérer en l'absence de preuve de l'existence d'un préjudice indemnisable. Le jugement déféré est également confirmé à cet égard.

Sur les responsabilités et les demandes indemnitaires

Le syndicat des copropriétaires fait valoir que l'expert n'a pas expressément retenu sa responsabilité. Il souligne que les travaux d'étanchéité votés en 2009 n'ont pas pu être réalisés compte tenu du non-règlement des charges par les copropriétaires, notamment Mme [L], et que la résolution adoptée en assemblée générale du 31 octobre 2008 conditionnait la réalisation des travaux au paiement de l'intégralité de leur coût par les copropriétaires. Il précise qu'une procédure judiciaire a été engagée contre Mme [L] pour obtenir le recouvrement des charges impayées par cette dernière et qu'il a fait procéder à des travaux conservatoires par l'installation d'une bâche. Le syndicat des copropriétaires souligne qu'il n'a jamais été informé de l'urgence des travaux de réfection de la toiture et qu'aucune déclaration de sinistre ne lui a été adressée. Il estime ne pas devoir être tenu des demandes indemnitaires formulées par la société Comcary, considérant qu'elles ne sont pas justifiées et qu'il n'a pas été informé de la situation.

L'Epamsa conclut également au débouté des demandes indemnitaires de la société Comcary qu'il n'estime pas justifiées et, subsidiairement, sollicite la garantie du syndicat des copropriétaires, dès lors qu'il est à l'origine des désordres ayant empêché l'exploitation du commerce de la société locataire.

*****

La mesure d'investigation menée par Mme [T] a permis d'établir que la zone de rangement du local commercial présente des traces d'infiltrations sur les murs avec présence de rouille en provenance de la toiture. L'expert n'a en revanche relevé aucune infiltration ou trace d'infiltration dans l'espace de vente et dans l'atelier de fabrication. L'expertise a révélé que les désordres constatés sont dus à un manque d'entretien et à la vétusté de la couverture de l'immeuble, malgré une réfection partielle entre 2008 et 2010.

L'expert a précisé que " jusqu'au 22 juillet 2014, l'exploitation du local était interdite pour des raisons sanitaires qui relevaient tant des équipements et aménagements intérieurs de la responsabilité du locataire que des problèmes de toiture de la responsabilité du propriétaire et de la copropriété et qu'à compter du 22 juillet 2014, seuls les défauts d'étanchéité de la toiture empêchaient l'exploitation du commerce du fait de l'arrêté municipal ". Mme [T] a rappelé les termes du courrier de la mairie de [Localité 5] du 21 juillet 2014 constatant la réalisation des " travaux, réparation et aménagements réalisés [par la preneuse] permettant d'assureur une conformité sanitaire a minima " et précisant : " Il vous reste donc à obtenir la réfection totale de votre toiture avant une reprise de votre activité commerciale conforme aux normes sanitaires ".

Il résulte des opérations d'expertise que les travaux de reprise à réaliser sur la toiture consistent en un remplacement de l'étanchéité d'une surface d'environ 300 m² et de quelques plaques de bac acier corrodées, dont le coût doit être évalué à la somme de 44.400 € HT. L'expertise a établi que ce chiffrage est limité au périmètre de la mission confiée à Mme [T], alors qu'en réalité, " la totalité de la couverture du bâtiment est à refaire ". Concernant les travaux de reprise intérieurs, une surface de 200 m² de murs doit être repeinte dans la zone de stockage, moyennant le coût de 7.800 €.

L'expert souligne que la preneuse a subi une perte d'exploitation, mais précise qu'aucune pièce justificative ne permet de corroborer l'estimation qui en est faite par cette dernière.

S'agissant de la responsabilité de l'Epamsa, c'est par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges l'ont retenue.

En effet, au regard du manquement du bailleur à son obligation de délivrance issue des articles 1719, 1720 et 1721 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et de l'obligation qui lui est faite par l'article 606 du même code, dans la même version, de supporter les grosses réparations telles que la réfection de la toiture, la responsabilité de l'Epamsa est incontestablement engagée. Le tribunal a précisé à raison que le seul fait que les travaux doivent être entrepris par le syndicat des copropriétaires n'exonère pas le bailleur de sa responsabilité, la cour constatant qu'il n'est justifié d'aucune démarche, ni action judiciaire de la part de l'Epamsa à l'égard du syndicat des copropriétaires pour remédier au trouble de jouissance subi par la preneuse.

S'agissant de la responsabilité du syndicat des copropriétaires, c'est à nouveau par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu la responsabilité du syndicat des copropriétaires au regard de l'obligation de conservation de l'immeuble qui lui incombe et de la responsabilité qu'il assume des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers trouvant leur origine dans les parties communes, en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa version antérieure à l'ordonnance du 30 octobre 2019, alors qu'il n'est pas contesté que la toiture de l'immeuble est une partie commune.

Si le syndicat des copropriétaires soutient ne pas avoir été en mesure de réaliser les travaux, dont l'exécution avait été soumise à son financement intégral préalable, du fait du défaut de paiement des charges par les copropriétaires, notamment par Mme [L] à l'égard de laquelle une procédure en recouvrement de charges a conduit à sa condamnation par jugement du 20 juillet 2012, les premiers juges ont justement observé, au regard des pièces produites et notamment des procès-verbaux d'assemblée générale des copropriétaires, que le syndicat des copropriétaires est informé des infiltrations en provenance de la toiture depuis 2008, l'amenant à porter à l'ordre du jour de l'assemblée générale des copropriétaires du 13 novembre 2009 la réalisation de travaux réfection de l'étanchéité, dont le budget de 50.000 € a été voté. Le syndicat des copropriétaires ne saurait prétendre ne pas avoir été informé de l'urgence de la situation, alors qu'il a fait procéder à un bâchage, qui s'est révélé inefficace. La cour relève que depuis le 20 juin 2012, soit depuis près de 12 ans, l'Epamsa est propriétaire du local commercial, de sorte que le syndicat des copropriétaires ne saurait davantage se réfugier derrière le défaut de paiement des charges de copropriété par Mme [K] veuve [L] pour justifier sa carence. Enfin, le syndicat des copropriétaires ne communique aucun élément actualisé concernant sa situation financière et son impossibilité de financer les travaux en cause.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné le syndicat des copropriétaires à faire réaliser les travaux, préconisés par l'expert, de remplacement de l'étanchéité de la toiture et de quelques plaques de bac acier corrodées moyennant le prix de 44.400 € HT.

Le tribunal a estimé à raison qu'au regard de l'ancienneté des désordres et de l'impossibilité pour la société Comcary d'exploiter le local commercial tant que les travaux de réfection ne sont pas exécutés, la condamnation précitée du syndicat des copropriétaires doit être assortie d'une astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai de 6 mois suivant la signification du présent arrêt. Cette astreinte courra pendant 2 mois.

La décision déférée doit également être confirmée en ce qu'elle a condamné in solidum le syndicat des copropriétaires et l'Epamsa à payer à la société Comcary la somme de 7.800 € HT, au titre des travaux de reprise des peintures à l'intérieur du local. Il n'y a pas lieu à assortir la somme précitée de la TVA, dès lors que la société Comcary, en tant que société commerciale, a la possibilité de la recouvrer.

Enfin, s'agissant des pertes d'exploitation et alors qu'il incombe à la société Comcary de justifier du quantum de son préjudice, les premiers juges ont constaté qu'aucune pièce comptable n'était communiquée. Au regard de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 20 octobre 2022 confirmée par l'arrêt de la cour du 11 mai 2023, aucune pièce ne permet de justifier la demande, de sorte que le jugement entrepris doit encore être confirmé en ce qu'il a débouté la société Comcary de sa demande.

Sur la demande de suspension des loyers

Comme indiqué précédemment, il résulte des opérations d'expertise et du courrier de la mairie de [Localité 5] du 21 juillet 2014 que l'exploitation du local commercial objet du bail est impossible du fait de l'arrêté de fermeture administrative qui n'est maintenu depuis le 22 juillet 2014 qu'en raison des défauts d'étanchéité de la toiture.

Ce manquement à l'obligation de délivrance du bailleur qui, comme relevé supra, n'établit pas avoir procédé à la moindre diligence auprès du syndicat des copropriétaires pour permettre à la société Comcary de jouir des locaux loués, justifie qu'il soit fait droit à la demande de suspension du loyer en application des dispositions de l'article 1728 du code civil.

Les premiers juges ont pertinemment considéré qu'en l'absence de précision concernant le point de départ de la suspension, il convient de l'ordonner à compter de l'assignation jusqu'à la réalisation des travaux d'étanchéité précités.

Sur l'appel en garantie formé par l'Epamsa à l'encontre du syndicat des copropriétaires

Il résulte des éléments de la procédure, notamment du rapport d'expertise et des procès-verbaux d'assemblée générale des copropriétaires, que le défaut d'exécution des travaux de réfection de l'étanchéité de la toiture est imputable à la carence prolongée du syndicat des copropriétaires qui doit donc, par confirmation du jugement, être condamné à garantir l'Epamsa de la somme mise à sa charge au titre des travaux de remise en état des locaux.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Au regard de la décision, le jugement entrepris doit être confirmé des chefs des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

Dès lors que toutes les parties succombent partiellement en appel, elles conserveront la charge de leurs dépens et de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré, sauf en celle de ses dispositions relatives à l'application de la TVA aux travaux de reprise de la peinture intérieure ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] et l'Etablissement Public d'Aménagement du Mantois Seine Aval à payer à la société Comcary la somme de 7.800 € HT au titre des travaux de reprise de peinture intérieure ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

Déboute le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] et l'Etablissement Public d'Aménagement du Mantois Seine Aval de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre commerciale 3-1
Numéro d'arrêt : 21/07387
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.07387 ?
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