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02/05/2024 | FRANCE | N°22/02860

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre commerciale 3-1, 02 mai 2024, 22/02860


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 58E



Chambre commerciale 3-1

(Ex-12e chambre)



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 2 MAI 2024



N° RG 22/02860 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VE5S







AFFAIRE :



S.A.R.L. SOCIÉTÉ DE GESTION HÔTELIÈRE ET TOURISTIQUE INTERNATIONAL



C/



S.A. ALLIANZ IARD

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Mars 2022 par le Tribunal de Com

merce de NANTERRE

N° chambre : 6

N° RG : 2021F00465



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Martine DUPUIS



Me Oriane DONTOT



TC NANTERRE











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58E

Chambre commerciale 3-1

(Ex-12e chambre)

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 2 MAI 2024

N° RG 22/02860 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VE5S

AFFAIRE :

S.A.R.L. SOCIÉTÉ DE GESTION HÔTELIÈRE ET TOURISTIQUE INTERNATIONAL

C/

S.A. ALLIANZ IARD

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Mars 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 6

N° RG : 2021F00465

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Oriane DONTOT

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. SOCIÉTÉ DE GESTION HÔTELIÈRE ET TOURISTIQUE INTERNATIONAL

RCS Fort de France n° 444 197 800

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Céline COASNES-PELLET du cabinet NUMA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

APPELANTE

****************

S.A. ALLIANZ IARD

RCS Nanterre n° 542 110 291

[Adresse 5]

[Localité 2]

S.A. GFA CARAIBES

RCS Fort de France n° 381 324 912

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentées par Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Philippe BERNARD, Plaidant

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Novembre 2023, Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Société de Gestion Hôtelière et Touristique International (ci-après SGHTI) exerce son activité dans le secteur de l'hôtellerie. Elle exploite plusieurs établissements parmi lesquels le Carayou Hôtel & Spa (ci-après Le Carayou) situé' en Martinique, qui propose des prestations 'All inclusive' (formule 'tout compris') pour lesquelles elle indique qu'il est impossible de dissocier l'hôtellerie et la restauration.

Le 25 mars 2004, par l'intermédiaire du courtier Gras Savoye Caraïbes (ci-après Gras Savoye), la société SGHTI a souscrit une police d'assurance n°4010005744 comportant une garantie des pertes d'exploitation, auprès de la société AGF outre-mer, aux droits de laquelle est venue la SA Allianz Iard (ci-après Allianz), et de la SA GFA Caraïbes (ci-après GFA), la société Allianz étant apériteur à hauteur de 60% et la société GFA, coassureur à hauteur de 40%, sans solidarité entre les deux sociétés d'assurance.

La société SGHTI indique que le 22 mars 2020, elle a été contrainte de fermer son établissement Le Carayou suite aux arrêtés ministériels pris les 14 et 15 mars 2020 dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19.

Le 17 avril 2020, la société SGHTI a effectué auprès de la société Gras Savoye une déclaration de sinistre visant la garantie des pertes d'exploitation de sa police d'assurance. La société Gras Savoye a confirmé avoir enregistré le sinistre par courriel du 20 mai 2020.

La société SGHTI déclare avoir rouvert son établissement le 10 juillet 2020 puis avoir été contrainte de le fermer à nouveau le 2 novembre 2020 en conséquence des nouvelles mesures prises par les autorités le 29 octobre 2020.

Par courriel adressé le 1er décembre 2020 au courtier Gras Savoye, la société SGHTI s'est plainte de l'absence de réponse concernant la mobilisation de la garantie et elle a demandé le versement d'une provision de 488.000 €, après avoir précisé qu'elle totalisait alors 192 jours de fermeture de son établissement Le Carayou pour l'année 2020.

La société SGHTI indique s'être vue communiquer le 2 décembre 2020 la fin de non-recevoir de la société Allianz à sa première demande d'indemnisation.

Par lettre RAR du 20 janvier 2021, la société Allianz a notifié à la société SGHTI la résiliation du contrat d'assurance à la date du 31 mars 2021.

Par acte du 20 janvier 2021, la société SGHTI a fait assigner en référé les sociétés Allianz et GFA devant le président du tribunal de commerce de Nanterre aux fins de versement d'une indemnité à titre provisionnel et de désignation d'un expert.

Par ordonnance du 25 février 2021, le président du tribunal de commerce de Nanterre a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé l'affaire pour être jugée au fond.

Par jugement contradictoire du 23 mars 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Débouté la SARL Société de Gestion Hôtelière et Touristique International de sa demande de condamnation de la SA Allianz Iard et la SA GFA Caraïbes à lui verser la somme de 500.000 € à titre de provision de l'indemnisation de perte de marge brute subie au titre de la première fermeture et au versement de la somme de 200.000 € à titre de provision de l'indemnisation de perte de marge brute subie au titre de la seconde fermeture ;

- Débouté la SARL Société de Gestion Hôtelière et Touristique International de sa demande d'expertise judiciaire ;

- Condamné la SARL Société de Gestion Hôtelière et Touristique International à verser à la SA Allianz Iard la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit ;

- Condamné la SARL Société de Gestion Hôtelière et Touristique International aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 25 avril 2022, la société SGHTI a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 6 octobre 2023, la société SGHTI demande à la cour de :

- La déclarer recevable et bien fondée' en son appel et y faisant droit ;

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 23 mars 2022 en ce qu'il a :

- Débouté la SARL Société de Gestion Hôtelière et Touristique International de sa demande de condamnation de la SA Allianz Iard et la SA GFA Caraïbes à lui verser la somme de 500.000 € à titre de provision de l'indemnisation de perte de marge brute subie au titre de la première fermeture et au versement de la somme de 200.000 € à titre de provision de l'indemnisation de perte de marge brute subie au titre de la seconde fermeture ;

- Débouté la SARL Société de Gestion Hôtelière et Touristique International de sa demande d'expertise judiciaire ;

- Condamné la SARL Société de Gestion Hôtelière et Touristique International à verser à la SA Allianz Iard la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la SARL Société de Gestion Hôtelière et Touristique International aux dépens de l'instance ;

Statuant à nouveau,

- Juger que les mesures d'interdiction émanant des autorités dans le cadre des arrêtés des 14 et 15 mars 2020 et du décret 2020-1310 du 29 octobre 2020 ont eu pour conséquence une interdiction d'accès au restaurant & bar de l'établissement Carayou Hôtel & Spa ;

- Juger qu'au regard de la configuration et du modèle économique All Inclusive de l'établissement Carayou Hôtel & Spa, la fermeture du restaurant & bar de l'établissement Carayou Hôtel & Spa ne pouvait qu'entrainer la fermeture complète de l'établissement ;

- Juger que par une interprétation littérale de la police d'assurance Allianz AGH Hôtelier, la Société de Gestion Hôtelière et Touristique International avait souscrit dans le cadre de l'article 3.1 des « Dispositions Générales AGF Hôtelier » à une garantie « Pertes d'Exploitation » couvrant la fermeture de l'établissement Carayou Hôtel & Spa en cas d'interdiction d'accès ;

À titre principal,

- Juger que les Dispositions Particulières ne peuvent être considérées comme une clause d'exclusion ;

À titre subsidiaire, si les Dispositions Particulières sont considérées comme une clause d'exclusion indirecte,

- Déclarer nulle la clause d'exclusion dès lors qu'elle n'est pas explicite, limitée et typographiée de façon distinctive ;

En tout état de cause,

- Condamner les sociétés Allianz Iard et GFA Caraïbes à indemniser les pertes d'exploitation subies par la Société de Gestion Hôtelière et Touristique International consécutivement aux fermetures administratives de son établissement Carayou Hôtel & Spa pour cause d'épidémie de Covid-19 du 15 mars au 10 juillet 2020 puis du 29 octobre au 15 décembre 2020 jusqu'à réouverture au public ;

- Ordonner la désignation de tel expert qu'il plaira avec pour mission de :

- Évaluer les pertes d'exploitation de la société SGHTI liées à la crise sanitaire Covid-19, tant pour la première fermeture que pour la seconde fermeture,

- Se faire communiquer tous les éléments contractuels et comptables utiles,

- Entendre tout sachant,

- Identifier, chiffrer et prendre en compte les charges supplémentaires et les charges économisées en les détaillant,

- S'expliquer techniquement dans le cadre de sa mission sur les dires et observations des parties qu'il aura recueillis, et ce après avoir communiqué un pré-rapport aux parties,

- Recueillir les déclarations de toutes personnes informées,

- Rédiger et déposer un rapport final dans les délais impartis pour l'accomplissement de ses diligences ;

- Déclarer recevable la demande de provision de la Société de Gestion Hôteliè re et Touristique International ;

- Débouter toutes demandes contraires au présent dispositif ;

- Condamner les société s Allianz Iard et GFA Caraïbes à verser à la Société de Gestion Hôtelière et Touristique International la somme de 500.000 € à titre de provision de l'indemnisation de perte de marge brute subie au titre de la première fermeture et au versement de la somme de 200.000 € à titre de provision de l'indemnisation de perte de marge brute subie au titre de la seconde fermeture ;

- Condamner les sociétés Allianz Iard et GFA Caraïbes au paiement de la somme de 5.000 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens à due proportion de leurs accords.

Par dernières conclusions notifiées le 13 septembre 2023, les sociétés Allianz et GFA Caraïbes demandent à la cour de :

À titre principal,

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 23 mars 2022 ;

En conséquence,

- Juger que la police d'assurance de la société SGHTI n'est pas mobilisable sur les conséquences des mesures gouvernementales prises pour lutter contre le développement de la Covid-19 ;

- Juger que la société SGHTI ne justifie pas du montant de ses demandes ;

- Débouter la société SGHTI de ses demandes formées à l'encontre de la société Allianz et de la société GFA ;

À titre subsidiaire,

- Débouter la société SGHTI de ses demandes de provision ;

- Juger que les opérations d'expertise judiciaire seront à la charge de la société SGHTI ;

- Juger que l'expert judiciaire désigné devra évaluer l'indemnisation de la société SGHTI telle que découlant de la police d'assurance liant les parties et de manière plus générale, respecter le principe indemnitaire, prévu à l'article L.121-1 du code des assurances ;

- Juger que la mission de l'expert judiciaire devra intégrer les chefs de mission suivants :

- Se faire communiquer les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission et notamment les plaquettes, bilans et comptes de résultat détaillés et les chiffres d'affaires mensuels HT de la société SGHTI sur les trois dernières années ;

- Procéder à l'évaluation de la perte de marge brute, telle que découlant de la police d'assurance liant les parties et de manière plus générale en application du principe indemnitaire d'ordre public prévu à l'article L.121-1 du code des assurances ;

- Pour y procéder déduire toutes les charges fixes et variables non supportées pendant la période d'indemnisation et notamment les aides et subventions versées par l'État à la société SGHTI dans le cadre des mesures de soutien mises en place par le Gouvernement dans le cadre de l'épidémie de la Covid-19 ;

- Pour y procéder, se faire communiquer les livres de paie mensuels de 2018, 2019 et 2020 présentant les salaires bruts, les charges patronales et les allocations d'activité partielle versées ainsi que les déclarations mensuelles d'activité partielle à la Direccte en 2020 et 2021 ;

- Appliquer au montant de la perte de marge brute évaluée une décote correspondant à l'impact des facteurs externes correspondant à la baisse de la clientèle qui aurait en tout état de cause été constatée sans mesures administratives prises pour lutter contre l'épidémie de la Covid-19 ;

En tout état de cause,

- Condamner la société SGHTI à verser à la société Allianz et la société GFA la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- La condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 octobre 2023

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la mobilisation de la garantie pertes d'exploitation

La société SGHTI s'estime bien fondée à réclamer aux intimées l'indemnisation de ses pertes d'exploitation. Elle reproche au tribunal de commerce de Nanterre d'avoir fait une interprétation erronée des termes des Dispositions Générales AGF Hôtelier en considérant d'une part, que l'établissement Carayou Hôtel & Spa, relevant de la catégorie 'O', n'était pas visé par l'interdiction d'ouverture édictée par les arrêtés des 14 et 15 mars 2020 et d'autre part, que l'interdiction de recevoir du public, instaurée par le décret 2020-1310 du 29 octobre 2020, ne concernait que les espaces de l'établissement Carayou Hôtel & Spa dédiés spécifiquement à la restauration et ne constituait pas 'une interdiction d'accès à l'établissement émanant des autorités' au sens des Dispositions Générales AGF Hôtelier.

Elle soutient que, les Dispositions Générales AGF Hôtelier, qui visent expressément le cas d'une interruption ou réduction de l'activité résultant d'une interdiction d'accès émanant des autorités, permettent de faire jouer la garantie 'Pertes d'exploitation' dans le cadre de la crise Covid-19. Elle avance que contrairement aux autres cas, celui de l''interdiction d'accès émanant des autorités' visé par le second alinéa de l'article 3.1.1 n'est pas conditionné à la réalisation d'un dommage matériel, que l'assureur ajoute à l'application de la garantie 'Pertes d'exploitation' une condition supplémentaire qui n'y figure pas et que toute interprétation contraire reviendrait à dénaturer la clause. Elle précise que la police Allianz AGF Hôtelier garantit les pertes d'exploitation liées, non pas à une interdiction d'accès à l'établissement comme interprété à tort par le tribunal de commerce de Nanterrre qui a ajouté une condition supplémentaire non prévue, mais à une interdiction d'accès émanant des autorités dès lors que celle-ci a pour effet une réduction ou interruption d'activité et qu'au cas présent, l'interdiction d'accès au restaurant de l'établissement Carayou Hôtel & Spa imposée par les autorités a bien eu comme conséquence une réduction de son activité puis une interruption, peu important que les locaux soient restés ou non matériellement accessibles. Elle considère que les jurisprudences citées par les intimées sont inapplicables en l'espèce, aux motifs qu'elles concernent toutes des polices d'assurance qui ne sont pas la police AGF Hôtelier dans sa version 2004, objet du litige, et qui sont rédigées dans des termes différents, qu'elles visent des restaurants autorisés à recevoir du public dans le cadre de leurs activités de livraison et de vente à emporter, et non des restaurants d'hôtel autorisés à exercer une activité de 'room service'. Elle fait valoir que l'UMIH (Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie) a clairement identifié des polices, dont la police Allianz AGF Hôtelier, ouvrant droit à indemnisation ; que l'ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) a écrit dans son rapport de juin 2020 que les assurés pouvaient prétendre à être indemnisés lorsque le contrat garantit les pertes d'exploitation quelle qu'en soit la cause et ne comporte aucune exclusion du risque pandémique, ce qui est bien le cas de la police Allianz AGF Hôtelier ; qu'en cas de doute, le contrat doit s'interpréter en faveur de l'assuré.

L'appelante expose que si les établissements hôteliers relevant de la catégorie O sont restés ouverts pour leur activité d'hôtellerie, l'établissement Carayou Hôtel & Spa ne pouvait rester ouvert en l'absence de service de restauration ; que son établissement propose une solution 'All inclusive' (formule 'tout compris'), adaptée à la situation géographique de l'hôtel sur l'île de la Martinique, isolée des espaces urbanisés, et à la configuration de l'hôtel (12 bâtiments répartis sur une superficie de 2 hectares) ; que les options 'Room service' et 'A emporter' n'étaient pas envisageables à la fois pour des raisons de configuration de l'hôtel et pour des raisons financières car elles auraient nécessité de disposer notamment d'un personnel formé à ce type de service et d'un personnel plus important ; qu'ainsi la fermeture du restaurant ne pouvait avoir comme conséquence que la fermeture de l'hôtel.

Elle soutient que les Dispositions Particulières ne peuvent s'opposer à la mise en oeuvre de la garantie 'Pertes d'exploitation' car :

- Soit elles « excluent » les dispositions de l'article 3.1 des Dispositions Générales en écartant la garantie 'Pertes d'exploitation' dans le cas de mise en quarantaine de l'établissement et d'interdiction d'accès émanant des autorités et, dans ce cas, en tant que clause d'exclusion, elles doivent se conformer au formalisme prévu par le code des assurances pour être valables ;

- Soit les Dispositions Particulières ne sont pas une clause d'exclusion, comme cela est affirmé par les intimées et, dans ce cas, elles complètent et personnifient les Dispositions Générales mais ne peuvent en aucun cas exclure des garanties des événements couverts par les Dispositions Générales.

Elle énonce, s'agissant de la première hypothèse, que les Conditions Particulières ne reprennent pas la garantie 'Pertes d'exploitation' pour interdiction d'accès émanant des autorités, l'excluant ainsi de manière indirecte ; que pour autant, elles ne l'excluent pas de manière expresse et précise et se limitent à dresser une liste des garanties accordées exclusivement, de sorte que c'est par déduction que les garanties exclues le sont, par omission de leur mention dans les Dispositions Particulières. Elle en conclut que le champ de la prétendue exclusion n'est ni formalisé ni limité comme l'imposent les dispositions de l'article L.113-1 du code des assurances. Elle ajoute que ladite exclusion n'est pas apparente et ne satisfait pas aux prescriptions de l'article L.112-4 du même code. Elle retient en conséquence la nullité de l'exclusion de l'indemnisation des pertes d'exploitation subies du fait de l'interruption ou de la réduction de l'activité résultant d'une interdiction d'accès émanant des autorités.

En réponse à l'argumentation adverse, elle indique ensuite s'agissant de la seconde hypothèse, que le principe de la prévalence des Conditions Particulières sur les Conditions Générales n'a vocation à s'appliquer que lorsqu'il existe entre elles une contradiction, ce qui n'est pas le cas, et qu'il s'agit de déterminer si les Dispositions Générales sont écartées par les Dispositions Particulières. Elle soutient que les Dispositions Particulières doivent s'appliquer en complément des Dispositions Générales pour préciser la portée des engagements et non pour exclure certaines garanties.

Les sociétés Allianz et GFA répondent que ni les Dispositions Particulières, ni les Dispositions Générales ne permettent la mobilisation, au cas d'espèce, du contrat d'assurance et que les pertes d'exploitation subies par la société SGHTI, dans le cadre de l'épidémie de la Covid-19, à la suite de la décision de gestion prise par cette dernière de fermer son établissement, ne sont pas garanties. Elles rappellent que conformément aux Dispositions Générales du contrat d'assurance, les Dispositions Particulières font partie intégrante du contrat et constituent un élément de l'ensemble contractuel que constitue la police d'assurance souscrite par la société SGHTI, de sorte que les Dispositions Particulières ne sauraient être assimilées, dans leur ensemble, à des exclusions de garantie. Elles soulignent que les Dispositions Particulières du contrat qui 'personnalisent le contrat à la situation de l'assuré' ne viennent que préciser le champ d'application du contrat, conformément aux besoins de la société SGHTI, exprimés à la souscription du contrat d'assurance au cabinet de courtage qu'elle a mandaté. Elles ajoutent qu'à supposer que la cour considère qu'il existe une contradiction entre les Dispositions Générales et les Dispositions Particulières du contrat, celles-ci prévalent sur les Dispositions Générales, et ce conformément à l'article 1119 du code civil. Or, le tableau récapitulatif des garanties inséré aux Dispositions particulières ne vise pas le cas des pertes d'exploitation subies par la société SGHTI dans le cadre de l'épidémie de Covid-19, à la suite de la décision de gestion prise par cette dernière de fermer son établissement.

Les intimées font encore valoir que les garanties 'impossibilité ou difficultés matérielles d'accès' et 'interdiction d'accès' prévues par les Dispositions Générales n'ont vocation à s'appliquer qu'en cas d'évènement garanti ayant entrainé des dommages matériels dans le voisinage immédiat ; que l'épidémie de Covid-19 n'est pas un évènement garanti et que sa survenance n'a pas entrainé de dommage matériel dans le voisinage immédiat des locaux de la société SGHTI. Elles soulignent que les hôtels n'ont pas été visés par les mesures administratives d'interdiction de recevoir du public prises par le Gouvernement dans le cadre de la lutte contre la propagation de la Covid-19 et que la fermeture de l'établissement hôtelier exploité par la société SGHTI relève d'une décision interne de gestion, en ajoutant que le fait que l'offre tarifaire de l'établissement soit basée sur un fonctionnement 'all inclusive' ne saurait permettre de prétendre à une fermeture de l'établissement. Elle indique qu'en tout état de cause, les mesures administratives prises par le Gouvernement ne sont pas assimilables à des mesures d''interdiction d'accès', seul évènement couvert au titre de la police d'assurance.

*****

L'article 1134, alinéa premier, ancien, applicable à l'espèce, devenu l'article 1103 du code civil dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

L'article 1156 ancien, applicable à l'espèce, remplacé par l'article 1188 du code civil prévoit que « On doit dans les conventions rechercher qu'elle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes ».

L'article 1161 ancien du code civil, applicable à l'espèce, remplacé par l'article 1189 de ce code précise que « Toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier ».

Par ailleurs, l'article 1315 ancien du code civil remplacé par l'article 1353 de ce code dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. En application de ce texte, il appartient à l'assuré de démontrer que les conditions d'application de la garantie sont remplies, sachant que la charge de la preuve repose sur l'assureur lorsqu'il entend opposer à l'assuré une clause d'exclusion de garantie.

En l'espèce, le contrat n°4010005744 conclu par la société SGHTI le 25 mars 2004 est composé des documents suivants :

- les « Dispositions Particulières » portant la référence 4010005744, qui adaptent le contrat à la situation personnelle de l'assuré et qui précisent en particulier les garanties, extensions, options et franchises choisies, étant précisé que les Dispositions Particulières prévalent sur les Dispositions générales en cas de contradiction entre elles ;

- les « Dispositions Générales Assurance » portant la référence COM02456, applicables à tous les contrats d'assurance et répondant à un certain nombre de questions pratiques ;

- les « Dispositions Générales AGF Hôtelier » portant la référence COM05168, qui regroupent l'ensemble des règles communes à tous les contrats, qui définissent la nature et l'étendue des garanties ainsi que les montants de garanties et de franchises, et qui incluent également un lexique 'Quelques définitions' regroupant la définition des principaux termes indispensables à la bonne compréhension du contrat ;

- les annexes et intercalaires dont mention est faite aux Dispositions Particulières, définissant des garanties spécifiques ;

- l'avenant de modification daté du 31 janvier 2013, aux termes duquel la surface des locaux assurés a été augmentée et les garanties de la police ont été étendues à une piscine supplémentaire.

Il est indiqué, en caractères gras, en page 2 des Dispositions Générales AGF Hôtelier, dont l'assuré reconnaît avoir reçu un exemplaire en signant les Dispositions Particulières : « Chaque garantie, option, ou extension vous est acquise si vous en avez fait expressément le choix aux Dispositions Particulières ».

Le tableau récapitulatif des garanties figurant à la fin des Dispositions Générales AGF Hôtelier (pages 56 à 63) comporte une rubrique relative à 'La Protection financière de votre établissement' (page 60) qui renvoie aux Dispositions Particulières pour ce qui concerne plus particulièrement les pertes d'exploitation.

Les Dispositions Particulières comportent en première page un tableau des garanties accordées à l'assuré dans le cadre du contrat mentionnant dès la première ligne :

« 1- GARANTIES ACCORDÉES vous bénéficiez exclusivement des garanties en face desquelles il est indiqué 'GARANTI' ». (en caractères gras et soulignés dans le document)

S'agissant précisément de la garantie des pertes d'exploitation, celle-ci n'est mobilisable selon le tableau que dans les cas suivants :

- après T.O.C. (Tempête-Ouragan-Cyclone),

- après incendie,

- après dommages électriques.

Il en résulte que la garantie des pertes d'exploitation subies au titre d'une interruption ou réduction de l'activité résultant d'une interdiction d'accès émanant des autorités n'a pas été souscrite par la société SGHTI. Celle-ci en revendique néanmoins le bénéfice au motif que cette garantie est visée par les Dispositions Générales AGF Hôtelier en son article 3.1 'Pertes d'exploitation'.

L'article 3.1 'Pertes d'exploitation' figure en page 26 des Dispositions Dispositions Générales AGF Hôtelier sous un point 3 intitulé « La protection financière de votre établissement ». Il est ainsi rédigé :

« 3.1.1 Ce que nous garantissons

Nous garantissons à la suite de dommages matériels que nous avons indemnisés au titre des garanties "Incendie et Evénements assimilés" - "Action des eaux" - "Phénomènes climatiques" (y compris Catastrophes naturelles) et 'Vandalisme' les pertes pécuniaires que vous pouvez subir du fait de l'interruption ou de la réduction de votre activité. (...)

La période d'indemnisation est la période commençant le jour du sinistre et pendant laquelle les résultats de votre établissement sont affectés par celui-ci. Elle est de 12 mois , mais peut être, sur votre demande et moyennant mention aux dispositions particulières et cotisation supplémentaire, portée à 24 mois.

Nous garantissons également :

- la perte de marge brute due à une mise en 'quarantaine' de votre établissement par les autorités sanitaires, consécutive à l'un des événements suivants : maladie infectieuse, empoisonnement, assassinat ou suicide survenu dans les locaux assurés.

- la perte de marge brute que vous subissez du fait de l'interruption ou de la réduction de votre activité résultant :

' d'une interdiction d'accès émanant des autorités,

' de l'impossibilité ou de difficultés matérielles d'accès à vos locaux professionnels

par suite de dommages matériels d'incendie, d'explosion, de phénomènes climatiques y compris catastrophes naturelles survenus à proximité de votre établissement dès lors que ces dommages matériels auraient été garantis par le présent contrat si l'événement s'était produit dans les locaux assurés. (...) 

- la perte de marge brute et les frais supplémentaires d'exploitation résultant de l'impossibilité d'accès aux locaux assurés, suite à des dommages matériels d'Incendie, d'Explosion, de Phénomènes climatiques y compris Catastrophes Naturelles survenus sur le téléphérique ou la télécabine, dès lors que ces événements auraient été garantis par le présent contrat s'ils avaient affecté les locaux assurés. (...) » (les caractères gras sont reproduits à l'identique tels qu'ils figurent dans les Dispositions Générales AGF Hôtelier)

L'appelante prétend que les Dispositions Particulières, qui ne mentionnent pas la garantie des pertes d'exploitation subies au titre d'une interruption ou réduction de l'activité résultant d'une interdiction d'accès émanant des autorités, pourtant prévue aux Dispositions Générales, constituent une clause d'exclusion et qu'à ce titre, celle-ci est nulle au motif qu'elle ne respecte pas le formalisme prévu par le code des assurances.

Or, les Dispositions Particulières du contrat, qui adaptent le contrat à la situation de l'assuré en apportant des précisions sur ce dernier ainsi que sur les risques garantis, les capitaux assurés et le montant des franchises spécifiques par sinistre, ne peuvent être assimilées en elles-mêmes à une clause d'exclusion de garantie. Leur objet est de définir le champ d'application de la garantie. Elles n'excluent pas non plus de la garantie, y compris « de manière indirecte », des évènements prétendument couverts par les Dispositions Générales puisque, comme rappelé supra, il est clairement précisé, tant dans les Dispositions Générales que dans les Dispositions Particulières, que l'assuré bénéficie des seules garanties énumérées dans les Dispositions Particulières. Outre que les Dispositions Générales AGF Hôtelier, ainsi que le précise le contrat, ont pour objet de regrouper « l'ensemble des règles communes à tous les contrats » et la définition des principaux termes employés, il sera également rappelé que selon une jurisprudence constante, les conditions particulières prévalent toujours sur les conditions générales.

Le jugement doit en conséquence être confirmé, par substitution de motifs.

Sur le devoir de conseil et d'information

La société SGHTI soutient encore, dans l'hypothèse où la cour considérerait que les Dispositions Particulières, sans être une clause d'exclusion, ont néanmoins pu valablement limiter les engagements de l'assureur en personnifiant les garanties, que celui-ci a manqué à son obligation de conseil en n'attirant pas l'attention de l'assuré sur cette « limitation » de garantie implicite et sur le fait que cette garantie, prévue dans les Dispositions Génrales, n'était pas reprise dans les Dispositions Particulières.

Les intimées ne concluent pas sur ce point.

*****

Ainsi que la cour l'a relevé supra, les Dispositions Générales comme les Dispositions Particulières mentionnent de façon claire et apparente que les garanties souscrites par l'assuré sont celles listées dans les Dispositions Particulières. Aussi, la société SGHTI ne saurait prétendre qu'elle ignorait qu'elle n'était pas couverte au titre des pertes d'exploitation subies en cas d'interruption ou de réduction d'activité résultant soit d'une interdiction d'accès émanant des autorités soit de l'impossibilité ou de difficultés matérielles d'accès à ses locaux professionnels.

Il ne peut donc être reproché à l'assureur un manquement à son devoir de conseil, d'autant qu'en l'espèce le contrat a été souscrit par l'intermédiaire du courtier Gras Savoye Caraïbes. Or, en présence d'un intermédiaire, l'assureur, est tenu, sur le fondement de l'article L.112-2 du code des assurances, uniquement de présenter un projet de contrat. Le devoir d'information et de conseil reposait sur le courtier qui n'a pas été mis en cause par la société SGHTI.

Le moyen sera écarté.

Sur les autres demandes

La solution retenue par la cour rend sans objet l'examen des moyens et prétentions des parties relatifs au montant de l'indemnisation au titre des pertes d'exploitation ainsi qu'à la désignation d'un expert judiciaire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société SGHTI supportera les dépens d'appel. Elle sera en outre condamnée à verser aux sociétés Allianz et GFA la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 mars 2022 par le tribunal de commerce de Nanterre ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SARL Société de Gestion Hôtelière et Touristique International aux dépens ;

CONDAMNE la SARL Société de Gestion Hôtelière et Touristique International à verser à la SA Allianz Iard et la SA GFA Caraïbes la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la SARL Société de Gestion Hôtelière et Touristique International de sa demande de ce chef.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseiller pour le Président empêché, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre commerciale 3-1
Numéro d'arrêt : 22/02860
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.02860 ?
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