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21/09/2006 | FRANCE | N°05/02699

France | France, Cour d'appel d'Orléans, 21 septembre 2006, 05/02699


COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS SCP LAVAL-LUEGER SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE ARRÊT du : 21 SEPTEMBRE 2006 No : No RG : 05/02699 DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 09 Août 2005 PARTIES EN CAUSE APPELANTS : Monsieur Mohamed X..., demeurant ... - 45160 OLIVET représenté par la SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE, avoués à la Cour ayant pour avocat Me Christophe VERBEQUE, du barreau d'ORLEANS Madame Claudette Y... épouse X..., demeurant ... - 45160 OLIVET représentée par la SCP DESPLANQ

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COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS SCP LAVAL-LUEGER SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE ARRÊT du : 21 SEPTEMBRE 2006 No : No RG : 05/02699 DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 09 Août 2005 PARTIES EN CAUSE APPELANTS : Monsieur Mohamed X..., demeurant ... - 45160 OLIVET représenté par la SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE, avoués à la Cour ayant pour avocat Me Christophe VERBEQUE, du barreau d'ORLEANS Madame Claudette Y... épouse X..., demeurant ... - 45160 OLIVET représentée par la SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE, avoués à la Cour ayant pour avocat Me Christophe VERBEQUE, du barreau d'ORLEANS D'UNE PART INTIMÉES : S.A. LA BANQUE REGIONALE DE L'OUEST prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège, 7 rue Gallois - 41000 BLOIS représentée par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour ayant pour avocat la SCP BERTRAND-RADISSON-BROSSAS, du barreau d'ORLEANS Société BRO GESTION prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, 7 rue Gallois - 41000 BLOIS représentée par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour ayant pour avocat la SCP BERTRAND-RADISSON-BROSSAS, du barreau d'ORLEANS D'AUTRE PART DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 20 Septembre 2005 COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats et du délibéré : Monsieur Jean-Pierre REMERY, Président de Chambre, Madame Odile MAGDELEINE, Conseiller, Monsieur Alain GARNIER, Conseiller. Greffier : Madame Maryline Z..., lors des débats, Madame Nadia A..., lors du prononcé de l'arrêt. DÉBATS : A l'audience publique du 07 Septembre 2006, à laquelle, sur rapport de Monsieur RÉMERY, Magistrat de la Mise en Etat, les avocats des parties ont été entendus en leurs plaidoiries. ARRÊT : Lecture de l'arrêt à l'audience publique du 21 Septembre 2006 par Monsieur le Président REMERY, en application des dispositions de l'article 452 du

Nouveau Code de Procédure Civile. Titulaire d'un compte ouvert dans les livres de la BANQUE REGIONALE DE L'OUEST (BRO), Monsieur X... a confié, par acte sous seing privé du 8 mars 2000, un mandat de gestion de valeurs mobilières à la Société BRO GESTION. Après avoir constaté la perte de près de la moitié des capitaux qu'ils avaient investis, et alors que la Société BRO GESTION avait résilié la convention de compte géré à effet du 10 janvier 2002 en invoquant la perte de confiance entre les parties, les époux X... ont assigné la banque et la société de gestion, par acte du 18 février 2003, en paiement de diverses sommes en réparation de leur préjudice financier et moral. Par jugement du 9 août 2005, le Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS a mis la BRO hors de cause et débouté les époux X... de leurs demandes. Les époux X... ont relevé appel. Par conclusions signifiées le 23 janvier 2006, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, ils déclarent maintenir leurs demandes à l'encontre des deux intimées et font valoir que la Société BRO GESTION a engagé sa responsabilité en raison des fautes commises dans la gestion de leur portefeuille. Ils considèrent, en effet, que le prestataire a proposé un type de gestion caractérisé par un niveau de risque accepté et une durée d'investissement mais qu'il n'a pas respecté la répartition des actifs, comportant 53 % de produits obligataires, prévue dans la note d'information sur la gestion de portefeuille remise lors de la souscription du contrat et entrée ainsi dans le champ contractuel avec une obligation de résultat, dès lors que les placements à hauts risques ont représenté 75 % des titres en décembre 2000. Ils reprochent à la banque et à la société de gestion d'avoir manqué à leurs obligations de conseil et d'information, sur le fondement des articles 533-4 du Code Monétaire et Financier et 3-3-5 du Règlement général du Conseil des Marchés Financiers, en ne les avisant pas de la modification de la politique

d'investissement, des bouleversements qui s'opéraient en matière boursière, et des risques inhérents aux diverses opérations réalisables sur les marchés financiers. Ils évaluent leur préjudice à la somme de 42.937,82 Euros au 20 janvier 2003, correspondant aux pertes à l'échéance initialement envisagée du mandat, outre 10.000 Euros en réparation de leur préjudice moral et une somme identique à titre d'indemnité de procédure. Subsidiairement, ils sollicitent la désignation d'un expert. Par leurs écritures du 2 mai 2006, la BRO et la Société BRO GESTION relèvent que le seul cocontractant est la Société BRO GESTION, la banque devant être mise hors de cause. Elles dénient toute faute dans la gestion du portefeuille dans la mesure où la gestion classique choisie par les appelants privilégie principalement des valeurs de qualité et de croissance . Elles prétendent que la notice d'information n'a pas de valeur contractuelle mais simplement informative et qu'à l'époque de la signature de la convention, les grilles de gestion de BRO GESTION prévoyaient un pourcentage d'obligations de 37 %, étant rappelé qu'un mandat de gestion implique simplement une obligation de moyens. En ce qui concerne le devoir d'information et de conseil, elles soulignent que le questionnaire annexé à la convention de compte géré répond parfaitement aux exigences légales et que Monsieur X... maîtrisait les opérations envisagées et leurs risques puisqu'il avait déjà acquis antérieurement des actions de son propre chef. Elles indiquent que la perte s'établit à 24.469,06 Euros au 10 janvier 2002, date de résiliation du mandat, et qu'elle résulte de la chute des marchés boursiers au cours de l'année 2000, aggravée par l'attentat du 11 septembre 2001 aux Etats Unis. Elles concluent à la confirmation du jugement et à l'allocation de la somme de 3.000 Euros à chacune au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. SUR QUOI Sur le devoir d'information et de conseil Attendu,

selon l'article L. 533-4 du Code Monétaire et Financier, que le gérant de portefeuille doit s'enquérir de la situation financière de ses clients, de leur expérience en matière d'investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés ; qu'en vertu de l'article 3-3-5 du Règlement général du Conseil des Marchés Financiers (devenu l'article 321-46 du Règlement général de l'Autorité des Marchés Financiers), le prestataire doit, dès l'origine des relations contractuelles, éclairer son client sur la formule la plus adaptée à son cas, entre la gestion dynamique, la gestion dite équilibrée et la gestion prudente de bon père de famille, et l'avertir des risques prévisibles qu'il prend ; que si l'étendue de l'information fournie dépend du niveau de connaissance du client en matière de mécanismes boursiers et du marché plus ou moins spéculatif sur lequel il intervient, on ne peut considérer que Monsieur X... était un opérateur averti, comme le prétend la BRO GESTION, au motif qu'il avait acquis antérieurement des actions pour une contre-valeur de 58.633,60 Euros , alors qu'il résulte d'une lettre de la BRO adressée le 1er février 2002 à l'appelant que les titres litigieux avait été précisément acquis le 8 mars 2000, lors de la signature du mandat de gestion, selon les conseils en direct du responsable de BRO GESTION de l'époque ; Que le mandat de gestion, qui ne contient aucune définition des types de gestion proposée et des risques encourus comporte une annexe I Objectifs de gestion qui se borne aux énonciations suivantes : Risques : la valorisation que l'on peut espérer obtenir d'un portefeuille est fonction du niveau de risque que l'on est prêt à accepter. Souhaitez-vous une prise de risque importante ä moyenne ä faible ä Durée : les valeurs mobilières étant des actifs à long terme, la gestion de portefeuille ne se conçoit que dans une certaine durée. Souhaitez-vous une gestion avec perspective supérieure à 3 ans ä

d'environ 3 ans ä inférieure à 3 ans ä ; Que Monsieur X... a opté pour une prise de risque moyenne , avec une perspective de gestion inférieure à 3 ans, tout en excluant les interventions sur le Marché des Options Négociables de Paris (MONEP) ; Qu'à l'occasion de la conclusion de la convention de compte géré, il a été remis à Monsieur X... une notice Gestion de portefeuille , référencée 10 juillet 1998, donnant la définition de la gestion classique : Plus traditionnelle que la précédente (gestion offensive), la gestion classique, respectant bien sûr les principes de diversification internationale, privilégie, sur chacun de ses marchés d'intervention, principalement des valeurs de qualité et de croissance. Ce sont en général les valeurs de sociétés qui détiennent une position de leader ou de quasi leader sur leurs marchés, qui suivent une politique industrielle bien centrée sur une gamme cohérente de métiers et qui offrent une visibilité incontestable en matière de résultats ; Que cette notice contient également des modèles graphiques d'allocation d'actifs pour les trois types de gestion proposés (gestion diversifiée offensive, classique et défensive), l'option choisie par Monsieur X... indiquant 53 % de supports obligataires ; Attendu que les sociétés intimées soutiennent que la notice d'information n'est pas un document contractuel, mais une simple description de principes généraux de gestion, et que les grilles de gestion de la BRO GESTION avaient réduit le pourcentage d'obligations à 37 % en mars 2000 ; Mais attendu que les documents d'information suffisamment précis remis aux clients, à condition que le contrat n'ait pas apporté de précision contraire, constituent une offre de contracter qui, lorsque leurs termes ont été acceptés par le client, engagent leur auteur, de sorte que le contenu en est intégré au contrat ; qu'en l'espèce, la notice d'information représente la seule source d'information et de définition des risques encourus du

fait de l'option de gestion choisie, sans que la BRO GESTION ne démontre avoir avisé Monsieur X... du changement substantiel d'orientation des portefeuilles gérés et que celui-ci l'ait accepté en connaissance de cause ; qu'il s'en déduit que l'intermédiaire a engagé sa responsabilité en dépassant les termes du mandat et en accomplissant des opérations plus spéculatives que celles envisagées par l'appelant ; Sur la gestion du portefeuille Attendu que, si du fait du mandat de gestion, le prestataire est tenu à des obligations de diligence et de prudence, l'existence d'un tel mandat n'implique aucune garantie contre les aléas inhérents à tout placement boursier que Monsieur X... ne peut sérieusement prétendre avoir ignorés ; qu'il apparaît, toutefois, au vue de la composition du portefeuille et d'une lettre du Directeur général de la BRO du 27 septembre 2001, que les capitaux de l'intéressé ont été investis avec une forte pondération en valeurs TMT (télécommunications, médias, technologie), soit 62 % des fonds au 30 septembre 2000 ; que l'absence de diversification constatée, au mépris des clauses de la convention prévoyant une répartition des risques, constitue un manquement caractérisé à l'obligation de prudence incombant au mandataire et l'anormalité des risques fautivement pris par la société de gestion, par une concentration excessive et durable du portefeuille sur certains postes, devait nécessairement conduire à des pertes importantes en cas de renversement brutal de l'orientation des cours, largement supérieures à la baisse ayant affecté l'ensemble des valeurs cotées ; Sur les préjudices Attendu que les pertes enregistrées par Monsieur X... entre la conclusion de la convention de compte gérée le 8 mars 2000, et la résiliation prononcée à l'initiative de la Société BRO GESTION le 10 janvier 2002 s'élèvent à : 66.138,63 Euros (versements initiaux) û 33.851,47 Euros (valeur du portefeuille au 10 janvier 2002, selon lettre BRO du 15

janvier 2002) = 32.287,16 Euros ; Que, toutefois, les fautes commises par le prestataire ont seulement privé Monsieur X... d'une chance d'échapper, par une décision peut-être plus judicieuse, au risque qui s'est finalement réalisé, cette perte de chance constituant un préjudice distinct de celui résultant des opérations traitées ; qu'il convient donc, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une expertise, de comparer les résultats obtenus par la BRO GESTION avec ceux qu'aurait procuré une gestion plus conforme à la prudence en fonction de l'évolution de l'indice CAC 40 entre le début et la fin du mandat ; Que l'indice CAC 40 a baissé de 30 % entre le 27 mars 2000 et le 10 janvier 2002, selon les informations fournies par la banque (pièce no 2, état des apports / retraits sur le compte de Monsieur X... ) ; que ce pourcentage de baisse appliqué à la seule fraction du portefeuille qui aurait dû être investie en actions, eu égard à l'allocation d'actifs contractuelle, (47 % de 66.138,63 Euros), soit 31.085,16 Euros, aurait entraîné une perte limitée à 9.325,55 Euros ; que le préjudice financier ayant pour origine le comportement téméraire de la Société BRO GESTION et contraire aux pratiques de prudence normalement admises ressort en conséquence à 32.287,16 Euros - 9.325,55 Euros = 22.961,61 Euros ; que cependant , compte tenu du fait que le présent arrêt ne répare qu'une perte de chance, il y a lieu de limiter l'indemnisation à la somme de 18.000 euros; Que la BRO, dépositaire des fonds et des titres doit être déclarée responsable in solidum avec sa société de gestion, dès lors qu'elle ne s'est pas assurée que les ordres étaient conformes au mandat du gérant de portefeuille et qu'elle connaissait les clauses du mandat qu'elle a elle-même cosigné avec les deux autres parties, de sorte que, par infirmation du jugement, la banque et la Société BRO GESTION seront condamnées in solidum à payer aux époux X... la somme ci-dessus à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que le préjudice moral des époux X... n'est pas caractérisé et que leur demande à ce titre sera rejetée ; Attendu que la BRO et la Société BRO GESTION supporteront in solidum les dépens de première instance et d'appel et verseront, en outre, une indemnité de 4.000 Euros aux époux X... sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; PAR CES MOTIFS La Cour, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Infirme le jugement entrepris ; Et statuant à nouveau ; Condamne in solidum la BANQUE REGIONALE DE L'OUEST et la Société BRO GESTION à payer aux époux X... la somme de 18.000 Euros( DIX HUIT MILLE EUROS) en réparation de leur préjudice financier ; Rejette la demande des époux X... tendant à l'allocation d'une somme au titre de leur préjudice moral ; Condamne in solidum la BANQUE REGIONALE DE L'OUEST et la Société BRO GESTION aux dépens de première instance et d'appel et à verser la somme de 4.000 Euros aux époux X... par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Accorde à la SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE, titulaire d'un Office d'Avoué, le droit reconnu par l'article 699 du même code ; Et le présent arrêt a été signé par Monsieur REMERY, Président, et Madame A..., Greffier présent lors du prononcé. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Numéro d'arrêt : 05/02699
Date de la décision : 21/09/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-09-21;05.02699 ?
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