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09/12/1997 | FRANCE | N°95-17619

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 décembre 1997, 95-17619


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 24 mai 1995), que des cartons renfermant des bouteilles de vin ont été chargés au port du Havre dans des conteneurs mis à bord du navire Suhadiwarn° Panjan en vue de leur transport par voie maritime jusqu'au port de Santos (Brésil) par la société Pro Line, ayant son siège à Hambourg (Allemagne) ; que des avaries à la marchandise et des manquants ayant été constatés à l'arrivée, neuf compagnies d'assurances sur facultés, dont le groupe Concorde était l'apériteur (les assureurs), ont indemnisé le destinataire et, ainsi subrogées dans

ses droits, ont, par acte du 22 septembre 1991, assigné en réparation ...

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 24 mai 1995), que des cartons renfermant des bouteilles de vin ont été chargés au port du Havre dans des conteneurs mis à bord du navire Suhadiwarn° Panjan en vue de leur transport par voie maritime jusqu'au port de Santos (Brésil) par la société Pro Line, ayant son siège à Hambourg (Allemagne) ; que des avaries à la marchandise et des manquants ayant été constatés à l'arrivée, neuf compagnies d'assurances sur facultés, dont le groupe Concorde était l'apériteur (les assureurs), ont indemnisé le destinataire et, ainsi subrogées dans ses droits, ont, par acte du 22 septembre 1991, assigné en réparation de leur préjudice le capitaine du navire, pris en son nom personnel, et le transporteur maritime devant le tribunal de commerce du Havre qui a décliné sa compétence ; que les assureurs ont formé contredit ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que les assureurs reprochent d'abord à l'arrêt d'avoir, pour confirmer l'incompétence des premiers juges à l'égard de tous les défendeurs, retenu que le capitaine du navire n'était pas domicilié au Havre chez le consignataire du navire alors, selon le pourvoi, d'une part, que la domiciliation légale du capitaine chez le consignataire prévue par l'article 18 du décret n° 69-679 du 19 juin 1969 relatif à l'armement et aux ventes maritimes, constitue une " demeure " au sens de l'article 42 du nouveau Code de procédure civile, applicable à la cause par l'effet de l'article 52 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ; que la cour d'appel a donc violé l'article 42, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile et les articles 2 et 52 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ; alors, d'autre part, que, s'interdisant de mettre en oeuvre le chef de compétence en cas de pluralité de défendeurs, la cour d'appel a violé l'article 6.1 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ; alors, en outre, que si la cour d'appel, au motif que les assureurs " n'articulent aucun fait précis constitutif d'une faute imputable au capitaine... du navire ", a ainsi entendu écarter la règle de compétence en cas de pluralité de défendeurs, elle a méconnu les données du litige telles qu'elle résultaient des écritures des assureurs qui faisaient valoir que les circonstances dans lesquelles la marchandise transportée avait été endommagée demeuraient indéterminées en raison du refus par le capitaine de produire son rapport de mer ; qu'elle a ainsi violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, qu'ignorant que le chef de compétence écarté ne requiert rien d'autre que l'identité d'objet des demandes formées contre les divers défendeurs, la cour d'appel aurait, au surplus, violé l'article 6.1 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ;

Mais attendu que si, par application de l'article 6.1 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, tous les codéfendeurs peuvent être attraits devant un même tribunal, c'est à la condition que, dans son ressort, soit situé le domicile de l'un d'eux, tel que le définit la loi du for, à laquelle l'article 52, alinéa 1er, de la convention précitée renvoie ; qu'il ne résulte pas de la loi française ainsi désignée en l'espèce, et spécialement des dispositions de l'article 18 du décret n° 69-679 du 19 juin 1969 relatif à l'armement, qui se bornent à énoncer que peuvent être notifiés au consignataire du navire tous actes judiciaires et extrajudiciaires que le capitaine est habilité à recevoir, que celui-ci serait domicilié chez le consignataire ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Vu l'article 1er du protocole du 3 juin 1971 relatif à l'interprétation par la Cour de justice des Communautés européennes de la Convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, la Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour statuer sur l'interprétation de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et qu'il résulte des articles 2, point 1, et 3, point 1, du protocole, que, lorsqu'une question portant sur l'interprétation de la Convention est soulevée dans une affaire pendante devant la Cour de Cassation, celle-ci, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son arrêt, est tenue de demander à la Cour de justice de statuer sur cette question ;

Attendu que les assureurs reprochent ensuite à l'arrêt d'avoir, pour confirmer l'incompétence du tribunal de commerce du Havre à l'égard du transporteur maritime, retenu que le lieu d'exécution du contrat de transport n'était pas situé au Havre alors, selon le pourvoi, d'une part, que, selon l'article 5.1 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, en matière contractuelle, le défendeur peut être attrait devant le tribunal du lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée ; que, pour la mise en oeuvre de cette disposition, dont l'applicabilité était en l'occurrence contestée par le transporteur maritime et son assureur, le juge doit, afin de dire quel est le lieu d'exécution de l'obligation litigieuse, se référer à la loi applicable, selon sa propre règle de conflit de lois, au rapport juridique dont il s'agit ; qu'en affirmant que le lieu d'exécution de l'obligation du transport n'était que le port de destination, Santos, sans rechercher quelle loi régissait le contrat de transport, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 5.1 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ; et, alors, d'autre part, que même si la cour d'appel avait entendu dire le droit français applicable au contrat de transport de l'espèce, elle aurait violé l'article 54 du décret du 31 décembre 1966 selon lequel le port de chargement est le lieu d'exécution du contrat de transport maritime ;

Attendu que la réponse à apporter au second moyen soulève une difficulté sérieuse d'interprétation de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ; qu'en effet la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit, par son arrêt du 6 octobre 1976 (Tessili), que le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée, au sens de l'article 5.1 de la Convention, est déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie, loi qui peut inclure les dispositions d'une convention internationale portant loi uniforme (arrêt du 29 juin 1994, Custom Made Commercial Ltd), à moins que les parties ne définissent elles-mêmes ce lieu, par une clause valide selon le droit applicable au contrat (arrêt du 17 janvier 1980, Zelger) ; qu'il apparaît cependant opportun de poser à la Cour de justice une question préjudicielle afin de savoir si ne pourrait être retenue une solution communautaire autonome suivant laquelle les juges nationaux détermineraient le lieu d'exécution de l'obligation en recherchant, en fonction de la nature du rapport d'obligation et des circonstances de l'espèce, le lieu où la prestation a été, ou devait être, effectivement fournie, sans qu'ils aient à se référer à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon la règle de conflit du for ; qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur le second moyen jusqu'à ce que la Cour de justice se soit prononcée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le premier moyen du pourvoi ;

Sur le second moyen,

RENVOIE à la Cour de justice des Communautés européennes aux fins de dire, en vue de l'application de l'article 5.1 de la Convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, si le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée, au sens de ce texte, doit être déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie ou si les juges nationaux ne doivent pas déterminer le lieu d'exécution de l'obligation en recherchant, en fonction de la nature du rapport d'obligation et des circonstances de l'espèce, le lieu où la prestation a été, ou devait être, effectivement fournie, sans avoir à se référer à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon la règle de conflit du for ;

SURSOIT A STATUER sur le second moyen du pourvoi jusqu'à décision de la Cour de justice des Communautés européennes.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-17619
Date de la décision : 09/12/1997
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Consignataire - Consignataire du navire - Actes reçus pour le capitaine - Effets - Capitaine - Domiciliation (non).

1° Il ne résulte pas des dispositions de l'article 18 du décret du 19 juin 1969 relatif à l'armement, qui se bornent à énoncer que peuvent être notifiés au consignataire du navire tous actes judiciaires et extrajudiciaires que le capitaine est habilité à recevoir, que celui-ci serait domicilié chez le consignataire.

2° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence judiciaire - Contrats et obligations - Lieu d'exécution de l'obligation - Détermination - Interprétation - Renvoi devant la Cour de justice des Communautés.

2° Aux fins de l'application de l'article 5.1° de la Convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, il y a lieu de demander à la Cour de justice des Communautés européennes de dire, à titre préjudiciel, si le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée, au sens de ce texte, doit être déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie ou si les juges nationaux ne doivent pas déterminer le lieu d'exécution de l'obligation en recherchant, en fonction de la nature du rapport d'obligation et des circonstances de l'espèce, le lieu où la prestation a été, ou devait être, effectivement fournie, sans avoir à se référer à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon la règle de conflit du for.


Références :

2° :
1° :
Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 art. 5 1
Décret 69-679 du 19 juin 1969 art. 18

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 24 mai 1995

A RAPPROCHER : (2°). Chambre civile 1, 1997-03-11, Bulletin 1997, I, n° 85, p. 55 (rejet), et les arrêts cités ; Chambre commerciale, 1997-10-21, Bulletin 1997, IV, n° 272, p. 236 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 déc. 1997, pourvoi n°95-17619, Bull. civ. 1997 IV N° 334 p. 288
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1997 IV N° 334 p. 288

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Rémery.
Avocat(s) : Avocats : MM. Le Prado, Balat, la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.17619
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