La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/11/2002 | FRANCE | N°97-21291

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 novembre 2002, 97-21291


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 1997), que la société Bacardi-Martini (société Bacardi) commercialise des boissons alcoolisées, pour la promotion desquels elle loue des panneaux publicitaires situés notamment sur des lieux où se déroulent des manifestations sportives ; que se prévalant de ce que la société TF1 (TF1) et les sociétés Groupe Jean-Claude Darmon et Girosport, ces dernières, négociant pour le compte de TF1 les dr

oits de retransmission télévisuelle des matchs de football, auraient exercé d...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 1997), que la société Bacardi-Martini (société Bacardi) commercialise des boissons alcoolisées, pour la promotion desquels elle loue des panneaux publicitaires situés notamment sur des lieux où se déroulent des manifestations sportives ; que se prévalant de ce que la société TF1 (TF1) et les sociétés Groupe Jean-Claude Darmon et Girosport, ces dernières, négociant pour le compte de TF1 les droits de retransmission télévisuelle des matchs de football, auraient exercé des pressions auprès de clubs étrangers pour que ceux-ci refusent l'accès des marques de boissons alcoolisées qu'elle commercialise aux panneaux publicitaires apposés autour des stades, alors que, dans le même temps, la présence de publicités pour des boissons alcoolisées étrangères était dans certains cas admise, la société Bacardi a assigné les sociétés précitées aux fins qu'il leur soit enjoint de "cesser tout comportement fautif tel que décrit dans le corps de la présente assignation", qu'elles soient condamnées à faire publier à leur frais le jugement à intervenir, et qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réserve la possibilité de demander la condamnation de son préjudice du fait des agissements fautifs incriminés ;

Attendu que la société Bacardi fait grief à l'arrêt, selon les moyens reproduits en annexe, d'avoir rejeté sa demande tendant à enjoindre aux sociétés TF1, groupe Jean-Claude Darmon et Girosport de cesser tout comportement fautif et discriminatoire, et d'avoir rejeté sa demande tendant à constater l'incompatibilité de l'application de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991, telle que codifiée aux articles L. 17 à L. 21 du Code des boissons avec l'article 59 du traité de Rome et avec la directive 89/552 CEE du 3 octobre 1989 dite "Télévision sans frontières", et partant, déclarer lesdites dispositions inapplicables en l'espèce ;

Attendu qu'il importe de savoir :

1 / si la directive 89/552 CEE du 3 octobre 1989 dite "Télévision sans frontières", dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la directive 97/36 CE du 30 juin 1997 s'oppose à ce qu'une législation interne telle que les articles L. 17 à L. 21 du Code français des débits de boissons, et l'article 8 du décret n° 92280 du 27 mars 1992, prohibe, pour des raisons tenant à la protection de la santé publique et sous peine de sanctions pénales, la publicité pour les boissons alcoolisées, qu'elles soient d'origine nationale ou en provenance d'autres Etats membres de l'Union, à la télévision, qu'il s'agisse de spots publicitaires au sens de l'article 10 de la directive ou de publicité indirecte résultant de l'apparition à la télévision de panneaux réalisant la promotion de boissons alcoolisées sans pour autant constituer la publicité clandestine visée à l'article 1er c) de la directive ;

2 / si l'article 49 du traité CE et le principe de libre circulation des émissions télévisuelles au sein de l'Union doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce qu'une loi nationale, telle que résultant des articles L. 17 à L. 21 du Code français des débits de boissons, et de l'article 8 du décret n° 92280 du 27 mars 1992 et qui prohibe, pour des raisons tenant à la protection de la santé publique et sous peine de sanctions pénales, la publicité pour les boissons alcoolisées, qu'elles soient d'origine nationale ou en provenance d'autres Etats membres de l'Union, à la télévision, qu'il s'agisse de spots publicitaires au sens de l'article 10 de la directive ou de publicité indirecte résultant de l'apparition à la télévision de panneaux réalisant la promotion de boissons alcoolisées sans pour autant constituer la publicité clandestine visée à l'article 1er c) de la directive, ait pour effet que les opérateurs chargés de la diffusion et de la distribution des programmes de télévision ;

a) s'abstiennent de procéder à la diffusion de programmes de télévision, tels notamment que la retransmission de rencontres sportives, qu'ils soient réalisés en France ou dans d'autres pays de l'Union, dès lors qu'y figurent des publicités prohibées au sens du Code français des débits de boissons,

b) ou y procèdent à la condition que n'apparaissent pas les publicités prohibées au sens du Code français des débits de boissons, empêchant ainsi la conclusion de contrats publicitaires concernant les boissons alcoolisées qu'elles soient d'origine nationale ou en provenance d'autres Etats membres de l'Union ;

Qu'il y a donc lieu de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur ce point ;

PAR CES MOTIFS :

RENVOIE à la Cour de justice des Communautés européennes aux fins de dire :

1 / si la directive 89/552 CEE du 3 octobre 1989 dite "Télévision sans frontières", dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la directive 97/36 CE du 30 juin 1997 s'oppose à ce qu'une législation interne telle que les articles L. 17 à L. 21 du Code français des débits et boissons, et l'article 8 du décret n° 92280 du 27 mars 1992, prohibe, pour des raisons tenant à la protection de la santé publique et sous peine de sanctions pénales, la publicité pour les boissons alcoolisées, qu'elles soient d'origine nationale ou en provenance d'autres Etats membres de l'Union, à la télévision, qu'il s'agisse de spots publicitaires au sens de l'article 10 de la directive ou de publicité indirecte résultant de l'apparition à la télévision de panneaux réalisant la promotion de boissons alcoolisées sans pour autant constituer la publicité clandestine visée à l'article 1er c) de la directive ;

2 / si l'article 49 du traité CE et le principe de libre circulation des émissions télévisuelles au sein de l'Union doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce qu'une loi nationale, telle que résultant des articles L. 17 à L. 21 du Code français des débits et boissons, et de l'article 8 du décret n° 92280 du 27 mars 1992 et qui prohibe, pour des raisons tenant à la protection de la santé publique et sous peine de sanctions pénales, la publicité pour les boissons alcoolisées, qu'elles soient d'origine nationale ou en provenance d'autres Etats membres de l'Union, à la télévision, qu'il s'agisse de spots publicitaires au sens de l'article 10 de la directive ou de publicité indirecte résultant de l'apparition à la télévision de panneaux réalisant la promotion de boissons alcoolisées sans pour autant constituer la publicité visée à l'article 1er c) de la directive, ait pour effet que les opérateurs chargés de la diffusion et de la distribution des programmes de télévision :

a) s'abstiennent de procéder à la diffusion de programmes de télévision, tels notamment que la retransmission de rencontres sportives, qu'ils soient réalisés en France ou dans d'autres pays de l'Union, dès lors qu'y figurent des publicités prohibées au sens du Code français des débits de boissons,

b) ou y procèdent à la condition que n'apparaissent pas les publicités prohibées au sens du Code français des débits de boissons, empêchant ainsi la conclusion de contrats publicitaires concernant les boissons alcoolisées qu'elles soient d'origine nationale ou en provenance d'autres Etats membres de l'Union ;

SURSOIT A STATUER jusqu'à décision de la Cour de justice des Communautés européennes ;

Réserve les dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 97-21291
Date de la décision : 19/11/2002
Sens de l'arrêt : Sursis à statuer,renvoi devant la courde justice des communautés européennes
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Libre prestation de service - Libre circulation des émissions télévisuelles - Retransmission de manifestations sportives - Publicité pour des boissons alcoolisées - Loi du 10 janvier 1991 - Directive n° 89/552 CEE du 3 octobre 1989 " Télévision sans frontières " - Compatibilité - Question préjudicielle .

SANTE PUBLIQUE - Alcoolisme - Lutte contre l'alcoolisme - Propagande ou publicité - Publicité lors de retransmissions sportives - Loi du 10 janvier 1991 - Directive n° 89/552 CEE du 3 octobre 1989 " Télévision sans frontières " - Compatibilité - Question préjudicielle

PUBLICITE COMMERCIALE - Interdiction - Alcool - Propagande ou publicité - Publicité lors de retransmissions sportives - Loi du 10 janvier 1991 - Directive n° 89/552 CEE du 3 octobre 1989 " Télévision sans frontières " - Compatibilité - Question préjudicielle

PROCEDURE CIVILE - Sursis à statuer - Question préjudicielle - Publicité pour des boissons alcoolisées - Interdiction - Directive n° 89/552 CEE du 3 octobre 1989 " Télévision sans frontières " - Compatibilité

Une société qui commercialise des boissons alcoolisées, pour la promotion desquelles elle loue des panneaux publicitaires situés notamment sur des lieux où se déroulent des manifestations sportives, se prévalant de ce qu'une société de télévision ainsi que des sociétés qui négocient les droits de retransmission télévisuelle de rencontres sportives auraient exercé des pressions auprès de clubs étrangers pour que ceux-ci refusent l'accès des marques de boissons alcoolisées qu'elle commercialise aux panneaux publicitaires apposés autour des stades, alors que, dans le même temps, la présence de publicités pour des boissons alcoolisées étrangères était dans certains cas admise, a assigné ces sociétés aux fins qu'il leur soit enjoint de cesser ce comportement, en soutenant que la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991, telle que codifiée aux articles L. 17 à L. 21 du Code des débits de boissons, invoquée au soutien du comportement critiqué, était incompatible avec l'article 59 du traité de Rome et avec la directive n° 89/552 CEE du 3 octobre 1989 dite " Télévision sans frontières ". Il y a lieu dès lors de renvoyer à la Cour de justice des Communautés européennes aux fins de dire : 1° si la directive n° 89/552 CEE du 3 octobre 1989 dite " Télévision sans frontières ", dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la directive n° 97/36 CE du 30 juin 1997 s'oppose à ce qu'une législation interne telle que les articles L. 17 à L. 21 du Code français des débits de boissons, et l'article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992, prohibe, pour des raisons tenant à la protection de la santé publique et sous peine de sanctions pénales, la publicité pour les boissons alcoolisées, qu'elles soient d'origine nationale ou en provenance d'autres Etats membres de l'Union, à la télévision, qu'il s'agisse de spots publicitaires au sens de l'article 10 de la directive ou de publicité indirecte résultant de l'appartition à la télévision de panneaux réalisant la promotion de boissons alcoolisées sans pour autant constituer la publicité clandestine visée à l'article 1er c) de la directive ; 2° si l'article 49 du traité CE et le principe de libre circulation des émissions télévisuelles au sein de l'Union doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce qu'une loi nationale, telle que résultant des articles L. 17 à L. 21 du Code français des débits et boissons, et de l'article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 et qui prohibe, pour des raisons tenant à la protection de la santé publique et sous peine de sanctions pénales, la publicité pour les boissons alcoolisées, qu'elles soient d'origine nationale ou en provenance d'autres Etats membres de l'Union, à la télévision, qu'il s'agisse de spots publicitaires au sens de l'article 10 de la directive ou de publicité indirecte résultant de l'apparition à la télévision de panneaux réalisant la promotion de boissons alcoolisées sans pour autant constituer la publicité visée à l'article 1er c) de la directive, ait pour effet que les opérateurs chargés de la diffusion et de la distribution des programmes de télévision : a) s'abstiennent de procéder à la diffusion de programmes de télévision, tels notamment que la retransmission de rencontres sportives, qu'ils soient réalisés en France ou dans d'autres pays de l'Union, dès lors qu'y figurent des publicités prohibées au sens du Code français des débits de boissons, b) ou y procèdent à la condition que n'apparaissent pas les publicités prohibées au sens du Code français des débits de boissons, empêchant ainsi la conclusion de contrats publicitaires concernant les boissons alcoolisées qu'elles soient d'orgine nationale ou en provenance d'autres Etas membres de l'Union.


Références :

Code des débits de boissons L175, L21
Directive CEE n° 89/552 du 03 octobre 1989
Directive CEE n° 97/36 du 30 juin 1997
Décret 92-280 du 27 mars 1992 art. 8
Loi 91-32 du 10 janvier 1991

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 septembre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 nov. 2002, pourvoi n°97-21291, Bull. civ. 2002 IV N° 169 p. 193
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2002 IV N° 169 p. 193

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Dumas .
Avocat général : Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Champalaune.
Avocat(s) : Avocats : MM. Blondel, Blanc, la SCP Boré, Xavier et Boré.

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:97.21291
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award