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06/10/2004 | FRANCE | N°02-20755

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 06 octobre 2004, 02-20755


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 25 septembre 2002), que les époux X..., marchands de biens, et M. Y..., ont acquis, le 26 novembre 1986, un motel composé de cinq bâtiments qu'ils ont revendu sans travaux, par lots, sous le régime de la copropriété ; qu'en l'absence de compteurs individuels d'électricité, équipant chacun des lots, le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires ont, à la suite de l'intervention d'Electricité de France (EDF), en 1989, puis

en 1995, demandé paiement aux vendeurs du coût des travaux d'install...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 25 septembre 2002), que les époux X..., marchands de biens, et M. Y..., ont acquis, le 26 novembre 1986, un motel composé de cinq bâtiments qu'ils ont revendu sans travaux, par lots, sous le régime de la copropriété ; qu'en l'absence de compteurs individuels d'électricité, équipant chacun des lots, le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires ont, à la suite de l'intervention d'Electricité de France (EDF), en 1989, puis en 1995, demandé paiement aux vendeurs du coût des travaux d'installation de compteurs individuels en invoquant un manquement, par le vendeur, à son obligation de délivrance ;
Sur les deux moyens, réunis :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes, alors, selon le moyen :
1 ) que le vendeur satisfait à son obligation de délivrance en remettant en la puissance et possession de l'acheteur l'objet même de la chose convenue dans la commande ; que la conformité de la chose ainsi livrée aux normes en vigueur relève de l'appréciation des qualités de ladite chose et de son aptitude à permettre l'usage auquel elle est destinée, de sorte que la sanction de la non conformité constatée ne peut se situer que dans le cadre strict de la garantie des vices cachés ; qu'en l'espèce, il est constant qu'ont été livrés aux acquéreurs les logements convenus entre les parties, seule faisant litige la conformité aux normes des installations électriques équipant ces logements ; que la cour d'appel a accueilli l'action exercée, qui tendait à faire juger non pas que les logements attribués étaient différents de ceux convenus mais qu'ils n'étaient pas équipés de compteurs individuels conformes aux normes en vigueur, sur le fondement d'un manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance, en affirmant que "l'obligation de délivrance ne consiste pas seulement à livrer ce qui a été convenu, mais aussi à mettre à la disposition de l'acquéreur une chose qui corresponde en tout point au but recherché par lui" ; que la cour d'appel a ainsi violé, par fausse application, les articles 1603, 1604 et 1615 du Code civil ;
2 ) que le vendeur satisfait à son obligation de délivrance en remettant en la puissance et possession de l'acheteur l'objet même de la chose convenue dans la commande ; qu'en l'espèce, les actes de vente et de règlement de copropriété de la résidence Suisse et Bordeaux ne comprennent, hormis les charges et conditions habituelles, aucune spécification particulière concernant l'installation électrique en place lors de la vente ; qu'il n'est nulle part prévu que les appartements soient équipés d'une installation électrique individuelle ni fait référence à une norme quelconque ; qu'en retenant cependant l'existence d'un manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance, motif pris de ce que "le seul fait d'avoir modifié la destination des bâtiments entraîne automatiquement et obligatoirement la mise en place de comptages individuels", quand la "non-conformité" retenue ressortait de l'impropriété de l'installation collective en place aux normes en vigueur imposant des installations individuelles dans les immeubles à usage d'habitation, constitutive d'un vice caché, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1603, 1604 et 1615 du Code civil ;
3 ) que les dispositions générales de l'article 1135 du Code civil, selon lesquelles "les conventions obligent non seulement à ce qui est exprimé mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi, donnent à l'obligation d'après sa nature" ne peuvent déroger aux dispositions spéciales des articles 1603 et suivants dudit Code civil, ni étendre le champ de l'obligation légale de délivrance ; qu'en retenant cependant, au vu de ces premières dispositions, que "constitue donc un défaut de conformité la circonstance que les appartements aient été vendus démunis d'une installation électrique individuelle alors que la loi impose une telle installation, interdit l'installation collective vendue par les appelants", la cour d'appel a entaché sa décision d'une violation flagrante des dispositions susvisées de l'article 1135 du Code civil ;
4 / que la lettre adressée par EDF le 26 juin 1989 au syndic de copropriété de la Résidence Suisse et Bordeaux énonce en termes clairs et précis : "Comme suite à notre entrevue sur place le 6 juin 1989, nous vous confirmons que l'alimentation en énergie électrique de la résidence citée en objet doit être refaite entièrement et doit comporter un comptage par logement. Comme vous avez également des prolèmes de téléphone, d'eau et d'égouts, nous vous conseillons de traiter cette affaire dans son ensemble. Pour cela, la meilleure solution consiste à vous adresser à un bureau d'étude et ingénieur-conseil qui pourra établir le schéma des réseaux à construire et faire les appels d'offres nécessaires d'entreprises spécialisées. Le réseau électrique sera réalisé sous notre contrôle" ; qu'ensuite de cette lettre de confirmation d'une précédente entrevue sur place, le syndic de copropriété s'est trouvé clairement informé de la nécessité d'une réfection totale de l'installation électrique de la Résidence Suisse et Bordeaux, afin d'équiper chaque logement d'un compteur individuel ; qu'en affirmant cependant, pour écarter la fin de non-recevoir tirée par les vendeurs du non-respect du bref délai de l'article 1648 du Code civil, "que cette lettre ne révèle ni l'origine du problème (transformation d'un motel pavillonnaire en ensemble immobilier à usage exclusif d'habitation divisé en lots de copropriété), ni son ampleur", la cour d'appel a dénaturé ladite lettre et violé l'article 1134 du Code civil ;
5 / que le point de départ du bref délai prévu par l'article 1648 du Code civil est la date à laquelle l'acquéreur a eu connaissance du vice affectant le bien vendu ; qu'il importait peu, dès lors que le syndicat des copropriétaires, auquel EDF a adressé le 26 juin 1989 une lettre l'informant de ce que l'alimentation en énergie électrique de la résidence devait être refaite entièrement et devait comporter un comptage par logement, ait eu ou non connaissance des "tenants et aboutissants" du problème ; que le syndicat des copropriétaires a, en effet, nécessairement à la réception de cette lettre, eu connaissance du vice affectant le bien vendu et que la cour d'appel a violé l'article 1648 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que les lots vendus étaient destinés à l'habitation individuelle et que cette destination avait un caractère contractuel, que le seul fait d'avoir modifié la destination des bâtiments entraînait obligatoirement la mise en place de compteurs individuels, conformément aux normes en vigueur dont ni l'application ni la légalité n'étaient en cause, que l'obligation de délivrance ne consistait pas seulement à livrer ce qui avait été convenu mais aussi les accessoires et tout ce qui était destiné à l'usage de la chose, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche sur le bref délai, que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit, sans dénaturation, que l'absence d'une installation électrique individuelle constituait un manquement à l'obligation de délivrance et non un vice caché ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les époux X... à payer la somme de 1 900 euros au syndicat des copropriétaires et aux copropriétaires, défendeurs, de la Résidence Suisse et Bordeaux ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 02-20755
Date de la décision : 06/10/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

VENTE - Garantie - Vices cachés - Action rédhibitoire - Différence avec l'action en inexécution du contrat.

VENTE - Vendeur - Obligations - Délivrance - Action en responsabilité contractuelle - Différence avec l'action en garantie des vices cachés

VENTE - Garantie - Vices cachés - Définition

Viole l'article 1641 du Code civil la cour d'appel qui retient que l'absence d'étanchéité d'une toiture-terrasse constitue une non-conformité, alors qu'elle a relevé qu'elle faisait obstacle à l'utilisation de l'immeuble dans des conditions normales (arrêt n° 1). De même, viole l'article 1641 dudit Code en ajoutant à la loi une restriction qu'elle ne comporte pas la cour d'appel qui, pour rejeter l'action en garantie des vices cachés engagée par les acquéreurs d'un appartement en raison des bruits assourdissants provenant des chaudières de l'immeuble, retient que le vice caché ne saurait résulter d'un trouble ayant son origine dans un élément d'équipement de l'immeuble extérieur à l'appartement vendu (arrêt n° 2). En revanche, la cour d'appel qui retient que les lots vendus étaient destinés à l'habitation individuelle et que cette destination avait un caractère contractuel en déduit exactement que l'absence de mise en place de compteurs électriques individuels, conformément aux normes en vigueur, constitue un manquement à l'obligation de délivrance et non un vice caché (arrêt n° 3).


Références :

Code civil 1641

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 25 septembre 2002

A rapprocher : Chambre civile 3, 2000-03-15, Bulletin, III, n° 61, p. 42 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 06 oct. 2004, pourvoi n°02-20755, Bull. civ. 2004 III N° 167 p. 153
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 III N° 167 p. 153

Composition du Tribunal
Président : M. Weber.
Avocat général : M. Guérin.
Rapporteur ?: Mme Gabet.
Avocat(s) : la SCP Bachellier et Potier de la Varde, la SCP Le Bret-Desaché (arrêt n° 1), la SCP Boré et Salve de Bruneton, la SCP Peignot et Garreau (arrêt n° 2), Me Le Prado, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez (arrêt n° 3).

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.20755
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