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11/01/2005 | FRANCE | N°02-12006

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 janvier 2005, 02-12006


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que le 21 juin 1990, deux des sociétés du groupe Lazare, les sociétés Capital cinéma productions et Capital cinéma distribution, qui venaient de signer avec un tiers un contrat pour la co-production d'un film long métrage, ont remis à la Banque Gallière, où elles avaient des comptes, six lettres de change acceptées et avalisées par le directeur de l'agence de la Caisse de Crédit mutuel d'Issy-les-Mouli

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que le 21 juin 1990, deux des sociétés du groupe Lazare, les sociétés Capital cinéma productions et Capital cinéma distribution, qui venaient de signer avec un tiers un contrat pour la co-production d'un film long métrage, ont remis à la Banque Gallière, où elles avaient des comptes, six lettres de change acceptées et avalisées par le directeur de l'agence de la Caisse de Crédit mutuel d'Issy-les-Moulineaux (la Caisse) qu'elles avaient tirées sur une autre société du même groupe, la société Clotilde, devenue la société Europa films productions, pour un montant total de 3 850 000 francs ; qu'aucun de ces effets n'ayant été réglé à son échéance, ni par la société tirée, en procédure collective depuis le 16 novembre 1992, ni par la caisse, la Banque Gallière les a fait assigner en paiement ; que la caisse a résisté à ces prétentions en faisant notamment valoir qu'une procédure pénale en cours d'instruction allait démontrer le caractère frauduleux des effets et les escroqueries dont elle avait été victime ; que des décisions pénales irrévocables ayant finalement consacré la réalité des faits dénoncés et établi que les effets litigieux avaient été des effets de complaisance, l'instance civile, qui avait été suspendue par la cour

d'appel, a été reprise cependant que la société Finin ltd, devenue entre-temps cessionnaire des créances de la Banque Gallière, y intervenait volontairement ; que, rejetant tous les moyens opposés par la caisse pour s'opposer aux réclamations dont elle faisait l'objet, et tenant notamment à l'extinction de la créance faute de production ou d'admission aux passifs des trois sociétés du groupe Lazare, la cour d'appel confirmait toutes les condamnations qui avaient été prononcées, avec exécution provisoire, par jugement du 6 mars 1991, en y ajoutant l'allocation de dommages-intérêts au profit de la société Finin ltd pour réparer les imputations diffamatoires dont elle avait fait l'objet au cours de la procédure ;

Sur les premier, troisième, cinquième et sixième moyens :

Attendu que la caisse invoque, en ses premier, troisième, cinquième et sixième moyens, des griefs tirés de la violation des articles 4, 5 et 455 du nouveau Code de procédure civile, 1134, 1699 et1960 du Code civil ou de défaut de base légale au regard de ces mêmes textes, ainsi qu'au regard des articles L. 511-8 et L. 511-9 du Code de commerce ;

Mais attendu qu'aucun de ces griefs ne serait de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches :

Attendu que la Caisse fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Finin limited le montant des six effets litigieux, alors, selon le moyen :

1 ) que l'article L. 511-21, alinéa 6, du Code de commerce, selon lequel l'aval, en l'absence de mention particulière, est réputé donné pour le tireur, ne formule pas une règle de preuve mais pose une présomption irréfragable ; qu'ainsi la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2 ) qu'en la condamnant à payer la valeur de six lettres de change, sur le fondement d'un engagement non cambiaire de caution, après avoir constaté que ce cautionnement n'avait été donné que pour cinq lettres de change, la cour d'appel a violé les articles 2015 et 1134 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que pour statuer comme elle a fait la cour d'appel ne s'est pas fondée sur les signatures d'aval figurant sur les effets mais sur l'engagement extra cambiaire de caution résultant de l'attestation rédigée par le directeur d'agence de la Caisse ;

Et attendu, d'autre part, qu'aux conclusions par lesquelles la Société Finin limited avait demandé la confirmation du jugement lui ayant accordé le paiement des six effets, la Caisse n'a opposé aucune critique et notamment pas que son engagement extra cambiaire n'aurait porté que sur cinq d'entre eux ; que le moyen maintenant invoqué est donc nouveau ; qu'il est mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit qu'irrecevable en sa seconde branche, le moyen est mal fondé pour le surplus ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que la Caisse fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que l'exécution par la caution ou par le donneur d'aval de son engagement en vertu d'un jugement de condamnation assorti de l'exécution provisoire ne lui interdit pas d'opposer au créancier, en cause d'appel, l'exception tirée de l'extinction de l'obligation garantie, faute de déclaration au passif du redressement judiciaire du débiteur principal ouvert après ce jugement ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les articles 53 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 621-46 du Code de commerce, 2036 et 2037 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la Caisse avait, en vertu du jugement, statuant sur le fond, exécutoire par provision, prononcé par le tribunal de commerce de Paris le 6 mars 1991, payé la Banque Gallière avant que la société Clotilde devenue société Europa films productions ne soit mise en procédure collective, le 16 novembre 1992, la cour d'appel en a exactement déduit que la banque, dont la créance était éteinte, n'était pas soumise à l'obligation de la déclarer ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le septième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la Caisse fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer des dommages-intérêts à la Banque Gallière et à la société Finin limited pour imputations diffamatoires, alors, selon le moyen :

1 ) que sont nécessitées par la discussion même du procès et n'excèdent pas les limites du droit de se défendre, les écritures du donneur d'aval, victime d'une escroquerie constatée par le juge pénal, qui invoque, dans le cadre de l'action tendant à le voir payer le montant des lettres de change, la mauvaise foi des porteurs au sens de l'article L. 511-12 du Code de commerce, et fait valoir qu'ils n'ignoraient pas, au moment de l'acquisition du titre, que ces lettres de change constituaient des effets de complaisance ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ;

2 ) qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si la société Finin limited, qui a, selon ses propres constatations, acquis la créance issue des lettres de change litigieuses en janvier 1998, ne l'a pas fait en connaissance de cause du jugement du 19 septembre 1997 par lequel le tribunal de grande instance de Nanterre constatait que ces effets constituaient des effets de complaisance et résultaient d'une escroquerie commise notamment à son préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, tant par motifs propres qu'adoptés, que la Caisse avait laissé entendre que la Banque Gallière puis la société Finin limited auraient elles-mêmes été impliquées dans les agissements délictueux reprochés aux responsables des sociétés du groupe Lazare et au directeur d'agence de la Banque Gallière dont elles auraient été complices, l'arrêt en déduit que ces allégations, non démontrées, qui n'étaient pas nécessaires pour établir la mauvaise foi éventuelle des intéressées au sens du droit cambiaire, excédaient les limites d'une défense légitime ; qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, qui n'a pas violé le texte susvisé a justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L. 511-12 du Code de commerce, 2012, 2036 du Code civil, ensemble l'article 12 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que pour condamner la Caisse à payer à la société Finin limited, en sa qualité de cessionnaire de la Banque Gallière, les six effets litigieux, l'arrêt, après avoir rappelé que les signatures d'aval, figurant sur les effets litigieux sans indication du bénéficiaire, étaient réputées avoir profité aux seules sociétés Capital cinéma productions et Capital cinéma distribution, en liquidation judiciaire, au passif desquelles la Banque Gallière n'avait pas été admise à produire et en avoir déduit que la créance cambiaire de la banque à l'égard de celles-ci était éteinte, retient qu'il résultait cependant d'une attestation établie par le directeur de la Caisse la preuve que celle-ci avait souscrit, en faveur de la société Clotilde, un engagement non cambiaire de caution qu'elle devait exécuter ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il était acquis aux débats que les lettres de change litigieuses étaient des effets de complaisance, nuls pour cause illicite, ce dont il résultait que le défaut de validité de l'obligation principale privait l'engagement subsidiaire de cautionnement de la Caisse de toute efficacité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 18 décembre 2001 par la cour d'appel de Paris, remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Finin limited et la Banque Gallière, prise en la personne de son liquidateur, aux dépens ;

Vu les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Société Finin limited ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 02-12006
Date de la décision : 11/01/2005
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (3e chambre civile section A), 18 décembre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 jan. 2005, pourvoi n°02-12006


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:02.12006
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