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19/04/2005 | FRANCE | N°03-12458

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 avril 2005, 03-12458


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. X..., que sur le pourvoi incident relevé par le directeur général des Impôts ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1997, l'administration fiscale a notifié à M. X... des redressements au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune des années 1994, 1995 et 1996 en réintégrant dans l'assiette de cet impôt la taxe additionnelle au droit de bail et les intérêts non échus d'un emprunt

; qu'après la mise en recouvrement de ces rappels et le rejet de sa réclamation, M. ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. X..., que sur le pourvoi incident relevé par le directeur général des Impôts ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1997, l'administration fiscale a notifié à M. X... des redressements au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune des années 1994, 1995 et 1996 en réintégrant dans l'assiette de cet impôt la taxe additionnelle au droit de bail et les intérêts non échus d'un emprunt ; qu'après la mise en recouvrement de ces rappels et le rejet de sa réclamation, M. X... a assigné l'administration fiscale pour en obtenir la décharge ; que sa demande n'ayant pas été accueillie par le tribunal, M. X... a fait appel de la décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que le directeur général des Impôts fait grief à l'arrêt d'avoir statué au fond sans retenir la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel tardivement interjeté, alors, selon le moyen, que le jugement de première instance ayant été signifié le 20 janvier 2000, l'appel devait, en application des dispositions des articles 528 et 538 du nouveau Code de procédure civile, être interjeté au plus tard le lundi 21 février 2000 ; qu'il résulte des mentions portées sur la déclaration d'appel que le recours n'a été formé que le 23 février 2000 ; qu'en s'abstenant de constater l'irrecevabilité de l'appel ainsi tardivement introduit, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Mais attendu que contrairement aux affirmations du moyen, il résulte des mentions de la déclaration d'appel, corroborées par l'acte de constitution d'avoué au profit de la direction des services fiscaux des Yvelines, que l'appel a été interjeté le 14 février 2000, et non le 23 février 2000 ; d'où il suit que le moyen manque en fait ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande afférente à la déduction de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune des intérêts d'un emprunt dont l'existence n'était pas contestée, au motif que ces intérêts n'étaient pas exigibles au 1er janvier de chaque année concernée, alors, selon le moyen :

1 / que la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

qu'en énonçant que, pour être déductibles, les dettes devaient exister au 1er janvier de l'année d'imposition et être certaines dans leur principe, sans qu'il fût nécessaire qu'elles fussent exigibles, tout en déclarant néanmoins que seuls les intérêts échus et non payés de l'emprunt par lui contracté auprès de la banque présentaient le caractère d'une dette certaine déductible à l'exclusion des intérêts non échus, considérant ainsi qu'une dette n'est déductible, d'un côté, que si elle est certaine quoique non exigible et, de l'autre, qu'elle ne le serait qu'à la condition qu'elle fût à la fois certaine et échue, c'est-à-dire exigible mais non payée, la cour d'appel s'est contredite, ne satisfaisant pas ainsi aux prescriptions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que de surcroît, une dette est certaine à partir du moment où elle existe en son principe, notamment parce qu'elle résulte d'une obligation contractuelle irrévocable, même si elle n'est pas encore exigible, et elle le demeure quand bien même elle pourrait s'éteindre autrement que par un paiement ; qu'en décidant, après avoir à juste titre rappelé qu'étaient déductibles les dettes certaines dans leur principe au 1er janvier de l'année d'imposition sans qu'il fût nécessaire qu'elles fussent exigibles, que toutefois seuls les intérêts échus et non payés présentaient un tel caractère de certitude, le sort des intérêts non échus dépendant des conditions de remboursement du prêt qui pouvait être remboursé par anticipation, la cour d'appel a violé les articles 767, 768, 885 D, 885 E du Code général des impôts, ainsi que 1134, 1185 et suivants, et 1234 du Code civil ;

3 / que, enfin, en retenant que les intérêts non échus n'étaient pas déductibles à partir du moment où leur sort dépendait des conditions de remboursement du prêt qui pouvait être effectué par anticipation, se prononçant ainsi par un motif hypothétique, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a rappelé que pour être déductibles de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune les dettes devaient exister au 1er janvier de l'année d'imposition, et, par conséquent, être certaines dans leur principe à cette date, en a, à bon droit, déduit, sans encourir les griefs du moyen, que les intérêts d'emprunt non courus au 1er janvier de l'année d'imposition, qui n'ont pas d'existence certaine compte tenu de la possibilité de remboursement anticipé de l'emprunt, n'étaient pas déductibles ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal :

Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir dit que pour le recouvrement des intérêts de retard il serait fait application de l'article 1733-1 du Code général des impôts relatif au droit d'enregistrement, alors, selon le moyen :

1 / que, d'une part, si l'impôt de solidarité sur la fortune est assis sur les bases d'imposition déclarées selon les mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès sous réserve des dispositions particulières à cet impôt, il n'a pas pour autant la nature d'un droit d'enregistrement puisque son assiette n'est pas calculée pour chaque bien mais est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l'année de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant au contribuable ; que la tolérance du dixième prévue à l'article 1733-I du Code général des impôts s'apprécie donc en prenant pour base l'ensemble des biens, droits et valeurs appartenant au contribuable et non pour chaque bien ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 885-D, 885-E, 768, 729 et 733-I du Code général des impôts ;

2 / que d'autre part, il faisait précisément valoir dans ses conclusions d'appel que l'impôt de solidarité sur la fortune n'était pas calculé pour chaque bien mais sur une valeur globale d'actif net qui constituait la base de l'imposition en sorte que l'insuffisance des chiffres déclarés devait s'apprécier par rapport à la base d'imposition, c'est-à-dire par rapport à la base taxable telle qu'elle avait été calculée par le vérificateur, que c'était d'ailleurs ce qui était indiqué au contribuable sur l'imprimé utilisé pour les notifications de redressement ; qu'en délaissant de telles conclusions qui, se prévalant des indications portées sur les notifications de redressement, étaient déterminantes puisque ces indications exprimaient nécessairement la doctrine de l'Administration s'imposant à elle, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif, ne satisfaisant pas ainsi aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 1733-I du Code général des impôts, la tolérance du dixième étant uniquement applicable aux droits dus à raison de l'insuffisance des prix ou évaluations déclarés pour la perception des droits d'enregistrement ou de la taxe de publicité foncière, le moyen ne peut, sans se contredire, en revendiquer le bénéfice au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune et contester l'assimilation de cet impôt aux droits d'enregistrement pour le calcul de l'insuffisance fondant la perception des droits dus à raison de celle-ci ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui a retenu que l'impôt de solidarité sur la fortune était assimilable aux droits d'enregistrement, n'était pas tenue de répondre spécialement aux énonciations de M. X... faisant état des indications portées sur l'imprimé utilisé pour les notifications de redressement, dès lors que ce dernier n'en tirait pas les déductions juridiques que fait valoir le moyen sur la doctrine de l'Administration ;

D'où il suit que le moyen irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé en sa seconde branche ;

Mais, sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Sur la recevabilité du moyen contestée par la défense :

Attendu que le directeur général des impôts soutient que le moyen par lequel M. X... prétend à la déductibilité de la taxe additionnelle au droit de bail en raison de son caractère certain au 1er janvier de chaque année après la survenance du fait générateur de l'imposition est irrecevable comme nouveau et mélangé de fait, dès lors que le requérant n'a jamais demandé devant les juges du fond la déductibilité de cette taxe pour une année entière ;

Mais attendu que, si dans ses dernières conclusions devant la cour d'appel, M. X... a fait valoir qu'à tout le moins la déductibilité de la taxe additionnelle au droit de bail au 1er janvier de chaque année était incontestable pour la période afférente aux mois d'octobre à décembre de l'année précédente, il a également soutenu que cette taxe certaine en son principe au 1er janvier de chaque année était totalement déductible, et a, par conséquent, sollicité le dégrèvement total des rappels d'impôt y afférents ; que dès lors le moyen, qui n'est pas nouveau, est recevable ;

Et sur le moyen :

Vu les articles 736, 741 et 741 bis du Code général des impôts applicables en la cause ;

Attendu que la taxe additionnelle au droit de bail, qui était soumise aux règles concernant l'exigibilité, l'assiette, la liquidation et le recouvrement du droit auquel elle s'ajoutait, était l'accessoire d'un droit d'enregistrement frappant la mutation de jouissance des biens loués ; que le fait générateur de cette taxe, dont la perception était annuelle, était constitué par cette mutation de jouissance ;

Attendu que pour rejeter la déductibilité de la taxe additionnelle au droit de bail, payable au cours des années 1994, 1995 et 1996, de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune calculée au titre de ces mêmes années, et limiter la décharge des droits mis en recouvrement à raison de cette taxe à la fraction de celle-ci correspondant aux loyers courus d'octobre, novembre et décembre de chaque année, la cour d'appel a retenu que l'existence d'une dette d'impôt était certaine dès le jour de son fait générateur, qui, en matière de taxe additionnelle au droit de bail était le loyer couru, et que la date d'ouverture de la période d'imposition étant le 1er octobre, la dette d'impôt au titre de la taxe additionnelle au droit de bail était certaine au 1er janvier pour les loyers courus d'octobre à décembre, peu important qu'elle ne soit exigible que postérieurement ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le fait générateur de la taxe additionnelle au droit de bail en vigueur à l'époque des faits, et dont la perception était annuelle, était constitué par la mutation de jouissance des biens loués, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du deuxième moyen du pourvoi principal :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ces dispositions relatives à la taxe additionnelle au droit de bail, l'arrêt rendu le 14 février 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et du directeur général des impôts ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 03-12458
Date de la décision : 19/04/2005
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° IMPOTS ET TAXES - Impôt de solidarité sur la fortune - Assiette - Déduction - Intérêts d'emprunt non courus au 1er janvier (non).

IMPOTS ET TAXES - Impôt de solidarité sur la fortune - Assiette - Déduction - Taxe additionnelle au droit de bail.

1° Une cour d'appel retient, à bon droit, que les intérêts d'emprunt non courus au 1er janvier de l'année d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune, qui n'ont pas d'existence certaine compte tenu de la possibilité de remboursement anticipé de l'emprunt, ne sont pas déductibles de l'assiette de cet impôt.

2° IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Droits de mutation - Mutation de jouissance - Bail - Droit de bail - Taxe additionnelle - Fait générateur - Mutation de jouissance des biens loués.

2° La taxe additionnelle au droit de bail, qui était soumise aux règles concernant l'exigibilité, l'assiette, la liquidation et le recouvrement du droit auquel elle s'ajoutait, était l'accessoire d'un droit d'enregistrement frappant la mutation de jouissance des biens loués, qui en constituait le fait générateur bien que sa perception soit annuelle. Dès lors, viole les articles 736, 741 et 741 bis du Code général des impôts applicables en la cause, une cour d'appel qui, pour limiter la déductibilité de cette taxe de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune retient que son fait générateur était le loyer couru et que la date d'ouverture de la période d'imposition étant le 1er octobre la dette d'impôt au titre de cette taxe n'était certaine au 1er janvier de l'année que pour les loyers courus d'octobre à décembre, peu important qu'elle ne soit exigible que postérieurement.


Références :

1° :
2° :
Code général des impôts 736, 741, 741 bis, 885 E
Code général des impôts 885 E

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 14 février 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 avr. 2005, pourvoi n°03-12458, Bull. civ. 2005 IV N° 93 p. 97
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2005 IV N° 93 p. 97

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot.
Avocat général : M. Jobard.
Rapporteur ?: Mme Gueguen.
Avocat(s) : la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, la SCP Françoise Thouin-Palat.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:03.12458
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