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15/11/2006 | FRANCE | N°04-17175

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 novembre 2006, 04-17175


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que, par "protocole de sortie de conflit" conclu le 11 avril 2000 entre la société SAFT et les cinq organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, il a été notamment convenu, d'une part, que l'employeur procéderait à cent embauches en contrat à durée indéterminée avant la fin 2000 et à vingt-cinq autres en 2001, ces embauches étant à valoir sur le dispositif de réduction du temps de travail ("RTT") et s'entendant à niveau d'activité constant, d'autre p

art, que dans l'hypothèse où l'entreprise percevrait les aides financières li...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que, par "protocole de sortie de conflit" conclu le 11 avril 2000 entre la société SAFT et les cinq organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, il a été notamment convenu, d'une part, que l'employeur procéderait à cent embauches en contrat à durée indéterminée avant la fin 2000 et à vingt-cinq autres en 2001, ces embauches étant à valoir sur le dispositif de réduction du temps de travail ("RTT") et s'entendant à niveau d'activité constant, d'autre part, que dans l'hypothèse où l'entreprise percevrait les aides financières liées à la RTT, "une prime exceptionnelle et uniforme équivalente à la moitié des montants perçus serait versée au personnel correspondant" ; qu'à l'issue de la négociation annuelle obligatoire de l'année 2000, l'article 2.3 de l'accord social signé le 28 juin 2000 par les mêmes syndicats a repris l'engagement précédent en mentionnant qu'en cas d'obtention d'aides sous forme d'allégement de cotisations sociales du fait de cet accord "un montant équivalent à la moitié de celles-ci (les aides) serait restitué sous forme de prime exceptionnelle au personnel concerné" ; que, le 11 juillet 2000, a été conclu par l'ensemble des organisations syndicales représentatives, à l'exception de la Fédération générale des mines et de la métallurgie - CFDT (FGMM-CFDT) un "accord central d'entreprise relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de

travail" comportant à nouveau l'engagement par la société de recruter cent vingt-cinq personnes en contrat à durée indéterminée en 2000 et 2001 ; que l'accord social 2001, signé le 28 février 2001 par l'ensemble des organisations syndicales représentatives, a repris dans son article 1.5. l'engagement antérieur relatif aux primes exceptionnelles en précisant que "l'enveloppe à répartir entre l'ensemble des ouvriers et ETAM sera égale à 50 % du montant des allégements de cotisations sociales dont bénéficiera l'entreprise au titre de l'année 2001" ; que, par une communication du 20 décembre 2001, la société SAFT a décidé que la répartition de l'allégement de charges sociales ("ACS") devant s'effectuer de manière paritaire, il y avait lieu de déduire de la part revenant aux salariés la moitié du montant des charges sociales patronales y afférentes ; que l'employeur a ensuite annoncé, le 17 mars 2002, qu'il n'avait plus sollicité le bénéfice des allégements de cotisations pour l'année 2002, n'étant pas en mesure de respecter ses engagements en matière d'emploi ; que, le 27 septembre 2002, la FGMM-CFDT a assigné la société SAFT devant la juridiction civile aux fins de régularisation sous astreinte de la prime 2001 indûment réduite d'une partie des cotisations sociales dues par l'employeur, et en paiement de dommages-intérêts à raison de la faute dommageable commise en ne sollicitant pas d'allégement de charges sociales pour 2002 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société SAFT reproche à l'arrêt attaqué (Paris, 2 juin 2004) d'avoir déclaré la FGMM-CFDT recevable en ses demandes et d'avoir fait injonction à l'employeur de régulariser la prime 2001 sous astreinte, alors, selon le moyen :

1 / qu'une organisation syndicale liée par un accord collectif de travail peut, sur le fondement de l'article L. 135-5 du code du travail, intenter une action visant à obtenir l'exécution des engagements contractés et, le cas échéant, des dommages-intérêts ; qu'agissant en son nom propre, l'organisation syndicale ne peut obtenir la condamnation sous astreinte d'un employeur à la régularisation et au paiement d'une prime dont elle n'est pas personnellement bénéficiaire, de sorte qu'en condamnant la société SAFT, sur la seule demande de la FGMM-CFDT, à la "régularisation" de la prime 2001 sous astreinte comminatoire de 500 euros par jour de retard, la cour a violé l'article L. 135-5 du code du travail ;

2 / qu'aucune régularisation de la prime 2001 n'ayant été ordonnée et n'étant possible à l'égard du syndicat FGMM-CFDT, lui-même, l'astreinte comminatoire de 500 euros par jour de retard, n'a pas d'objet, et qu'excède ses pouvoirs au regard de l'article 33 de la loi du 9 juillet 1991, le juge qui prononce ainsi une astreinte, non pour assurer l'exécution de sa décision mais pour faire appliquer celle-ci au profit des salariés, tiers non parties au litige ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 135-5 du code du travail que les organisations ou groupements ayant la capacité d'ester en justice, liés par une convention ou un accord collectif de travail, peuvent en leur nom propre intenter contre toute personne liée par la convention ou l'accord une action visant à obtenir l'exécution des engagements contractés et, le cas échéant, des dommages-intérêts ;

Et attendu qu'ayant constaté que l'action de la FGMM-CFDT tendait à l'exécution d'engagements découlant d'accords dont elle était signataire, à savoir le protocole de sortie de conflit et les accords sociaux 2000 et 2001, et non au paiement de sommes à des personnes déterminées, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt d'avoir fait injonction à la société SAFT de procéder à la régularisation de la prime 2001 sous astreinte comminatoire, alors, selon le moyen, qu'un accord portant sur la répartition paritaire entre employeur et salariés, pour ces derniers sous la forme d'une prime exceptionnelle, d'une recette apportée à l'entreprise par l'effet d'un allégement de charges autorise l'employeur à prendre en considération le montant des charges patronales inhérentes au partage convenu et à répartir, dans la proportion de 50 %, aussi bien l'actif que le passif de l'opération évitant ainsi que l'entreprise ne soit privée du bénéfice de la répartition prévue ; qu'en statuant comme elle l'a fait, et en condamnant SAFT à une "régularisation" de la prime distribuée aux salariés qui fausse les accords intervenus sur l'affectation de la recette litigieuse, la cour d'appel a fait une fausse application de l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale dont elle a méconnu les dispositions, outre celles de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que c'est sans encourir le grief du moyen que la cour d'appel a décidé qu'en l'absence de disposition contraire expressément convenue, l'engagement de la société de reverser au personnel, sous forme de primes, la moitié des allégements obtenus imposait le paiement, à hauteur de ce montant, de primes brutes sur lesquelles employeur et salariés étaient tenus, chacun pour sa part, des cotisations prévues par les dispositions de sécurité sociale ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société SAFT reproche à l'arrêt de la condamner à verser à la FGMM-CFDT des dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1 / qu'il ressort de l'article 19, I, III, XI, XVI de la loi du 13 janvier 2000 que les allégements de charges dont bénéficient les entreprises qui appliquent un accord collectif relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail sont liés au respect par l'employeur de ses engagements en matière d'emploi ; qu'en l'espèce, dans l'accord du 11 juillet 2000, la société SAFT s'était expressément engagée à créer cent vingt-cinq emplois -ultérieurement ramenés à cent dix- en contrats à durée indéterminée et non simplement à préserver les emplois existants ;

qu'ayant admis que cette société, bien que n'ayant pas créé le nombre d'emplois promis, pouvait malgré tout solliciter un allégement de charges, lié aussi bien à la création qu'à la préservation d'emplois, la cour d'appel a violé les dispositions précitées ;

2 / qu'en s'abstenant de se prononcer sur le contenu du tableau qui lui était soumis et en se bornant à déclarer que celui-ci "n'apparaissait pas pertinent" en ce qu'il faisait pourtant apparaître un déficit de trente-neuf emplois à la fin de l'année 2001, la cour d'appel n'a pas légalement justifié au regard de l'article 19 de la loi du 13 janvier 2000 la faute qui aurait consisté à ne pas tenter d'obtenir un nouvel allégement de charge pour l'année 2002 ;

Mais attendu qu'ayant relevé, en l'état des accords liant les parties et de l'avis de l'autorité administrative compétente, que la création d'emplois subordonnant l'octroi d'un allégement de cotisations sociales pouvait aussi prendre la forme d'une préservation de l'emploi, ce dont il résultait que le refus de l'employeur de solliciter un nouvel allégement pour l'année 2002 caractérisait un manquement à l'exécution de bonne foi de son engagement, la cour d'appel a pu décider qu'il avait commis une faute et a ainsi légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société SAFT aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la condamne à payer à la FGMM-CFDT la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 04-17175
Date de la décision : 15/11/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (1re chambre, section S), 02 juin 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 nov. 2006, pourvoi n°04-17175


Composition du Tribunal
Président : Président : M. SARGOS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:04.17175
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