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13/05/2009 | FRANCE | N°07-44952

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 mai 2009, 07-44952


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été sanctionné disciplinairement d'une mise à pied d'un jour ouvré avec sursis avec d'autres agents de la SNCF pour avoir, à l'occasion d'un mouvement de grève le 22 novembre 2005, bloqué les portes de l'établissement industriel équipement de Saint-Dizier et avoir ainsi porté atteinte à la liberté du travail et au fonctionnement normal de l'établissement ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'annulation de la sanction et de paiement de domm

ages-intérêts et d'un rappel de salaire correspondant à une retenue in...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été sanctionné disciplinairement d'une mise à pied d'un jour ouvré avec sursis avec d'autres agents de la SNCF pour avoir, à l'occasion d'un mouvement de grève le 22 novembre 2005, bloqué les portes de l'établissement industriel équipement de Saint-Dizier et avoir ainsi porté atteinte à la liberté du travail et au fonctionnement normal de l'établissement ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'annulation de la sanction et de paiement de dommages-intérêts et d'un rappel de salaire correspondant à une retenue indue pour absence irrégulière de la demi-journée du 4 octobre 2005 qu'il demandait de requalifier en grève ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir annulé la sanction infligée à l'occasion de la journée de grève du 22 novembre 2005 et de l'avoir condamné à payer des dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1°/ que tout agent qui abuse de son droit de grève en bloquant les issues de l'entreprise et en interdisant, par sa jonction à un piquet, aux non grévistes l'accès à leur lieu de travail commet une faute lourde de nature à justifier le prononcé à son encontre d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement ; que pour écarter la faute lourde des agents dont la présence devant les grilles cadenassées et les feux de palettes avait été constatée par huissier, la cour d'appel a énoncé que tous les agents présents n'avaient pas été sanctionnés disciplinairement ; qu'en se fondant sur cette circonstance inopérante compte tenu de ce que certains agents avaient fourni des explications justifiant leur mise hors de cause et en tout cas insuffisante pour se prononcer sur la commission de fautes lourdes par les autres agents sanctionnés, la cour d'appel a privé son arrêt infirmatif de base légale au regard de l'article L. 521-1 du code du travail ;
2°/ que tout agent gréviste qui bloque l'accès de l'entreprise et entrave la liberté de travail des agents non grévistes empêchés d'accéder à leur lieu de travail commet un abus de son droit de grève, constitutif d'une faute lourde, l'exposant à une sanction disciplinaire ; qu'en se bornant à se fonder sur la circonstance inopérante et en tout cas insuffisante de l'absence prouvée de participation réelle et active à l'opération précise de cadenassage des grilles des agents grévistes dont la présence hostile de blocage du site avait été constatée par huissier sur indication des dirigeants, les faits de blocage du site et d'empêchement d'accès faisant de surcroît présumer la participation au fait de cadenassage, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les agents sanctionnés n'avaient pas participé au blocage de l'entreprise par des faits autres que ce cadenassage, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 521-1 du code du travail ;
3°/ que l'huissier de justice avait constaté dans son procès-verbal le blocage, par les agents grévistes mentionnés, de l'entreprise et des voies d'accès contraignant les agents non grévistes à emprunter des portes dérobées ou à retourner chez eux et les camions des fournisseurs à opérer un demi-tour, ainsi que l'avait fait valoir la SNCF et l'avait retenu le conseil de prud'hommes ; que, sans réfuter ces motifs, la cour d'appel, qui a déduit le défaut de blocage du défaut d'affectation de la production de l'établissement, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 521-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté souverainement que l'ensemble des accès au site n'avaient pas été bloqués, ce dont il résultait l'absence d'entrave à la liberté du travail ou de circulation, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 2512-3 du code du travail, ensemble la circulaire de nature réglementaire du ministre des travaux publics et des transports du 16 mars 1964 alors en vigueur et le décret n° 99-1161 du 29 décembre 1999 relatif à la durée du travail du personnel de la SNCF repris dans les règlement RH 077 ;
Attendu que pour condamner la SNCF à payer au salarié un différentiel de retenue sur son salaire ainsi que des dommages-intérêts pour sa demi-journée d'absence du 4 octobre 2005 en le considérant comme gréviste et non absent irrégulièrement, l'arrêt énonce qu'aucune disposition légale ne restreint l'exercice du droit de grève en imposant aux agents grévistes d'exercer ce droit dès la prise de leur service et pendant toute la durée de celui-ci qui est comprise dans la période fixée par le préavis ;
Attendu cependant, d'une part, que la circulaire du ministre des travaux publics et des transports du 16 mars 1964, telle qu'interprétée par l'arrêt du Conseil d'Etat du 29 décembre 2006 (n° 286294), prise en application de la loi du 31 juillet 1963, qui dispose qu'"est licite la participation d'un agent à un mouvement de grève postérieurement à l'heure de début de celui-ci, mais dès l'heure de la prise de service fixée pour lui par l'horaire qui le concerne", si elle n'oblige pas les agents qui veulent faire grève à cesser le travail dès leur première prise de service au cours de la période indiquée par le préavis de grève, leur impose de le faire dès le début d'une de leurs prises de service incluses dans cette période ; que, d'autre part, il résulte du décret n° 99-1161 du 29 décembre 1999 relatif à la durée du travail du personnel de la SNCF repris dans le règlement RH-077 que l'heure de prise de service est distincte de celle de reprise du travail après une coupure ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans qu'il résulte de ses constatations que l'agent a cessé son travail au moment de sa prise de service, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la SNCF à payer à M. X... la somme de 50 euros à titre de dommages-intérêts et les sommes de 9,36 euros et 0,93 euros au titre du différentiel de retenue, l'arrêt de la cour d'appel de Dijon du 20 septembre 2007 ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Odent, avocat aux Conseils pour la SNCF.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la faute lourde d'un agent de la SNCF, M. X..., n'était pas établie et d'avoir en conséquence annulé la sanction infligée à l'occasion de la journée de grève du 22 novembre 2005 et condamné la SNCF à lui verser la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, outre 10 à la CGT ;
AUX MOTIFS QU'aux termes des dispositions d'ordre public édictées à l'article L.122-45 du code du travail, aucun agent ne peut être sanctionné ou faire l'objet d'une mesure de discrimination en raison de l'exercice normal du droit de grève ; qu'aux termes de l'article L.521-1 du code du travail, seule une faute lourde de l'agent gréviste peut justifier soit une mesure de licenciement, soit une sanction inférieure ; que, par suite, il doit être démontré, à l'encontre de l'agent, une faute caractérisée d'une gravité particulière révélatrice d'une intention de nuire ; qu'il ne suffit pas que l'agent ait été présent au moment de la commission d'actes jugés illicites par l'employeur dès lors que la faute lourde suppose la participation personnelle de l'agent aux faits illicites reprochés ; qu'il est uniquement produit aux débats le procès-verbal de contrat établi le 22 novembre 2005 par M. Z..., huissier de justice requis par l'employeur pour constater le blocage de l'accès à l'établissement industriel de l'équipement de Saint-Dizier ; que l'huissier de justice a constaté :
- à 7 h 30 : que le portail situé rue Henri Queruel était condamné ; qu'un panneau indiquait « Porte fermée - Passer par Villiers-en-Lieu » ;
- à 8 h 30 : que les trois portails d'entrée pour véhicules situés le long de la route de Villiers-en-Lieu étaient cadenassés ; que la porte de la loge donnant sur la route de Villiers-en-Lieu ainsi que la porte arrière de la loge donnant sur le site de l'établissement étaient libres pour la circulation des personnes ;
- à 9 h 50 : que le portail situé rue Queruel était cadenassé, que le portail d'entrée pour véhicules à proximité de la loge était décadenassé à 10 h 05, les deux autres portails pour véhicules restant cadenassés ;
- à 12 h 40 : que le portail situé rue Queruel était cadenassé, que les trois portails d'entrée pour véhicules étaient cadenassés, que l'huissier a mis fin à ses constatations à 13 h 20, après avoir mentionné que le portail devait être ouvert à 13 h 30 par les manifestants ; que l'huissier a mentionné les noms des vingt-huit agents présents sur les lieux reconnus parmi les manifestants par M. A..., responsable magasin, par M. B..., directeur d'établissement, par M. C..., adjoint au directeur d'établissement ; qu'il n'est pas expliqué par la SNCF pour quelles raisons sept agents dont les noms figurent au constat d'huissier n'ont pas été sanctionnés, alors qu'en l'état des constatations d'huissier, la participation de MM. Bernard D..., Christophe E..., Jean-Michel F..., Aurélien G..., Didier H..., Mathieu I..., Thierry J... est strictement identique à celle de M. X... ; que le seul relevé des noms des agents présents sur les lieux par l'huissier de justice n'établit pas une participation personnelle des agents au cadenassage des portails ; qu'en conséquence, la participation personnelle et active de M. X... aux actes illicites reprochés n'est pas établie ; qu'au surplus, compte tenu des possibilités d'accès au site industriel, tout accès aux locaux par des agents grévistes n'a pas été rendu impossible, comme le démontre le fait que, sur la journée de grève, la production de l'établissement n'a pas été affectée ; que, par suite, la sanction infligée (mise à pied d'un jour avec sursis) doit être annulée ; que son inscription doit être retirée du dossier de l'agent ;
1°/ ALORS QUE tout agent qui abuse de son droit de grève en bloquant les issues de l'entreprise et en interdisant, par sa jonction à un piquet, aux non grévistes l'accès à leur lieu de travail commet une faute lourde de nature à justifier le prononcé à son encontre d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement ; que pour écarter la faute lourde des agents dont la présence devant les grilles cadenassées et les feux de palettes avait été constatée par huissier, la cour d'appel a énoncé que tous les agents présents n'avaient pas été sanctionnés disciplinairement ; qu'en se fondant sur cette circonstance inopérante compte tenu de ce que certains agents avaient fourni des explications justifiant leur mise hors de cause et en tout cas insuffisante pour se prononcer sur la commission de fautes lourdes par les autres agents sanctionnés, la cour d'appel a privé son arrêt infirmatif de base légale au regard de l'article L.521-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE tout agent gréviste qui bloque l'accès de l'entreprise et entrave la liberté de travail des agents non grévistes empêchés d'accéder à leur lieu de travail commet un abus de son droit de grève, constitutif d'une faute lourde, l'exposant à une sanction disciplinaire ; qu'en se bornant à se fonder sur la circonstance inopérante et en tout cas insuffisante de l'absence prouvée de participation réelle et active à l'opération précise de cadenassage des grilles des agents grévistes dont la présence hostile de blocage du site avait été constatée par huissier sur indication des dirigeants, les faits de blocage du site et d'empêchement d'accès faisant de surcroît présumer la participation au fait de cadenassage, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les agents sanctionnés n'avaient pas participé au blocage de l'entreprise par des faits autres que ce cadenassage, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L.521-1 du code du travail ;
3°/ ALORS QUE l'huissier de justice avait constaté dans son procès-verbal le blocage, par les agents grévistes mentionnés, de l'entreprise et des voies d'accès contraignant les agents non grévistes à emprunter des portes dérobées ou à retourner chez eux et les camions des fournisseurs à opérer un demi-tour, ainsi que l'avait fait valoir la SNCF et l'avait retenu le conseil de prud'hommes ; que, sans réfuter ces motifs, la cour d'appel, qui a déduit le défaut de blocage du défaut d'affectation de la production de l'établissement, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L.521-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que, pour la demi-journée du 4 octobre 2005, M. X... devait être considéré comme ayant été gréviste et non en absence irrégulière et d'avoir condamné en conséquence la SNCF à lui verser les sommes de 50 à titre de dommages-intérêts, d'une part, et de 9,36 et 0,93 au titre du différentiel de retenue, d'autre part ;
AUX MOTIFS QU'au visa des articles L.521-2 à L.521-5 du code du travail, il est soutenu par la SNCF que la possibilité qu'a l'agent de s'inscrire dans un mouvement de grève est soit de le faire dès le début du préavis s'il est en service à ce moment-là, soit de le faire lors de la première prise de service suivant le début du préavis ; que si, dans les services publics, la grève doit être précédée d'un préavis donné par un syndicat représentant, qui doit régulièrement mentionner l'heure du début et de la fin de l'arrêt de travail, aucune disposition légale ne restreint l'exercice du droit de grève, en imposant aux agents grévistes d'exercer ce droit dès la prise de leur service et pendant toute la durée de celui-ci qui est comprise dans la période fixée par le préavis ; qu'en rejoignant le mouvement de grève pendant la période prévue par le préavis, M. X... ne s'est pas placé dans une situation d'absence irrégulière pour l'après-midi de la journée du 4 octobre 2005 ;
ALORS QU'il est interdit aux agents grévistes du service public, même s'ils ne sont pas tenus de se joindre au mouvement de grève dès leur premier prise de service pendant la période fixée par le préavis, d'interrompre le travail en cours de service à une heure postérieure à celle du début de chaque service ; que, dans ses conclusions d'appel, la SNCF avait fait valoir que la pause déjeuner ne constituant qu'une coupure de la journée de service continue, tout agent devait manifester sa décision de participer au mouvement de grève lors de sa première prise de service du matin et non en cours de journée après sa pause déjeuner ; qu'en analysant la pause déjeuner non comme une interruption coupant une journée de service continue mais comme donnant naissance à une nouvelle prise de service pour l'après-midi ouvrant droit à l'agent de rejoindre le mouvement de grève à partir de ce moment, dès lors que cela s'inscrit dans la période fixée par le préavis, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L.521-3 et L.521-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-44952
Date de la décision : 13/05/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 20 septembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 mai. 2009, pourvoi n°07-44952


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Odent, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.44952
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