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12/01/2010 | FRANCE | N°08-16812

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 janvier 2010, 08-16812


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 3 mai 2005 M. X... (la caution) s'est rendu caution solidaire envers la Société générale (la banque) des engagements pris par la société Boucherie Astier-Borghero (la société), dont il était gérant et associé ; que la société a été mise en règlement puis en liquidation judiciaires respectivement les 5 juillet et 16 décembre 2005 ; que la caution, assignée en paiement par la banque, a soulevé la nullité de son engagement ;
Sur le moyen unique pris en ses

première et troisième branches :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 3 mai 2005 M. X... (la caution) s'est rendu caution solidaire envers la Société générale (la banque) des engagements pris par la société Boucherie Astier-Borghero (la société), dont il était gérant et associé ; que la société a été mise en règlement puis en liquidation judiciaires respectivement les 5 juillet et 16 décembre 2005 ; que la caution, assignée en paiement par la banque, a soulevé la nullité de son engagement ;
Sur le moyen unique pris en ses première et troisième branches :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé l'annulation du contrat de cautionnement conclu le 3 mai 2005 pour garantir le paiement des dettes de la société, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge est tenu de respecter les termes du litige tels qu'ils sont déterminés par les prétentions respectives des parties et ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat, ni sur des moyens que les parties n'auraient pas été invitées à discuter ; qu'il résulte des conclusions d'appel de la caution que celle-ci n'a jamais soutenu disposer de compétences financières et comptables réduites, ni avoir ignoré la fragilité de la situation financière de la société qu'elle gérait depuis plusieurs années ; qu'elle n'a pas davantage soutenu que la poursuite de l'activité aurait été subordonnée au maintien de son découvert en compte ou que la banque se serait abstenue d'attirer son attention sur la portée de son engagement et pas davantage allégué que le découvert aurait été accordé et maintenu imprudemment ; qu'en fondant sa décision sur ces arguments de fait ou de droit cependant que la caution s'était contentée de déclarer que la banque ne pouvait ignorer la situation financière sans issue de la société qu'elle gérait et qu'il y avait eu contrainte inadmissible sans alléguer le moindre fait de nature à circonstancier cette affirmation, la cour d'appel a violé les articles 4, 7 et 16 du code de procédure civile ;

2°/ que vainement soutiendrait-on que l'arrêt se trouverait justifié sur le fondement du devoir de mise en garde du banquier, sa responsabilité à ce titre supposant , outre l'ignorance légitime par la caution dirigeante de la situation de sa propre entreprise, une disproportion entre ses engagements et ses propres facultés contributives l'exposant à un risque de surendettement ; que l'arrêt , qui ne constate ni cette disproportion, ni, par suite, le risque de surendettement contre lequel la caution aurait dû être mise en garde, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui s'est bornée à examiner, dans la limite des prétentions la saisissant sur le fondement du vice du consentement et non sur celui du devoir de mise en garde pesant sur le banquier, les faits qui étaient dans le débat, n'a relevé aucun moyen d'office ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais, sur la deuxième branche du moyen :
Vu l'article 1116 du code civil ;
Attendu que pour déclarer nul l'engagement de caution, l'arrêt retient que la banque s'est volontairement abstenue d'attirer l'attention de son client sur la portée de son engagement dont elle savait la mise en jeu rapidement inéluctable en raison d'une situation fortement compromise et que, même si en sa qualité de gérant, la caution était réputée connaître l'état d'endettement de l'entreprise et ses perspectives d'avenir, la réticence, dont la banque a fait preuve en s'abstenant d'attirer son attention sur la fragilité de la situation financière de l'entreprise dont la survie dépendait en partie du maintien de ses concours, a emporté le consentement de celle-ci qui, disposant de compétences réduites en matière financière et comptable, a été abusée sur la portée de son engagement ;
Attendu qu'en se déterminant par des motifs qui ne caractérisent ni l'erreur qu'aurait commise la caution gérante de la société, la conduisant à consentir son cautionnement, ni l'intention dolosive de la banque, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 avril 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Société générale
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé l'annulation du contrat de cautionnement conclu le 3 mai 2005 entre Monsieur Bernard X... et la SOCIETE GENERALE pour garantir le paiement des dettes de la société BOUCHERIES ASTIER-BORGHERO ;
AUX MOTIFS QUE « la société a, dès le deuxième exercice clos le 31 mai 2004, enregistré une forte diminution de son chiffre d'affaires, ainsi que des pertes à hauteur de 40.000 € ; que les comptes de l'exercice suivant, clos le 31 mai 2005, révélaient une nouvelle baisse du chiffre d'affaires de 15,10 %et des pertes pour un montant de 163.618 € ; que cette aggravation de la situation de la société se traduisait dans les livres de la SOCIETE GENERALE par une augmentation du solde débiteur de son compte courant qui, au 10 mai 2005, s'élevait à 50.878,42 € ; que la banque recueillait, le 3 mai 2005, l'engagement de caution de Monsieur X... pour un montant de 69.000 €, alors qu'elle savait que la société connaissait de graves difficultés financières ; que le redressement judiciaire, intervenu deux mois plus tard par jugement du 5 juillet 2005, puis la liquidation de la société prononcée le 12 décembre 2005, confirmaient que la situation de la société était déjà gravement obérée ; que ces circonstances laissent présumer qu'en exigeant que Monsieur X... cautionne les engagements de la société dont la situation était fortement compromise en l'absence de tout signe de redressement et dont la poursuite de l'activité était manifestement subordonnée au maintien de son découvert en compte courant auquel elle pouvait mettre un terme à tout moment, la SOCIETE GENERALE s'est volontairement abstenue d'attirer l'attention de son client sur la portée de son engagement dont elle savait la mise en jeu rapidement inéluctable ;qu'en agissant ainsi, pour se prémunir contre le risque d'insolvabilité de la société et s'assurer du recouvrement d'un découvert accordé et maintenu imprudemment, elle a sciemment manqué à l'obligation qui lui est faite de contracter de bonne foi ; or, que même si en sa qualité de gérant, Monsieur X... était réputé connaître l'état d'endettement de l'entreprise et ses perspectives d'avenir, il n'en demeure pas moins établi que la réticence dont la banque a fait preuve en s'abstenant d'attirer son attention sur la fragilité de la situation financière de l'entreprise dont la survie dépendait en partie du maintien de ses concours, a emporté le consentement de celui-ci qui, disposant de compétences réduites en matière financière et comptable a été abusé sur la portée de son engagement ; qu'il s'ensuit que l'acte de cautionnement étant nul, le jugement déféré sera réformé et la SOCIETE GENERALE déboutée de ses prétentions ;
1°/ ALORS, D'UNE PART, QUE le juge est tenu de respecter les termes du litige tels qu'ils sont déterminés par les prétentions respectives des parties et ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ni sur des moyens que les parties n'auraient pas été invitées à discuter ; qu'il résulte des conclusions d'appel de Monsieur X... que celuici n'a jamais soutenu disposer de compétences financières et comptables réduites, ni avoir ignoré la fragilité de la situation financière de la société qu'il gérait depuis plusieurs années ; qu'il n'a pas davantage soutenu que la poursuite de l'activité aurait été subordonnée au maintien de son découvert en compte ou que la SOCIETE GENERALE se serait abstenue d'attirer son attention sur la portée de son engagement et pas davantage allégué que le découvert aurait été accordé et maintenu imprudemment ; qu'en fondant sa décision sur ces arguments de fait ou de droit cependant que Monsieur X... s'était contenté de déclarer que la banque ne pouvait ignorer la situation financière sans issue de la société qu'il gérait et qu'il y avait eu « contrainte inadmissible » sans alléguer le moindre fait de nature à circonstancier cette affirmation, la Cour d'appel a violé les articles 4, 7 et 16 du Code de procédure civile ;
2°/ ALORS, D'AUTRE PART, QUE la réticence cause d'annulation du contrat suppose que soit établie l'erreur déterminante du consentement, intentionnellement provoquée par le silence des co-contractant ; qu'après avoir exactement indiqué que Monsieur X..., en sa qualité de gérant, était réputé connaître l'état d'endettement et les perspectives de la situation financière de l'entreprise, la Cour d'appel ne pouvait fonder l'annulation du cautionnement sur l'abstention de la banque à informer le gérant sur la fragilité financière de sa société sans préciser les circonstances qui auraient interdit au gérant de connaître la situation de la société qu'il dirigeait et sans préciser, notamment, en quoi les compétences réduites qu'elle avait prêtées motu proprio à celui-ci lu interdisaient de comprendre que la baisse du chiffre d'affaires et la hausse des pertes et de l'endettement fragilisaient la société ; qu'en ne caractérisant ni l'erreur qu'aurait commise le gérant, ni l'intention dolosive de la banque, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
3°/ ALORS QUE vainement soutiendrait-on que l'arrêt attaqué se trouverait justifié sur le fondement du devoir de mise en garde du banquier, sa responsabilité à c² de sa propre entreprise, une disproportion entre ses engagements et ses propres facultés contributives l'exposant à un risque de surendettement ; que l'arrêt attaqué, qui ne constate ni cette disproportion, ni, par suite, le risque de surendettement contre lequel la caution aurait dû être mise en garde, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-16812
Date de la décision : 12/01/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 29 avril 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 12 jan. 2010, pourvoi n°08-16812


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.16812
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