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03/02/2010 | FRANCE | N°08-43051

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 février 2010, 08-43051


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 février 2008), que M. X... a créé le 5 juillet 1982 la société de Travaux électriques industriels Français (STEIF), dont il est devenu le président directeur général ; qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte le 17 janvier 2002 ; que la société Snef qui s'était portée candidate pour la reprise du fonds de commerce, a adressé, le 21 décembre 2001, à M. X... un projet de contrat à durée indéterminée en qualité de directeur d'établis

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 février 2008), que M. X... a créé le 5 juillet 1982 la société de Travaux électriques industriels Français (STEIF), dont il est devenu le président directeur général ; qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte le 17 janvier 2002 ; que la société Snef qui s'était portée candidate pour la reprise du fonds de commerce, a adressé, le 21 décembre 2001, à M. X... un projet de contrat à durée indéterminée en qualité de directeur d'établissement sous réserve de l'adjudication à son profit du fonds de commerce de la société Steif ; que par courrier du 3 janvier 2002 envoyé au " groupe Snef ", M. X... a accepté cette offre ; que le 17 janvier 2002 le tribunal de commerce a ordonné la cession des actifs de la société Steif en faveur de la société Snef ; que le fonds de commerce a été ainsi cédé à une société Nouvelle Steif créée le 18 janvier 2002 ; qu'après avoir exercé les fonctions de directeur général de la société Nouvelle Steif, le salarié a été nommé directeur commercial de l'agence de Saint-Denis à compter de janvier 2003 ; qu'après avoir été convoqué par la société Snef le 17 mai 2004 à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire, il a été licencié le 15 juin 2004 pour faute grave ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1° / que le projet de contrat à durée indéterminée du 21 décembre 2001, qui était subordonné à " l'adjudication en notre faveur du fonds de commerce de la SA Steif " mais ne précisait nullement de quelle société M. X... serait le salarié, lui confiait un poste de directeur d'établissement de la société nouvelle à créer pour la reprise du fonds de commerce de la société Steif ; qu'il était soumis à la convention collective des IAC du bâtiment, applicable à cette société et à la caisse de congés payés du bâtiment ; qu'il stipulait, à la charge du salarié, une clause de non-concurrence concernant les activités analogues " à celle de la société Steif SA " et prévoyait à son profit un intéressement " aux résultats de la S. A. S société Nouvelle, adjudicataire du fonds de commerce " ; que M. X... l'avait accepté par lettre adressée au " groupe Snef " ; que le jugement du 17 janvier 2002 avait " ordonné la cession des actifs de la société Steif en faveur de la société Snef (…) avec faculté de substitution au profit d'une SAS dénommée " société de travaux électriques STE " au capital de 200 000 entièrement détenue par la société Snef " et " pr (is) acte de l'engagement du repreneur de proposer un poste de directeur de la structure à créer à l'actuel dirigeant de la société Steif " ; que l'acte de cession conclu en exécution de ce jugement par l'administrateur judiciaire de la société Steif avait cédé son fonds de commerce à la société Nouvelle Steif-créée le 18 janvier 2002 et immatriculée le 1er mars suivant ; qu'il précisait expressément, au titre des " autres éléments repris " l'engagement du " … cessionnaire … d'employer M. Jacky X... actuel dirigeant de la société Steif, en qualité de directeur de la S. N Steif SAS " ; que par la suite M. X... avait vu sa rémunération servie par la S. N Steif, qui figurait en qualité d'employeur sur ses bulletins de salaire ; qu'il avait bénéficié d'une délégation de pouvoirs de la part du président directeur général de la S. N Steif ; que l'ensemble de ces éléments créait au profit du salarié une présomption de contrat de travail avec la S. N. Steif qu'il appartenait à la société Snef de renverser en démontrant qu'un lien de subordination l'avait, dès l'origine des relations contractuelles, unie au salarié ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 du code du travail, 1134 et 1315 du code civil ;

2° qu'en énonçant que M. X... était " … resté, au vu des pièces produites, constamment et jusqu'à son licenciement soumis aux ordres de la Société mère qui a conservé à son égard la qualité d'employeur " sans identifier les " pièces produites " ainsi visées, ni préciser en quoi elles étaient de nature à démontrer l'existence d'un lien de subordination de M. X... avec la société Snef pendant la période du 18 janvier 2002 au 1er janvier 2003, date de son transfert autoritaire à son service, la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, qu'appréciant l'ensemble des éléments qui lui étaient soumis, la cour d'appel, par une décision motivée, a retenu que M. X... était lié par le contrat de travail à durée indéterminée conclu avec la société Snef, société mère, qu'il était resté soumis aux instructions et directives de celle-ci, même lorsqu'il avait exercé, pendant deux ans, des fonctions au service de sa filiale à 100 %, la société nouvelle Steif, et qu'il était toujours sous la subordination de la société mère au moment de son licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1° / que la lettre de licenciement fixe les termes du litige de sorte que le juge ne peut retenir à l'appui de sa décision des faits non invoqués dans la lettre de licenciement ; qu'il appartient par ailleurs à l'employeur de rapporter la preuve des faits constitutifs de la faute grave qu'il invoque ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait à M. X... d'avoir " … engagé la Snef dans le cadre d'un appel d'offres dont le montant excédait largement (sa) délégation de pouvoirs, et ce en violation des procédures internes de la société … ", reconnaissant ainsi expressément qu'il était titulaire d'une délégation de pouvoirs comme l'ensemble des cadres de la société, mais d'un montant inférieur à celui du marché en litige ; qu'il incombait dès lors à la Snef de démontrer le plafond de la délégation de pouvoirs consentie au salarié, ce que les pièces produites ne faisaient pas ; qu'en retenant à la charge du salarié le fait d'avoir " agi sans aucune délégation de pouvoirs de sa hiérarchie ", fait contraire aux énonciations de la lettre de licenciement, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, violant ainsi les articles L. 1232-6 du code du travail et 5 du code de procédure civile ;

2° / qu'en retenant à titre de faute grave à la charge de M. X... le fait d'avoir " visé et signé tous les documents constituant le dossier de réponse à l'appel d'offres aux lieu et place de M. Z... sans faire figurer son propre nom (ni …) la mention " pour ordre " la cour d'appel, qui a encore retenu à la charge du salarié une faute non invoquée dans la lettre de licenciement, a violé derechef les textes susvisés ;

3° / que dans ses écritures, M. X... avait précisé n'avoir jamais reçu de délégation de pouvoirs écrite de la Snef-celle, visée par la cour d'appel et expirant en décembre 2003 étant émanée de la S. N. Steif-et précisé qu'un tel écrit eût été inutile, " … celle-ci étant implicite du fait de son statut … ", lequel lui " … confiait les pouvoirs les plus étendus … (sans) aucune limitation de pouvoirs … " ; qu'en énonçant, à l'appui de sa décision, qu'il " reconnaissait lui-même n'avoir reçu aucune délégation de la société Snef " la cour d'appel, qui a dénaturé les écritures du salarié, a violé l'article 1134 du code civil ;

4° / que la preuve de la faute grave incombant exclusivement à l'employeur, le salarié n'a rien à démontrer ; qu'en énonçant, pour écarter le moyen du salarié pris de ce qu'il avait déjà traité seul des affaires de la même importance que celle qui lui était reprochée, que " … les courriers qu'il produit sont insuffisants à prouver qu'il aurait été autorisé à présenter seul des dossiers d'appel d'offres et n'aurait pas eu à obtenir l'accord de sa hiérarchie pour les propositions de prix qui y sont contenues … " la cour d'appel, qui a renversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée de l'ensemble des éléments qui lui étaient soumis, a retenu que M. X..., qui n'était pas titulaire d'une délégation de pouvoir à cet effet, avait engagé son employeur pour plus de onze millions d'euros hors taxes en constituant et adressant un dossier de réponse à un appel d'offres pour la construction d'un centre hospitalier en violation des règles de procédure internes à la société ; qu'elle a pu estimer que ce fait fautif, reproché à M. X... dans la lettre de licenciement, qui engageait financièrement la société à réaliser les prestations convenues et décrites dans la réponse au prix soumis, conditions qui n'avaient pas été agréées par sa hiérarchie, était constitutif d'une faute grave ne permettant pas son maintien dans l'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE " il résulte de la lettre du 21 décembre 2001 contenant projet de contrat de travail que Monsieur X... a été recruté par la Société SNEF en qualité de Directeur d'établissement et que Monsieur X... a accepté ce contrat par lettre du 3 janvier 2002 ; que la seule condition suspensive à laquelle était soumis ce contrat de travail était l'adjudication en la faveur de la Société SNEF du fonds de commerce de la Société STEIF indépendamment de la création ou non d'une entité juridique autonome destinée à exploiter le fonds cédé ;

QUE cette condition suspensive ayant été réalisée le 17 janvier 2002, le contrat de travail a pris effet, étant observé qu'aucun avenant n'est venu postérieurement à cette date modifier le contrat de travail entre la Société SNEF et Monsieur X..., qui ne précise pas que ce dernier sera salarié de la nouvelle entité créée à la suite de la cession du fonds de commerce ;

QU'en outre, même si Monsieur X... s'est vu délivrer de janvier à décembre 2002 des bulletins de salaire au nom de la S. N STEIF, ce qui ne suffit pas à caractériser un lien de subordination avec cette société, (d'un salarié) recruté par la Société SNEF pour exercer des fonctions de directeur d'un établissement appartenant à sa filiale à 100 %, il est resté, au vu des pièces produites, constamment et jusqu'à son licenciement soumis aux ordres de la Société mère qui a conservé à son égard la qualité d'employeur ;

QU'en tout cas, au moment de l'engagement des poursuites et du licenciement, à une date à laquelle il ne bénéficiait plus de délégation de pouvoirs donnée par le président de la Société S. N STEIF, la dernière délégation, consentie par Monsieur A..., président de la Société S. N STEIF ayant pris fin le 31 décembre 2003, il ressort de l'ensemble des documents produits, en particulier de la réponse à l'appel d'offres litigieuse, des courriers adressés les 11 février, 5 mars et 14 mai 2004 par le salarié en qualité de directeur commercial de l'Agence SNEF de Saint-Denis à des clients, des messages qu'il a lui-même adressés en vue de faire paraître une insertion publicitaire et de sa carte de visite, dans lesquels il se présente comme directeur commercial de l'Agence de Saint-Denis, de l'envoi de ses certificats d'arrêt de travail à la Société SNEF et de ses demandes de remboursement de frais à cette société, dont il est fait état dans le courrier du 4 juin 2004 de Sophie Y..., que Monsieur X... était soumis à un lien de subordination le liant à la Société SNEF ;

QUE Monsieur X... argue donc en vain d'une modification de son contrat de travail liée à son prétendu " transfert " de la Société S. N STEIF à la Société SNEF, alors qu'aucun document n'établit qu'il ait effectivement travaillé depuis son embauche sous le contrôle et l'autorité d'une autre entité que la Société mère, la Société SNEF, et ceci même en qualité de directeur de l'établissement appartenant à la S. N STEIF, avec qui il n'a pas signé de contrat de travail ; que la Société SNEF était donc l'employeur de Monsieur X... au moment de l'engagement de la procédure de licenciement : qu'elle avait le pouvoir pour le licencier ;

QUE Monsieur Philippe Z..., directeur de l'Agence de Saint-Denis, disposant d'une délégation de pouvoirs donnée le 5 janvier 2004 par Monsieur B..., président directeur général de la Société SNEF, avait qualité pour convoquer le salarié à l'entretien préalable et prononcer son licenciement pour le compte de la Société SNEF ; que les moyens de nullité tirés, selon le salarié, de ce qu'il n'aurait pas été salarié de la Société SNEF et de ce que Monsieur Z... n'avait pas qualité pour le convoquer et le licencier sont donc mal fondés " (arrêt p. 4) ;

1°) ALORS QUE le projet de contrat à durée indéterminée du 21 décembre 2001, qui était subordonné à " l'adjudication en notre faveur du fonds de commerce de la SA STEIF " mais ne précisait nullement de quelle société Monsieur X... serait le salarié, lui confiait un poste de directeur d'établissement de la Société nouvelle à créer pour la reprise du fonds de commerce de la Société STEIF ; qu'il était soumis à la Convention collective des IAC du bâtiment, applicable à cette société et à la caisse de congés payés du bâtiment ; qu'il stipulait, à la charge du salarié, une clause de non concurrence concernant les activités analogues " à celle de la Société STEIF SA " et prévoyait à son profit un intéressement " aux résultats de la S. A. S Société Nouvelle, adjudicataire du fonds de commerce " ; que Monsieur X... l'avait accepté par lettre adressée au " groupe SNEF " ; que le jugement du 17 janvier 2002 avait " ordonné la cession des actifs de la Société STEIF en faveur de la Société SNEF (…) avec faculté de substitution au profit d'une SAS dénommée " Société de travaux électriques STE " au capital de 200 000 € entièrement détenue par la Société SNEF " et " pr (is) acte de l'engagement du repreneur de proposer un poste de Directeur de la structure à créer à l'actuel dirigeant de la Société STEIF " ; que l'acte de cession conclu en exécution de ce jugement par l'administrateur judiciaire de la Société STEIF avait cédé son fonds de commerce à la Société Nouvelle STEIF-créée le 18 janvier 2002 et immatriculée le 1er mars suivant ; qu'il précisait expressément, au titre des " autres éléments repris " l'engagement du " … cessionnaire … d'employer Monsieur Jacky X..., actuel dirigeant de la Société STEIF, en qualité de directeur de la S. N STEIF SAS " ; que par la suite Monsieur X... avait vu sa rémunération servie par la S. N STEIF, qui figurait en qualité d'employeur sur ses bulletins de salaire ; qu'il avait bénéficié d'une délégation de pouvoirs de la part du président directeur général de la S. N STEIF ; que l'ensemble de ces éléments créait au profit du salarié une présomption de contrat de travail avec la S. N. STEIF qu'il appartenait à la Société SNEF de renverser en démontrant qu'un lien de subordination l'avait, dès l'origine des relations contractuelles, unie au salarié ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 du Code du travail, 1134 et 1315 du Code civil ;

2°) ALORS QU'en énonçant que Monsieur X... était " … resté, au vu des pièces produites, constamment et jusqu'à son licenciement soumis aux ordres de la Société mère qui a conservé à son égard la qualité d'employeur " sans identifier les " pièces produites " ainsi visées, ni préciser en quoi elles étaient de nature à démontrer l'existence d'un lien de subordination de Monsieur X... avec la Société SNEF pendant la période du 18 janvier 2002 au 1er janvier 2003, date de son transfert autoritaire à son service, la Cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE " au fond, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi motivée :

" Nous vous reprochons d'avoir engagé la SNEF dans le cadre d'un appel d'offres dont le montant excédait largement votre délégation de pouvoirs, et ce en violation des procédures internes de la Société. L'appel d'offres concerne l'affaire " Nouvelle cité hospitalière Le Lamentin-Martinique " d'un montant HT de 11 364 689, 70 €. Votre agissement est d'autant plus grave, compte tenu de votre position dans la société, que Monsieur Z..., votre responsable Ile de France et, indirectement, Monsieur B..., président directeur général de SNEF SA vous avaient explicitement fait part de leurs plus vives réserves quant à ce projet.

En outre, vous avez envoyé l'offre SNEF le 13 mai 2004, alors que Monsieur Z... avait programmé une réunion le 14 mai 2004 afin de trancher définitivement sur l'opportunité de répondre à cet appel d'offres. Vous avez agi dans la précipitation en engageant la SNEF sans attendre la position de vos supérieurs hiérarchiques. Nous ignorons la motivation d'un tel comportement, qui n'en demeure pas moins une violation grave de nos règles internes.

Votre attitude dans ce dossier est inacceptable et nous conduit à vous notifier votre licenciement pour faute grave " ;

QUE " la faute grave résulte d'un fait fautif ou d'un ensemble de faits fautifs imputable au salarié, qui constitue une violation des obligations s'attachant à son emploi d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que c'est à l'employeur qu'il appartient d'apporter la preuve de la faute grave ;

QU'il résulte de la lettre d'accompagnement produite et du récépissé de Chronopost que Monsieur X... a adressé lui-même le 13 mai 2004 tout le dossier de réponse à l'appel d'offres concernant le marché public de la Nouvelle cité hospitalière Le Lamentin à la Martinique visé dans la lettre de licenciement et portant en effet sur la somme citée dans cette lettre ; qu'il est par ailleurs établi que Monsieur X... a signé lui-même tous les documents du dossier alors que ceux-ci, à l'exception de la lettre d'envoi, sont rédigés au nom de Monsieur Z..., directeur d'agence, agissant pour le compte de la Société SNEF ; (que pourtant) Monsieur X... ne disposait d'aucune délégation de pouvoirs écrite et d'aucune subdélégation de pouvoirs émanant de Monsieur Z... pour l'année 2004, la dernière délégation produite qui lui avait été consentie ayant pris fin en décembre 2003 ; que contrairement à ce que prétend le salarié, la lettre dont Monsieur Z... a été destinataire le 15 novembre 2003 autorisant la Société SNEF à remettre une offre dans le cadre de l'appel d'offres restreint ne contient aucun engagement de la part de la Société SNEF ; que la réalisation d'une étude technique pour un montant limité de 15 000 € qui permet d'obtenir l'avis d'un spécialiste avant toute décision n'est pas plus de nature à démontrer que la Société SNEF, Monsieur Z... en particulier, avait déjà pris un engagement antérieurement à l'envoi de la réponse à l'appel d'offres ;

QUE la Société SNEF n'apporte pas la preuve des réserves émises par Monsieur Z... et Monsieur B... dont elle fait état dans la lettre de licenciement, ni de la réunion programmée pour le 14 mai 2004 ; que cependant, le fait que Monsieur X... ait visé et signé tous les documents constituant le dossier de réponse à l'appel d'offres aux lieu et place de Monsieur Z... sans faire figurer son propre nom et, contrairement à ce qu'il prétend, sans même faire figurer la mention " pour ordre ", alors qu'il reconnaît lui-même n'avoir reçu aucune délégation de la Société SNEF et qu'en tout cas il n'avait pas à signer sous le nom de Monsieur Z..., prouve à lui seul que le salarié a agi sans autorisation de sa hiérarchie ;

QUE Monsieur X... prétend qu'il aurait déjà agi seul sur des marchés de la même importance, mais (que) les courriers qu'il produit (pièces 46 à 48) sont insuffisants à prouver qu'il aurait été autorisé à présenter seul des dossiers d'appel d'offres et n'aurait pas eu à obtenir l'accord de sa hiérarchie pour les propositions de prix qui y sont contenues ;

QUE l'envoi du dossier de réponse à un appel d'offres relatif à un marché public induisait pour la Société SNEF l'engagement de réaliser les prestations convenues et décrites dans la réponse au prix soumis, conditions qui n'avaient pas été agréées par la hiérarchie de Monsieur X... ; (qu'il importe peu) dès lors, en définitive, qu'une autre entreprise ait obtenu le marché, compte tenu de l'importance des sommes en cause, s'élevant à plus de 11 millions d'euros HT, le comportement de Monsieur X..., qui engageait financièrement son employeur, la Société SNEF, constitu (ant) en effet une violation grave de ses obligations qui ne permettait pas son maintien dans l'entreprise, même pendant la durée limitée du préavis ;

QUE le licenciement reposant sur une faute grave, Monsieur X... doit être débouté de ses demandes en paiement d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, d'indemnité de licenciement, de paiement de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire, d'indemnité pour rupture abusive, de dommages et intérêts pour préjudice moral et vexatoire, de l'indemnité pour perte d'avantage en nature ; que s'agissant de la clause dite " parachute " contenue au contrat de travail, il est prévu qu'elle n'est pas versée en cas de licenciement pour faute grave et Monsieur X... est également mal fondé en sa demande de ce chef " ;

1°) ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les termes du litige de sorte que le juge ne peut retenir à l'appui de sa décision des faits non invoqués dans la lettre de licenciement ; qu'il appartient par ailleurs à l'employeur de rapporter la preuve des faits constitutifs de la faute grave qu'il invoque ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait à Monsieur X... d'avoir " … engagé la SNEF dans le cadre d'un appel d'offres dont le montant excédait largement (sa) délégation de pouvoirs, et ce en violation des procédures internes de la Société … ", reconnaissant ainsi expressément qu'il était titulaire d'une délégation de pouvoirs comme l'ensemble des cadres de la Société, mais d'un montant inférieur à celui du marché en litige ; qu'il incombait dès lors à la SNEF de démontrer le plafond de la délégation de pouvoirs consentie au salarié, ce que les pièces produites ne faisaient pas ; qu'en retenant à la charge du salarié le fait d'avoir " agi sans aucune délégation de pouvoirs de sa hiérarchie ", fait contraire aux énonciations de la lettre de licenciement, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige, violant ainsi les articles L. 1232-6 du Code du travail et 5 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en retenant à titre de faute grave à la charge de Monsieur X... le fait d'avoir " visé et signé tous les documents constituant le dossier de réponse à l'appel d'offres aux lieu et place de Monsieur Z... sans faire figurer son propre nom (ni …) la mention " pour ordre " la Cour d'appel, qui a encore retenu à la charge du salarié une faute non invoquée dans la lettre de licenciement, a violé derechef les textes susvisés ;

3°) ALORS QUE dans ses écritures, l'exposant avait précisé n'avoir jamais reçu de délégation de pouvoirs écrite de la SNEF-celle, visée par la Cour d'appel et expirant en décembre 2003 étant émanée de la S. N. STEIF-et précisé qu'un tel écrit eût été inutile, " … celle-ci étant implicite du fait de son statut … ", lequel lui " … confiait les pouvoirs les plus étendus … (sans) aucune limitation de pouvoirs … " ; qu'en énonçant, à l'appui de sa décision, qu'il " reconnaissait lui-même n'avoir reçu aucune délégation de la Société SNEF " la Cour d'appel, qui a dénaturé les écritures du salarié, a violé l'article 1134 du Code civil ;

4°) ALORS QUE la preuve de la faute grave incombant exclusivement à l'employeur, le salarié n'a rien à démontrer ; qu'en énonçant, pour écarter le moyen du salarié pris de ce qu'il avait déjà traité seul des affaires de la même importance que celle qui lui était reprochée, que " … les courriers qu'il produit (pièces 46 à 48) sont insuffisants à prouver qu'il aurait été autorisé à présenter seul des dossiers d'appel d'offres et n'aurait pas eu à obtenir l'accord de sa hiérarchie pour les propositions de prix qui y sont contenues … " la Cour d'appel, qui a renversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-43051
Date de la décision : 03/02/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 12 février 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 fév. 2010, pourvoi n°08-43051


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.43051
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