La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/05/2010 | FRANCE | N°09-13707

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 mai 2010, 09-13707


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 février 2009), que la société DP impression (la société DP), assurée au titre d'un contrat multirisque professionnel auprès de la société UAP, aux droits de laquelle se trouve la société Axa France Iard (la société Axa), locataire, dans un immeuble en copropriété, d'un local commercial appartenant à la société civile immobilière du 94 boulevard Jean Allemane (la SCI), a été victime courant mai 1999 d'importantes infiltrations dans ses locaux

; qu'après le dépôt du rapport d'expertise ordonnée en référé, la société DP e...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 février 2009), que la société DP impression (la société DP), assurée au titre d'un contrat multirisque professionnel auprès de la société UAP, aux droits de laquelle se trouve la société Axa France Iard (la société Axa), locataire, dans un immeuble en copropriété, d'un local commercial appartenant à la société civile immobilière du 94 boulevard Jean Allemane (la SCI), a été victime courant mai 1999 d'importantes infiltrations dans ses locaux ; qu'après le dépôt du rapport d'expertise ordonnée en référé, la société DP et son assureur ont assigné en indemnisation la SCI et le syndicat des copropriétaires du 2 boulevard Vercingetorix (le syndicat), qui a appelé en garantie son assureur, la société Azur assurances, aux droits de laquelle se trouve la société MMA ; qu'à la suite du redressement judiciaire de la société DP, la société Axa, subrogée dans les droits de son assurée, a assigné en paiement le syndicat et la SCI, laquelle a appelé en garantie la société Sabimo, syndic de la copropriété ainsi que le syndicat, lequel a appelé en garantie son assureur ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 14 de la loi du 10 juillet 1965, 1148 et 1382 du code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes de la société Axa dirigées contre le syndicat et son assureur, l'arrêt retient qu'il est constant que le sinistre est survenu le 30 mai 1999, qu'il est établi qu'un arrêté portant constatation de l'état de catastrophe naturelle a été publié le 29 septembre 1999, que l'expert relève que l'examen des circonstances de l'apparition des venues d'eaux montre que la majorité des affectations restent modérées, ce qui est le cas des infiltrations des 5 juillet 1997, 6 septembre, 24 octobre 1998, qu'il relève qu'en revanche l'affectation du 30 mai 1999 apparaît comme étant décisive dans l'apparition des dégâts examinés, qu'il convient en conséquence d'estimer que les dégâts survenus le 30 mai 1999 ont eu pour cause déterminante l'intensité anormale de l'orage et des précipitations du 30 mai 1999, que l'avis de l'expert ne remet toutefois pas en cause le fait que les dommages consécutifs au sinistre en litige aient eu pour cause déterminante l'intensité anormale de l'orage survenu le même jour, dès lors que l'importance particulière de ces dommages ne peut être comparée aux dégâts des eaux minimes survenus antérieurement ;
Qu'en statuant ainsi, sans préciser en quoi l'intensité anormale de l'orage et des précipitations survenues le 30 mai 1999, qui avaient été la cause déterminante des dommages, constituait pour le syndicat un événement imprévisible et irrésistible caractérisant la force majeure, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté la société Axa France Iard de sa demande dirigée contre la SCI 94 boulevard Jean Allemane, l'arrêt rendu le 19 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, pour le surplus, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ; Condamne, ensemble, le syndicat des copropriétaires du 2 boulevard Vercingetorix à Argenteuil et la société Mutuelles du Mans assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le syndicat des copropriétaires du 2 boulevard Vercingetorix à Argenteuil et la société Mutuelles du Mans assurances à payer à la société Axa France IARD la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes de ce chef ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Axa France IARD
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST REPROCHE à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la société AXA FRANCE IARD de ses demandes dirigées contre le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU 2 BOULEVARD VERCINGETORIX et son assureur, les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES ;
AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « le Syndicat des Copropriétaires fait valoir que le sinistre relève du cas de force majeure et qu'il n'est pas établi qu'il n'aurait pas eu lieu même en l'absence des défauts relevés par l'expert ; qu'il apparaît que l'expert conclut que les désordres ayant affecté les locaux de la société DPI proviennent des défauts de la toiture et de ses organes de collecte des eaux ; que néanmoins, il ressort également du rapport d'expertise que la majorité des infiltrations ont été modérées en 1997 et 1998, mais qu'en revanche, les venues d'eaux du 30 mai 1999 apparaissent décisives dans l'apparition des désordres ; qu'il est par ailleurs constant qu'un arrêté du 28 septembre 1999 a constaté l'état de catastrophe naturelle pour les inondations et coulées de boues du 30 mai 1999 sur la commune d'Argenteuil ; qu'en conséquence, bien que la copropriété ait envisagé en novembre 2000 d'effectuer des travaux pour faire cesser les désordres, sans toutefois les faire réaliser, l'orage du 30 mai 1999 doit être considéré comme un cas de force majeure, étant entendu qu'aucun élément au dossier ne permet d'affirmer qu'aucun dégât des eaux ne serait intervenu à cette date si des travaux avaient été effectués sur la couverture des locaux de la Société DPI » ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « il est constant que le sinistre, objet du présent litige est survenu le 30 mai 1999, qu'il est établi qu'un arrêté portant constatation de l'état de catastrophe naturelle a été publié le 29 septembre 1999 en application de l'article 1er de la loi du 13 juillet 1982 pour les inondations et coulées de boues du 30 mai 1999 sur le territoire de la commune d'Argenteuil que l'expert relève page 17 de son rapport que l'examen des circonstances de l'apparition des venues d'eaux montre que la majorité des affectations restent modérées, ce qui est le cas des infiltrations des 5 juillet 1997, 6 septembre, 24 octobre 1998, se référant en cela au dire déposé par le conseil de la société AXA FRANCE IARD le 16 octobre 2003, qu'il relève qu'en revanche l'affectation du 30 mai 1999 apparaît comme étant décisive dans l'apparition des dégâts examinés ; que les pièces versées aux débats par l'appelante (pièces 17, 18, 19, 20) relatives aux sinistres des 5 juillet 1997, 6 septembre 1998 et 24 septembre 1998 font état, contrairement à ce qu'elle allègue, de sinistres dégâts des eaux ayant eu des conséquences, notamment financières de faible importante (réparation d'un matériel copieur pour un coût inférieur à 15.000 euros) et confortent la position prise lors de l'expertise sur le caractère modéré des affectations survenues avant le 30 mai 1999 et dont l'origine n'a par ailleurs pas été démontrée ; qu'il convient en conséquence d'estimer que les dégâts survenus le 30 mai 1999 ont eu pour cause déterminante l'intensité anormale de l'orage et des précipitations du 30 mai 1999, qu'il ne peut être utilement tiré argument du fait que l'assemblée générale de la copropriété ait demandé lors de sa réunion du 29 septembre 1998 au syndic de prévoir la remise en état de la descente des eaux pluviales et des gouttières du côté du boulevard Vercingétorix et du côté rue Allemane, probablement à la suite de ces dégâts des eaux et ne les aient pas fait réaliser dès lors que rien ne permet de présumer que le dommage ne serait survenu à la suite de l'orage exceptionnel du 30 mai 1999 si ces travaux avaient été réalisés ; que l'expert observe que les débordements du chêneau proviennent de sa section insuffisante et du sous dimensionnement de la descente et qu'il se fonde sur le fait que les venues d'eau perdurent dans les périodes conventionnelles pour rejeter l'idée que les infiltrations viendraient uniquement du phénomène exceptionnel du 30 mai 1999 tout en ayant préalablement relevé que celui-ci avait été décisif dans l'apparition des dégâts examinés, que cet avis ne remet toutefois pas en cause le fait que les dommages consécutifs au sinistre en litige aient eu pour cause déterminante l'intensité anormale de l'orage survenu le même jour dès lors que l'importance particulière de ces dommages ne peut être comparée aux dégâts des eaux minimes survenus antérieurement et qu'aucune conclusion ne saurait être tirée de sinistres ultérieurs, « le bâchage pour le moins sommaire mis en place sur la couverture en fibrociment n'assur ant plus aucune protection ; l'argument de la SA AXA France selon lequel l'expert a relevé que « l'idée quel les infiltrations viennent uniquement d'un phénomène exceptionnel ne tient pas en ce sens que nous avons pu établir que les venues d'eaux perduraient dans les périodes dites conventionnelles » ne fait pas obstacle à ce que l'orage de mai 1999 ait été la cause déterminante des désordres (les infiltrations ayant pu postérieurement se reproduire pour diverses raisons, notamment le défaut de la toiture » ;
ALORS QUE D'UNE PART la force majeure exonératoire de la responsabilité s'entend d'un évènement imprévisible et irrésistible ; que la Cour d'appel qui a exonéré le Syndicat des copropriétaires des obligations mises à sa charge par l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 envers les tiers au prétexte de l'intensité anormale de l'orage et des précipitations du 30 mai 1999 qui avaient fait l'objet d'un arrêté portant constatation de l'état de catastrophe naturelle, lesquelles précipitations étaient ainsi la cause « déterminante » des dommages, sans préciser en quoi cet événement aurait présenté pour le Syndicat des copropriétaires les caractères de la force majeure, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé et des articles 1148 et 1382 du Code civil ;
ALORS QUE D'AUTRE PART il incombe au débiteur qui s'en prévaut d'apporter la preuve du caractère irrésistible de l'événement invoqué au titre de la force majeure ; que la Cour d'appel qui retient que rien ne permet de présumer que le dommage ne serait pas produit si les travaux de remise en état de la descente des eaux pluviales et des gouttières envisagés par le syndicat avaient été réalisés, a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1148 et 1315 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST REPROCHE à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la société AXA FRANCE IARD, subrogée dans les droits de son assurée, la société DPI de ses demandes dirigées contre la SCI 94 BOULEVARD JEAN ALLEMANE ;
AUX MOTIFS QUE « il est démontré que le bail commercial conclu entre la S.C.I. 94 BOULEVARD JEAN ALLEMANE et sa locataire, la société DPI, prévoit de convention expresse entre les parties les clauses exonératoires suivantes : « Le preneur prendra les lieux loués dans l'état indiqué ci-dessus sans pouvoir exiger du bailleur soit actuellement, soit en cours de bail, aucune réparation quelle que soit, clause rédigée de façon manuscrite (page 2) ; le preneur ne pourra exercer contre la bailleresse aucun recours pour vice apparent ou caché, défaut ou malfaçon des constructions de toute sorte des locaux loués (page 3) ; toutes les réparations autres que celles mentionnées par l'article 606 du code civil, seront de convention expresse entre les parties, à la charge exclusive du preneur, qu'il s'agisse de grosses réparations incombant habituellement au propriétaire, de réparations locatives ou de menus entretiens (page 3) ; la police d'assurance souscrite par le preneur comportera nécessairement une clause de renonciation à recours contre le bailleur (page 4) » ; qu'il en résulte que les parties ont entendu, par ces clauses rédigées de façon tout à fait claire, précise et explicite, insérer dans leur convention, comme il leur était loisible, des clauses dispensant le bailleur de certaines de ses obligations relevant des articles 1719 et suivants du code civil ; qu'elles ont notamment voulu restreindre par la rédaction manuscrite de la première clause, l'étendue de l'obligation de délivrance du bailleur, qui contrairement à ce que soutient l'appelante, ne constitue pas une obligation d'ordre public ; qu'elles ont souhaité mettre à la charge du preneur l'ensemble des réparations même non locatives hormis les grosses réparations limitativement énoncées par l'article 606 du code civil ; que ces clauses exonératoires, insérées de surcroît dans un bail commercial, sont valables dès lors qu'elles reflètent la volonté expresse des parties et ne se heurtent à aucune disposition d'ordre public ; qu'en stipulant que la bailleresse ne s'oblige qu'aux réparations telles que définies par l'article 606 du code civil, les parties ont entendu limiter les obligations de celle-ci à la seule énumération visée par ce texte concernant habituellement les obligations du nu propriétaire et qui dispose que « les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d'entretien » ; qu'il convient d'estimer qu'en l'espèce les réparations, nécessitées par survenues en 1997 et 1998 et décisive pour celle du 30 mai 1999, et qui consistent, selon l'expert, en la remise en ordre des organes d'évacuation des eaux pluviales, chêneau et descente de la toiture du lot C, éventuellement possibles sans la dépose de la couverture, ne correspondent pas à celles limitativement visées par l'article 606 du code civil ; que s'agissant de l'opposabilité de ces clauses à la S.A. AXA FRANCE IARD, assureur du locataire, il convient d'estimer qu'en tant que subrogée dans les droits de son assuré, l'appelante ne peut exciper de plus de droits que celui-ci et que dès lors que l'ignorance de l'existence des telles clauses dans le bail dont elle se prévaut ne peut que résulter de sa propre carence à solliciter la communication de ce document par son assuré lors de la souscription de la police d'assurance de façon à évaluer avant d'accorder ou refuser sa garantie, elle ne saurait faire supporter à la bailleresse dont elle recherche la responsabilité les conséquences de sa négligence fautive » ;
ALORS QUE le bailleur est obligé,... : 1°/ d'entretenir la chose louée en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, 2°/ d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ; que l'obligation du bailleur d'assurer au preneur une jouissance paisible de la chose louée ne cesse qu'en cas de force majeure ; que la Cour d'appel qui a jugé que le bailleur avait pu s'exonérer par les clauses contenues au bail de son obligation d'entretenir la chose en état de servir à l'usage pour lequel elle avait été louée et de son obligation d'assurer au preneur la jouissance des lieux loués, a violé l'article 1719 du Code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 09-13707
Date de la décision : 12/05/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 19 février 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 mai. 2010, pourvoi n°09-13707


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : Me Balat, Me Blondel, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.13707
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award