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09/09/2010 | FRANCE | N°09-68120

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 09 septembre 2010, 09-68120


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 13 mai 2009), que la société Ambulances et taxis des 4 Villages (la société) a, le 11 juillet 2001, obtenu du maire des Rousses l'attribution de la licence de taxi n° 3 restée vacante ; que MM. X... et Y..., dirigeants des deux autres entreprises de taxis, ont saisi un tribunal administratif d'une requête aux fins d'annulation de l'arrêté municipal ; que, parallèlement, M. X... a requis, seul, la suspension de cet arrêté ava

nt toute décision au fond ; qu'une ordonnance de référé du président du trib...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 13 mai 2009), que la société Ambulances et taxis des 4 Villages (la société) a, le 11 juillet 2001, obtenu du maire des Rousses l'attribution de la licence de taxi n° 3 restée vacante ; que MM. X... et Y..., dirigeants des deux autres entreprises de taxis, ont saisi un tribunal administratif d'une requête aux fins d'annulation de l'arrêté municipal ; que, parallèlement, M. X... a requis, seul, la suspension de cet arrêté avant toute décision au fond ; qu'une ordonnance de référé du président du tribunal administratif du 22 janvier 2002 a accueilli cette demande en précisant que la décision serait notifiée à M. X..., à la commune des Rousses ainsi qu'à la société ; que, le 17 décembre 2002, le président du tribunal administratif, saisi à cette fin par M. X..., a ouvert une procédure juridictionnelle en vue de prescrire les mesures d'exécution de l'ordonnance du 22 janvier 2002, sur le fondement des articles L. 911-4 et R. 921-1 et suivants du code de justice administrative ; que, par un jugement définitif du 24 juillet 2003, le tribunal administratif a rejeté la requête en annulation dirigée contre l'arrêté du 11 juillet 2001 ; que par une ordonnance du même jour, le président de ce tribunal a dit en conséquence n'y avoir lieu à statuer sur la requête tendant à obtenir l'exécution de l'ordonnance de référé ; qu'après avoir obtenu la désignation d'un expert en référé chargé d'évaluer les préjudices qu'elle avait subis, la société a fait assigner au fond M. X... aux fins d'indemnisation devant un tribunal de commerce ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la société diverses sommes au titre de son préjudice commercial, des frais de procédure et des frais d'expertise, alors, selon le moyen :

1°/ que tout juge autre que celui de l'exécution doit relever d'office son incompétence à connaître des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageable des mesures d'exécution forcée ; que dès lors, la cour d'appel qui, bien qu'elle ait relevé que la demande en réparation de la société était fondée sur les conséquences dommageables de l'exécution forcée de l'ordonnance de référé rendue le 22 janvier 2002 par le président du tribunal administratif de Besançon, ce dont il résultait que seul le juge de l'exécution était compétent pour en connaître, a néanmoins confirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lons-le-Saunier, sans relever d'office l'incompétence de cette juridiction, a violé les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, 8 et 10 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;

2°/ qu' il résulte de l'article 31 de la loi du 9 juillet 1991 que c'est au débiteur de l'exécution poursuivie en vertu du titre exécutoire provisoire que le créancier doit restitution en cas de modification de ce titre ; que, dès lors, en jugeant que M. X... devait restitution au bénéficiaire de la décision du maire des Rousses dont le juge des référés administratif avait ordonné la suspension, mesure dont l'exécution incombait à l'auteur de la décision d'autorisation, la cour d'appel a violé ladite disposition ;

3°/ que seul le créancier qui a poursuivi l'exécution forcée en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire doit restituer le débiteur dans ses droits si le titre est ultérieurement modifié ; que dès lors, la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que le juge des référés du tribunal administratif de Besançon avait ordonné que sa décision du 22 janvier 2002 soit notifiée à la société, ce dont il résultait que M. X... n'était pas à l'origine de cette notification qui, au regard de la procédure administrative, rendait pourtant l'ordonnance exécutoire, s'est néanmoins fondée, pour dire que M. X... en avait poursuivi l'exécution forcée, sur la circonstance inopérante qu'il avait, postérieurement à cette notification, demandé et obtenu de la juridiction administrative qu'elle ouvre une procédure juridictionnelle aux fins d'assurer l'exécution de cette ordonnance, a violé l'article 31 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

4°/ qu'en se bornant à relever, pour dire que M. X... avait poursuivi l'exécution forcée de l'ordonnance du président du tribunal administratif de Besançon du 22 janvier 2002 et en conséquence le condamner à restituer la société dans ses droits, qu'il avait demandé et obtenu de la juridiction administrative qu'elle ouvre une procédure juridictionnelle aux fins d'assurer l'exécution de cette ordonnance, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette procédure n'avait pas abouti, le 24 juillet 2003, à une ordonnance disant n'y avoir lieu à statuer, en sorte qu'aucune mesure d'exécution n'avait été ordonnée à la demande de M. X... à l'encontre de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

Mais attendu qu'il ressort de l'arrêt et des productions que M. X... a soutenu devant la cour d'appel que le premier juge était incompétent pour connaître de l'affaire, qui relevait selon lui de la juridiction administrative ; qu'il est irrecevable à soutenir devant la Cour de cassation une position contraire à celle adoptée devant les juges du fond ;

Et attendu qu'ayant relevé que l'ordonnance de référé suspendant les effets de l'arrêté d'attribution à la société de la licence, indispensable à son exercice professionnel, avait été rendue à la requête de M. X..., qu'elle constituait un titre exécutoire et que sa notification avait été ordonnée, en sorte que la société n'avait pas d'autre choix que d'arrêter son exploitation, la cour d'appel, qui n'avait pas d'autre recherche à effectuer, en a exactement déduit que, le titre ayant été anéanti par le jugement rejetant au fond le recours en annulation, M. X... devait, par application de l'article 31 de la loi du 9 juillet 1991, restituer la société dans ses droits en nature ou par équivalent ;

D'où il suit que le moyen, qui n'est pas recevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer à la société Ambulances et taxis des 4 Villages la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. X...

Monsieur X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à verser à la société Ambulances et taxis des 4 villages les sommes de 6.120 euros au titre de son préjudice commercial, 1.828,30 euros au titre des frais de procédure et 4.862,16 euros au titre des frais d'expertise ;

AUX MOTIFS QUE la S.A.R.L. "Ambulances et taxis des 4 villages" invoque comme fondement de sa prétention l'article 31 de la loi du 9 juillet 1991, qui stipule : "Sous réserve des dispositions de l'article 2191 du code civil, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire. L'exécution est poursuivie aux risques du créancier qui, si le titre est ultérieurement modifié devra restituer le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent." ; que la S.A.R.L. "Ambulances et taxis des 4 villages" s'est vue opposer une ordonnance de référé suspendant l'arrêté d'attribution de la licence indispensable à son exercice professionnel et rendue à la requête de Jean-Claude X..., ladite ordonnance étant bien un titre exécutoire à titre provisoire au sens de l'article 31 susvisé, dont le Juge des Référés a ordonné qu'elle lui soit notifiée ; qu'elle n'avait ainsi en principe pas d'autre choix que d'arrêter son exploitation ; qu'en demandant à la juridiction administrative, ce qu'il a au surplus obtenu, qu'elle ouvre une procédure juridictionnelle aux fins d'assurer l'exécution de l'ordonnance de suspension susvisée, Jean-Claude X... n'a pas fait autre chose que poursuivre l'exécution de ladite ordonnance, ce à ses risques et périls ; que le titre constitué par cette ordonnance a été ultérieurement modifié tout simplement par le jugement définitif au fond rejetant la demande d'annulation de l'arrêté d'attribution de la licence de taxi ; qu'en application de l'article 31 susvisé, Jean-Claude X... doit bien restituer la S.A.R.L. "Ambulances et taxis des 4 villages" dans ses droits en nature ou par équivalent ;

ALORS QUE tout juge autre que celui de l'exécution doit relever d'office son incompétence à connaître des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageable des mesures d'exécution forcée ; que dès lors, la cour d'appel qui, bien qu'elle ait relevé que la demande en réparation de la société Ambulances et taxis des 4 villages était fondée sur les conséquences dommageables de l'exécution forcée de l'ordonnance de référé rendue le 22 janvier 2002 par le président du tribunal administratif de Besançon, ce dont il résultait que seul le juge de l'exécution était compétent pour en connaître, a néanmoins confirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lons-le-Saunier, sans relever d'office l'incompétence de cette juridiction, a violé les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, 8 et 10 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;

ALORS QU'il résulte de l'article 31 de la loi du 9 juillet 1991 que c'est au débiteur de l'exécution poursuivie en vertu du titre exécutoire provisoire que le créancier doit restitution en cas de modification de ce titre ; que, dès lors, en jugeant que M. X... devait restitution au bénéficiaire de la décision du maire des Rousses dont le juge des référés administratif avait ordonné la suspension, mesure dont l'exécution incombait à l'auteur de la décision d'autorisation, la Cour d'appel a violé ladite disposition.

ALORS QUE, en tout état de cause, seul le créancier qui a poursuivi l'exécution forcée en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire doit restituer le débiteur dans ses droits si le titre est ultérieurement modifié ; que dès lors, la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que le juge des référés du tribunal administratif de Besançon avait ordonné que sa décision du 22 janvier 2002 soit notifiée à la société Ambulances et taxis des 4 villages, ce dont il résultait que M. X... n'était pas à l'origine de cette notification qui, au regard de la procédure administrative, rendait pourtant l'ordonnance exécutoire, s'est néanmoins fondée, pour dire que M. X... en avait poursuivi l'exécution forcée, sur la circonstance inopérante qu'il avait, postérieurement à cette notification, demandé et obtenu de la juridiction administrative qu'elle ouvre une procédure juridictionnelle aux fins d'assurer l'exécution de cette ordonnance, a violé l'article 31 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

ALORS QUE, plus subsidiairement, en se bornant à relever, pour dire que M. X... avait poursuivi l'exécution forcée de l'ordonnance du président du tribunal administratif de Besançon du 22 janvier 2002 et en conséquence le condamner à restituer la société Ambulances et taxis des 4 villages dans ses droits, qu'il avait demandé et obtenu de la juridiction administrative qu'elle ouvre une procédure juridictionnelle aux fins d'assurer l'exécution de cette ordonnance, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette procédure n'avait pas abouti, le 24 juillet 2003, à une ordonnance disant n'y avoir lieu à statuer, en sorte qu'aucune mesure d'exécution n'avait été ordonnée à la demande de M. X... à l'encontre de la société Ambulances et taxis des 4 villages, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 09-68120
Date de la décision : 09/09/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

EXECUTION PROVISOIRE - Décision l'ordonnant - Infirmation - Effets - Obligation de réparer l'intégralité du préjudice subi - Domaine d'application - Etendue - Détermination - Portée

REFERE - Ordonnance - Notification - Signification à partie - Effets - Etendue - Détermination PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Mesures d'exécution forcée - Titre - Titre exécutoire - Définition - Ordonnance de référé - Ordonnance de référé d'un président d'un tribunal administratif - Ordonnance suspendant les effets d'un arrêté d'attribution d'une licence de taxi à une société

Une ordonnance de référé d'un président d'un tribunal administratif qui, à la requête d'un concurrent, suspend les effets d'un arrêté d'attribution d'une licence de taxi à une société, constitue un titre exécutoire. La notification de cette décision au bénéficiaire de l'autorisation, ordonnée par le juge administratif, oblige celui-ci à cesser son activité. Il s'ensuit qu'une cour d'appel, saisie par ce bénéficiaire d'une demande d'indemnisation, après anéantissement du titre résultant du rejet au fond du recours en annulation de l'arrêté d'autorisation, retient exactement que le demandeur à la suspension doit, par application de l'article 31 de la loi du 9 juillet 1991, restituer la société dans ses droits par nature ou par équivalent


Références :

article 31 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 13 mai 2009

A rapprocher :Ass. Plén., 24 février 2006, pourvoi n° 05-12679, Bull. 2006, Ass. plén., n° 2 (cassation), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 09 sep. 2010, pourvoi n°09-68120, Bull. civ. 2010, II, n° 148
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, II, n° 148

Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne
Avocat général : M. Mazard
Rapporteur ?: M. Sommer
Avocat(s) : SCP Monod et Colin, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.68120
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