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09/12/2010 | FRANCE | N°09-15368

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 décembre 2010, 09-15368


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme Geneviève Y..., mandataire liquidateur de M. Z..., et contre ce dernier ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que MM. Johannes X... et Erhard Z... ont, le 20 septembre 1995, conclu avec la société Les Campets un compromis de vente aux termes duquel celle-ci s'engageait à leur vendre un ensemble immobilier sous la condition susp

ensive de l'obtention par elle de la modification du plan d'occupation des sols de...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme Geneviève Y..., mandataire liquidateur de M. Z..., et contre ce dernier ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que MM. Johannes X... et Erhard Z... ont, le 20 septembre 1995, conclu avec la société Les Campets un compromis de vente aux termes duquel celle-ci s'engageait à leur vendre un ensemble immobilier sous la condition suspensive de l'obtention par elle de la modification du plan d'occupation des sols de la commune permettant la réalisation par les acquéreurs d'un hôtel-restaurant qu'ils envisageaient d'exploiter ; que le maire de la commune ayant informé, par lettre du 30 novembre, la SCP A..., notaire instrumentaire, que " par délibération en date du 23 novembre 1995, le conseil municipal avait procédé à la modification du plan d'occupation des sols ", cette SCP notariale a, sur la foi de cette correspondance, établi l'acte authentique de vente mentionnant " le comparant... constate et reconnaît que par le fait de la modification du POS de la commune de Portel des Corbières, par délibération du conseil municipal en date du 23 novembre 1995, la condition suspensive... se trouve réalisée et, en conséquence, ladite vente est devenue définitive " ; que, le permis de construire leur ayant été ultérieurement refusé, notamment au motif que le POS interdisait toute construction à usage hôtelier, de commerce et de service, MM. Z... et X..., qui avaient obtenu en référé la désignation d'un expert pour la détermination de leur préjudice, ont assigné la SCP A... aux fins d'indemnisation de leur préjudice tel qu'évalué par l'expert, soit la somme de 218 142 euros, sur le fondement de la faute commise pour n'avoir pas vérifié la teneur de la délibération du conseil municipal ni consulté les documents d'urbanisme ;

Attendu que, pour réformer le jugement qui avait condamné la SCP notariale à payer la somme fixée par l'expert judiciaire et pour débouter MM. Z... et X... de leurs demandes, l'arrêt énonce que le préjudice qu'ils pourraient avoir subi du fait de l'acquisition de l'immeuble ne pourrait consister qu'en la perte du profit qu'ils espéraient tirer de l'hôtel-restaurant qu'ils avaient projeté de construire, dont l'estimation implique l'examen de l'intégralité du dossier qu'ils ont nécessairement constitué en vue de construire et d'exploiter un établissement hôtelier et en particulier du plan de financement de ce projet et du calcul prévisionnel de rentabilité de cette opération et qu'aucun élément de preuve n'est apporté à cet égard ;

Qu'en se déterminant ainsi, après avoir réfuté la méthode d'évaluation adoptée par l'expert et admis que le préjudice que les intéressés pourraient avoir subi ne pourrait consister qu'en la perte du profit qu'ils espéraient tirer de l'hôtel-restaurant qu'ils avaient projeté de construire, sans mettre les demandeurs intimés, qui demandaient la confirmation pure et simple du jugement, en mesure de justifier du préjudice dont elle admettait le principe selon une démarche différente de celle de l'expert, retenue par les premiers juges, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes en réformant le jugement en sa disposition qui avait condamné la SCP A... à lui payer la somme de 218 142 euros en réparation de son préjudice financier, outre les intérêts au taux légal, l'arrêt rendu le 28 avril 2009 par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties concernées dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la SCP A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP A..., la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Rouvière, avocat aux Conseils pour M. X....

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir réformé le jugement déclarant la SCP A... responsable des dommages subis par Messieurs Johannes X... et Erhard Z... dans le cadre de l'acte authentique de vente du 30 décembre 1995 et janvier 1996, et la condamnant, à ce titre, à leur verser une somme de 218 142 € et en conséquence, de les avoir déboutés de leurs demandes.

AUX MOTIFS QUE le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SCP notariale à l'égard des consorts Z... et X... ; que sur le préjudice il est constant que les acquéreurs n'ont pu réaliser en son temps le projet hôtelier qui avait motivé leur achat et la modification du POS n'est finalement intervenue que le 17 décembre 2007, soit tardivement et alors qu'entre temps ils ont nécessairement tiré les conséquences du refus qui leur a été opposé et pris d'autres dispositions ; qu'ils sollicitent l'indemnisation de leur préjudice en se référant exclusivement aux conclusions du rapport déposé le 15 décembre 2004 par l'expert B..., qui l'a évalué à une somme globale de 218. 142 € obtenue en chiffrant le prix de revient global de l'opération incluant notamment le prix d'achat du bien et en déduisant sa valeur vénale au jour de l'expertise ; qu'outre le caractère pour le moins discutable de ce mode de calcul qui ne correspond à aucune réalité dès lors que les acquéreurs ont choisi de conserver l'immeuble, cette estimation en tout état de cause n'est plus d'actualité et est inexploitable et qu'elle ne peut en aucun cas servir de référence ; qu'en réalité le préjudice que le consorts Z...
X... pourraient avoir subi du fait de l'acquisition de l'immeuble ne pouvait consister qu'en la perte du profit qu'ils espéraient tirer de l'hôtel-restaurant qu'ils avaient projeté de construire ; que son estimation implique donc l'examen de l'intégralité du dossier qu'ils ont nécessairement constitué en vue de construire et d'exploiter un établissement hôtelier, et en particulier du plan de financement de ce projet et du calcul prévisionnel de rentabilité de cette opération en fonction du chiffre d'affaires espéré et des charges ; que force est de constater qu'ils n'apportent à cet égard pas les moindres éléments, alors qu'ils soutiennent avoir investi dans de gros travaux et subi un préjudice d'exploitation, sans autre précision ; que par ailleurs les consorts Z...
X..., qui n'ont pas demandé l'annulation ni la résolution de la vente et sont restés propriétaires de l'immeuble nonobstant l'abandon du projet qui avait motivé leur achat, restent taisant sur la destination qu'ils lui ont donné pour le valoriser et sur les fruits qu'ils ont pu en tirer et ne donnent aucune indication et ne produisent aucune pièce permettant de caractériser leur préjudice, à fortiori de le chiffrer ; que dans ces circonstances, la Cour ne peut que constater leur défaillance totale dans l'administration de la preuve du préjudice matériel et moral qu'ils invoquent et il ne lui appartient pas de pallier leur carence en ordonnant une nouvelle expertise que d'ailleurs ils ne demandent pas.

1°/ ALORS QUE la Cour d'appel qui confirme le jugement ayant retenu la responsabilité de la SCP notariale à l'égard des acquéreurs de l'immeuble litigieux, ne pouvait débouter ces derniers de leur demande d'indemnisation du préjudice subi dès lors qu'il était établi que les frais engagés au titre de cette acquisition avaient une destination contractuelle précise, à savoir la réalisation d'un hôtel restaurant, opération qui s'était avérée impossible en raison de la seule faute commise par le notaire ; qu'en conséquence, la Cour d'appel ne pouvait écarter l'évaluation faite par l'expert correspondant aux frais réellement engagés par Messieurs X... et Z... pour l'opération qui s'est révélée impossible ; qu'ainsi l'arrêt est entaché d'une violation des règles de la preuve et des articles 1315 et 1382 du Code civil ;

2°/ ALORS QU'EN toute hypothèse, si les juges du fond ne sont pas tenus de suivre les experts dans leurs conclusions, il leur appartient en revanche de rechercher dans le rapport d'expertise tous les éléments de preuve de nature à établir leur conviction ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait infirmer le jugement et débouter Messieurs X... et Z... de leur demande d'indemnisation en se bornant à affirmer que le mode de calcul retenu par l'homme de l'art ne correspondait à aucune réalité dès lors que les acquéreurs sont restés propriétaires de l'immeuble et que l'estimation ne serait plus d'actualité et inexploitable, sans rechercher si les éléments retenus par l'expert ne correspondaient pas aux investissements faits par les acquéreurs aux fins de réalisation du projet d'hôtellerie, finalité de la vente devenue impossible de par la faute commise par le notaire ; qu'ainsi l'arrêt manque de base légale au regard de l'article 1315 du Code civil ;

3°/ ALORS QU'après avoir considéré que l'estimation faite par l'expert judiciaire n'était plus d'actualité et était inexploitable, la Cour d'appel qui relève d'office que le préjudice subi par Messieurs X... et Z... ne pouvait consister qu'en la perte d'un profit dont l'estimation impliquait l'examen de l'intégralité du dossier constitué en vue de construire et d'exploiter l'établissement hôtelier projeté, ne pouvait débouter les intéressés de toute indemnisation sans les avoir, au préalable invités à s'expliquer sur cette perte de profit et à en justifier ; qu'ainsi l'arrêt est entaché d'une violation de l'article 16 du Code de procédure civile ;

4°/ ALORS QUE la Cour d'appel ne pouvait débouter les acquéreurs de toute indemnisation du préjudice résultant de la faute commise par le notaire en considérant qu'ils étaient restés propriétaires de l'immeuble et taisant sur la destination qu'ils lui avaient donnée pour le valoriser et les fruits qu'ils avaient pu en tirer, ces considérations n'étant pas de nature à faire disparaitre le préjudice résultant d'investissements financiers qui s'étaient avérés inutiles à la suite de la faute commise par le notaire dans l'acte de vente ; que dès lors, la Cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1147 du Code civil et 455 du Code de procédure civile ;

5°/ ALORS QU'EN toute hypothèse la Cour d'appel qui reconnait la faute commise par le notaire dont la conséquence a entrainé pour les acheteurs de l'immeuble l'impossibilité de réaliser l'opération d'hôtellerie but de cette acquisition, ne pouvait les débouter de l'indemnisation qu'ils sollicitaient au titre du préjudice moral, le fait qu'ils soient restés acquéreurs de l'immeuble n'étant pas de nature à faire disparaitre la réalité de ce préjudice qu'il appartenait à la Cour d'appel d'évaluer ; qu'ainsi l'arrêt est à nouveau entaché d'une violation des articles 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-15368
Date de la décision : 09/12/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROCEDURE CIVILE - Droits de la défense - Principe de la contradiction - Violation - Cas - Demande d'indemnisation sur le fondement d'un rapport d'expertise - Rejet après réfutation de la méthode d'évaluation de l'expert - Invitation des parties à justifier de leur préjudice - Défaut

Le juge doit, en toutes circonstances, faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction. Dès lors, viole ce principe la cour d'appel qui infirme un jugement et déboute des intimés de leurs demandes d'indemnisation au motif qu'ils n'ont pas rapporté la preuve du préjudice matériel et moral qu'ils invoquaient sur le fondement des conclusions d'un rapport d'expertise, retenues par les premiers juges, en réfutant la méthode d'évaluation de l'expert et sans mettre les intéressés en mesure de justifier de leur préjudice dont elle admettait pourtant le principe selon une démarche différente de celle de l'expert


Références :

article 16 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 28 avril 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 déc. 2010, pourvoi n°09-15368, Bull. civ. 2010, I, n° 256
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, I, n° 256

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : Mme Falletti
Rapporteur ?: M. Gallet
Avocat(s) : Me Rouvière, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.15368
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