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01/02/2012 | FRANCE | N°10-27276

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 01 février 2012, 10-27276


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 septembre 2010), que, par acte du 9 août 1996, Mme Eliane X..., épouse Y... a fait donation à Mme Florence Y..., épouse Z..., sa fille, d'un terrain sur lequel celle-ci a fait édifier deux appartements indépendants dont l'un a été occupé par ses parents ; que l'acte de donation contenait également une interdiction d'hypothéquer sans l'accord de la donatrice ; que, par acte du 2 octobre 2003, Mme Z... a fait assigner ces derniers aux fins d'expulsion

et en paiement d'une indemnité d'occupation et d'une somme au titre...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 septembre 2010), que, par acte du 9 août 1996, Mme Eliane X..., épouse Y... a fait donation à Mme Florence Y..., épouse Z..., sa fille, d'un terrain sur lequel celle-ci a fait édifier deux appartements indépendants dont l'un a été occupé par ses parents ; que l'acte de donation contenait également une interdiction d'hypothéquer sans l'accord de la donatrice ; que, par acte du 2 octobre 2003, Mme Z... a fait assigner ces derniers aux fins d'expulsion et en paiement d'une indemnité d'occupation et d'une somme au titre des frais de remise en état ; que, par conclusions du 29 avril 2004, M. et Mme Y... ont assigné Mme Z... en révocation de la donation pour inexécution des conditions ; que, le 11 janvier 2006, ils ont modifié leurs conclusions et demandé la révocation de la donation pour cause d'ingratitude de la donataire ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé :
Attendu que ces griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de dire irrecevables comme prescrites leurs demandes en révocation de donation sauf celles fondées sur un refus de restituer un véhicule et sur des dégradations qui auraient été commises sur celui-ci, alors, selon le moyen, que, des conclusions, constituant une demande en justice, signifiées à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ; que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but ; que pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action en révocation de donation intentée par M. et Mme Y... à l'encontre de leur fille, l'arrêt attaqué retient que la demande de révocation pour cause d'ingratitude fondée sur l'action en expulsion a été formalisée pour la première fois dans des conclusions du 11 janvier 2006, soit plus d'un an après l'assignation en expulsion délivrée le 20 octobre 2003 ; qu'en statuant ainsi cependant que M. et Mme Y... avaient conclu pour la première fois à la révocation de la donation dans leurs écritures signifiées le 29 avril 2004, soit dans le délai d'un an de l'introduction de l'action en expulsion, au motif de l'inexécution des obligations de la donataire, action tendant au même but que celle formalisée pour une autre cause dans les conclusions du 11 janvier 2006, la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil, ensemble l'article 957 dudit code ;
Mais attendu que le délai de prescription de l'action en révocation de donation pour cause d'ingratitude, édicté par l'article 957, alinéa 1er, du code civil n'est susceptible ni de suspension, ni d'interruption ; qu'ayant constaté que l'ingratitude constituant la cause de la révocation de la donation litigieuse trouvait son origine dans l'action en expulsion engagée le 20 octobre 2003 par la donataire contre la donatrice et son conjoint, la cour d'appel en a exactement déduit qu'à la date du 11 janvier 2006, à laquelle ceux-ci avaient sollicité la révocation de ladite donation pour cette cause, le délai de prescription était expiré ; que le grief n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils pour M. et Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit irrecevables comme prescrites les demandes en révocation de donation formées par Monsieur et Madame Y... sauf celles fondées sur un refus de restituer un véhicule et sur des dégradations qui auraient été commises sur celui-ci ;
AUX MOTIFS QUE « Les époux Y... fondent leur demande de révocation de la donation, au seul visa de l'article 955 du Code civil, et sur l'invocation exclusive de faits d'ingratitude, sachant que si leur première demande de révocation avait été faite au motif d'une violation de la clause contenue dans l'acte de donation d'interdiction de consentir à des hypothèques sans l'accord de la donataire, ils n'ont pas explicitement repris par la suite ce motif de révocation, relevant de l'application des dispositions de l'article 953 du Code civil.Ils invoquent les faits d'ingratitude suivants :- l'action en expulsion engagée par leur fille à leur encontre et le maintien de cette action;- son refus de restituer un véhicule qui lui avait été prêté;- la dégradation par elle de ce véhicule;- le détournement et son refus de restituer pendant une certaine période des meubles qui étaient la propriété d'une cliente de l'entreprise de transport dirigée par sa mère ;- l'introduction par elle et le maintien de diverses actions prud'homales à l'encontre de sa mère pour harcèlement moral.1) Ils soutiennent, mais sans chercher à le caractériser, que ces faits constitueraient un ensemble indivisible.Une telle indivisibilité ne peut être admise dès lors que, à les supposer établis, si ces faits témoignent tous de l'animosité de la fille à rencontre de sa mère, ils sont néanmoins, au regard de la qualification requise par l'article 955 susvisé d'injure grave, de nature différente et d'une gravité sensiblement inégale, et par ailleurs dans un rapport direct ou au contraire étranger à l'objet de la donation, 2) Aux termes de l'article 957 du Code civil, la demande en révocation pour cause d'ingratitude doit être formée dans l'année, à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit aura pu être connu par le donateur.2a) L'action en expulsion ayant un caractère instantané au regard de son caractère injurieux à l'égard de la donatrice, son maintien n'a pas pu avoir pour conséquence de retarder le point de départ du délai pour prescrire audelà de l'assignation introductive d'instance.L'assignation ayant été délivrée le 20 octobre 2003, la demande de révocation fondée sur ce motif d'ingratitude, formalisée pour la première fois dans des conclusions du 11 janvier 2006, est prescrite » (arrêt attaqué, p. 4).2b) Il en va de même pour le même motif des actions prud'homales intentées contre la donatrice courant novembre 2002, le fait que ces affaires auraient été réenrôlées après radiation n'ayant pu faire courir un nouveau délai.2c) De même, le détournement allégué de meubles appartenant à une cliente de l'entreprise de transport de la donatrice revêt, au regard de son caractère injurieux à l'encontre de cette dernière, un caractère instantané, et le point de départ du délai de l'action en révocation de donation devant être fixé au plus tard à la date du 29 octobre 2002, à laquelle la donatrice a réclamé à sa fille de restituer les meubles, la demande de révocation pour ce motif ayant été formalisée le 11 janvier 2006, est prescrite, 3) Madame Z... ayant exprimé pour la première fois son refus de restituer le véhicule qui lui était réclamé par sa mère dans des conclusions du 15 juin 2006, la demande de cette dernière de révocation de la donation pour ce motif ayant été formalisée dans des conclusions du 16 août 2006, n'est pas prescrite.Mais elle ne peut prospérer, le refus de restituer ce véhicule, qui lui avait été prêté sans considération de durée, ne peut être qualifié d'injure grave en vue de l'application de l'article 955 susvisé.4) La demande de révocation au motif de la dégradation dudit véhicule qui serait survenue en 2008 ne peut prospérer dès lors que la plainte déposée n'a pas donné d'indication sur l'identité de l'auteur, qu'aucune information n'est donnée sur les suites qui ont été données à cette plainte, et que rien ne permet d'établir que la donataire soit responsable de ces dégradations, ce qu'elle conteste expressément.
ALORS QUE des conclusions, constituant une demande en justice, signifiées à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ; que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but ; que pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action en révocation de donation intentée par Monsieur et Madame Y... à l'encontre de leur fille, l'arrêt attaqué retient que la demande de révocation pour cause d'ingratitude fondée sur l'action en expulsion a été formalisée pour la première fois dans des conclusions du 11 janvier 2006, soit plus d'un an après l'assignation en expulsion délivrée le 20 octobre 2003 ; qu'en statuant ainsi cependant que Monsieur et Madame Y... avaient conclu pour la première fois à la révocation de la donation dans leurs écritures signifiés le 29 avril 2004, soit dans le délai d'un an de l'introduction de l'action en expulsion, au motif de l'inexécution des obligations de la donataire, action tendant au même but que celle formalisée pour une autre cause dans les conclusions du 11 janvier 2006, la cour d'appel a violé l'article 2244 du Code civil, ensemble l'article 957 dudit Code ;
ALORS QUE lorsque des faits périmés forment avec des faits nouveaux un ensemble indivisible, les premiers doivent être pris en considération comme les seconds ; que forment un tel ensemble les faits témoignant d'une ingratitude du donataire envers le donateur, peu important à cet égard d'une part leur différence de nature et de gravité et d'autre part leur lien avec l'objet de la donation ; qu'en considérant que les faits d'ingratitude exposés par Monsieur et Madame Y... à l'encontre de leur fille – action en expulsion, refus de restitution d'un véhicule prêté, détournement et refus de restituer des meubles appartenant à une cliente de l'entreprise de transport de sa mère et action prud'homale intentée à l'encontre de sa mère pour harcèlement moral – ne constituaient pas un ensemble indivisible, aux motifs erronés qu'ils sont de nature différente et d'une gravité sensiblement inégale, et par ailleurs dans un rapport direct ou au contraire étranger à l'objet de la donation, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi et violé les articles 953 et 955 du Code civil, ensemble l'article 957 dudit Code ;
ALORS QUE constitue une injure grave fondant une action en révocation pour ingratitude, l'ensemble de faits témoignant tous d'une volonté d'offenser le donateur en portant atteinte à son honneur et sa réputation ; que tel est le cas de la fille qui intente une action en expulsion contre ses parents, retient des meubles appartenant à une cliente de l'entreprise de l'un de ses parents, refuse de lui restituer un véhicule et intente une action prud'homale en harcèlement moral contre sa mère ; qu'en refusant de considérer que cet ensemble de faits caractérisait une injure grave de la donataire à l'encontre de ses parents, donateur, et, partant, en ne prenant en compte le fait prétendument périmé, la cour d'appel a violé les articles 953 et 955 du Code civil, ensemble l'article 957 dudit Code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-27276
Date de la décision : 01/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

DONATION - Révocation - Ingratitude - Action en révocation - Prescription - Délai - Nature - Détermination - Portée

PRESCRIPTION CIVILE - Délai - Suspension - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Action en révocation de donation pour cause d'ingratitude PRESCRIPTION CIVILE - Délai - Interruption - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Action en révocation de donation pour cause d'ingratitude

Le délai de prescription de l'action en révocation de donation pour cause d'ingratitude, édicté par l'article 957, alinéa 1er, du code civil n'est susceptible ni de suspension, ni d'interruption. Dès lors une cour d'appel, ayant constaté que l'ingratitude constituant la cause de la révocation de la donation litigieuse trouvait son origine dans l'action en expulsion engagée le 20 octobre 2003 par la donataire contre la donatrice et son conjoint, en a exactement déduit qu'à la date du 11 janvier 2006, à laquelle ceux-ci avaient sollicité la révocation de ladite donation pour cette cause, le délai de prescription était expiré


Références :

article 957, alinéa 1er, du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 09 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 01 fév. 2012, pourvoi n°10-27276, Bull. civ. 2012, I, n° 17
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, I, n° 17

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Mellottée
Rapporteur ?: M. Rivière
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Delvolvé

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.27276
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