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17/09/2012 | FRANCE | N°11REV031

France | France, Cour de cassation, Commission revision, 17 septembre 2012, 11REV031


n° 778 ; 11 REV 031

La Commission de révision des condamnations pénales, en sa séance publique, au Palais de Justice, à Paris, le dix sept septembre deux mille douze, a rendu la décision suivante ;

Sur le rapport de Mme la présidente Radenne, les observations orales de Maître Bouthors, avocat aux Conseils, de Maître Saint-Pierre, avocat, et celles de Mme l'avocat général Zientara-Logeay, à l'audience du 18 juin 2012, tenue en chambre du conseil, en présence de M. Guérin, Mme Bardy, M. Bloch, M. Buisson, membres de la Commission, Mme Guénée, greffier, à l'issue

de laquelle l'affaire a été mise en délibéré au 17 septembre 2012 ;
REJET d...

n° 778 ; 11 REV 031

La Commission de révision des condamnations pénales, en sa séance publique, au Palais de Justice, à Paris, le dix sept septembre deux mille douze, a rendu la décision suivante ;

Sur le rapport de Mme la présidente Radenne, les observations orales de Maître Bouthors, avocat aux Conseils, de Maître Saint-Pierre, avocat, et celles de Mme l'avocat général Zientara-Logeay, à l'audience du 18 juin 2012, tenue en chambre du conseil, en présence de M. Guérin, Mme Bardy, M. Bloch, M. Buisson, membres de la Commission, Mme Guénée, greffier, à l'issue de laquelle l'affaire a été mise en délibéré au 17 septembre 2012 ;
REJET de la demande présentée par Maurice X... tendant à la révision de l'arrêt de la cour d'assises des Bouches-du-Rrône, en date du 11 octobre 2007, qui, pour assassinat, l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle ; ainsi qu'à la suspension de l'exécution de cette condamnation.
LA COMMISSION DE REVISION,
Vu la demande susvisée ;
Vu les articles 622 et suivants du code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit et la lettre du 11 juin 2012 par laquelle l'avocat de M. X... demande que la décision soit rendue en audience publique ;
M. X... a été condamné pour avoir, entre le 26 octobre et le 2 novembre 1977, assassiné Agnès E..., laquelle a disparu entre ces deux dates, alors qu'elle devait se rendre à Paris, début novembre, avec Mme Martine F..., et y rencontrer une amie, Mme Colombe G..., ainsi qu'un journaliste. Malgré les nombreuses recherches entreprises, elle n'a jamais été retrouvée, pas plus que son véhicule Range Rover et ses effets personnels.
A la suite de plaintes déposées par Mme Renée E..., respectivement le 13 février 1978 et le 10 janvier 1980, deux informations ont été ouvertes, la première, en février 1978, du chef de séquestration et la seconde, en février 1980, du chef d'homicide volontaire. Ces deux informations ont été jointes et M. X..., qui avait été inculpé, le 8 août 1983, de ce dernier chef, a bénéficié, le 30 septembre 1985, d'une ordonnance de non-lieu, confirmée par arrêt du 23 avril 1986.
Le 18 septembre 1994, sur nouvelle plainte de Mme Renée E..., une information a été ouverte du chef de recel de cadavre. Les investigations ayant fait apparaître des éléments nouveaux, la chambre d'accusation a, par arrêt du 7 décembre 2000, ordonné la réouverture de l'information clôturée en 1986 et sa jonction à celle ouverte en 1994.
Il résulte pour l'essentiel de ces informations que :
Agnès E..., née le 14 septembre 1948, son frère, ses deux soeurs et sa mère, Mme Renée E..., détenaient au travers d'une société RLR, la moitié des parts de la société " Le Palais de la Méditerranée ", qui, présidée par cette dernière, exploitait à Nice un casino éponyme rencontrant d'importantes difficultés du fait de la concurrence du casino Rhul, dirigé par Jean-Dominique H..., lequel souhaitait prendre le contrôle de cet établissement, ce à quoi Mme Renée E... se refusait.
Agnès E..., qui avait tenté, sans y parvenir, de sortir de l'indivision successorale, s'était rapprochée, aidée par M. X..., son avocat et amant, de Jean-Dominique H.... Par acte du 15 mai 1977 demeuré secret, elle lui avait cédé, sous diverses conditions suspensives, ses titres, en réalité son vote, pour la somme de trois millions de francs. Le 30 juin 1977, lors de l'assemblée générale de la société " Le Palais de la Méditerranée ", dont elle était administratrice, elle avait voté selon les instructions de Jean-Dominique H... et évincé sa mère.
Alors que les conditions suspensives n'avaient pas été levées, le prix de trois millions était réglé en deux fois. Dès le 16 mai 1977, lendemain de la signature de l'acte, Jean-Dominique H... faisait parvenir sur un compte joint ouvert dans une agence de l'UBS en Suisse aux noms d'Agnès E... et de M. X... la somme de 1 705 719 francs, soit 869 565 francs suisses. Le même jour, M. X... et Agnès E..., qui avaient ouvert, l'un et l'autre, un compte et un coffre dans cette même banque avec procurations réciproques, retiraient cette somme et déposaient une somme de 100 000 francs suisses sur chacun de ces comptes, le solde étant, selon M. X..., placé dans les coffres. Postérieurement à l'assemblée générale du 30 juin 1977, Jean-Dominique H... réglait, en espèces, une somme de 1 200 000 francs, convertie par M. X... à hauteur de 1 150 000 francs en bons de caisse dans une agence niçoise, les 50 000 francs restants, ayant, selon lui, été conservés par Agnès E.... Il négociait ces bons de caisse à hauteur de 100 000 francs le 8 août 1977, d'un million de francs le 26 octobre 1977, juste avant la disparition d'Agnès E... et de 50 000 francs le 25 novembre 1977, après cette disparition.
Entre le 11 août 1977 et le 3 février 1978, M. X... réalisait diverses opérations bancaires ayant pour effet de transférer, sur son compte à la SBS, agence de Vevey, les fonds versés par Jean-Dominique H.... Le 11 août 1977, il ouvrait un compte personnel à la SBS et y déposait 680 000 francs suisses provenant de son compte et de son coffre à l'UBS. Après la disparition d'Agnès E..., il réalisait d'autres opérations bancaires, ainsi, le 17 novembre 1977, après avoir retiré 99 900 francs suisses du compte que cette dernière détenait à l'UBS, il déposait, sur son compte personnel ouvert à la SBS de Genève, cette somme, outre 980 000 francs français provenant de la négociation des bons de caisse intervenue le 26 octobre 1977. D'après lui, cette somme lui aurait été apportée, le 17 novembre 1977, à Genève par un émissaire d'Agnès E.... Ces fonds étaient immédiatement convertis en dollars canadiens et américains. Après avoir soldé, le 30 décembre 1977, son compte à l'UBS et, le 2 février 1978, celui détenu par Agnès E... dans cette même banque, il faisait transférer, le 3 février 1978, 1 014 000 francs suisses, de son compte ouvert à la SBS, agence de Genève, à celle de Vevey, comptes sur lesquels son autre maîtresse, Mme Françoise I..., avait procuration. Les 4 et 5 septembre 1978, il effectuait trois retraits de montants modiques.
Après avoir soutenu qu'Agnès E... lui avait fait don de la somme de 869 400 francs suisses, M. X... a indiqué avoir agi en tant que séquestre et présenté un acte, portant la date du 29 avril 1977, signé seulement de lui-même et de Jean-Dominique H... par lequel il acceptait d'être constitué séquestre, à hauteur de 2 400 000 francs, des sommes remises par ce dernier à Agnès E.... Il s'est avéré incapable de rendre compte de sa gestion et de justifier de la destination de ces sommes. En fin d'information, il a indiqué que le cheminement de cet argent faisait partie du labyrinthe dont il ne se souvenait plus, ajoutant que ces sommes avaient été regroupées sur ses comptes comme l'avait voulu Agnès pour se protéger de sa mère et de Jean-Dominique H..., avant d'expliquer que ce dernier, craignant l'annulation de l'assemblée générale du 30 juin 1977, lui avait demandé de mettre les fonds à l'abri sur son compte. Il a reconnu avoir agi " bêtement ", mais sans que cela préjudicie à Agnès E....
Pour ces faits, M X... a été condamné, le 1er novembre 1986, par la cour d'appel de Lyon à trente mois d'emprisonnement, dont six mois avec sursis et 150 000 francs d'amende des chefs de complicité d'achat de vote, recel et abus de confiance.
Les investigations effectuées au domicile d'Agnès E..., le 7 mars 1978, ont permis de découvrir, bien en évidence, une feuille de papier, dont le bas avait été découpé, sur laquelle elle avait écrit de sa main : " désolé, mon chemin est fini, je m'arrête là, tout est bien, Agnès, je veux que ce soit Maurice qui s'occupe de tout ”, document non daté.
En raison de ce document et de deux tentatives de suicide intervenues en octobre 1977, les enquêteurs ont, dans un premier temps, envisagé l'hypothèse d'un suicide ou d'une disparition volontaire, ainsi que celle d'une machination de Mme Renée E... pour garder le contrôle du Palais de la Méditerranée ou encore celle d'une élimination physique dans laquelle aurait pu être impliqué Jean-Dominique H.... Cependant, la découverte des mouvements de fonds sus relatés et les explications fluctuantes de M. X... ont dirigé les soupçons vers lui, d'autant que les messages enregistrés sur le répondeur d'Agnès E... démontraient que, à la différence de tous les proches de celle-ci, il n'avait pas tenté de la contacter après sa disparition.
Par ailleurs, ces deux tentatives d'autolyse sont apparues suspectes, Agnès E... n'ayant jamais eu de tendance suicidaire. Lors de la première, le 3 octobre 1977, elle présentait des ecchymoses et, selon sa voisine de chambre, elle n'arrêtait pas de dire : on m'a poussé, on m'a forcé à prendre quelque chose. Lors de la seconde, le 7 octobre 1977, son poignet droit, tailladé, avait nécessité trois points de suture. Nicole J..., qui l'avait hébergée à sa sortie de l'hôpital, a dit l'étonnement d'Agnès E... devant ses blessures. Dans une lettre adressée à son amant, celle-ci avait écrit : " il ne me reste sur le corps que la trace au poignet droit ; il faudrait d'ailleurs que nous en parlions si tu le veux bien ; ou faut-il pour je ne sais quelle raison le laisser dans l'ombre ".
L'arrêt de mise en accusation a relevé l'attitude curieuse de M. X..., qui, alerté lors de la première tentative de suicide par des salariés d'Agnès E..., avait tout d'abord refusé d'intervenir, prétextant qu'il n'était que son avocat, puis, devant leur insistance, il avait fini par appeler les secours, mais leur avait fourni une fausse adresse. Le 5 octobre au soir, il avait fait sortir sa maîtresse de l'hôpital contre avis médical et l'avait laissée seule chez elle. Rappelé vers minuit trente par les services de police, il avait réaffirmé qu'il n'était qu'un avocat. Après la seconde tentative, il avait averti les secours, le 7 octobre 1977 à 8 h 15, expliquant avoir reçu un appel inquiétant de l'une de ses clientes. Or, au cours d'une conversation téléphonique du même jour, il avait indiqué à Jean-Dominique H..., inquiet des tentatives de suicide d'Agnès E..., qu'il s ‘ était rendu chez celle-ci vers minuit où tout était normal ; qu'ayant reçu, vers 3 heures, un appel bizarre d'Agnès, il l'avait rappelée vers 8 h 15 et, en l'absence de réponse, avait prévenu les secours.
Mme Nicole J... a affirmé que, le 8 octobre 1977, après la seconde tentative de suicide, M. X... lui avait lu un mot d'adieu écrit par Agnès E..., daté du 6 octobre, au contenu strictement identique à celui découvert, en mars 1978, au domicile de cette dernière.
Alors que, en juin 1978 et en septembre 1978, M. X... avait soutenu qu'Agnès E... n'était qu'une cliente, qu'il ne possédait aucun écrit d'elle, n'avait jamais détenu les clés de son appartement, et n'avait plus de ses nouvelles depuis la mi-octobre 1977, époque où il l'avait vue pour la dernière fois, la perquisition effectuée, le 11 octobre 1978, à son cabinet a permis de découvrir une photocopie du mot d'adieu, portant la date du 6 octobre 1977 à l'emplacement de la partie déchirée sur l'original trouvé chez Agnès E..., le journal intime de cette dernière, divers papiers lui appartenant, dont le reçu de l'assurance automobile souscrite le 26 octobre 1977, une photocopie d'un testament du 3 octobre 1977, une chaîne stéréo acquise juste avant sa disparition. Confronté à ces éléments, M. X... a fini par indiquer avoir trouvé les originaux du mot d'adieu et du testament, le 5 octobre 1977, au domicile de sa maîtresse où il s'était rendu à l'aide des clés confiées par une infirmière, les avoir photocopiés et en avoir conservé copie, à la demande expresse d'Agnès E..., après lui avoir rendu les originaux ainsi que les clés. Il a, également, affirmé avoir vu celle-ci pour la dernière fois, fin octobre, lorsqu'elle lui avait annoncé son départ en voyage en lui apportant sa chaîne stéréo et une boîte contenant des papiers afin qu'il les conserve durant son absence.
Toutefois, il est apparu que l'appartement dans lequel vivait Agnès E..., avait été loué, en février 1977, par M. X..., auquel l'agent immobilier avait remis deux trousseaux de clés et qu'il n'a été mis au nom d'Agnès E..., que le 21 octobre 1977, quelques jours avant sa disparition, sur demande écrite de M. X..., qui en a résilié l'assurance le 12 janvier 1978.
En juin 2004, pour expliquer ses déclarations en garde à vue, M. X... a affirmé que, voulant être entendu par le juge d'instruction en présence du bâtonnier et non par les enquêteurs, il avait choisi de raconter des mensonges et " des bêtises ". Interrogé sur la façon dont Agnès E... l'aurait contacté pour lui faire parvenir, le 17 novembre 1977, la somme de 980 000 francs, il n'a pas répondu à cette question, se bornant à confirmer qu'Agnès E... était venue à son cabinet, le 26 octobre 1977, lui annoncer son départ. Le 23 novembre 1978, il avait déclaré que ce jour là il lui avait remis la somme d'un million de francs provenant de la négociation des bons de caisse, et qu'ils avaient convenu de se retrouver, le 16 ou 17 novembre à Genève, à l'hôtel de la Paix.
Après la disparition d'Agnès E..., M. X..., contacté par la famille et de nombreux amis de celle-ci, cherchant à savoir ce qu'elle était devenue, a fourni des explications variant selon les interlocuteurs, laissant entendre à certains d'entre eux qu'il avait de ses nouvelles.
De très nombreux témoins ont déclaré qu'Agnès E... était très amoureuse de M. X..., lequel ne s'intéressait pas à elle, mais à son argent. Mme Annie K..., MM. Luc L... et Paul M... ont indiqué qu'elle leur avait fait part d'un projet d'achat d'une bergerie dans laquelle elle vivrait avec M. X... et ses trois enfants.
Il ressort d'une conversation téléphonique du 17 octobre 1977, entre M. X... et Agnès E..., qu'ils avaient projeté un voyage de quelques jours à compter du 27 octobre. Me Mireille N..., collaboratrice de M. X..., a confirmé qu'Agnès E... lui avait fait part de ce projet, dont l'existence a été confortée par les déclarations de M. Félix O..., coiffeur d'Agnès E..., lequel a affirmé que le 26 octobre 1997, celle-ci lui avait dit que, pour les vacances de la Toussaint, elle devait partir, tôt le lendemain matin, dans l'arrière pays.
Une perquisition effectuée au domicile de M. X..., le 19 septembre 1978, a permis la saisie de quatre ouvrages de la Pléiade, portant en page de garde les inscriptions manuscrites suivantes :
Le premier, " Oeuvres complètes " de Montaigne, " 17 mai 1977 GENÈVE-PM-PV amitié ", le deuxième, " Journal " d'André Gide, " 30 juin 1977- Sécurité-PM PV ", le troisième " Oeuvres complètes " de Rimbaud, " le 7 octobre 1977- le bateau ivre-classement dossiers PM-PV ", le quatrième, sur le tome II des " Oeuvres complètes " d'Hemingway " mercredi 2 novembre 1977 reclassement dossier PM-PV-LIBERTÉ "

Les abréviations PM-PV étaient communément utilisées pour désigner le " Palais de la Méditerranée " et le " Palais Vénitien ". La date du 17 mai 1977 correspond au voyage à Genève au cours duquel Agnès E... et M. X... ont perçu les fonds de Jean-Dominique H..., celle du 30 juin 1977 à la date de l'assemblée générale du Palais de la Méditerranée, celle 7 octobre 1977 à la seconde tentative de suicide d'Agnès E... et celle du 2 novembre 1977 à sa disparition.
Entendu sur ces annotations, M. X..., qui n'a pas contesté les avoir rédigées, a toujours prétendu qu'elles se rapportaient, non pas aux " incidents du Palais de la Méditerranée ", mais à l'oeuvre de chacun des auteurs ou à sa personnalité. Si la date du 17 mai 1977 correspond au voyage à Genève, l'expression " amitié " se réfère à la vie de Montaigne. Le terme " Sécurité " renvoie au personnage de Nathanaël. " Le Bateau ivre " est le titre du poème le plus célèbre de Rimbaud. Le terme " classement du dossier " fait référence au temps passé à évoquer, avec Nicole J..., la tentative de suicide d'Agnès. " Liberté " se réfère à la vie d'Hemingway. Le terme " reclassement " doit s'entendre comme remise en ordre.
L'emploi du temps de M. X..., pour la période du jeudi 27 octobre au mercredi 2 novembre 1977 n'a pu être établi avec certitude. En effet, le 19 septembre 1979, Mme I..., divorcée Y..., dont il est avéré qu'elle a passé la nuit du jeudi 27 au vendredi 28 octobre à l'hôtel de la Paix, au bord du lac Léman, sous le nom de Y..., a affirmé que M. X... était avec elle, qu'elle l'avait déposé, le 28 au soir, à la gare de Lyon-Perrache, l'avait accueilli, le dimanche 30, vers midi, à l'aéroport de Nice et ne l'avait plus revu jusqu'au 2 novembre 1977, ce que, le 8 février 1980, M. X... a confirmé. Il a précisé qu'ayant fait croire à son épouse qu'il allait au congrès de la Ligue des droits de l'Homme, il n'avait pu rentrer chez lui le 28. Il s'était donc rendu à Paris par le train de nuit. Etant candidat à sa réélection au comité central, il n'avait pas assisté au congrès et s'était borné à passer, dans l'après-midi du samedi, au secrétariat de cette organisation. En 1983, après son inculpation, il a précisé avoir passé la nuit du 29 au 30 à Paris, à l'hôtel Marigny, et le reste du congé de la Toussaint à son domicile où séjournaient Mme Q... et son fils. Ceux-ci, entendus, seulement en 2005, n'ont pas gardé souvenir de sa présence, sans pouvoir affirmer qu'il n'était pas là.
Le 11 juin 1999, Mme I..., qui avait entre temps épousé M. X... avant d'en divorcer, a été entendue comme témoin assisté, dans la procédure de recel de cadavre. Elle a assuré que, le 27 octobre 1977, M. X... ne l'avait pas accompagnée à Genève et que l'alibi précédemment fourni, l'avait été à la demande expresse de son amant, qui, tout en protestant de son innocence en laquelle à l'époque elle croyait, lui avait dit ne pas pouvoir justifier de son emploi du temps pour cette nuit là. Elle a maintenu avoir été le chercher à l'aéroport de Nice le 30 octobre vers midi. Réentendue, elle a précisé que M. X..., qui devait l'accompagner à Genève, s'était décommandé à la dernière minute et qu'elle avait invité une amie, Mme Martine R.... Cette dernière a confirmé l'existence d'un tel voyage, mais compte-tenu de son ancienneté, elle n'a pu ni en préciser la date ni indiquer le nom et le lieu de situation de l'hôtel.
M. X... a réaffirmé avoir passé la nuit du 27 au 28 octobre 1977 à Genève avec Mme I.... Le 22 décembre 2000, vingt-trois ans après les faits, il a produit pour la première fois, d'une part, un document de l'hôtel de la Paix, daté du 5 décembre 1984, attestant que M. et Mme
Y...
y avaient séjourné le 27 octobre 1977, d'autre part, un duplicata de facture établi, en octobre 1977, au nom d'X... par l'hôtel Marigny. Compte-tenu du temps écoulé, il n'a pas été possible de vérifier les archives, d'identifier et d'entendre les rédacteurs de ces documents, effectivement signés par les directeurs de ces établissements. Celui de l'hôtel de la Paix a relevé que l'attestation qu'il avait signée présentait quelques anomalies, qu'elle aurait, notamment, dû être rédigée au vu d'un document d'identité. Mme I..., divorcée Y... depuis octobre 1976, a affirmé qu'en 1984, elle ne possédait plus de pièce d'identité à ce nom.
Ce sont, pour l'essentiel, les charges retenues par l'arrêt de mise en accusation du 25 octobre 2005, lequel relève, en outre, que, lors de sa comparution devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le 13 juin 1984, pour les faits de complicité d'achat de vote et d'abus de confiance, M. X... a déclaré : " je n'ai jamais touché à l'argent d'Agnès après sa mort ".
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A l'appui de sa requête en révision, M. X... verse un livre, édité en février 2011, ayant pour titre " Confession d'un caïd " et pour auteurs M. Jean-Pierre T..., se présentant comme un ancien malfaiteur lié au milieu, et M. François U..., journaliste. Dans cet ouvrage préfacé par M. Lucien V..., policier à la retraite, chef de l'Office central de répression du banditisme de 1977 à 1982, M. T... affirme qu'à l'automne 1986, Jean W..., déjà affaibli par la maladie dont il devait décéder le 11 février 1987, lui avait confié avoir tué Agnès E..., laissant entendre avoir agi sur instructions de Gaétan XX.... Le demandeur produit également copie d'un article paru dans le journal " Aujourd'hui en France " du 4 mars 2011, intitulé " Meurtre d'Agnès E... : les révélations d'un ancien truand " et d'un autre paru dans le quotidien Nice-Matin du 5 mars 2011, sous le titre " Assassinat d'Agnès E... " Ce n'est pas X... " !
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A la suite de cette requête, le président de la Commission de révision a procédé à l'audition de MM. T..., U... et V..., ainsi qu'à celle de Mme Marie-José YY..., ex-épouse de M. T..., puis il a délivré une commission rogatoire afin de " vérifier ou, à tout le moins, s'assurer de la crédibilité des affirmations de M. T... ".
Tant devant le président de la Commission de révision que devant les enquêteurs, M. T... a confirmé les termes de son livre, selon lesquels :
- A l'automne 1986, alors que, recherché, il vivait Villeneuve d'Ascq (59) avec son épouse, Mme YY..., il avait reçu un appel téléphonique de son frère, M. Simon T..., lui demandant de venir d'urgence à Monteux (84). Son épouse l'y avait conduit. Il y avait retrouvé Marc ZZ..., qui lui avait annoncé qu'ils devaient voir Jean W.... Il s'en était réjoui ayant connu ce dernier alors qu'ils travaillaient tous deux pour la " French Connection ". Il l'aimait comme son frère et, quand bien même la clandestinité dans laquelle l'un et l'autre vivaient ne leur avait pas permis de se revoir, ils avaient, toujours, gardé des contacts téléphoniques.
- Jean W... était un proche du milieu marseillais, dirigé par Gaétan XX... jusqu'au décès de celui-ci, en 1984, puis par son demi-frère, Jean AA..., abattu en 1997, ainsi que sa compagne, Berthe BB....
- Marc ZZ... les avait conduits, lui et son épouse, dans une auberge de La Roque d'Anthéron, où Jean W... se cachait. André CC..., un " soldat " de Gaétan XX... était présent. Ils avaient déjeuné tous les cinq et, à la fin du repas, Jean W... avait souhaité s'isoler en tête-à-tête avec lui. Il lui avait, alors, confié avoir tué Agnès E..., n'avoir jamais été rémunéré et lui avait expliqué que s'il avait été très proche de Gaétan XX..., il n'était pas en bons termes avec Jean AA.... Il avait laissé entendre qu'il n'avait pas agi seul et lui avait demandé deux services, d'une part, intercéder auprès de Jean AA... afin que celui-ci le règle et, d'autre part, vérifier que le garage avait effectivement détruit véhicule de la victime.
- Bien que ne connaissant pas M. X..., il avait été très perturbé en apprenant sa condamnation et, après le décès de sa dernière épouse, il avait éprouvé le besoin de se soulager en se confiant, tout d'abord, à son avocat et ami, Me DD....
Sur sa rencontre avec Jean AA..., M. T... écrit, p. 170, qu'après avoir rencontré Jean W..., il était " rentré aussi sec à Villeneuve d'Ascq ", où il était arrivé avec son épouse dans la nuit. Après qu'à sa demande Jean-Pierre EE... eut pris rendez-vous avec Jean AA..., Ils étaient redescendus, début 1987, à Salon de Provence, où André CC..., qui l'attendait devant la gare, l'avait conduit dans une auberge des Alpilles. Il y avait retrouvé Jean AA..., rendu méconnaissable par des interventions de chirurgie esthétique. Il avait immédiatement compris que celui-ci ne portait pas Jean W... dans son coeur. Au cours de leur entretien, qui avait duré trois heures, il avait fait valoir que, s'il n'était pas décédé, Gaétan XX... aurait payé W.... Il avait également insisté sur le dénuement dans lequel se trouvait Mme Christiane W.... Deux jours plus tard, Jean AA... l'avait appelé, comme convenu, dans une cabine téléphonique de Villeneuve d'Ascq et lui avait annoncé qu'il ne " donnerait pas un sou à Jeannot W... ", tout en lui proposant une grosse enveloppe pour lui-même, ce qu'il avait refusé.
Entendu, sur commission rogatoire, le 20 octobre 2011, il a expliqué que lorsqu'ils avaient quitté Jean W..., son épouse l'avait conduit à Port de Bouc chez Mme W..., puis au café bar des sports à Salon de Provence. De là, André CC... l'avait accompagné dans une auberge, non loin de La Roque d'Anthéron. Ils y avaient retrouvé Jean AA..., contacté par Jean-Pierre EE.... Enfin, lors d'une interview donnée sur TF1, le 28 avril 2011, juste avant son audition par le président de la Commission de révision, il a dit avoir été accompagné par une amie lors de sa rencontre avec Jean W....
S'agissant du garage, M. T... précise, dans son ouvrage, p. 171, s'être rendu avec Jean-Pierre EE... à l'adresse donnée par Jean W..., avoir reconnu le garage et la personne à qui il avait remis à plusieurs reprises des voitures de la " French Connection ". Cet homme, qui se souvenait de la Range Rover, lui avait confirmé avoir exécuté les instructions de Jean W.... Toutefois, lors de son audition du 20 octobre 2011, il a expliqué ne pas pouvoir fournir d'éléments sur le garage où Jean-Pierre EE... l'avait conduit. Selon ses souvenirs, il s'agissait d'un petit garage situé dans un coin de rue, sur une grande avenue, sur la route d'Aubagne, qui devait être tenu par des gitans, avec lesquels " ils avaient eu des ennuis ", une précédente voiture confiée par Jean W... pour destruction s'étant retrouvée à Carpentras.
Sur le mobile des faits, M. T..., écrit, dans son livre, page 170 : " Je n'ai pas bien compris à quoi et à qui cet assassinat avait bien pu servir. Mais ce n'était pas mon affaire ". Questionné le 28 avril 2011 par le président de la Commission de révision sur les raisons de cette exécution, il a répondu que Jean W... ne lui avait donné aucune explication, qu'il pensait que ce dernier, influençable, avait fait ce que demandait Gaétan XX.... Il a ajouté que jamais " l'avocat X... n'aurait pu faire disparaître le corps, la voiture et les bijoux " et s'est dit persuadé qu'il s'agissait d'un crime de la mafia, d'une rivalité entre clans pour prendre pied dans les casinos, tout en émettant l'hypothèse qu'on ait pu faire disparaître Agnès E... dans l'espoir de s'emparer du prix des parts qu'elle avait vendues. Selon l'interview parue, le 4 mars 2011, dans le journal " Aujourd'hui en France ", à la question : " Pour qui aurait agi Jeannot W... ? " il a répondu, " Il ne m'a rien dit sur le commanditaire mais il n'agissait que sur ordres. Pour Nice de l'argent a été versé, une part a été investie dans un hôtel du Vaucluse, mais Jeannot, lui n'a rien touché ". Entendu sur commission rogatoire, le 20 octobre 2011, après avoir affirmé que Jean AA... avait " touché la monnaie à Nice ", il a déclaré qu'il ignorait les raisons de cet assassinat, puis que, lors d'une communication téléphonique en Espagne, Jean W... lui avait dit que " H... avait promis des choses à XX... et FF... ", qu'il pensait qu'il s'agissait des parts du casino, ajoutant que " Jeannot W... n'aurait pas fait ça avec un avocat ". Enfin, interrogé sur le rôle de Gaétan XX... dans les casinos de Nice, il a répondu que celui-ci désirait les contrôler, mais que, pour ce faire, il fallait tuer M. Jacques FF....
Comme éléments de nature à corroborer l'aveu que Jean W... lui aurait fait, M. T... cite, à la page 191, de son ouvrage, un extrait du livre, “ Une femme face à la Mafia ”, écrit par Mme Renée E... en 1989, selon lequel Gaétan XX..., qui aurait eu pour ambition de succéder aux Z... à la tête du milieu marseillais, s'intéressait, comme eux, à Nice et avait décidé d'y mettre une tête de pont en la personne de Jean-Pierre GG..., dit Bimbo, lequel aurait eu pour domaine les night-clubs et les jeux, tandis que Jacques FF..., dit le Matou ou encore le Mat, ancien directeur de l'écurie d'Alain HH..., se serait occupé des courses et Gabriel II... de la drogue. Il invoque, page 175, l'interpellation, en 1997, immédiatement après les assassinats de Jean AA... et de sa compagne, de Mme Christiane JJ..., la veuve de Jean W..., laquelle aurait été soupçonnée d'en être, par vengence, le commanditaire. Page 185, il assure que Francis KK..., dit le Belge, qu'il a rencontré peu avant sa mort, n'ignorait pas que Jean W... était l'assassin d'Agnès E....
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Les investigations effectuées en vertu de la commission rogatoire ont permis d'établir que M. T... a été inscrit au fichier du grand banditisme en 1975, à la suite de sa condamnation en 1974 pour trafic de stupéfiants, en lien avec la " French Connection ". Il n'était pas considéré comme un membre éminent de cette organisation criminelle dirigée par des Corses, qui importait, dans les années 1950 à 1970, de la drogue du Moyen-Orient, la transformait avant de l'acheminer vers les Etats-Unis d'Amérique. Radié de ce fichier à une date non précisée, il y a été réinscrit en 1994 en raison de ses fréquentations avec le milieu lillois.
Son casier judiciaire porte mention des condamnations suivantes : dix-huit mois d'emprisonnement prononcés le 16 janvier 1970 par le tribunal correctionnel de Valence pour recel, cinq ans d'emprisonnement prononcés le 13 novembre 1974 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour trafic de stupéfiants, six mois d'emprisonnement prononcés par défaut le 4 janvier 1977 par le tribunal correctionnel de Nancy pour évasion, et six ans d'emprisonnement prononcés le 27 novembre 1996 par la cour d'appel de Paris pour faux-monnayage.
La plupart des personnes citées dans " les confessions d'un caïd ", comme étant en mesure de corroborer le récit de M. T..., sont décédées : Gaétan XX... le 16 août 1984, Jean W... le 11 février 1987, André CC... le 8 mars 1990, Jean AA... le 7 mai 1997, Marc ZZ... le 8 janvier 2000, Francis KK... le 27 septembre 2000 et Jean-Pierre EE... le 7 mai 2009.
Seul, M. Simon T..., qui, dans les années 1980, tenait un bar à Monteux (84), fréquenté par Marc ZZ..., qui y amenait parfois Gaétan XX..., Jean AA... et Jean-Marie W..., a confirmé qu'à l'automne 1986 Marc ZZ... lui avait dit vouloir voir d'urgence son frère, Jean-Pierre, sans lui donner d'explications. Il avait prévenu ce dernier, qui, venu avec son épouse, était parti avec Marc ZZ.... Il n'avait appris l'objet de ce voyage que par la publication du livre.
En revanche, Mme YY..., divorcée de M. T... depuis de nombreuses années, après avoir affirmé qu'elle ne se souvenait ni s'être rendue à Salon de Provence et dans les Alpilles ni avoir rencontré Jean W..., a fait observer qu'à l'automne 1986 sa fille n'avait que quelques mois et que jamais elle ne se serait déplacée sans elle ou aurait traversé la France de nuit avec un jeune bébé pour satisfaire à une telle convocation. Elle a ajouté que son ex-mari, qu'elle a qualifié d'homme gentil mais un peu mythomane, ne lui avait jamais fait de confidences sur sa vie de voyou ou sur l'affaire E..., dont elle ne se souvenait pas avoir entendu parler avant sa convocation dans la présente procédure.
M. U... a expliqué avoir rencontré M. T... à l'occasion d'une visite faite à un détenu de la maison d'arrêt d'Arles. Sur le chemin du retour, alors qu'ils évoquaient la guerre des casinos, M. T... lui avait révélé ce qu'il savait et ils avaient envisagé d'écrire le livre. Pour s'assurer de la crédibilité de son interlocuteur, il avait vérifié sa biographie et lui avait fait rencontrer diverses personnes. Invité par le président de la Commission de révision à fournir les éléments de nature à corroborer les déclarations de M. T..., il s'est référé à M. V..., dont il aurait reçu l'assurance qu'T... pouvait être pris au sérieux. Il s'est, également, dit persuadé que M. FF... connaissait la vérité. Il a, ensuite, exprimé ses doutes quant à la culpabilité de M. X.... Il a expliqué qu'ayant vécu et travaillé à Nice dans les années 1980, s'étant intéressé à la guerre des casinos et ayant fréquenté Jean-Dominique H..., il savait que de nombreuses personnalités et plusieurs anciens truands imaginaient que des individus liés au milieu étaient impliqués dans la disparition d'Agnès E.... Selon lui, M. X..., qui n'avait pu, seul, faire disparaître le corps, ne pouvait être l'auteur unique de cet acte, et, à sa connaissance, la piste d'une complicité développée par Mme Renée E... dans son livre n'avait jamais été explorée. Il a assuré que François LL..., décédé le 17août 2010, lui avait confirmé les dires de M. T.... Il a ajouté que ce dernier, qu'il qualifie de gangster rustique, de soldat plutôt que de chef, lui était apparu cohérent et sincère malgré ses difficultés avec les noms et la chronologie.
M. V..., qui n'a pas personnellement connu M. T..., a indiqué, au vu des archives, que celui-ci avait eu, comme Jean W..., un rôle de passeur dans la " French Connection " et qu'au travers d'un certain nombre des autres affaires relatées dans son ouvrage, il lui était apparu crédible. Par amitié pour M. U..., qu'il connaissant depuis de nombreuses années, il avait, donc, accepté de préfacer leur livre. S'agissant de la guerre des casinos, il a fait état d'une rivalité importante entre le clan de XX... et celui des parisiens, ajoutant : " En ce qui concerne la disparition d'Agnès E..., je n'ai eu aucune information particulière et je dois vous dire que je ne vois pas d'explication à l'implication de l'équipe XX... dont Jeannot W... faisait partie ".
M. FF..., l'une des trois personnes citées dans " Les confessions d'un caïd " encore en vie, a formellement démenti détenir un quelconque renseignement sur la disparition d'Agnès E.... S'il a admis avoir été l'ami de Gaétan XX..., avoir connu Jean-Pierre GG... ainsi que Gaby II..., décédé peu après le précédent, il a assuré n'avoir jamais travaillé avec eux, n'avoir jamais entendu parler de M. T... et de Jean W....
Mme Christiane JJ..., qui a épousé M. W... en 1961, a relaté qu'en mai 2010, M. T... l'avait contactée après avoir trouvé ses coordonnées par internet. Il s'était présenté à elle comme un ami de son mari et de Gaétan XX.... Ne l'ayant pas revu depuis 1973, elle ne s'était pas immédiatement rappelé qu'il avait côtoyé son mari dans les années 1970-1972, à l'époque de la " French Connection ". Lors de leurs entretiens, il lui avait dit vouloir écrire un livre dans lequel il dirait du bien de son mari et lui avait posé de nombreuses questions sur la vie de celui-ci depuis 1973. Il avait emporté des photos, notamment de Jean AA.... Elle a protesté contre les accusations portées contre Jean W..., affirmant qu'en 1977 il se cachait à leur domicile de Port de Bouc, dont il ne sortait quasiment pas. Selon elle, il n'aurait rejoint Gaétan XX..., connu par l'intermédiaire de Gaby II..., qu'en 1979. En 1986, il se cachait de la justice à Rognes avec Jean AA..., Berthe MM... et elle-même. Jamais, il ne s'était caché à La Roque d'Anthéron et, pas davantage, brouillé avec Jean AA..., présent au moment de son décès. Elle a décrit son mari comme un voyou d'honneur respecté dans le milieu, qui n'aurait pas attendu neuf ans pour réclamer son dû.
Les vérifications ont établi que, dans l'enquête sur les assassinats de Jean AA... et de Berthe MM... commis, le 7 mai 1997, Mme JJ... n'a été entendue que le 1er décembre 1998, au bout de dix-huit mois. Lors de ses deux auditions, dont les procès-verbaux figurent en copie, elle a déclaré avoir bien connu Jean AA..., l'avoir vu pour la dernière fois en septembre 1996, avoir été très liée à Berthe MM..., avoir assisté à leurs obsèques. Elle a contesté tout rôle de récupération et de collecte de fonds pour Jean AA..., tout en admettant avoir été poursuivie à ses côtés, dans une procédure pour association de malfaiteurs débutée en 1990.
Mme Christiane XX..., qui a fait connaissance de son mari en 1962, a affirmé n'avoir jamais entendu parler de M. T.... Elle a confirmé qu'en 1977 Gaétan XX... ne connaissait pas encore Jean W..., fixant le début de leur collaboration en 1981. Selon elle Jean AA... n'avait jamais eu recours à la chirurgie esthétique et était resté toujours très proche de Jean W....
Comme Mme JJ..., qu'elle fréquente régulièrement, Mme XX... a, avec ses enfants, déposé une plainte avec constitution de partie civile contre M. T... du chef de diffamation auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand. Par deux ordonnances 12 mars 2012, MM U... et T... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef de complicité de diffamation envers la mémoire d'un mort, la première concerne la mémoire de Jean W... et la seconde celle de Gaétan XX.... Mis en examen dans ces informations, M. T... a affirmé avoir écrit un livre de vérité et avoir fourni au président de la Commission de révision " des tas d'informations et de témoignages nouveaux ".
Mme Nadia NN..., qui a été la compagne de Gérard OO..., membre de l'équipe XX..., a confirmé les dires de Mmes JJ... et XX.... Elle a présenté des photographies prises en 1985 ou 1986, lors de vacances dans le Lot, postérieurement au décès de Gaétan XX..., sur lesquelles figurent Jean W..., Jean AA... ainsi que l'épouse du premier et la compagne du second.
A la demande de l'avocat de M. X..., il a été procédé à l'audition de M. Yves GG..., qui, à l'époque des faits était croupier au casino Rhul. Ce témoin a relaté qu'ayant appris que Jean-Dominique H..., lié à la mafia romaine, avait pris la main sur le " Casino de la Méditerranée " grâce à des parties truquées, il avait, fin 1976, début 1977, interrogé son père, Jean-Pierre GG..., sur le devenir du casino Rhul, dont il craignait la fermeture en raison de ces malversations. Celui-ci lui aurait répondu : " Ne t'inquiète pas, bientôt on n'entendra plus parler de la fille E..., on va la faire sortir du milieu ". Il a ajouté : " je ne sais pas ce qu'il voulait dire par là, je n'en ai aucune idée. Je ne sais pas dans quel sens il voulait dire ça ". Il a affirmé ne pas connaître M. T..., avoir, dans les années 1980, vu Jean W... avec Gaétan XX..., lequel était une relation de son père.
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Le 29 février 2012, postérieurement au retour de la commission rogatoire, le requérant a fait produire deux ouvrages " Une femme face à la Mafia " écrit par Mme Renée E... et " Révélations ", un recueil de propos de cette dernière recueillis par un journaliste, Alain PP..., publiés respectivement en 1989 et 1999. Il en cite plusieurs passages qu'il estime présenter un intérêt certain au vu des témoignages de MM. T... et GG..., comme renvoyant à la thèse d'un assassinat commandité et commis par la mafia.
Les passages cités de l'ouvrage " Une femme face à la Mafia " sont :
page 217, " Agnès a vendu son vote, pas ses actions, un simple geste de sa part, un changement d'attitude pourrait de nouveau faire basculer la majorité et remettrait tout en cause pour H.... Dans ce contexte, n'a-t-il pas intérêt à ce qu'elle reste à l'écart de ses affaires " ?
page 225, " Jean-Pierre GG..., dit Bimbo, a été abattu ainsi que quelques autres des amis proches de Gaétan XX..., probablement l'autre mécène du Ruhl. Entre ses dettes fiscales et douanières, le Ruhl doit maintenant 350 millions de francs, soit 35 milliards de centimes ! La volonté d'expansion du P. D. G. du Ruhl paraît stoppée en pleine course. H... est poursuivi par l'administration et par la presse. Ses commanditaires ne doivent pas apprécier le résultat de ses efforts. En tout cas, H... a peur, se sent menacé. II ne se promène plus qu'accompagné de gardes du corps. Jean-Dominique H... reste encore un poisson difficile à attraper. L'inculper d'achat de vote a été relativement facile. Cette inculpation découlait d'une part de la convention signée avec Agnès au terme de laquelle il lui avait payé 3 millions de francs et d'autre part des déclarations mêmes de son complice X.... En ce qui concerne la disparition d'Agnès, le problème est différent. Des deux personnes, qui ont le plus intérêt à son absence, Maurice X... est la moins protégée. Mais c'est aussi quelqu'un qui sait se servir du droit à son avantage ".
page 240, " Le seul acheteur reste encore H... bien qu'apparaissent quelquefois des succédanés. Tout le monde commence à comprendre que la famille E... s'opposera à toute vente au profit du P. D. G. du Ruhl, tant que ne sera pas élucidée la disparition d'Agnès dont nous le tenons en partie pour responsable ".
page 257, " Le problème qui se pose lorsqu'on décide de s'allier à la Mafia-Agnès en a fait certainement la cruelle expérience-est qu'il est difficile de ne traiter avec elle que du bout des doigts. Elle a vite fait de vous dévorer le bras, rien ne l'arrête. Lorsqu'on travaille avec elle, on est condamné à continuer. H... a ses otages, nous, nous sommes encore libres de choisir. Notre choix est d'ailleurs clairement exprimé : nous ne vendrons pas à la mafia à cause de qui Agnès a disparu ".
page 276, " A Nice on n'a pas non plus hésité à salir ses proches et à proférer les pires calomnies. " L'absence d'Agnès profite à sa famille et à sa mère... " Arguments invraisemblables et scandaleux qui servaient à masquer qu'en " disparaissant " Agnès ne pouvait plus revenir sur son vote au profit de Jean-Dominique H.... En propageant toutes ces rumeurs, H... se trouvait également protégé... Il apportait la fortune. Il déversait des flots d'argent. À Nice encore, beaucoup en profiteraient. H... ne disait-il pas à X... dans une conversation enregistrée par ce dernier : " Tu comprends, je sens que tout ce qui avait été monté honnêtement, " contre rémunération ", du moins pour Agnès et " tant d'autres "... ? H... a acheté illégalement, et non pas honnêtement, le vote d'Agnès. Qu'a-t-il acheté d'autre ? QUELS AUTRES ? "
page 326, " La justice française ne fait aucunement mention du rôle de H... dans la disparition de ma fille et de l'intérêt qu'il y aurait à l'entendre sur ce point, comme de le confronter avec M. X..., ce qui n'a jamais pu être fait auparavant puisqu'il n'était pas à Nice ".
page 347, " Celui à qui elle a donné tout cet amour et qui ne lui a rien rendu, si ce n'est du mépris ; celui qui lui a fait croire ce qu'il savait être faux ; celui qui l'a menée à la Mafia pour l'y abandonner et la laisser seule face à son destin, je ne l'oublierai jamais ".
Ceux du livre " Révélations " sont :
page 180, " Pourquoi ne m'ont-ils pas supprimée ? Je pense qu'il y a eu au départ trois raisons à cela. D'abord, ils n'étaient pas en Italie et ne tenaient pas à se faire remarquer ; ensuite, n'appartenant pas à leur milieu, ils ne m'en ont pas appliqué les règles mais surtout ils ne m'ont pas prise au sérieux. H... avait dû leur garantir qu'il allait m'éliminer facilement. En fait mon caractère a contrarié leurs plans. Ensuite, l'affaire était beaucoup trop médiatisée pour qu'ils agissent selon leurs méthodes habituelles. Mais ils se sont attaqués à ma fille, qui était plus jeune et plus faible ".
page 184, " La mafia, en dehors des meurtres ou attentats à l'explosif, emploie parfois certaines méthodes quand elle veut faire parler quelqu'un. D'abord l'enlèvement, ensuite l'interrogatoire, puis la phase finale. La victime est attachée sur une chaise, puis étranglée au garrot ou manuellement. Le corps est ensuite dissous dans l'acide afin que l'on n'en retrouve rien ".
page 188, " Les dossiers que je possède établissent clairement les connexions entre H... (qui je le rappelle encore n'avait pas un sou vaillant et vendait des espadrilles en corde quand il a débuté sa carrière dans les Jeux) et la mafia italienne ".
page 191, " On s'explique mieux que H..., qui du fait de ma résistance ne pouvait pas " livrer " le Palais de la Méditerranée à ses " honorables " mandataires comme il s'y était engagé, ait eu quelques petits " avertissements "... "
Page 198, " J'ai fait reculer la mafia qui voulait me détruire ".
page 233, " Quoi qu'il en soit, je ne baisserai jamais les bras. Les coupables et leurs complices seront punis, non par esprit de vengeance, mais parce qu'il doit en être ainsi. Je ne sais ce que fera la justice, mais quoi qu'elle fasse, cette fois le monde entier le saura ".
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Dans son mémoire, M. X... demande à la Commission de saisir la Cour de révision. Il fait valoir que les déclarations de MM. T... et GG..., qui n'ont jamais été entendus par la cour d'assises et connaissent mieux que quiconque les moeurs du milieu ainsi que son histoire secrète, remettent en cause sa culpabilité, même si aucun élément matériel ne les confirme et si les proches de Gaétan XX... et de Jean W... s'en offusquent. Il souligne qu'il n'existe à son encontre aucun élément matériel de nature à prouver de manière rigoureuse sa culpabilité. Après avoir rappelé la motivation de l'arrêt de non-lieu rendu en 1985, les conditions de la réouverture de l'information, il soutient que c'est à Jean-Dominique H... que la disparition d'Agnès E... profitait le plus. Il conteste les motifs de l'arrêt de mise en accusation ainsi que la date de disparition retenue. Il se reporte, à cet égard, au mémoire aux fins de non-lieu qu'il a produit devant la chambre de l'instruction. Il observe que les motifs de la décision de renvoi n'ont pas résisté devant la cour d'assises de première instance, laquelle l'a acquitté, tandis qu'il a été condamné en appel, sans aucune motivation et sans que Mme Colombe G..., témoin essentiel, ait comparu. Il conclut que, bien que la théorie d'un assassinat par la mafia ait été évoquée devant la cour d'assises à la suite des livres écrits par Mme Renée E..., les témoignages de MM. T... et GG..., confortés par ces deux derniers ouvrages, ainsi que par les déclarations de M. U... et de Me DD... constituent des éléments nouveaux de nature à donner crédit à cette thèse et à faire naître un doute sur sa culpabilité, justifiant la tenue d'un nouveau procès, qui permettra d'obtenir une décision motivée.
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Attendu que M. Jean-Pierre T... a livré les confidences reçues de Jean W..., vingt-quatre ans après le décès de celui-ci, alors que toutes les personnes ayant assisté à leur rencontre sont, à l'exception de Mme YY..., décédées ; que cette dernière, qui ne se souvient ni du repas avec Jean W... ni s'être rendue à Salon de Provence puis dans les Alpilles, exclut avoir pu faire un tel voyage, en septembre ou octobre 1986, alors que son bébé, né le 28 juillet précédent, avait entre un et trois mois ;
Attendu que, si M. Simon T... confirme qu'à l'automne 1986 son frère est venu de toute urgence à Monteux, accompagné de son épouse, à la demande de Marc ZZ..., il indique n'avoir appris l'objet de ce voyage que par la parution des " Confessions d'un caïd " ;
Attendu qu'en cet état rien ne permet d'affirmer que, peu avant son décès, Jean W... aurait effectivement rencontré M. T....
Attendu que le supplément d'information a démontré l'inexactitude de certaines des allégations de M. T... ; qu'il résulte, en effet, des déclarations concordantes de Mme JJ..., veuve de Jean W..., de son beau-frère, M. QQ..., de Mmes XX... et NN... que Jean AA... et Jean W... sont toujours restés proches l'un de l'autre, ce que corrobore l'implication de Mme JJ... dans l'enquête pour association de malfaiteurs, dont a fait l'objet, Jean AA... en 1990 ; que les investigations n'ont pas davantage permis de confirmer les liens d'amitié qui auraient existé entre Jean W... et M. T..., aucun de ces témoins, à l'exception de Mme JJ..., n'ayant entendu parler de M. T... ; que, si cette dernière se rappelle que celui-ci a effectivement fréquenté son mari au temps de la “ French Connection ”, elle assure qu'il n'a jamais été son ami et souligne que les éléments biographiques figurant dans “ Les confessions d'un caïd ” ont été recueillis auprès d'elle, en 2010 ;
Attendu que M. FF..., l'une des rares figures du milieu marseillais de cette époque encore en vie, a démenti avoir connaissance de l'implication de Gaétan XX... dans l'assassinat d'Agnès E... et du rôle joué par Jean W..., ajoutant que, bien que le monde dans lequel il vivait fut tout petit, il n'avait jamais rencontré M. T... ni même entendu parler de lui ;
Attendu que le récit livré par M. T... varie selon les circonstances ; qu'ainsi dans " Confessions d'un caïd ", il fixe sa rencontre avec Jean AA... début 1987, lors d'un second voyage effectué à cette fin, alors que, devant les enquêteurs, il l'a située à l'automne 1986, le jour où il aurait reçu les confidences de Jean W... ; que, de même, lors d'une interview donnée à TF1, le 28 avril 2011, il a déclaré avoir été accompagné d'une amie et, non, de son épouse ;
Attendu que M. T..., qui s'est avéré incapable de localiser le garage auquel aurait été remis le véhicule d'Agnès E..., a expliqué que celui-ci était tenu par des gitans et qu'il y avait été conduit par Jean-Pierre EE..., alors que, selon son livre, il le connaissait bien pour s'y être rendu à plusieurs reprises du temps où il oeuvrait pour la " French Connection " et il y avait, même, retrouvé son interlocuteur de l'époque ;
Attendu que le récit de M. T..., selon lequel Agnès E... aurait été tuée à Nice, son corps jeté dans les calanques de Goudes et son véhicule remis dans un garage marseillais apparaît difficilement crédible, ce que M. V..., ancien chef de l'Office central de répression du banditisme, entendu sur commission rogatoire, a admis ; qu'au demeurant, M. FF... a fait observer qu'il est toujours dangereux de transférer une voiture d'une ville à l'autre et que l'histoire serait plus plausible si le corps et la voiture avaient disparu à Nice ;
Attendu qu'il apparaît également peu probable qu'un tueur à gages admette de rester impayé durant neuf ans et que, pour récupérer son dû auprès du successeur de son commanditaire, il choisisse un ami qu'il n'a pas rencontré depuis une vingtaine d'années et qui, de surcroît, n'entretient aucune relation avec son prétendu débiteur ; qu'il est encore plus surprenant qu'il lui demande de vérifier, neuf ans après les faits, si le véhicule de la victime, remis à un garage n'ayant pas respecté ses précédentes instructions, a effectivement été détruit, une telle démarche apparaissant illusoire et risquée ;
Attendu qu'il n'est pas moins curieux que, malgré les relations téléphoniques que M. T... soutient avoir toujours conservées avec Jean W..., celui-ci ait eu recours à Marc ZZ... pour le contacter et que lui-même ait fait appel à Jean-Pierre EE... pour rencontrer Jean AA..., qui, pourtant, fréquentait Marc ZZ... ;
Attendu, en conséquence, que le récit évolutif et peu vraisemblable de M. T..., témoin indirect, qui s'est avéré soit invérifiable soit inexact, ne saurait être de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du demandeur ;
Attendu, en outre, que MM T... et U... n'ont pas été en mesure de donner une explication plausible à l'implication des membres de l'équipe de Gaétan XX... dans l'assassinat d'Agnès E..., laquelle ne s'est jamais particulièrement intéressée à la gestion du Palais de la Méditerranée, si ce n'est pour monnayer son vote ; qu'ils se bornent à échafauder des hypothèses, à se référer à des rumeurs circulant, notamment, dans le milieu niçois, ainsi qu'à leur propre sentiment selon lequel M. X... n'aurait pas pu commettre, seul, de tels faits, qui s'inscriraient dans le cadre d'une rivalité entre clans mafieux pour prendre le contrôle des casinos ;
Mais attendu que de telles assertions ne sauraient être considérées comme nouvelles, dès lors que, tout au long des procédures d'information et de jugement, de nombreux renseignements, anonymes ou non, ont déjà mis en cause la mafia, et plus particulièrement Jean-Dominique H..., Gaétan XX... et Jean-Pierre GG..., lequel travaillait pour le premier tout en étant un ami d'enfance du second ;
Attendu qu'il sera, notamment, rappelé qu'en 1995 M. A..., commissaire de police à la retraite, avait fait savoir au juge d'instruction qu'une personne digne de confiance lui avait appris qu'Agnès E... aurait assisté à l'assassinat de Jean-Pierre GG..., le 30 juillet 1977, ce que l'enquête sur cet assassinat, imputé à des individus n'apparaissant pas dans la présente procédure, a démenti ; qu'en septembre 2004, un détenu, M. Eric RR..., ayant rapporté qu'une nuit, durant le week-end de la Toussaint 1977, du béton avait été coulé sous les escaliers menant aux chambres de la villa en construction de la famille GG... située sur un terrain appartenant à Jean-Dominique H..., le juge d'instruction a fait procéder à des sondages et des fouilles qui se sont avérés négatifs ; qu'en 2005, un autre détenu, M. Bernard N..., a relaté que, en 1996 ou 1994, l'un de ses amis, décédé depuis lors, intime avec " le bègue " et l'équipe H-XX..., connaissant très bien le milieu niçois, lui avait rapporté qu'Agnès E... avait été assassinée par Jean-Pierre GG... ; qu'informé que celui-ci était décédé avant la disparition d'Agnès E..., il a répondu que toutes ces personnes faisaient équipe avec XX... ; que ce témoin a, au demeurant, été entendu par la cour d'assises des Alpes maritimes et par celle des Bouches du Rhône ;
Attendu que les déclarations imprécises de M. Yves GG..., dont il résulte que, pour le rassurer sur le devenir du casino Ruhl, son père, Jean-Pierre GG..., lui aurait confié trente-quatre ans auparavant, fin 1976, début 1977, " qu'on allait sortir Agnès E... du milieu ", ne sont pas davantage de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du demandeur, ce d'autant qu'à cette époque Agnès E..., qui, souhaitant que sa famille accède aux sollicitations de Jean-Dominique H..., se rapprochait de ce dernier, ne représentait pas un obstacle pour le casino Rhul ;
Attendu que si, dans chacun des deux livres invoqués à l'appui de la requête, Mme Renée E... a envisagé que H..., principalement lié à " mafia italienne ", et la “ mafia ” aient pu jouer un rôle dans la disparition de sa fille et a reproché à la justice de ne pas avoir suffisamment enquêté sur ce rôle, elle s'y est, également, insurgée avec véhémence contre le non-lieu dont M. X... avait, à l'époque, bénéficié ;
Que dans " Une femme face à la mafia ", page 347, à la suite du passage cité par M. X..., dans lequel Mme Renée E... l'accuse d'avoir mené sa fille jusqu'à cette organisation pour la laisser seule face à son destin, elle écrit : Je ne sais pas vivre avec l'idée qu'il a écrit le jour où Agnès a disparu, le mot " liberté " sans que jamais personne ne réussisse ou veuille qu'il s'en explique, ni que la justice ait pu renoncer à traduire en cour d'assises celui qu'elle considère comme " la seule personne convaincue du caractère définitif de l'absence d'Agnès et la seule personne à avoir intérêt à la pérennisation de cette absence " ;
Que, dans " Révélations ", après avoir rappelé certains des éléments du dossier d'information mettant en cause M. X..., elle énonce, page 220, que " le principal suspect à l'époque a été protégé par diverses personnes appartenant à la franc-maçonnerie " ;
Qu'en outre, certaines des phrases citées à l'appui de la demande en révision, notamment celle figurant à la page 184, ne se rapportent pas expressément au sort d'Agnès E... ; qu'en effet, la majeure partie de l'ouvrage " Révélations " concerne la gestion de la ville de Nice ; que seule la dernière partie, à compter de la page 195, intitulée " Le point sur la disparition d'Agnès E... ", est en rapport direct avec les faits, tandis que l'avant-dernière partie, qui commence à la page 170 et qui a pour titre " Mafia ", rappelle, avant d'évoquer les démarches de Jean-Dominique H... pour s'emparer du Palais de la Méditerranée, l'origine de cette organisation, ses modes d'action, son rôle dans le blanchiment de fonds, notamment par le biais des casinos ;
Attendu que, de surcroît, M. FF..., dont on ne peut contester la connaissance du milieu, notamment marseillais, a indiqué que celui-ci en général et Gaétan XX..., en particulier n'avaient jamais tenu Nice, ce qui tend à démentir l'allégation non étayée de Mme Renée E... sur les ambitions de ce dernier, allégation, invoquée par M. T... comme accréditant son récit ;
Attendu, en conséquence, que ces deux ouvrages, au demeurant antérieurs à la condamnation de M. X..., dont celui-ci admet qu'il en a été discuté lors du procès d'appel, ne sont ni nouveaux ni de nature à faire naître un doute sur sa culpabilité ;
Attendu qu'en tout état de cause l'existence d'éventuels complices, qui auraient aidé M. X..., n'est, pas davantage, de nature à faire naître un tel doute ;
Attendu qu'aucun élément nouveau ne peut être tiré de ce que, avant la publication de son livre, M. T... aurait informé son avocat, M. DD..., des révélations qu'il allait faire sur " l'affaire X... " ;
Attendu que les autres éléments invoqués, notamment, le déroulement de la procédure ayant abouti à la condamnation du demandeur, l'insuffisance des preuves, la motivation de l'arrêt de renvoi, la non-comparution de Mme G... devant la cour d'assises d'appel ont nécessairement été discutés devant cette juridiction ; qu'il ne s'agit donc pas d'éléments nouveaux ;
Attendu que le défaut de motivation de l'arrêt de condamnation n'entre pas dans les cas de révision limitativement énumérés par l'article 622 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'au terme de cette analyse, la demande, qui invoque soit des éléments connus de la juridiction de condamnation soit des témoignages indirects, longtemps différés, évolutifs et difficilement crédibles, en partie inexacts ou invérifiables, n'entre pas dans les prévisions de l'article 622 4° du code de procédure pénale ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu à saisine de la Cour de révision ni à suspension de la condamnation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE la demande présentée par M. Maurice X... ;
DIT n'y avoir lieu de saisir la Chambre criminelle, statuant comme Cour de révision ;
DECLARE sans objet la demande de suspension de l'exécution de la condamnation.
Ainsi prononcé en audience publique, à la demande du requérant, par Mme Radenne, présidente de la Commission de révision des condamnations pénales ;
En foi de quoi, la présente décision a été signée par la Présidente et le Greffier.


Synthèse
Formation : Commission revision
Numéro d'arrêt : 11REV031
Date de la décision : 17/09/2012
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

REVISION - Cas - Fait nouveau ou élément inconnu de la juridiction au jour du procès - Définition - Exclusion - Témoignages inexacts ou invérifiables

Ne sauraient constituer des éléments nouveaux de nature à faire naître un doute sur le culpabilité du condamné, au sens de l'article 622 4° du code de procédure pénale, des témoignages indirects, longtemps différés, évolutifs et difficilement crédibles, s'étant révélés soit inexacts soit invérifiables


Références :

article 622 4° du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'assises des Bouches-du-Rhône, 11 octobre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission revision, 17 sep. 2012, pourvoi n°11REV031, Bull. civ. criminel 2012, Commission de révision, n° 2
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 2012, Commission de révision, n° 2

Composition du Tribunal
Président : Mme Radenne et rapporteur
Avocat général : Mme Zientara-Logeay
Avocat(s) : Me Bouthors, Me Saint-Pierre

Origine de la décision
Date de l'import : 30/08/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11REV031
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