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29/11/2012 | FRANCE | N°11-25856

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 29 novembre 2012, 11-25856


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu que la société Intramar, qui s'est désistée de son appel envers les sociétés Rodriguez-Ely et Entreprise Besson et ne critique pas l'arrêt en ce qu'il a déclaré ce désistement parfait, n'est pas recevable à se pourvoir en cassation contre ces sociétés ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 août 2011), que M. X..., docker professionnel de 1958 à 1985 sur le port de

Marseille, victime de plaques pleurales bilatérales avec épaississement, a été pr...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu que la société Intramar, qui s'est désistée de son appel envers les sociétés Rodriguez-Ely et Entreprise Besson et ne critique pas l'arrêt en ce qu'il a déclaré ce désistement parfait, n'est pas recevable à se pourvoir en cassation contre ces sociétés ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 août 2011), que M. X..., docker professionnel de 1958 à 1985 sur le port de Marseille, victime de plaques pleurales bilatérales avec épaississement, a été pris en charge le 21 août 2003 au titre du tableau n° 30 de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône ; qu'il a saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins de voir reconnaître l'existence d'une faute inexcusable des sociétés d'acconage Intramar, Union phocéenne d'acconage (UPA), Rodriguez-Ely et Besson pour le compte desquelles il a tour à tour travaillé ;
Attendu que la société Intramar (l'employeur) fait grief à l'arrêt de retenir à son encontre une faute inexcusable, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en protéger ; que l'exposition à l'amiante, pour constituer un danger pour le salarié dont l'employeur doit avoir conscience, doit être non seulement habituelle mais aussi significative ; qu'ainsi, l'article 2 du décret n° 77-949 du 17 août 1977 précise, dans sa rédaction initiale, que la concentration moyenne en fibres d'amiante de l'atmosphère inhalée par un salarié pendant sa journée de travail ne doit pas dépasser deux fibres par centimètre cube, seules étant considérées les fibres de plus de cinq microns de longueur, de trois microns au plus de largeur et dont le rapport longueur/ largeur excède trois ; que ce décret a été modifié à deux reprises pour abaisser les seuils et les mettre en harmonie avec des valeurs limites retenues par des directives européenne et notamment par le décret n° 87-232 du 27 mars 1987 qui fixe les seuils à 1 f/ ml pour toutes les variétés d'amiante sauf l'amiante bleue et 0, 8 f/ ml en moyenne sur huit heures, de sorte que la cour d'appel, qui a constaté que le niveau quantitatif de manipulation de l'amiante était inférieur à 0, 1 % du volume global du trafic du port de Marseille, réparti entre 86 entreprises d'acconage, et cependant énoncé que l'employeur aurait dû avoir conscience du danger auquel elle exposait son salarié, sans rechercher, notamment par référence aux seuils fixés par le décret du 17 août 1977 modifié, si le salarié avait été exposé à un risque significatif, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2 du décret n° 77-949 du 17 août 1977, tel que modifié par le décret n° 87-232 du 27 mars 1987 ;
2°/ que par des écritures demeurées sans réponse, l'employeur faisait valoir qu'il n'avait jamais connaissance de la marchandise déchargée, qui était seule connue du transporteur maritime, ce dont il résultait qu'il ne pouvait être averti de la situation de danger et donc avoir conscience du danger ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant de nature à démontrer que l'employeur ne pouvait avoir conscience du danger, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient, d'abord, qu'il résulte d'attestations suffisamment circonstanciées quant au type d'exposition au risque de contamination par l'amiante et à sa durée dans le temps que celle-ci avait un caractère habituel et provenait d'un environnement général et constant de travail dans un milieu toxique dû aux poussières résiduelles tant à bord qu'à quai, ensuite, que les primes de salissure dont bénéficiait le docker intègrent la notion de dangerosité des produits manipulés, enfin, que les ouvriers dockers travaillaient sans protection particulière, notamment lors de la manipulation de sacs contenant de l'amiante ;
Qu'ayant caractérisé par ces constatations et énonciations qui la dispensaient de toute autre recherche, comme d'une plus ample réponse au moyen prétendument délaissé, une situation dangereuse que l'employeur ne pouvait ni ne devait ignorer et l'absence de mesures pour en préserver le salarié, la cour d'appel en a déduit à bon droit que l'employeur avait commis une faute inexcusable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'en sa deuxième branche, le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi à l'égard des sociétés Rodriguez-Ely et Entreprise Besson ;
Le REJETTE pour le surplus ;
Condamne la société Intramar aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Intramar à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour la société Intramar.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en qu'il avait dit que la maladie professionnelle dont a été atteint Monsieur X... est la faute inexcusable commise par la société Intramar, et d'avoir alloué à Monsieur X... les indemnités suivantes 18 000 € en réparation des souffrances physiques endurées et 4 000 € en réparation du préjudice d'agrément,
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'activité de manutention dont il s'agit s'est déroulée au sein d'un environnement portuaire où l'Etat, les organisations professionnelles d'employeurs et de salariés se côtoient dans des institutions paritaires de recrutement, de discipline et d'organisation des relations d'entreprise, de travail, de sécurité et de prévention ;
qu'ainsi la Cour s'est-elle trouvée confrontée à la mise en oeuvre de pratiques particulières reconnues (notamment le rapport du sénateur Balarello annexé à l'arrêt avant-dire droit) et de normes juridiques autonomes de droit du travail issues du code des ports maritimes (version antérieure à 1992) mises en association avec des règles générales caractérisant les conditions de la faute inexcusable ;
que des demandes complémentaires ont donc été exposées aux parties portant sur les conditions d'activité des dockers, sur la répartition géographique de celles-ci sur le bassin de Marseille et sur la réglementation spécifique aux entreprises de manutention ;
qu'il a été satisfait à ces demandes ; que toutefois la Cour, qui, par ordonnance en date du 19 mai 2011, avait fait injonction au Directeur général du Grand Port Maritime de Marseille, d'avoir à produire un règlement du port applicable pour la période de référence, constate qu'aucune réponse n'a été apportée dans le délai imparti et il sera passé outre après avoir recueilli l'avis des parties sur ce point, lesquelles ne s'y sont pas opposées ;
Sur les conditions de travail
qu'au vu des pièces et explications produites postérieurement à l'arrêt avant-dire droit, la Cour est aujourd'hui en état de vérifier que le docker engagé quotidiennement au shift ou à la vacation, placé effectivement sous le contrôle de personnels responsables de chaque entreprise (attestations Lanfranchi, Cangioni, Bounous, et Chadel), percevait une rémunération à la vacation versée périodiquement (bulletins de salaire) et pouvait voir sa prestation interrompue par l'aconier, ce point n'étant pas contredit ;
que le paiement bien qu'indirect des salaires et cotisations salariales et patronales afférentes, effectué par la Cccp mandataire de l'employeur, la délivrance de bulletins de paie mentionnant le code de l'employeur, confirment ce lien dont les spécificités ont pu poser question, à raison notamment du mode de recrutement et de fonctionnement ainsi que sur la conservation du statut attribué par la carte G et d'une certaine autonomie de fonctionnement ;
qu'en conséquence, doit être retenue, la notion de répétitivité de contrats de travail à durée déterminée, à l'exclusion de la notion de prestation de service dont l'existence antérieure a été supprimée par la loi de 1947 lors de la création d'un statut différencié pour les dockers ;
que cette situation est confortée par la production par Albert X... attestation de la Caisse de Compensation des Congés Payés (Cccp), de bulletins de paie portant les codes concernés et intéressant la période de référence ainsi que d'attestations qui établissent ainsi la réalité d'une activité exercée pour le compte de chacune des entreprises dénommées ;
que s'agissant de l'exposition au risque, il sera admis au résultat des demandes complémentaires, qu'un seul type de manutention portuaire intéresse le débat pour la période de référence le general-cargo qui implique, même si les manifestes de bord produits par le docker ne le caractérisent pas nécessairement, une manipulation de tous produits incluant celle, occasionnelle, de l'amiante entreposée en cales, en sac en toile ou en papiers ;
que même si le niveau quantitatif de manipulation de l'amiante reste faible par rapport au volume global de trafic du port de Marseille, (moins de 0, 1 %), la répétition de ce type de manipulation sur une durée de 20 années d'activité d'intermittence concernant Guy Y..., crée le caractère habituel exigible d'une exposition au risque, dès lors que ce produit est entreposé sous différentes formes qui en tout état de cause impliquent a minima, un environnement général et constant de travail dans un milieu toxique dû aux poussières résiduelles (à bord ou à quai) résultant de la manipulation de sacs y compris du fait éventuel d'autres sociétés (86 entreprises d'acconage ayant exercé de 1957 à 1993) travaillant à proximité immédiate, ce qui reste sans incidence sur l'obligation faite à l'employeur de préserver la santé de ses salariés, même occasionnels ;
que cet état de fait a été attesté, bien qu'a posteriori, par le Comité d'Hygiène et de Sécurité de la manutention portuaire le 22 décembre 1999 et bien tardivement le 3 mars 2004 par le Docteur Z...médecin du port, pourtant responsable médical des travailleurs au cours de la période de référence ; que ces documents en forme de note ou de rapport sont produits dans chacun des dossiers de dockers examinés par la Cour ;
que plus particulièrement les attestations A..., C..., B..., suffisamment circonstanciées quant au type d'exposition et sa durée dans le temps permettent d'appliquer ces considérations à Monsieur X... ;
que l'existence de cette exposition n'est pas directement contestée par les entreprises qui se contentent en effet d'argumenter par simples affirmations, sans en tirer de conséquences admissibles, sur la répétitivité des termes utilisés et la réciprocité de ces attestations ;
qu'en tout état de cause cet environnement ou/ et cette manipulation met directement en cause le ou les employeurs, que cet amiante ait été manipulée par ceux cités ou par seulement certains d'entre-eux, dès lors qu'il ne peut plus être utilement discuté qu'une contamination générale, sur les terminaux concernés, existait du fait de ce type d'activité ;
Sur la conscience du danger
qu'il doit être considéré concernant l'exigence de conscience du danger que
-la Cour ne saurait tirer des seules considérations, issues de l'énoncé des divers rapports scientifiques classiquement cités dans ce type de procédure et du seul rappel de diverses réglementations générales, la preuve exigible de la nécessaire conscience du danger pour chacune des entreprises visées, laquelle doit être caractérisées par des éléments objectifs et implique la démonstration d'un manquement, principe déjà admis en droit interne et confirmé par la Cour de Justice des Communautés Européennes (Commission c/ Royaume Uni arrêt C-127/ 05 du 14 juin 2007) ;
- les sociétés de manutention portuaire n'utilisaient pas l'amiante comme matière première pour leurs propres activités et ne participaient pas à l'activité industrielle de fabrication ou de transformation de l'amiante ; qu'elles procédaient uniquement à une manipulation de divers produits dont l'amiante ou dans un environnement amianté ;
- au vu de l'ensemble des pièces produites, il apparaît acquis qu'aucun document antérieur à 1999, provenant d'organismes professionnels ouvriers ou patronaux (en particulier PV du Chsct 1982-1990 de la société Intramar), de la médecine de prévention, du port organe de coordination et de police ou de tout autre organe interne à la profession, n'a été produit, permettant de pointer le risque dont l'évidence a été exposée lors de la mise en place d'un dispositif d'allocation Accata aux dockers, notamment à propos de la détermination des conditions d'accès au dispositif (condition liée à la manipulation de sacs) ;
- enfin, s'agissant de la période antérieure à 1977, rien ne permet, si l'on se replace à la période à laquelle la victime a pu être au contact des substances incriminées, en l'état des connaissances scientifiques de l'époque et surtout de l'absence de preuve de leur diffusion à des entreprises de ce type, de retenir que ses employeurs successifs avaient ou auraient dû avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé ;
que toutefois :
- la réglementation interne a évolué à partir de la parution du décret 77-949 du 17 août 1977 mettant à la charge des entreprises diverses obligations, résultant de la manipulation ou de l'utilisation de ce produit à l'air libre dans des locaux ou sur des chantiers ;
qu'ainsi les dispositions particulières des articles 4, 8 et 9 de ce décret apparaissent-elles directement applicables à l'entreprise d'acconage en raison du caractère occasionnel de courte durée de la manipulation par les dockers ou les conducteurs d'engin ;
- sur le plan international, doit être considérée la réglementation spécifique aux entreprises d'acconage (annexée à l'arrêt avant-dire droit) issue de l'application de l'article 4 de la Convention OIT n° 152 portant Convention sur la sécurité et l'hygiène dans la manutention portuaire, adoptée le 25 juin 1979, entrée en vigueur le 5 décembre 1981 et transposée en droit interne par le décret 86-1274 du 10 décembre 1986 ;
- enfin doit être pris en compte le règlement annexé à l'arrêté du secrétariat d'Etat à la mer du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires, concernant pour la division 214 la protection et la sécurité des travailleurs ;
que ces réglementations protectrices contre les risques présentés notamment par les substances dangereuses manipulées (art 4- 1c et 2- 1m et o de la convention) bien que non spécifiques à l'amiante, associées aux prescriptions rappelées plus haut pouvaient ou auraient dû être connues d'entreprises normalement informées des aléas juridiques issus des cadres nationaux et internationaux ; qu'aucun élément du débat ne vient d'ailleurs réfuter ces points alors même que les primes de salissures dont bénéficiait le docker intègrent une notion de dangerosité des produits manipulés ;
qu'en conséquence de ce qui précède, il apparaît que les entreprises en cause, auraient dû avoir conscience du danger représenté par l'amiante ne serait-ce que par l'obligation d'affichage (article 18 du décret) d'un plan de prévention et l'obligation de prévenir l'organisme de contrôle, en l'occurrence le Bureau de Prévention du PAM, du fait de la manipulation d'amiante (article 10) ;
que les mêmes attestations font état d'une absence de mesures de protection individuelles, lors de la manipulation de sacs contenant de l'amiante, confirmant en cela la note établie par le médecin de la manutention du Port ;
que la société Intramar, le conteste en prétendant que des mesures de protections individuelles étaient mises à disposition des dockers, ce qu'aucune pièce du dossier ne confirme concernant le caractère effectif de l'utilisation de ces mesures, alors même que la société Intramar reconnaît dans ses écritures ne pas avoir été renseignée sur les dispositifs de protection existant ;
qu'il ne saurait non plus être utilement prétendu que les dockers travaillaient en plein air, ce qui n'apparaît pas non plus exonératoire, eu égard à la réglementation précitée rendant l'aconier responsable du transbordement et donc dans de l'intervention dans les cales et à quai sous les hangars de stockage de produits transbordés ;
qu'enfin, s'agissant de la force majeure invoquée en résultant, il conviendra de ne pas confondre les rapports existants entre les entreprises d'acconage et leur autorité de tutelle ou de gestion du port et ceux existant entre l'employeur et le salarié, non exclusifs de leur obligation, étant en outre précisé que le silence des autorités portuaires, des organismes représentatifs n'est pas de nature à exonérer l'employeur des obligations issues de ces textes ;
que dans ces conditions, il conviendra de confirmer le jugement entrepris ayant retenu la responsabilité des sociétés en cause ;
ET AUX MOTIFS, SUR LA REPARATION DES PREJUDICES, QUE
Sur la réparation des préjudices
que les sociétés employeurs, entendent obtenir la réduction des sommes allouées à titre indemnitaire ;
que les données scientifiques relatives à l'apparition de plaques pleurales bilatérales, rapportées et associées aux circonstances particulières de la situation de Albert X... qui vient d'être décrite, amènent la Cour à réaffirmer les points suivants concernant le principe d'indemnisation des postes de préjudices complémentaires visés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
qu'il demeure constant que cette pathologie, marqueur d'exposition revêtant un caractère souvent asymptomatique sur le plan médical, est une affection objectivement constituée, dont la Caisse a définitivement reconnu l'existence ;
que dans ces conditions le principe de réparation de souffrances physiques ne saurait être remis en cause mais doit être mesuré à l'aune des conséquences effectivement le plus souvent engendrées ;
qu'il ne peut être utilement discuté, en présence d'une constance des données recueillies quant à cette pathologie, que cette affection induit un syndrome subjectif, constitué par un sentiment d'injustice associé à ce qui constitue l'irrévocabilité de la maladie, dont le niveau et la permanence sont les éléments caractéristiques d'un préjudice moral nécessairement indemnisable ;
qu'enfin, il doit être rappelé que la réparation d'un poste de préjudice personnel distinct dénommé préjudice d'agrément vise exclusivement à l'indemnisation du préjudice lié à la gêne et la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante ;
qu'ainsi la réparation du préjudice complémentaire impose la démonstration spécifique de l'ampleur du préjudice subi par la victime au jour où la juridiction statue ;
qu'en l'espèce, en dehors des éléments déjà rappelés les démonstrations requises ne s'appuient sur aucune pièce complémentaire pertinente justifiant que la réparation demandée soit validée à hauteur de ce qui est sollicité ;
que compte tenu de cet ensemble il conviendra de considérer que l'appréciation portée par le premier juge apparaît suffisante eu égard à l'absence de demande expertise et au principe d'indemnisation retenu pour ce type d'affection ;
ET AUX MOTIFS DU JUGEMENT, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE
l'employeur est tenu à l'égard de ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat ;
que tout manquement à cette obligation constitue une faute inexcusable lorsque l'employeur a exposé son salarié à un danger dont il avait ou dont il aurait du avoir conscience, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour le protéger ;
qu'à titre liminaire, qu'il est constaté qu'aucune demande n'est dirigée à l'encontre de la société Besson ;
qu'il y a donc lieu de mettre celle-ci hors de cause ;
que sur le fond, Monsieur X... expose que durant la période de 1958 à 1985, il a été employé en qualité de docker, pour différentes entreprises de manutention sur le Port Autonome de Marseille ;
que pendant toute son activité professionnelle, il été massivement exposé à l'inhalation de poussières d'amiante ;
qu'il n'a jamais bénéficié de protection individuelle et n'a jamais été informé des dangers encourus ;
qu'il est tombé malade en 2003, il présentait une asbestose pulmonaire se manifestant par des plaques pleurales ;
qu'une déclaration de maladie professionnelle a été effectuée et il était pris en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles par la Cpam en date du 21 août 2003 ;
qu'il lui était reconnu un taux d'IPP de 10 % par décision du 22 mai 2004 ;
que la CPCAM a alors été saisie d'une demande de conciliation dans le cadre de la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;
qu'un procès-verbal de carence était établi le 2 mai 2005 et le tribunal des affaires de sécurité sociale était alors saisi ;
qu'à l'appui de ses prétentions Monsieur X... produit des attestations émanant d'anciens collègues (Messieurs B..., A..., C...) corroborant ses dires s'agissant de l'exposition habituelle à l'inhalation des poussières d'amiante et à l'absence de protection au sein des sociétés Rodriguez Ely, Intramar et Upa ;
que les sociétés défenderesses, de par leur secteur d'activité (manutention portuaire comprenant des déchargements habituels de cargaisons d'amiante) et la période d'exposition, ne pouvaient ignorer la nocivité particulière de ce matériau et les risques encourus par le personnel en inhalant les poussières ;
qu'il y a donc lieu de dire que les affections relevant du tableau n° 30 des maladies professionnelles dont est atteint Monsieur X... ont pour origine la faute inexcusable commise par la société Intramar, la société Rodriguez Ely et la société Upa ;
sur les réparations, qu'il y a lieu d'ordonner la majoration de la rente servie à Monsieur X... au maximum prévu par la loi ;
que pour le surplus, que les pièces médicales versées aux débats permettent l'évaluation du préjudice corporel de Monsieur X... sans qu'il soit nécessaire de recourir au préalable à une mesure d'expertise médicale ;
que sont donc allouées à Monsieur X... les indemnités suivantes :
-18 000 € en réparation des souffrances physiques et morales endurées ;
-4 000 € en réparation du préjudice d'agrément ;
ALORS D'UNE PART QU'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en protéger ; que l'exposition à l'amiante, pour constituer un danger pour le salarié dont l'employeur doit avoir conscience, doit être non seulement habituelle mais aussi significative ; qu'ainsi, l'article 2 du décret n° 77-949 du 17 août 1977 précise, dans sa rédaction initiale, que la concentration moyenne en fibres d'amiante de l'atmosphère inhalée par un salarié pendant sa journée de travail ne doit pas dépasser deux fibres par centimètre cube, seules étant considérées les fibres de plus de cinq microns de longueur, de trois microns au plus de largeur et dont le rapport longueur/ largeur excède trois ; que ce décret a été modifié à deux reprises pour abaisser les seuils et les mettre en harmonie avec des valeurs limites retenues par des directives européenne et notamment par le décret n° 87-232 du 27 mars 1987 qui fixe les seuils à 1 f/ ml pour toutes les variétés d'amiante sauf l'amiante bleue et 0, 8 f/ ml en moyenne sur huit heures de sorte que la Cour d'appel, qui a constaté que le niveau quantitatif de manipulation de l'amiante était inférieur à 0, 1 % du volume global du trafic du port de Marseille, réparti entre 86 entreprises d'acconage, et cependant énoncé que la société Intramar aurait dû avoir conscience du danger auquel elle exposait son salarié sans rechercher, notamment par référence aux seuils fixés par le décret du 17 août 1977 modifié, si le salarié avait été exposé à un risque significatif, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2 du décret n° 77-949 du 17 août 1977, tel que modifié par le décret n° 87-232 du 27 mars 1987,
ALORS D'AUTRE PART QUE la maladie professionnelle doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve que cette affection doit être imputée aux conditions de travail de l'assuré au sein des entreprises précédentes si bien qu'en considérant que la maladie professionnelle dont était atteint le salarié résultait de la faute inexcusable des sociétés Intramar, Upa et Rodriguez Ely sans même distinguer laquelle de ces deux sociétés avaient été le dernier employeur du salarié, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1147 du Code civil et L. 452-1 du Code de la sécurité sociale.
ALORS ENFIN QUE par des écritures demeurées sans réponse, la société Intramar faisait valoir qu'elle n'avait jamais connaissance de la marchandise déchargée, qui était seule connue du transporteur maritime, ce dont il résultait qu'elle ne pouvait être avertie de la situation de danger et donc avoir conscience du danger ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant de nature à démontrer que la société Intramar ne pouvait avoir conscience du danger, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 11-25856
Date de la décision : 29/11/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 30 août 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 29 nov. 2012, pourvoi n°11-25856


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.25856
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