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19/12/2012 | FRANCE | N°11-23597

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 décembre 2012, 11-23597


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée depuis 2001 en qualité d'employée de maison au domicile de M. et Mme Y..., s'est vue notifier le 22 août 2007 une mise à pied conservatoire, puis son licenciement pour fautes graves par lettre du 21 septembre 2007 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en nullité du licenciement et en paiement de différentes indemnités ;
Attendu

que pour retenir la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée depuis 2001 en qualité d'employée de maison au domicile de M. et Mme Y..., s'est vue notifier le 22 août 2007 une mise à pied conservatoire, puis son licenciement pour fautes graves par lettre du 21 septembre 2007 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en nullité du licenciement et en paiement de différentes indemnités ;
Attendu que pour retenir la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée, la cour d'appel énonce que par courrier adressé le 22 août 2007 à son employeur, en réponse à la notification de sa mise à pied et avant la notification de son licenciement, la salariée avait pris acte de l'interdiction d'accès à son lieu de travail par son employeur, rappelait à celui-ci la procédure à suivre pour son licenciement, réclamait ses salaires pour le mois d'août 2007 outre une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité de licenciement, et offrait de remettre les clefs de l'appartement à l'issue de la procédure de licenciement, ce dont il résultait que ce courrier s'analysait en une prise d'acte fondée sur la décision de mise à pied conservatoire, seul grief développé contre l'employeur, et emportant rupture immédiate du contrat de travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aux termes de la lettre du 22 août 2007, la salariée constatait la sommation lui étant faite de ne plus venir travailler, ne rappelait la procédure à suivre et l'étendue de ses droits que dans l'hypothèse où le licenciement était envisagé par l'employeur, réclamait dans l'immédiat le paiement des heures travaillées du seul mois en cours, subordonnait la remise des clés à un licenciement et donnait à son employeur huit jours de réflexion, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne les consorts Z... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne les consorts Z... à payer à la SCP Boré et Salve de Bruneton la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour Mme X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que la rupture du contrat de travail était la conséquence de la prise d'acte par Madame X..., d'AVOIR jugé que cette prise d'acte constituait une démission et d'AVOIR débouté Madame X... de ses demandes en nullité du licenciement et en paiement de différentes indemnités ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« il ressort des éléments du dossier, que par courrier adressé à son employeur le 22 août 2007, soit antérieurement à la notification du licenciement par madame Sylvie Z... et en réponse à la notification de mise à pied que lui a adressée madame A... en réalité : Y... , madame Liliane X... prend acte de ce que son employeur lui interdit l'accès à son lieu de travail, rappelle à son employeur la procédure à suivre, réclame ses salaires pour le mois d'août 2007, une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité de licenciement et offre de remettre les clefs de l'appartement à l'issue de la procédure de licenciement ; que madame Liliane X... a ainsi pris elle-même l'initiative de la rupture du contrat de travail ; que ce courrier par lequel madame X... déclare se considérer comme licenciée, s'analyse en une prise d'acte fondée sur la décision de mise à pied conservatoire, seul grief développé contre l'employeur ; qu'elle emporte rupture immédiate du contrat de travail ; que si cette prise d'acte est fondée sur des manquements démontrés de la part de l'employeur, la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que, dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission ; que le seul grief développé par madame Liliane X... au soutien de sa prise d'acte est le fait d'avoir fait l'objet d'une mise à pied conservatoire par madame Y... ; qu'il convient donc de rechercher si ce grief est fondé ou si, au contraire, les employeurs étaient fondés à prendre cette mesure à l'encontre de leur salariée ; que les raisons qui ont conduit madame Y..., dont la santé mentale et les facultés intellectuelles ne sont pas mises en doute par madame Liliane X... qui la décrit comme étant une femme de caractère et parfaitement apte à gérer ses affaires, à procéder à cette mise à pied conservatoire tiennent au soupçon d'abus de confiance dont cette salariée se serait rendue coupable envers son mari et elle-même, en se faisant délivrer des sommes d'argent indues ; qu'il ressort des talons de chèques versés aux débats que madame Liliane X... a perçu, outre ses salaires, versés par chèques emploi service, au cours de l'année 2005 la somme de 25 825 euros, au cours de l'année 2006 la somme de 8 931 euros et au cours de l'année 2007 la somme de 4 748 euros de la part de ses employeurs, soit une somme totale de 16504 euros ; que madame Liliane X..., qui reconnaît avoir bénéficié de ces sommes, réfute tout abus de faiblesse et prétend qu'il s'agit de la rémunération de ses heures supplémentaires de travail et que l'initiative de ne pas les déclarer revient à ses employeurs ; que si cinq des précédents employeurs de madame Liliane X... témoignent de sa parfaite intégrité et de la confiance qu'elle leur inspirait, il ressort de leurs attestations que madame Liliane X... disposait, sur la base de cette confiance, de la plus grande latitude dans l'organisation de son travail à leur service ; qu'il ressort par ailleurs des attestations de madame B..., et de madame C..., qui exerçaient, au moment des faits, la fonction d'auxiliaire de vie auprès de monsieur Y... et madame Y..., et se trouvaient en conséquence au contact immédiat de ceux-ci, dans les relations qu'ils entretenaient avec madame Liliane X..., que cette dernière s'est imposée auprès d'eux de manière envahissante, augmentant de son propre chef et sans justification, ses heures de présence au domicile des époux Y... et s'imposant aux lieu et place des autres intervenants plus compétents pour les assister dans les actes de la vie courante ; qu'il est par ailleurs établi, par ces mêmes attestations, que, contrairement aux allégations de monsieur D..., compagnon de madame Liliane X..., madame Sylvie Z... était présente auprès de ses oncle et tante de manière fréquente ; que les heures supplémentaires alléguées ne sont pas détaillées, madame Liliane X... n'apportant aucun justificatif des modalités de leur accomplissement, alors que monsieur D..., qui témoigne de la grande générosité de madame Y... avec son entourage, indique qu'elle notait toutes les heures de son personnel ; que certains talons de chèque mentionnant "vacances" il est observé que pour le seul mois de juillet 2006 madame Liliane X... a perçu la somme de 2 538 euros en plus de son salaire ; qu'il ressort de l'attestation de madame E..., soeur de madame Liliane X..., que madame Y... était devenue une personne très influençable, facilement inquiète et soucieuse du bien être de ceux qui l'entouraient et l'allégation d'heures supplémentaires est contredite par monsieur D... qui indique dans son attestation du novembre 2009 que madame Liliane X... souhaitait rembourser madame Y... des sommes qu'elle lui avait données ; que, dans un tel contexte, madame Liliane X..., qui n'allègue aucune intention libérale de madame Y... pour justifier le versement de ces sommes, ne justifie pas que ces versements étaient la contrepartie des heures supplémentaires de travail dont l'accomplissement était demandé par les employeurs ; qu'il ressort, au contraire, de ce qui précède que, s'étant acquise la confiance de ses employeurs au fil du temps, madame Liliane X... a su exploiter cette confiance et la faiblesse de leur grand âge pour se faire verser des sommes qui sont sans lien avec la fonction qu'elle assumait auprès d'eux en exécution du contrat de travail ; qu'il est ainsi démontré que la rupture du contrat de travail, à l'initiative de la salariée, ne repose pas sur des manquements démontrés des employeurs ; que la rupture du contrat de travail, intervenue dans les circonstances qui viennent d'être décrites s'analyse donc en une démission et les demandes en indemnités et en dommages-intérêts de Madame X..., doivent être rejetées » ;
ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que la lettre du 22 août 2007, adressée par Madame Liliane X... à son employeur, était ainsi rédigée : « je me suis présentée à mon travail le mercredi 22 août 2007 comme prévu à 10 heures pour faire les 2 heures de travail hebdomadaire, vous m'avez sommée de ne plus revenir travailler. Vu l'article 12 de la Convention collective, si vous me licenciez, vous êtes tenue de me convoquer au moins cinq jours ouvrable à l'avance, pour un entretien préalable ou par lettre recommandée avec avis de réception ou lettre remise en main propre, vous devez également notifier mon licenciement par lettre recommandée au plus tôt deux jours ouvrables après ces notifications donc chose qui n'a pas été faite ; je vais donc contacter le service de l'inspection du travail et celui des Prud'hommes pour leur en faire part. … Je suis toujours en possession de la clef de l'appartement de Monsieur et Madame Y..., je vous la rendrai quand j'aurai reçu mon licenciement. Je vous donne huit jours de réflexions à dater de ce jour » ; qu'il résulte des termes clairs et précis de ce courrier que Madame X..., constatant l'interdiction qui lui était faite d'accéder à son lieu de travail, formulait l'hypothèse de son licenciement par son employeur – « si vous me licenciez », lui indiquait les conditions à respecter à cette fin, subordonnait la remise des clés au prononcé du licenciement, tout en lui donnant un délai de réflexion pour ce faire ; qu'elle ne se considérait donc pas comme licenciée et n'estimait pas que son contrat de travail avait pris fin ; qu'en jugeant que, par ce courrier, Madame X... déclarait se considérer comme licenciée et formulait un grief tiré d'une mise à pied conservatoire, pour en déduire une rupture du contrat de travail à l'initiative de la salariée, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis en violation de l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-23597
Date de la décision : 19/12/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 11 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 déc. 2012, pourvoi n°11-23597


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.23597
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