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20/02/2013 | FRANCE | N°11-21486;11-21755

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 février 2013, 11-21486 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° H 11-21.486 et Z 11-21.755 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 24 avril 1987, la Société des garages de Vendée a donné en location-gérance à M. X... une station-service située à Château d'Olonne (Vendée) dans le cadre d'un protocole d'accord passé avec la société Elf France pour la distribution de carburant ; qu'un contrat de commission a été signé entre Elf France et M. X... le 7 mai 1987, puis un second le 28 novembre 1994, avec la société Elf Antar France, devenue Tot

al Fina Elf (société Total), résilié d'un commun accord le 21 septembre 2001 ;...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° H 11-21.486 et Z 11-21.755 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 24 avril 1987, la Société des garages de Vendée a donné en location-gérance à M. X... une station-service située à Château d'Olonne (Vendée) dans le cadre d'un protocole d'accord passé avec la société Elf France pour la distribution de carburant ; qu'un contrat de commission a été signé entre Elf France et M. X... le 7 mai 1987, puis un second le 28 novembre 1994, avec la société Elf Antar France, devenue Total Fina Elf (société Total), résilié d'un commun accord le 21 septembre 2001 ; que le 22 juillet 2002, M. X... a saisi la juridiction prud'homale sur le fondement de l'article L. 781-1 du code du travail, alors applicable, et présenté diverses demandes à ce titre ;
Sur les premier et second moyens du pourvoi n° Z 11-21.755 :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° H 11-21.486 :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite pour la période antérieure au mois d'août 1997 son action en paiement de rémunérations de l'activité déployée pour le compte de la société Total, repos compensateur, congés annuels et hebdomadaires, alors, selon le moyen :
1°/ que toute personne a le droit de jouir de conditions de travail justes et favorables lui assurant notamment "la rémunération qui procure au minimum à tous les travailleurs…un salaire équitable et une rémunération égale pour un travail de valeur égale… le repos, les loisirs, la limitation raisonnable de la durée du travail et les congés payés périodiques, ainsi que la rémunération des jours fériés " ; que méconnaît ce droit à des conditions de travail justes et à la perception de la rémunération y afférente la loi nationale qui édicte une prescription quinquennale de ces rémunérations à compter de leur échéance, sans considération d'une éventuelle renonciation du travailleur à les percevoir, des conventions conclues entre les parties, ni du comportement du bénéficiaire de la prestation de travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 6 et 7 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 ;
2°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ; que n'est pas de nature à assurer l'effectivité de ce droit la législation nationale qui édicte une prescription quinquennale de l'action en paiement des créances afférentes à la reconnaissance d'un statut protecteur, privant ainsi de facto le bénéficiaire de ce statut de la possibilité de faire utilement valoir ces droits devant un tribunal ; que n'assure pas davantage le respect de ces droits fondamentaux l'unique réserve d'une impossibilité absolue d'agir ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1er et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; qu'en appliquant au bénéfice de la société Total une prescription ayant pour effet de priver M. X... d'une partie substantielle des rémunérations constituant la contrepartie de l'activité déployée pour son compte, acquises à mesure de l'exécution de sa prestation de travail, la cour d'appel lui a infligé une privation d'un droit de créance disproportionnée avec l'objectif légal de sécurité juridique et a, partant, porté une atteinte excessive et injustifiée au droit de ce travailleur au respect de ses biens, en violation de l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ qu'en appliquant à un travailleur n'ayant jamais été reconnu comme son salarié par la compagnie pétrolière mais devant, pour bénéficier des dispositions légales et conventionnelles applicables dans cette entreprise, faire judiciairement reconnaître son droit au bénéfice du statut réservé aux gérant de succursales, une prescription destinée à éteindre les créances périodiques de salariés régulièrement tenus informés de leurs droits par la délivrance, notamment, d'un bulletin de salaire mensuel, la cour d'appel a édicté entre les différents travailleurs concourant à l'activité de la compagnie pétrolière une différence de traitement injustifiée, en violation de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, d'abord, que M. X... n'ayant pas été dans l'incapacité d'agir en requalification de ses contrats, lesquels ne présentaient pas de caractère frauduleux, et ne justifiant pas d'une cause juridiquement admise de suspension du délai de prescription, c'est sans méconnaître les dispositions des instruments internationaux visés par les trois premières branches que la cour d'appel a appliqué la règle légale prévoyant une prescription quinquennale des actions en justice relatives à des créances de nature salariale ;
Attendu, ensuite, que la prescription quinquennale s'appliquant à l'ensemble des demandes de nature salariale, la cour d'appel a à bon droit exclu toute discrimination ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° H 11-21.486 :
Vu les articles 2262 et 2277 du code civil, alors applicables ;
Attendu que l'arrêt rejette pour la période antérieure au mois d'août 1997 la demande de M. X... tendant à ce que la société Total soit condamnée à procéder à son inscription au régime général de la sécurité sociale et au paiement des cotisations sociales correspondantes ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action de M. X..., fondée sur l'obligation de l'employeur d'affilier son personnel au régime général de la sécurité sociale et d'effectuer le paiement des cotisations sociales correspondantes, était soumise à la prescription trentenaire alors applicable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le troisième moyen du pourvoi n° H 11-21.486 :
Vu les articles L. 4121-1 du code du travail, 330, 601 et 604 de la convention collective des industries du pétrole du 3 septembre 1985 ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; que, selon le deuxième, il est tenu compte de tous les impératifs propres à assurer la santé et la sécurité des travailleurs ; que, selon le troisième, les salariés employés à des opérations nécessitant la mise en oeuvre de produits susceptibles d'occasionner des maladies professionnelles et dans des conditions d'emploi où ces produits sont nocifs, seront l'objet d'une surveillance médicale particulièrement attentive ; que, selon le dernier de ces textes, pour les travaux où le personnel est exposé aux vapeurs, poussières, fumées ou émanations nocives, la direction fournira des effets de protection efficaces (masques, scaphandres) et des vêtements spéciaux (blouses, combinaisons, tabliers, gants, bottes, lunettes, etc.) ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande de dommages-intérêts pour exposition à des substances dangereuses, l'arrêt retient que si la nomenclature des maladies professionnelles prévoit celles qui peuvent résulter de travaux sur des carburants renfermant du benzène, et si l'employeur est tenu envers son salarié d'une obligation de sécurité de résultat pouvant fonder une responsabilité sans faute et justifier des dommages-intérêts indépendamment de la reconnaissance d'une faute inexcusable, M. X... ne fait état, dix ans après la cessation de l'activité exposante, d'aucune maladie professionnelle au sens du code de la sécurité sociale ni de troubles de santé pouvant résulter de cette exposition, ni d'un préjudice actuel ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de l'absence de maladie professionnelle ou de troubles de santé du travailleur, alors qu'elle avait constaté que l'intéressé avait été exposé à l'inhalation de vapeurs toxiques sans surveillance médicale, ni protection, ce dont il résultait que la société Total avait commis un manquement à son obligation de sécurité de résultat causant nécessairement un préjudice au travailleur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le quatrième moyen du pourvoi n° H 11-21.486 :
Vu l'article L. 781-1, recodifié sous les n° L. 7321-1 et L. 7321-3 du code du travail ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la rupture est matérialisée par un "avenant de résiliation amiable" daté du 21 septembre 2001, qui se borne à indiquer que les parties ayant décidé de mettre fin à l'amiable au contrat susvisé se sont rapprochées pour en définir ensemble les modalités ; que cependant, dès lors que M. X... avait la qualité, non de locataire gérant de la société Total, mais de commerçant propriétaire de son fonds de commerce, cette résiliation constitue un mode valable de rupture, l'article L. 781-1 du code du travail n'ayant pas pour effet de transformer le cocontractant du fournisseur en salarié de celui-ci, bénéficiaire de la procédure de licenciement et des indemnités de rupture ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors que les règles gouvernant la rupture du contrat de travail sont applicables à la rupture de la relation de travail entre un gérant de succursale et l'entreprise fournissant les marchandises distribuées, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette pour la période antérieure au mois d'août 1997 la demande de M. X... tendant à ce que la société Total soit condamnée à procéder à son inscription au régime général de la sécurité sociale et au paiement des cotisations sociales correspondantes, et le déboute de ses demandes de dommages-intérêts pour exposition à des substances dangereuses, d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 24 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société Total raffinage marketing aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Total raffinage marketing, et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X... (demandeur au pourvoi n° H 11-21.486).
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré prescrite pour la période antérieure au mois d'août 1997 l'action de Monsieur X... en paiement, par la Société Total Raffinage Marketing, de rémunérations de l'activité déployée pour son compte, repos compensateurs, congés annuels et hebdomadaires ;
AUX MOTIFS QUE "la recevabilité de l'exception de prescription n'est plus discutée en appel ; que les créances salariales se prescrivent par cinq ans en application de l'article L.3245-1 du Code du travail, conformément à l'article 2277 ancien du Code civil ; que les parties sont divisées sur les modalités de son calcul, Monsieur Jean-Bernard X... voulant en voir fixer le point de départ à l'arrêt de la cour du 15 juin 2004 lui ayant reconnu le bénéfice de l'article L.781-1 du Code du travail, quand la Société Total Raffinage Marketing se réfère à la saisine du conseil de prud'hommes le 22 juillet 2002 pour admettre devoir des sommes sur les cinq années antérieures soit, en raison de la rupture des relations contractuelles au 21 septembre 2001, sur quatre ans et deux mois, d'août 1997 à septembre 2001 ;
QU'il n'y a pas lieu de considérer que Monsieur Jean-Bernard X... était dans l'impossibilité d'agir pour faire reconnaître ses droits, aucun élément probant n'étant apporté à cet égard ; (que) Monsieur Jean-Bernard X... n'a pas sollicité le bénéfice de l'article L.781-1 du Code du travail directement auprès de la Société Total Raffinage Marketing ; (qu'il) aurait été en mesure d'intenter une action prud'homale tout au long de la relation contractuelle nonobstant ses horaires de travail, et notamment via un avocat ou un défenseur syndical ; qu'il a cependant tardé dix mois après la fin des relations pour saisir le conseil de prud'hommes ;
QUE par ailleurs, il n'est pas pertinent d'invoquer la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme alors qu'il est admis par la Cour européenne que l'existence de règles de prescription ne constitue pas en elle-même une violation de la convention ; que Monsieur Jean-Bernard X... a été en mesure d'exercer un recours effectif quand bien même les effets de celui-ci en termes de créance salariale sont limités dans le temps ; qu'aucune discrimination n'existe par rapport aux salariés de la Société Total Raffinage Marketing ; que Monsieur Jean-Bernard X... a perçu les revenus de son fonds de commerce qui ne résultaient d'ailleurs pas que de la vente de carburants mais aussi des autres prestations fournies à la clientèle, de sorte que l'atteinte que constituerait la prescription à son droit de propriété n'est pas démontrée ; qu'enfin, faire partir la prescription de la reconnaissance du bénéfice de l'article L.781-1 du Code du travail reviendrait à laisser le point de départ de celle-ci à la seule appréciation du demandeur, ce qui ne saurait être admis, étant observé que Monsieur Jean-Bernard X... était en possession des éléments lui permettant de déterminer le principe et les bases de calcul de sa créance salariale ;
QUE c'est en conséquence à bon droit que le premier juge a dit que la prescription quinquennale était applicable et que seules seront examinées les créances salariales sur la période d'août 1997 à septembre 2001" ;
1°) ALORS QUE toute personne a le droit de jouir de conditions de travail justes et favorables lui assurant notamment "la rémunération qui procure au minimum à tous les travailleurs…un salaire équitable et une rémunération égale pour un travail de valeur égale… le repos, les loisirs, la limitation raisonnable de la durée du travail et les congés payés périodiques, ainsi que la rémunération des jours fériés " ; que méconnaît ce droit à des conditions de travail justes et à la perception de la rémunération y afférente la loi nationale qui édicte une prescription quinquennale de ces rémunérations à compter de leur échéance, sans considération d'une éventuelle renonciation du travailleur à les percevoir, des conventions conclues entre les parties, ni du comportement du bénéficiaire de la prestation de travail ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 6 et 7 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 ;
2°) ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ; que n'est pas de nature à assurer l'effectivité de ce droit la législation nationale qui édicte une prescription quinquennale de l'action en paiement des créances afférentes à la reconnaissance d'un statut protecteur, privant ainsi de facto le bénéficiaire de ce statut de la possibilité de faire utilement valoir ces droits devant un tribunal ; que n'assure pas davantage le respect de ces droits fondamentaux l'unique réserve d'une impossibilité absolue d'agir ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 6 §.1er et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°) ALORS QUE toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; qu'en appliquant au bénéfice de la Société Total une prescription ayant pour effet de priver Monsieur X... d'une partie substantielle des rémunérations constituant la contrepartie de l'activité déployée pour son compte, acquises à mesure de l'exécution de sa prestation de travail, la Cour d'appel lui a infligé une privation d'un droit de créance disproportionnée avec l'objectif légal de sécurité juridique et a, partant, porté une atteinte excessive et injustifiée au droit de ce travailleur au respect de ses biens, en violation de l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°) ALORS QU'en appliquant à un travailleur n'ayant jamais été reconnu comme son salarié par la Compagnie pétrolière mais devant, pour bénéficier des dispositions légales et conventionnelles applicables dans cette entreprise, faire judiciairement reconnaître son droit au bénéfice du statut réservé aux gérant de succursales, une prescription destinée à éteindre les créances périodiques de salariés régulièrement tenus informés de leurs droits par la délivrance, notamment, d'un bulletin de salaire mensuel, la Cour d'appel a édicté entre les différents travailleurs concourant à l'activité de la Compagnie pétrolière une différence de traitement injustifiée, en violation de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Société Total Raffinage Marketing à justifier auprès de Monsieur Jean-Bernard X... de son immatriculation au régime général de la sécurité sociale pour la période d'août 1997 à septembre 2001 et au paiement des cotisations sociales correspondantes ;
AUX MOTIFS QUE "nonobstant l'avis de l'expert sur les difficultés de mise en oeuvre a posteriori d'une immatriculation au régime général de la sécurité sociale, il résulte des dispositions combinées des articles L.312-2 et R.312-4 du Code de la sécurité sociale que les gérants dont l'activité entre dans les prévisions de l'article L.781-1 du Code du travail doivent être affiliés au régime général ; que le jugement sera réformé et la Société Total Raffinage Marketing …condamnée à justifier auprès de Monsieur Jean-Bernard X... de son immatriculation au régime général de la sécurité sociale pour la période d'août 1997 à septembre 2001 et au paiement par elle des cotisations correspondantes" ;
ALORS QUE l'obligation de l'employeur d'affilier son personnel au régime général de la sécurité sociale et de régler les cotisations qui en découlent est soumise à la prescription trentenaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé par fausse application l'article 2277 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts pour exposition à des substances dangereuses ;
AUX MOTIFS QUE " Monsieur Jean-Bernard X... fait valoir qu'il a été exposé pendant toute la durée des relations contractuelles aux vapeurs de benzène ;
QUE s'il est constant que la nomenclature des maladies professionnelles prévoit celles qui peuvent résulter de travaux sur des carburants renfermant du benzène, et que l'employeur est tenu envers son salarié d'une obligation de sécurité de résultat pouvant fonder une responsabilité sans faute et justifier des dommages et intérêts indépendamment de la reconnaissance d'une faute inexcusable au sens du Code de la sécurité sociale, il n'en demeure pas moins que Monsieur Jean-Bernard X... ne fait état, dix ans après la cessation de l'activité exposante, d'aucune maladie professionnelle au sens du Code de la sécurité sociale ni de troubles de santé pouvant résulter de cette exposition, ni d'un préjudice actuel dont il serait fondé à solliciter l'indemnisation ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de cette demande" ;
1°) ALORS QUE tenu d'assurer la santé et la sécurité de ses salariés, manque fautivement à cette obligation la Compagnie pétrolière qui expose un gérant de succursale à l'inhalation de vapeurs toxiques sans la moindre surveillance médicale ou protection, pourtant spécifiquement imposées par la convention collective applicable ; qu'en déboutant Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts à ce titre, la Cour d'appel a violé les articles 6-1, 9 et 10 de la Convention OIT C 158 sur le milieu de travail du 20 juillet 1977, 7 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966, L.4121-1 du Code du travail, 330, 601 et 604 de la convention collective des industries du pétrole du 3 septembre 1985 ;
2°) ET ALORS QUE l'exposition d'un salarié sans surveillance ni protection à l'inhalation de vapeurs toxiques lui cause nécessairement un préjudice ; qu'en déboutant Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts au motif inopérant de l'absence de démonstration d'un préjudice actuel, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de condamnation de la Société Total Raffinage Marketing au paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE " la rupture est matérialisée par un "avenant de résiliation amiable" daté du 21 septembre 2001, qui se borne à indiquer que les parties ayant décidé de mettre fin à l'amiable au contrat susvisé se sont rapprochées pour en définir ensemble les modalités ; que le contrat est résilié à effet au 21 septembre 2001 ;
QUE cependant, dès lors que Monsieur Jean-Bernard X... avait la qualité, non de locataire gérant de la Société Total Raffinage Marketing, quand bien même il était locataire de la Société Les Garages de Vendée, qui n'est pas partie à la présente procédure, mais celle de commerçant propriétaire de son fonds de commerce, cette résiliation constitue un mode valable de rupture et Monsieur Jean-Bernard X... sera débouté de ses demandes à ce titre, nouvelles en appel, l'article L.781-1 du Code du travail dans sa rédaction alors applicable n'ayant pas pour effet de transformer le cocontractant du fournisseur en salarié de celui-ci, bénéficiaire de la procédure de licenciement et des indemnités de rupture" ;
1°) ALORS QUE les règles gouvernant la rupture du contrat de travail sont applicables à la rupture de la relation de travail entre un gérant de succursale et l'entreprise fournissant les denrées distribuées ; qu'en décidant que les règles gouvernant la rupture du contrat de travail n'étaient pas applicables à Monsieur X..., bénéficiaire du statut de gérant de succursale, la Cour d'appel a violé les articles L.7321-1 et L.7321-3 du Code du travail ;
2°) ALORS en outre QU'en considérant que la rupture d'une relation de travail entre un gérant de succursale et la Compagnie pétrolière fournissant les produits distribués avait été valablement opérée par la résiliation amiable du contrat de commission dont elle avait, par ailleurs, constaté la nullité (arrêt p.8 alinéa 2) sans rechercher si en souscrivant à cette résiliation d'un contrat commercial, Monsieur X... avait, en pleine connaissance des droits qu'il tenait du statut de gérant de succursale, accepté la résiliation de sa relation de travail avec Total, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés, ensemble de l'article L.1231-1 du Code du travail.

Moyens produits par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour la société Total raffinage marketing (demanderesse au pourvoi n° Z 11-21.755).

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le rappel de salaire devait être calculé sur la base de méthode de calcul 2 de l'expert, heures supplémentaires, congés payés et primes incluses et d'avoir dit qu'en conséquence Monsieur X... devrait calculer sa demande salariale sur cette base ;
AUX MOTIFS QUE « l'expert a retenu trois méthodes ainsi résumées : la méthode 1 consiste à chiffrer ou à approcher les heures de travail effectives de Monsieur Jean-Bernard X... et non pas les heures théoriques de présence contractuelle, la méthode 2, la plus favorable à Monsieur Jean-Bernard X..., s'appuie sur les amplitudes contractuelles, soit de 7 h à 21 h soit 14 h par jour, 7 jours sur sept soit 98 h par semaine, la méthode 3, la plus favorable à la société Total raffinage marketing consiste à corriger la durée contractuelle des relevés par tickets d'opération ; que Monsieur Jean-Bernard X... revendique la méthode 2, la société Total raffinage marketing accepte la méthode 1 et le Conseil de prud'hommes a tranché pour la méthode 2 ; que les calcules faits par la société Total raffinage marketing sur la base du coefficient 230 sont fondés sur la méthode 1 ; que la condamnation prononcée par le conseil de prud'hommes est fondée sur la méthode 2 et le coefficient 200 ; que c'est à bon droit que le premier a retenu la méthode 2 dès lors que l'amplitude contractuelle, considérable, a été déterminée par la société Total raffinage marketing et qu'il n'est pas établi que Monsieur Jean-Bernard X... n'y ait pas satisfait et que la méthode 1 constitue nécessairement une approximation, alors en outre que la société Total raffinage marketing ne justifie pas, dans le cadre du partage de la charge de la preuve en ce domaine, que les horaires effectifs ne correspondaient pas au contrat et ne se prévaut pas de manquements de Monsieur Jean-Bernard X... à ses obligations qui étaient d'ailleurs prévues comme cause de résiliation du contrat ; que la prise en compte de la méthode 2 qui conduit à rémunérer la totalité des heures d'ouverture sept jours sur sept sur la période non prescrite, est la plus proche de la réalité et a été vérifiée par l'expert » ;
ET AUX MOTIFS QUE «dans la mesure où la société Total n'a jamais signalé à son pompiste un quelconque manquement à ses obligations contractuelles ; que le contrat prévoyait qu'il travaillait 7 jours sur 7 entre 7 heures et 21 heures ; que l'expert judiciaire a vérifié sa disponibilité constante dans la station et l'absence de prise de congé ou de repos, il convient de retenir la méthode n° 2 présentée par l'expert qui est la plus proche de la réalité et la seule à indemniser équitablement Monsieur X...» ;
ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en se bornant à énoncer pour faire droit à la demande de Monsieur X..., que la société Total raffinage marketing ne justifiait pas, dans le cadre du partage de la charge de la preuve en ce domaine, que les horaires effectifs ne correspondaient pas au contrat, et que la prise en compte de la méthode 2, qui conduisait à rémunérer la totalité des heures d'ouverture sept jours sur sept sur la période non prescrite, était la plus proche de la réalité sans même s'expliquer sur le moyen déterminant des écritures d'appel de la société Total par lequel elle faisait valoir que l'expert avait expliqué que cette méthode n° 2 consistait à appliquer le contrat sans prendre en considération le travail effectif du salarié et par conséquent sans tenir compte des réalités dès lors que le dépouillement des tickets d'opération de la station pour une période donnée et l'examen des tickets d'opération de la station démontrait que la station gérée par Monsieur X... n'était pas ouverte tous les jours de la période et n'était pas toujours ouverte pendant l'intégralité des heures prévues au contrat, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Total Raffinage Marketing à verser à Monsieur Jean-Bernard X... la somme de 110 000 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
AUX MOTIFS QU' « à titre liminaire, il convient d'observer, d'une part, que la prescription quinquennale s'applique à toute action engagée à raison de sommes afférentes aux salaires dus de sorte qu'à les supposer fondées, les demandes de Monsieur Jean-Bernard X... à ces titres ne sauraient porter que sur la période août 1997 septembre 2001, et d'autre part, qu'il n'appartient pas à l'expert de se prononcer sur le bien fondé des demandes formées à ce titre, de sorte que la société Total Raffinage Marketing ne saurait se borner à se réfugier derrière les avis négatifs de l'expert ; que l'article L. 781-1-2 du Code du travail disposait que l'employeur qui fournit les marchandises (ici la société Total Raffinage Marketing) n'est responsable de l'application des dispositions du livre II du Code du travail que s'il fixe les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; que dans contraire, le cocontractant garde la qualité d'employeur à l'égard de ses salariés ; que Monsieur Jean-Bernard X... n'ayant jamais employé de salarié, il ne peut se prévaloir de ses dispositions pour bénéficier de la législation sur le temps de travail comme s'il avait eu la qualité de salarié ; qu'en l'espèce, les contrats de commission prévoyaient, outre les jours et heures d'ouverture, de nombreuses modalités d'exécution (inventaire, livraisons, prix, contrôles, remise des fonds, mise à disposition du matériel) dont le non respect pouvait fonder la résiliation de plein droit sans préavis ni procédure judiciaire par le fournisseur, notamment s'agissant de la fermeture de la station pendant plusieurs jours consécutifs, de sorte que la société Total Raffinage Marketing doit être considérée comme redevable de dommages et intérêts pour l'impossibilité pour Monsieur Jean-Bernard X... au cour de la période considérée, de prendre des congés payés, un repos hebdomadaires et d'avoir eu des journées de travail d'amplitude anormale ; que pour autant dans la mesure où les sommes accordés à titre de salaires le sont en heures supplémentaires et congés payés inclus, il ne peut être accordé à Monsieur Jean-Bernard X... un double paiement à ce titre ; que ses demandes seront donc rejetées ; que dès lors que les sommes accordées ci-dessus à titre de salaires couvraient une amplitude de 98 heures par semaine 52 semaines par an, Monsieur Jean-Bernard X... n'apparaît pas fondé en ses demandes au titre des repos compensateurs, repos annuels, et non respect des congés hebdomadaires, dépassement de la durée du travail autorisé, dans la mesure où il est fait droit infra à sa demande de dommages intérêts pour le préjudice résultant du choix par la société Total Raffinage Marketing d'exclure son cocontractant du statut de salarié et de la protection qu'elle implique» ;
ET AUX MOTIFS QUE « cette demande formée à hauteur de 1 500 000 € est fondée sur le préjudice qui résulterait de la faute de la société Total Raffinage Marketing consistant à détourner la protection résultant de l'application du Code du travail par un montage contractuel contraire aux intérêts du responsable de la station service ; que s'il est constant qu'une demande de dommages et intérêts n'a pas vocation à compenser des sommes qui ne peuvent être obtenues en raison de la prescription, il n'en demeure pas moins que la société Total Raffinage Marketing était informé de longue date de la problématique des exploitants de station service, qui a donné lieu à des décisions judiciaires reconnaissant l'application de l'article L. 781-1 du Code du travail, que précisément le texte invoqué et appliqué a vocation à contrecarrer l'abus de position du fournisseur de carburants, que la situation a duré quatorze années, qu'un nouveau contrat a été signé en 1994, que la fin des relations contractuelles si elle a pris la forme d'un accord, résulte de l'initiative de société Total Raffinage Marketing ; que ce comportement apparaît fautif et générateur d'un préjudice en ce qu'il a causé pour Monsieur Jean-Bernard X... la perte du statut protecteur de salarié, dans un rythme de travail indigne, et cela d'une manière parfaitement assumée et choisie ; qu'il résulte de la déclaration de Monsieur Y..., directeur juridique de Total en 1996 : la station appartient au pétrolier qui ne l'a pas fait exploiter par des salariés, parce que si l'on devait appliquer la convention collective de 1953, on aboutirait à des résultats totalement désastreux »; qu'en l'espèce, les contrats de commission prévoyaient, outre les jours et heures d'ouverture, de nombreuses modalités d'exécution (inventaire, livraisons, prix, contrôles, remise des fonds, mise à disposition du matériel dont le non respect pouvait fonder la résiliation de plein droit sans préavis ni procédure judiciaire par le fournisseur, notamment s'agissant de la fermeture de la station pendant plusieurs jours consécutifs, de sorte que la société Total Raffinage Marketing doit être considérée comme redevable de dommages et intérêts pour l'impossibilité pour Monsieur Jean-Bernard X... au cours de la période considérée, de prendre des congés payés, un repos hebdomadaire et d'avoir eu des journées de travail d'amplitude anormale ; qu'en outre, il a eu la responsabilité morale et financière de la gestion d'un fonds de commerce, plus préoccupante qu'une activité salariée et avec une autonomie virtuelle au regard des contraintes imposées ; qu'il sera fait droit, en application de l'article 1382 du Code civil, à la demande de dommages et intérêts à hauteur de 110 000 € » ;
ALORS D'UNE PART QUE le juge doit déclarer irrecevable le salarié en sa prétention lorsque la demande ne tend, sous couvert de dommages et intérêts, qu'à obtenir le paiement de salaires prescrits en application de l'article 2277 du Code civil ; qu'en faisant droit à la demande de dommages et intérêts de Monsieur X... en application de l'article 1382 du Code civil quand cette demande ne tendait en réalité, sous couvert de dommages et intérêts, qu'à obtenir le paiement de salaires dont la Cour d'appel avait constaté qu'ils étaient prescrits en application de l'article 2277 (ancien) du Code civil et L. 3245-1 du Code du travail, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE les juges du fond ne doivent pas dénaturer les documents de la cause qui leur sont soumis ; qu'en relevant pour faire droit à la demande de Monsieur X... qu'il avait eu la responsabilité morale et financière de la gestion d'un fonds de commerce, laquelle était plus préoccupante qu'une activité salariée et avec une autonomie virtuelle au regard des contraintes imposées cependant que Monsieur X... ne se prévalait nullement d'un tel moyen dans ses écritures d'appel, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-21486;11-21755
Date de la décision : 20/02/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 24 mai 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 fév. 2013, pourvoi n°11-21486;11-21755


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.21486
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