La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/02/2013 | FRANCE | N°11-28359

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 27 février 2013, 11-28359


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 13 septembre 2011), que Marcel X... et son épouse Hélène Y... sont décédés respectivement les 19 septembre 1968 et 7 septembre 2008, laissant pour leur succéder leurs trois enfants Mme Marcelle X... et MM. Gabriel et René X... ; que, par jugement du 20 janvier 2010, un tribunal de grande instance a ordonné l'ouverture des opérations de liquidation et de partage des deux successions ; que Mme Marcelle X... a saisi en 2009 un tribunal d'i

nstance afin de se voir reconnaître une créance de salaire différé ;
...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 13 septembre 2011), que Marcel X... et son épouse Hélène Y... sont décédés respectivement les 19 septembre 1968 et 7 septembre 2008, laissant pour leur succéder leurs trois enfants Mme Marcelle X... et MM. Gabriel et René X... ; que, par jugement du 20 janvier 2010, un tribunal de grande instance a ordonné l'ouverture des opérations de liquidation et de partage des deux successions ; que Mme Marcelle X... a saisi en 2009 un tribunal d'instance afin de se voir reconnaître une créance de salaire différé ;
Attendu que Mme Marcelle X... fait grief à l'arrêt de juger son action tendant à la reconnaissance et au paiement d'une créance de salaire différé prescrite, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque deux époux ont la qualité de coexploitants, le créancier de salaire différé est réputé titulaire d'un seul contrat pour sa participation à l'exploitation commune de sorte qu'il peut exercer son droit de créance sur l'une ou l'autre des successions ; qu'il s'ensuit que le point de départ de la prescription de la créance de salaire différé court à compter de l'ouverture de la succession de l'exploitant survivant ; qu'en l'espèce, pour écarter toute créance de salaire différé revendiquée par Mme Marcelle X... à l'encontre de la succession d'Hélène Y..., la cour d'appel a retenu que, durant la participation de Mme X... à l'exploitation familiale de 1958 à 1963, celle-ci était dirigée par son père, et ne l'avait été par sa mère qu'à compter de 1968 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si dès avant 1968, Hélène Y... ne participait pas déjà de façon effective à l'exploitation familiale, la circonstance qu'elle ne la dirigeait pas étant inopérante, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 321-13 et L. 321-17 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 2262 du code civil ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'au soutien de ses prétentions dirigées contre la succession de sa mère, Mme Marcelle X... faisait valoir que de 1958 à 1963, période au cours de laquelle elle avait participé à l'exploitation familiale, Hélène Y..., sa mère, y participait également de manière effective et habituelle, et produisait à l'appui de cette affirmation sept attestations émanant d'agriculteurs voisins qui tous évoquaient l'exploitation agricole « de ses parents » et non seulement de son père ; qu'en décidant qu'aucune créance de salaire différé ne pouvait être réclamée à l'encontre de la succession d'Hélène Y..., sans examiner les attestations dont il s'évinçait le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que lorsque les parents du bénéficiaire du salaire différé ont été exploitants successifs, celui-ci peut se prévaloir d'un unique contrat de travail et exercer son droit de créance sur l'une ou l'autre des successions ; qu'il s'ensuit que le point de départ de la prescription de la créance de salaire différé court à compter de l'ouverture de la succession du dernier exploitant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les parents de Mme Marcelle X... étaient exploitants successifs, l'exploitation agricole ayant d'abord été dirigée par son père, M. Marcel X..., décédé le 19 septembre 1968, puis par sa mère, Mme Hélène Y..., veuve X..., décédée le 7 septembre 2008 ; qu'en déclarant pourtant irrecevable comme prescrite l'action en paiement d'une créance de salaire différé présentée par Mme Marcelle X..., dès lors que plus de trente ans s'étaient écoulés depuis l'ouverture de la succession de Marcel X..., quand l'action pouvait également être exercée à l'encontre de la succession d'Hélène Y..., récemment ouverte, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 321-17 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 2262 du code civil ;
Mais attendu qu'au cas où chacun des parents a été successivement exploitant de la même exploitation, leur descendant ne peut se prévaloir d'un unique de contrat de travail à salaire différé pour exercer son droit de créance sur l'une ou l'autre des successions qu'à la condition que ce contrat ait reçu exécution au cours de l'une et de l'autre des deux périodes d'exploitation ; que la cour d'appel en relevant, d'une part et par une appréciation souveraine, qu'Hélène Y..., veuve X..., n'avait dirigé l'exploitation agricole qu'après le décès de son époux et, d'autre part, que Mme Marcelle X..., qui n'avait travaillé que sur l'exploitation agricole de son père du 25 novembre 1958 au 25 février 1963, n'avait exercé son action tendant à la reconnaissance d'une créance de salaire différé contre les successions « confondues » de ses parents qu'en mai 2009, en a exactement déduit que cette action était prescrite plus de trente ans s'étant écoulés depuis le décès de son père ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Marcelle X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme Marcelle X...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR jugé que l'action de Mme Marcelle X... tendant à la reconnaissance et au paiement d'une créance de salaire différé est prescrite, et en conséquence, d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes formées par Mme Marcelle X... ;
AUX MOTIFS QUE le code rural édicte : « Les descendants d'un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix-huit ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers. Le taux annuel du salaire sera égal, pour chacune des années de participation, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2 080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur, soit au jour du partage consécutif au décès de l'exploitant, soit au plus tard à la date du règlement de la créance, si ce règlement intervient du vivant de l'exploitant. » (articles L. 321-13, alinéas 1 et 2) ; « Le bénéficiaire d'un contrat de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de la succession ; cependant l'exploitant peut, de son vivant, remplir le bénéficiaire de ses droits de créance, notamment lors de la donationpartage à laquelle il procéderait. Toutefois, le bénéficiaire des dispositions de la présente sous-section, qui ne serait pas désintéressé par l'exploitant lors de la donation-partage comprenant la majeure partie des biens, et alors que ceux non distribués ne seraient plus suffisants pour le couvrir de ses droits, peut lors du partage exiger des donataires le paiement de son salaire. Les droits de créance résultant des dispositions de la présente sous-section ne peuvent en aucun cas, et quelle que soit la durée de la collaboration apportée à l'exploitant, dépasser, pour chacun des ayants droit, la somme représentant le montant de la rémunération due pour une période de dix années, et calculée sur les bases fixées au deuxième alinéa de l'article L. 321-13. » (article L. 321-17, alinéas 1, 2 et 3) ; Attendu que l'article 2262 ancien du Code civil, applicable en l'espèce, dispose que « toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi » ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que, si le bénéficiaire d'un contrat de travail à salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de la succession de celui-ci, son action se prescrit par trente ans à compter de l'ouverture de cette succession ; attendu que Mme Marcelle X... demande que lui soit reconnu le bénéfice d'une créance de salaire différé pour sa participation du 25 novembre 1958 au 15 février 1963, à l'exploitation agricole d'abord dirigée par son père, M. Marcel X..., décédé le 19 septembre 1968, puis par sa mère, Mme Hélène Y... veuve X..., décédée le 7 septembre 2008 ; que la réclamation de Mme Marcelle X... ayant été formée le 18 mai 2009, l'action intentée par cette dernière est prescrite, étant observé que si le règlement des successions de feu M. Marcel X... et de Mme Hélène Y... est toujours en cours, cette circonstance n'interrompt pas la prescription de ladite action ; attendu, en conséquence, que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a reconnu l'existence d'une créance de salaire différé au profit de Mme Marcelle X... à valoir sur les successions confondues de ses parents, M. Marcel X... et Mme Hélène Y..., sur 1550 jours et en ce qu'il a dit que cette créance sera calculée selon les dispositions de l'article L. 321-13 alinéa 2 du Code rural, soit deux tiers de la somme correspondant à 2080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel en vigueur au jour du partage de la succession, multiplié par (1550/ 365) ; que, statuant à nouveau, il y a lieu de juger que l'action de Mme Marcelle X... tendant à la reconnaissance et au paiement d'une créance de salaire différé est prescrite et par suite, de déclarer irrecevables les demandes formées par Mme Marcelle X... ;
1) ALORS QUE lorsque deux époux ont la qualité de coexploitants, le créancier de salaire différé est réputé titulaire d'un seul contrat pour sa participation à l'exploitation commune de sorte qu'il peut exercer son droit de créance sur l'une ou l'autre des successions ; qu'il s'ensuit que le point de départ de la prescription de la créance de salaire différé court à compter de l'ouverture de la succession de l'exploitant survivant ; qu'en l'espèce, pour écarter toute créance de salaire différé revendiquée par Mme Marcelle X... à l'encontre de la succession d'Hélène Y..., la cour d'appel a retenu que, durant la participation de Mme X... à l'exploitation familiale de 1958 à 1963, celle-ci était dirigée par son père, et ne l'avait été par sa mère qu'à compter de 1968 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si dès avant 1968, Hélène Y... ne participait pas déjà de façon effective à l'exploitation familiale, la circonstance qu'elle ne la dirigeait pas étant inopérante, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 321-13 et L. 321-17 du Code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 2262 du code civil ;
2) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'au soutien de ses prétentions dirigées contre la succession de sa mère, Mme Marcelle X... faisait valoir que de 1958 à 1963, période au cours de laquelle elle avait participé à l'exploitation familiale, Hélène Y..., sa mère, y participait également de manière effective et habituelle, et produisait à l'appui de cette affirmation sept attestations émanant d'agriculteurs voisins qui tous évoquaient l'exploitation agricole « de ses parents » et non seulement de son père ; qu'en décidant qu'aucune créance de salaire différé ne pouvait être réclamée à l'encontre de la succession d'Hélène Y..., sans examiner les attestations dont il s'évinçait le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3) ALORS QUE lorsque les parents du bénéficiaire du salaire différé ont été exploitants successifs, celui-ci peut se prévaloir d'un unique contrat de travail et exercer son droit de créance sur l'une ou l'autre des successions ; qu'il s'ensuit que le point de départ de la prescription de la créance de salaire différé court à compter de l'ouverture de la succession du dernier exploitant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les parents de Mme Marcelle X... étaient exploitants successifs, l'exploitation agricole ayant d'abord été dirigée par son père, M. Marcel X..., décédé le 19 septembre 1968, puis par sa mère, Mme Hélène Y..., veuve X..., décédée le 7 septembre 2008 ; qu'en déclarant pourtant irrecevable comme prescrite l'action en paiement d'une créance de salaire différé présentée par Mme Marcelle X..., dès lors que plus de trente ans s'étaient écoulés depuis l'ouverture de la succession de Marcel X..., quand l'action pouvait également être exercée à l'encontre de la succession d'Hélène Y..., récemment ouverte, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 321-17 du Code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 2262 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-28359
Date de la décision : 27/02/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SUCCESSION - Salaire différé - Demande en paiement - Parents exploitants successifs - Effets - Existence d'un unique contrat de travail - Conditions - Exécution du contrat au cours de chaque période d'exploitation

AGRICULTURE - Exploitation agricole - Exploitation familiale à responsabilité personnelle - Rapports entre les membres de l'exploitation - Contrat de travail à salaire différé - Bénéficiaire - Droits de créance - Exercice - Exercice sur l'une ou l'autre des successions des parents exploitants successifs - Condition SUCCESSION - Salaire différé - Demande en paiement - Prescription - Prescription trentenaire - Point de départ - Décès de l'exploitant - Cas - Parents exploitants successifs PRESCRIPTION CIVILE - Prescription trentenaire - Succession - Action en demande de salaire différé - Point de départ

Au cas où chacun des parents a été successivement exploitant de la même exploitation, leur descendant ne peut se prévaloir d'un unique contrat de travail à salaire différé pour exercer son droit de créance sur l'une ou l'autre des successions qu'à la condition que ce contrat ait reçu exécution au cours de l'une et de l'autre des deux périodes d'exploitation. Dès lors doit être approuvé l'arrêt qui, pour déclarer prescrite l'action tendant à la reconnaissance d'une telle créance, retient, alors que l'exploitation agricole avait été exploitée successivement par ses père et mère, que le descendant n'a travaillé sur cette exploitation qu'à l'époque où son père en était l'exploitant et n'a exercé son action contre les successions de ses parents que plus de trente ans après le décès de son père


Références :

articles L. 321-13 et L. 321-17 du code rural et de la pêche maritime 

article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 13 septembre 2011

Sur l'exercice d'un droit de créance de salaire différé en cas de parents exploitants successifs, à rapprocher :1re Civ., 23 janvier 2008, pourvoi n° 06-21301, Bull. 2008, I, n° 29 (cassation partielle), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 27 fév. 2013, pourvoi n°11-28359, Bull. civ. 2013, I, n° 29
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, I, n° 29

Composition du Tribunal
Président : M. Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Jean
Rapporteur ?: M. Mansion
Avocat(s) : SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.28359
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award