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27/03/2013 | FRANCE | N°12-12991

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 mars 2013, 12-12991


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 29 novembre 2011), que par contrat à durée indéterminée du 1er juillet 2003, M. X... a été engagé par la société de Geoffroy en qualité de gérant-chef de cuisine ; que, par avenant du 25 septembre 2005, il s'est vu assigner par son employeur divers objectifs ; qu'il a été licencié le 25 octobre 2008 pour insuffisance de résultats ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa

demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 29 novembre 2011), que par contrat à durée indéterminée du 1er juillet 2003, M. X... a été engagé par la société de Geoffroy en qualité de gérant-chef de cuisine ; que, par avenant du 25 septembre 2005, il s'est vu assigner par son employeur divers objectifs ; qu'il a été licencié le 25 octobre 2008 pour insuffisance de résultats ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, il était constant que, suivant avenant signé le 9 octobre 2006, M. X... s'était vu assigner trois objectifs, dont l'un consistait en une « évolution positive de chiffre d'affaires chaque mois par rapport aux années précédentes » ; qu'en jugeant dès lors le licenciement justifié au seul motif que le chiffre d'affaires réalisé par M. X... au titre de l'exercice 2007/ 2008 avait été moindre que celui réalisé au titre de l'exercice 2006/ 2007, puis en comparant ses résultats avec ceux de son successeur, sans s'attacher à rechercher si l'objectif d'amélioration du chiffre d'affaires tel qu'il avait été contractuellement assigné au salarié avait été atteint, mois par mois et année après année, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 1235-1 et L. 1235-2 du code du travail ;
2°/ que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; qu'en l'espèce, pour juger que l'insuffisance de résultats reprochée à M. X... était caractérisée, la cour d'appel s'est amplement fondée sur un tableau établi par l'employeur et retraçant l'évolution du chiffre d'affaires du restaurant dont M. X... avait été le gérant, mais dont elle a relevé qu'il n'avait pas été certifié par son expert-comptable ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors que l'élément de preuve ainsi retenu émanait de l'employeur lui-même, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
3°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que constitue une sanction disciplinaire toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif ; qu'en l'espèce, pour justifier le licenciement pour insuffisance de résultats notifié à M. X..., la société de Geoffroy avait, in fine, reproché à ce dernier de ne pas avoir persisté dans les qualités qui étaient les siennes au moment de son embauche, d'avoir perdu sa motivation lors des deux dernières années de collaboration et de s'être laissé aller à profiter de la structure dont il avait la charge à des fins familiales ; qu'il en résultait que la société de Geoffroy imputait les mauvais résultats reprochés à M. X... à la mauvaise volonté dont celui-ci aurait fait preuve dans l'exécution de ses tâches ; qu'en jugeant dès lors le licenciement de M. X... justifié par l'insuffisance professionnelle de ce dernier, alors que l'employeur s'était placé sur le terrain disciplinaire pour rompre le contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6, L. 1235-2 et L. 1331-1 du code du travail ;
Mais attendu que, sous couvert de griefs non fondés de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause devant la Cour de cassation l'appréciation des éléments de fait et de preuve par la cour d'appel qui a constaté, sans méconnaître les termes du litige fixés par la lettre de licenciement, que le salarié n'avait pas atteint les objectifs qui lui avaient été contractuellement fixés, que ces objectifs étaient réalistes et que leur non-réalisation était imputable à son insuffisance professionnelle ; que, dans l'exercice du pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, la cour d'appel a décidé que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
AUX MOTIFS QU'il résulte de l'analyse de la lettre de licenciement que Samy X... a été licencié en raison d'une insuffisance de résultat ; que l'insuffisance de résultat ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse ; que le licenciement pour un tel motif est légitime seulement si le défaut d'atteinte des objectifs résulte soit d'une insuffisance professionnelle, soit d'une faute imputable au salarié ; que l'incompétence alléguée de ce dernier doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de son employeur ; qu'en l'espèce, Samy X..., par un avenant à son contrat de travail en date du 20 septembre 2005, a accepté les objectifs suivants :- masse salariale toutes charges comprises de 33 % maximum sur le CA hors taxes,- achat de matières premières maîtrisé et suivant normes de la profession (inférieur à 20 %),- évolution positive du chiffre d'affaires chaque mois par rapport aux années précédentes ; que Jacques Y..., président directeur général de la société DE GEOFFROY, a rappelé à Samy X... ces objectifs dans un courrier du 9 octobre 2006, et celui-ci les a de nouveau acceptés, en apposant dans ce courrier la mention " bon pour acceptation et modification du contrat ", suivie de sa signature ; que la société DE GEOFFROY ne produit aux débats aucun élément permettant de constater que durant l'exercice 2007-2008, voire pendant l'exercice précédent, le ratio de la masse salariale par rapport au chiffre d'affaires a atteint 60 % ; qu'elle fournit au contraire une attestation établie par son expert-comptable le 4 décembre 2009, selon laquelle ce ratio s'est élevé à 21, 59 % durant l'exercice 2007-2008, puis à 21, 38 % durant l'exercice suivant, même s'il est vrai que la masse salariale mentionnée dans cette attestation correspond, semble-t-il, seulement aux salaires de Samy X... et de son épouse ; qu'en tous cas, au regard des pièces communiquées, un doute subsiste sur la question de savoir s'il a réalisé ou non cet objectif, doute qui doit lui profiter, en vertu de l'article L. 1235-1 du code du travail ; qu'ensuite la société DE GEOFFROY ne fournit pas davantage d'élément permettant de constater que l'objectif relatif à la maîtrise du poste d'achat des matières premières n'a pas été atteint par Samy X... ; que cependant l'expert comptable de la société DE GEOFFROY indique dans son attestation du 4 décembre 2009 que le chiffre d'affaires H. T du restaurant s'est élevé durant l'exercice octobre 2006/ septembre 2007 à 486. 626 Euros et à 444. 348 Euros durant l'exercice 2007/ 2008, ce qui établit sur une période de deux années une baisse importante du chiffre d'affaires ; que la société DE GEOFFROY produit un tableau qui n'a pas été certifié par son expert-comptable, duquel il ressort que le chiffre d'affaires réalisé par son successeur, durant l'exercice 2008/ 2009, s'est élevé à 569. 765, 26, soit une progression de 21 % ; que Samy X... fait valoir que M. Y... a été condamné par le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand pour des infractions de faux et d'abus de biens sociaux, ce dont il résulte selon lui que les résultats comptables présentés sont dénués de toute sincérité ; que cependant, Mme Caroline Z..., secrétaire comptable de la société DE GEOFFROY, déclare dans son attestation rédigée dans les formes prévues par l'article 202 du Code de procédure civile, que depuis le départ des époux X..., le chiffre d'affaires du restaurant a fortement augmenté, ce qui corrobore les données comptables mentionnées dans le tableau fourni par l'intimée ; que ce tableau fait notamment apparaître que durant la période de juin à août 2007, période en principe plus propice à l'accroissement du chiffre d'affaires dans le secteur de la restauration dans une région touristique, le chiffre d'affaires réalisé par Samy X... s'est élevé à 47, 291, 65 Euros au mois de juin, 55. 344, 95 Euros au mois de juillet et 41. 1168, 56 Euros au mois d'août alors que son successeur durant les mêmes mois de l'année 2009 a atteint respectivement les chiffres de 62. 405, 55 Euros, 60. 932, 99 Euros et 74, 767, 27 Euros ; que la société DE GEOFFROY produit d'ailleurs un extrait du guide " Gault et Millau " de l'année 2010, qui mentionne au sujet du restaurant le Parc de Geoffroy que cette institution Thiernoise, après quelques années de disette, est " retournée dans les colonnes du guide ", ce qui fait présumer que les prestations proposées à la clientèle sont désormais meilleures que celles des années antérieures ; que pourtant, Samy X... avait été averti à plusieurs reprises de la nécessité de maintenir le chiffre d'affaire du restaurant, voire de l'augmenter chaque année, afin de permettre le redressement de la société DE GEOFFROY ; qu'ainsi, M. Y..., dans son courrier du 20 septembre 2005 par lequel le contrat de travail de Samy X... a été modifié, lui indiquait que cette renégociation ne pouvait être acceptée qu'à partir des résultats obtenus, et qu'il était grand temps que l'établissement fonctionne suivant ses résultats ; que par ailleurs Samy X... ne conteste pas avoir eu avec M. Y... les 12 février et 21 mai 2008, et au début du mois de juillet 2008 des entretiens au sujet de ses mauvais résultats en matière de chiffres d'affaire ; qu'il ne soutient pas que les objectifs de chiffres d'affaire qui lui avaient été assignés étaient irréalistes, et n'invoque aucune cause extérieure pouvant expliquer la baisse constante de ce chiffre, d'un exercice à l'autre, en dehors des condamnations pénales de M. Y... du chef de faux et d'abus de biens sociaux, alors que celles-ci ne sauraient expliquer en elles même la baisse d'activité du restaurant ; qu'il résulte ainsi de tous ces éléments que l'insuffisance de résultat reprochée à Samy X... a découlé de son insuffisance professionnelle, et il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il le déboute de sa demande tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Et AUX MOTIFS, adoptés des premiers juges, QUE la lettre de licenciement évoque les motifs qui peuvent se résumer ainsi : « Malgré de nombreux entretiens et rappels vous n'avez pas respecté vos fonctions contractuelles qui étaient : la prise en charge et la gestion du personnel (respect de la législation du travail planning), le développement commercial, le contrôle de marge, avec un inventaire tous les trois mois, la diminution du ratio masse salariale à 30/ 35 % maximum. L'exécution de ces tâches a été expressément mentionnée dans le contrat de travail pour souligner le caractère substantiel » ; que demandeur prétend qu'il n'avait aucun pouvoir pour embaucher du personnel ni aucune possibilité de procéder à un licenciement, fixer un salaire, etc., or l'employeur assigne à son salarié un objectif de maîtrise de la masse salariale et de contrôle des marges ; que le salarié ne prouve pas ses affirmations, il est curieux que lors de nombreux entretiens où son employeur lui a reproché de ne pas atteindre les objectifs fixés qu'il n'ait pas évoqué cet argument ; que Monsieur X... avait toute latitude pour arrêter les menus et effectuer en conséquence les achats, l'obtention de ratios satisfaisants en matière de consommation de produits étaient forcément de sa compétence, de sa responsabilité, il disposait de tous les éléments pour effectuer les contrôles nécessaires ; que l'évolution du chiffre d'affaires communiqué par l'employeur, non contesté par le salarié est éloquent au cours des deux dernières périodes de 12 mois précédent le licenciement ces chiffres ont été :-2006/ 2007 : 486625 €,-2007/ 2008 : 449 348 € ; que la période suivante, après le licenciement, le chiffre d'affaires a été de 569 765 € ; que cette évolution montre que Monsieur X... ne remplissait pas correctement ses fonctions ; que l'appréciation du guide GAULT MILLAU de 2010 au sujet du restaurant « Le Parc de Geoffroy » est significative « Retour dans nos colonnes de cette institution thiernoise après quelques années de disette. Dans la capitale du couteau, le nouveau Chef, Alain A..., donne du tranchant à cette table hôtelière » ; que pour toutes ces raisons, notre Conseil considère que ce licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse ;
ALORS, d'une part, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, il était constant que, suivant avenant signé le 9 octobre 2006, Monsieur X... s'était vu assigner trois objectifs, dont l'un consistait en une « évolution positive de CA chaque mois par rapport aux années précédentes » ; qu'en jugeant dès lors le licenciement justifié au seul motif que le chiffre d'affaires réalisé par Monsieur X... au titre de l'exercice 2007/ 2008 avait été moindre que celui réalisé au titre de l'exercice 2006/ 2007, puis en comparant ses résultats avec ceux de son successeur, sans s'attacher à rechercher si l'objectif d'amélioration du chiffre d'affaires tel qu'il avait été contractuellement assigné au salarié avait été atteint, mois par mois et année après année, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble les articles L. 1235-1 et L. 1235-2 du Code du travail ;
ALORS, d'autre part, QUE nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; qu'en l'espèce, pour juger que l'insuffisance de résultats reprochée à Monsieur X... était caractérisée, la Cour d'appel s'est amplement fondée sur un tableau établi par l'employeur et retraçant l'évolution du chiffre d'affaires du restaurant dont Monsieur X... avait été le gérant, mais dont elle a relevé qu'il n'avait pas été certifié par son expert-comptable ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors que l'élément de preuve ainsi retenu émanait de l'employeur lui-même, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
Et ALORS, en tout état de cause, QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que constitue une sanction disciplinaire toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif ; qu'en l'espèce, pour justifier le licenciement pour insuffisance de résultats notifié à Monsieur X..., la société DE GEOFFROY avait, in fine, reproché à ce dernier de ne pas avoir persisté dans les qualités qui étaient les siennes au moment de son embauche, d'avoir perdu sa motivation lors des deux dernières années de collaboration et de s'être laissé aller à profiter de la structure dont il avait la charge à des fins familiales ; qu'il en résultait que la société DE GEOFFROY imputait les mauvais résultats reprochés à Monsieur X... à la mauvaise volonté dont celui-ci aurait fait preuve dans l'exécution de ses tâches ; qu'en jugeant dès lors le licenciement de Monsieur X... justifié par l'insuffisance professionnelle de ce dernier, alors que l'employeur s'était placé sur le terrain disciplinaire pour rompre le contrat de travail, la Cour d'appel a violé les articles L. 1232-6, L. 1235-2 et L. 1331-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-12991
Date de la décision : 27/03/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 29 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 mar. 2013, pourvoi n°12-12991


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.12991
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