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25/04/2013 | FRANCE | N°11-28761

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 25 avril 2013, 11-28761


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 octobre 2011), que M. X..., docker professionnel de 1963 à 1995 sur le port de Marseille, victime de plaques pleurales prises en charge le 10 décembre 2004 au titre du tableau n° 30 de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, a saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins de faire reconnaître l'existence d'une faute inexcusable des sociétés d'acconage Intramar

et Union phocéenne d'acconage pour le compte desquelles il a tour à tour...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 octobre 2011), que M. X..., docker professionnel de 1963 à 1995 sur le port de Marseille, victime de plaques pleurales prises en charge le 10 décembre 2004 au titre du tableau n° 30 de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, a saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins de faire reconnaître l'existence d'une faute inexcusable des sociétés d'acconage Intramar et Union phocéenne d'acconage pour le compte desquelles il a tour à tour travaillé ;
Attendu que la société Intramar (l'employeur) fait grief à l'arrêt de dire que la maladie professionnelle dont était atteint M. X... résultait de sa faute inexcusable et de celle de la société Union phocéenne d'acconage, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en protéger ; que l'exposition à l'amiante, pour constituer un danger pour le salarié dont l'employeur doit avoir conscience, doit être non seulement habituelle mais aussi significative ; qu'ainsi, l'article 2 du décret n° 77-949 du 17 août 1977 précise, dans sa rédaction initiale, que la concentration moyenne en fibres d'amiante de l'atmosphère inhalée par un salarié pendant sa journée de travail ne doit pas dépasser deux fibres par centimètre cube, seules étant considérées les fibres de plus de cinq microns de longueur, de trois microns au plus de largeur et dont le rapport longueur/ largeur excède trois ; que ce décret a été modifié à deux reprises pour abaisser les seuils et les mettre en harmonie avec des valeurs limites retenues par des directives européenne et notamment par le décret n° 87-232 du 27 mars 1987 qui fixe les seuils à 1f/ ml pour toutes les variétés d'amiante sauf l'amiante bleue et 0, 8 f/ ml en moyenne sur huit heures de sorte que la cour d'appel, qui a constaté que le niveau quantitatif de manipulation de l'amiante était inférieur à 0, 1 % du volume global du trafic du port de Marseille, réparti entre 86 entreprises d'aconage, et cependant énoncé que l'employeur aurait dû avoir conscience du danger auquel elle exposait son salarié sans rechercher, notamment par référence aux seuils fixés par le décret du 17 août 1977 modifié, si le salarié avait été exposé à un risque significatif, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2 du décret n° 77-949 du décret du 17 août 1977, tel que modifié par le décret n° 87-232 du 27 mars 1987 ;
2°/ que la maladie professionnelle doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la peuve que cette affection doit être imputée aux conditions de travail de l'assuré au sein des entreprises précédentes si bien qu'en considérant que la maladie professionnelle dont était atteint le salarié résultait de la faute inexcusable des sociétés Intramar et Upa sans même distinguer laquelle de ces deux sociétés avaient été le dernier employeur du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
3°/ que par des écritures demeurées sans réponse, l'employeur faisait valoir qu'il n'avait jamais connaissance de la marchandise déchargée, qui était seule connue du transporteur maritime, ce dont il résultait qu'il ne pouvait être averti de la situation de danger et donc avoir conscience du danger ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant de nature à démontrer que l'employeur ne pouvait avoir conscience du danger, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la société Intramar n'a pas qualité pour critiquer le chef de dispositif retenant une faute inexcusable à la charge de la société Union phocéenne d'acconage ;
Et attendu qu'analysant les attestations d'autres dockers qui font état de manipulation d'amiante par M. X... pour le compte, notamment, de la société Intramar et les rapprochant de celles d'un contremaître-docker et du médecin de la manutention portuaire ainsi que d'un rapport du comité paritaire d'hygiène et de sécurité-manutention portuaire, l'arrêt retient, d'abord, que, même si le niveau quantitatif de manipulation de l'amiante était resté faible par rapport au volume global de trafic du port de Marseille (- de 0, 1 %), la répétition de ce type de manipulation dans des sacs poreux ou déchirables opérée par l'intéressé dans un environnement général et constant de travail dans un milieu toxique dû aux poussières résiduelles tant à bord qu'à quai sur une durée de trente années constitue une exposition habituelle au risque, ensuite, que les primes de salissure dont bénéficiait le docker intègrent la notion de dangerosité des produits manipulés, enfin, que les ouvriers dockers travaillaient sans protection particulière, notamment, lors de la manutention des sacs ;
Qu'ayant caractérisé par ces constatations et énonciations qui la dispensaient de toute autre recherche, comme d'une plus ample réponse au moyen prétendument délaissé, une situation dangereuse que l'employeur ne pouvait ni ne devait ignorer et l'absence de mesures pour en préserver le salarié, la cour d'appel en a déduit à bon droit que l'employeur avait commis une faute inexcusable ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé en ses première et troisième branches ;
Et attendu que le moyen, pris en sa deuxième branche en ce qu'elle concerne la société Intramar, n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Intramar aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq avril deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour la société Intramar.
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que la maladie professionnelle dont était atteint Monsieur X... résultait de la faute inexcusable des sociétés Upa et Intramar et d'avoir, en conséquence, fixé au taux légal maximum la majoration de sa rente ainsi que l'indemnisation de son préjudice extrapatrimonial à la somme de 17. 000 € au titre de la réparation de ses souffrances physiques et morales et 3. 000 € au titre de la réparation de son préjudice d'agrément,
AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte des pièces versées aux débats par les parties que jusqu'à la loi du 9 juin 1992, les dockers étaient des journaliers, titulaires de la carte G, affectés quotidiennement par le Bureau Central de la Main d'Oeuvre (BCMO) au service des entreprises de manutention, en fonction des besoins de ces entreprises ; que postérieurement à ce texte, les dockers ont été classés en deux catégories, à savoir d'une part professionnels mensualisés ou intermittents et d'autre part occasionnels ; que le contrat de travail liant le docker intermittent à son employeur est conclu pour la durée d'une vacation (4 heures) ou d'un shift (8 heures) et qu'il s'agit d'un CDD de type particulier puisqu'il peut être prorogé ou renouvelé sans limite d'aucune sorte ;
que Joseph X... après avoir été journalier est devenu professionnel intermittent ; qu'il a exercé cet emploi du 1er novembre 1963 au 30 avril 1993 ; que sa qualité de docker n'est contestée par aucune des sociétés en cause ;
que la société INTRAMAR est acconier sur le port de MARSEILLE depuis 1956 ;
que sous l'ancien statut comme sous le nouveau, l'employeur a toujours été l'acconier, le BCMO ne constituant qu'un service administratif organisant pour le compte des employeurs la gestion générale de l'embauche des dockers intermittent ;
que l'entreprise de manutention, en fonction de la nature et des quantités de marchandise à traiter indique au BCMO, le nombre et la qualification des individus devant lui être affectés ; que durant la vacation, le docker se trouve dans un lien de subordination avec l'acconier qui, par l'intermédiaire de son chef d'équipe, contrôle la présence de chaque docker, lui affecte un poste ou une tâche et peut, en cas de difficulté interrompre son travail ; que par ailleurs, le paiement indirect des salaires et cotisations salariales et patronales afférentes, effectué par la Caisse des Compensation des Congés Payés (CCCP), mandataire de l'employeur et la délivrance des bulletins de paie mentionnant le code de l'employeur confirment ce lien ; qu'ainsi, tout au long de leur carrière, les dockers sont amenés à travailler pour les diverses entreprises de manutention en fonction des besoins de celles-ci ;
qu'il résulte des attestations versées aux débats et notamment celle de Jean-Claude Y... : « j'ai travaillé de 1964 à 1970 avec Monsieur X... Joseph, pour le compte de diverses sociétés d'aconage dont INTRAMAR, UPA, etc … ; nous avons manipulé des sac d'amiante » ; et Roger A... « J'atteste sur l'honneur avoir travaillé avec Monsieur X... Joseph dans les années 1980 à 1992 … tout particulièrement la société INTRAMAR ; nous travaillons l'amiante que Joseph X... a travaillé pour le compte des sociétés en cause ;
que ces attestations sont confortées par la production par Joseph X... de bulletins de salaire délivrés pour la période 1988-1993 mentionnant son activité de manutention pour le compte de l'entreprise codée " 010 ", à savoir INTRAMAR et " 028 " à savoir UPA et d'une attestation de la CCCP ; qu'il en résulte que la réalité de l'activité exercée pour le compte de chacune des sociétés est établie ;
Sur l'exposition au risque
que la société INTRAMAR soutient qu'il n'est pas établi qu'elle ait été l'employeur de Joseph X... au moment où ce dernier a été exposé aux risques tels que décrits au tableau des maladies professionnelles et qu'il n'est pas possible de déterminer l'employeur chez lequel l'exposition au risque a provoqué la maladie ;
que cependant si les sociétés en cause ne sont pas des entreprises fabriquant ou utilisant de l'amiante, elles ont cependant été amenées à en faire manipuler par leurs préposés lors des opérations de chargement ou de déchargement des navires ou au cours d'autres opérations de manutention ;
qu'il résulte du rapport du comité paritaire d'hygiène et de sécurité-manutention portuaire produit aux débats et dont la teneur n'est pas discutée, qu'entre 1965 et 1998, environ 243 307 tonnes d'amiante ont transité par le port, soit en vrac de 1960 à 1980, soit en sacs de jute ou de papier soit ensuite en containers ; que toujours selon ce rapport,. aucun poste de travail ne peut être certain d'avoir échappé au risque : dockers de bord, de terre, chauffeurs, grutiers, pointeurs, chefs d'équipe, contremaître, chefs de service, personnel d'entretien et mécaniciens " ;
que pour ce qui concerne plus particulièrement les sociétés en cause, les allégations de la société INTRAMAR sont démenties par l'attestation de Edouard B... employé en qualité de contremaître et chef d'équipe par les sociétés INTRAMAR et SOMOTRANS de 1956 à 1988 qui indique le 12 avril 2011 : " j'ai dirigé des équipes de dockers sur des travaux de déchargement de navires d'amiante soit en vrac ou en sac de jute ou en papier ; les sacs de jute étaient poreux et laissaient échapper la poussière d'amiante ; les sacs en papier se déchiraient à la manipulation ; nous mettions les sacs sur palettes... De nombreux sacs se déchiraient et à la fin des opérations nous ramassions le vrac au sol avec des balais et des pelles pour remplir les bennes... les sacs d'amiante restaient pendant une durée indéterminée dans les hangars et la poussière volait dans les courants d'air et au passage des engins, tous les dockers qui travaillaient à proximité les respiraient sans avoir connaissance du danger... on peut dire que jusqu'en 1993, tous les dockers ont manipulé l'amiante " ;
que par ailleurs cette attestation est confortée par celles de Jean-Claude Y... et Roger A..., citées ci-dessus et suffisamment circonstanciées quant au type d'exposition et à sa durée dans le temps ; que l'ensemble des ce attestations est à rapprocher de celle établie par le docteur Guy C... médecin de la manutention portuaire selon lequel :. Sur le port de Marseille-Fos, l'amiante a transité sous forme de vrac et autre conditionnement à partir de 1957 puis en conteneur jusque dans les années 2000... les différentes formes de conditionnement, de transport et de manutention se révèlent aussi dangereuses les unes que les autres quant aux conséquences sur la santé des salariés ; les ouvriers dockers transportaient directement les sacs d'amiante à l'aide de crochets pour les tirer et inhalaient les fibres d'amiante ; parfois le minerai était déchargé directement des navires en vrac puis était manutentionné à la benne et à la pelle ; les conducteurs d'engins entreposaient ces sacs à l'intérieur des hangars (espaces confinés) ou les stockaient dans des wagons ouverts à proximité directe des navires... " ;
que les sociétés en cause ne produisent aucun élément venant contredire le contenu des documents versés aux débats par Joseph X... ;
que même si le niveau quantitatif de manipulation de l'amiante reste faible par rapport au volume global de trafic du port de Marseille (- de 0, 1 %), la répétition de ce type de manipulation sur une durée importante soit plus de vingt ans pour ce qui concerne Monsieur D..., crée le caractère habituel exigible d'une exposition au risque, dès lors que ce produit est entreposé sous différentes formes qui en tout état de cause impliquent a minima, un environnement général et constant de travail dans un milieu toxique dû aux poussières résiduelles (à bord ou à quai) résultant de la manipulation de sacs y compris du fait éventuel d'autres sociétés (86 entreprises d'aconage ayant exercé de 1957 à 1993) travaillant à proximité immédiate, ce qui reste sans incidence sur l'obligation faite à l'employeur de préserver la santé de ses salariés, même occasionnels ;
que Joseph X... établit donc qu'il a été exposé à l'amiante de façon habituelle alors qu'il travaillait pour le compte des sociétés en cause ;
Sur la conscience du danger
que, comme le soutient Joseph X..., les dangers de l'amiante sont connus depuis plusieurs décennies et ont donné lieu par le décret du 3 octobre 1951 à la création du tableau n° 30 propre à l'abestose, fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation des poussières d'amiante ; que les travaux mentionnés comme susceptibles de provoquer ces maladies étaient. travaux exposant l ‘ inhalation de poussières d'amiante et notamment cardage, filature et tissage de l'amiante " ;
que les sociétés de manutention portuaire n'utilisaient pas l'amiante comme matière première pour leurs propres activités et ne participaient pas à l'activité industrielle de fabrication ou de transformation de l'amiante ; qu'elles procédaient uniquement à une manipulation de divers produits dont l'amiante ;
que par ailleurs, les travaux et rapports de scientifiques français et étrangers ne peuvent suffire à établir la preuve de la nécessaire conscience du danger pour chacune des entreprises concernées, laquelle doit être caractérisée par des éléments objectifs et implique la démonstration d'un manquement ;
qu'au vu de l'ensemble des pièces versées aux débats, il apparaît acquis qu'aucun document antérieur à 1999, provenant d'organismes professionnels ouvriers ou patronaux, de la médecine de prévention, du port organe de coordination et de police ou de tout autre organe interne à la profession, n'a été produit, permettant de pointer le risque dont l'évidence a été exposée lors de la mise en place d'un dispositif d'allocation ACAATA aux dockers, notamment à propos de la détermination des conditions d'accès au dispositif (condition liée à la manipulation de sacs) ;
qu'enfin, s'agissant de la période antérieure à 1977, rien ne permet, si l'on se replace à la période à laquelle la victime a pu être au contact des substances incriminées, en l'état des connaissances scientifiques de l'époque et surtout de l'absence de preuve de leur diffusion à des entreprises de ce type, de retenir que ses employeurs successifs avaient ou auraient dû avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé ;
qu'en revanche, à compter de 1977, les entreprises se sont trouvées soumises au décret 77-949 du 17 août 1977 qui a mis à leur charge diverses obligations, résultant de la manipulation ou de l'utilisation de l'amiante à l'air libre dans des locaux ou sur des chantiers et dont les dispositions des articles 4 8 et 9 apparaissent directement applicables à l'entreprise d'acconage en raison du caractère occasionnel, et de courte durée de la manipulation par les dockers ou les conducteurs d'engins ;
que s'ajoute à cette réglementation nationale une réglementation internationale spécifique aux entreprises d'acconage, issue de l'application de l'article 4 de la Convention OIT n° 152 portant Convention sur la sécurité et l'hygiène dans la manutention portuaire, adoptée le 25 juin 1979, entrée en vigueur le 05 décembre 1981 et transposée en droit interne par le décret 86-1274 du 10 décembre 1986 ;
que ces réglementations pouvaient ou auraient dû être connues d'entreprises normalement informées des obligations juridiques nationales comme internationales ; qu'aucun élément du débat ne vient d'ailleurs réfuter ces points alors même que les primes de salissures dont bénéficiait le docker intègrent une notion de dangerosité des produits manipulés ;
qu'en conséquence de ce qui précède, il apparaît que les entreprises en cause, auraient dû avoir conscience du danger représenté par l'amiante ne serait-ce que par l'obligation d'affichage (article 18 du décret) d'un plan de prévention et l'obligation de prévenir l'organisme de contrôle, en l'occurrence le Bureau de Prévention du PAM, du fait de la manipulation d'amiante (article 10) ;
Sur l'absence de mesures nécessaires à la protection des salariés
que les attestations précédemment citées font toutes état de l'absence de mesures de protection individuelles au cours de la manipulation des sacs contenant de l'amiante ; qu'il s'agit notamment de celles de Jean-Claude Y... : nous avons manipulé des sacs d'amiante sans aucune protection dans le déchargement des navires pour assurer notre sécurité, et Roger A... : nous travaillions l'amiante comme toute autre marchandise diverse sans aucune protection spéciale (vestimentaire ou maque) mais aussi aucune information sur le risque de ce produit là ; cette marchandise avait un emballage en toile de jute qui dégageait beaucoup de poussière dans la cale du navire ou sous hangar ;
que les entreprises concernées n'établissent nullement qu'elles avaient mis à disposition des salariés les moyens de protection individuelle ;
que le fait que les dockers travaillaient en plein air ne constitue pas une cause exonératoire, dès lors que l'aconier est responsable du transbordement et donc de l'intervention dans les cales puis à quai sous les hangars de stockage des produits transbordés
qu'enfin, s'agissant de la force majeure invoquée, il conviendra de ne pas confondre les rapports existants entre les entreprises d'aconage et leur autorité de tutelle ou de gestion du port et ceux existant entre l'employeur et le salarié, étant en outre précisé que le silence des autorités portuaires et des organismes représentatifs n'est pas de nature à exonérer l'employeur des obligations issues des textes applicables ;
que la société UPA ne comparaissant pas ne formule aucune critique à l'encontre du jugement entrepris ;
que les société UPA et INTRAMAR ont bien commis une faute inexcusable à l'origine de la maladie de Joseph X... ;
ET AUX MOTIFS, SUR LA REPARATION DES PREJUDICES, QUE le diagnostic des plaques pleurales a été posé alors que Monsieur X... était âgé de 64 ans ; qu'actuellement âgé de 71 ans ; il se plaint de difficultés respiratoires et de douleurs thoraciques ; que le taux d'IPP a été fixé à 5 % ;
qu'il présente également une anxiété légitime de l'évolution vers des formes plus graves de sa maladie, renforcée par un sentiment d'injustice lié à l'irrévocabilité de celle-ci ;
que les activités habituelles d'un homme de son âge sont restreintes du fait de sa maladie ;
qu'eu égard à ces éléments, la Cour considère que l'appréciation faite par le premier juge de l'indemnisation des préjudices de Monsieur X... est parfaitement justifiée et doit être confirmée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'employeur est tenu à l'égard de ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat ; que tout manquement à cette obligation constitue une faute inexcusable lorsque l'employeur a exposé son salarié à un danger dont il avait ou dont il aurait eu dû avoir conscience, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour le protéger ;
qu'en l'espèce que le demandeur expose qu'il a été employé en qualité de docker sur e port de Marseille de 1963 à 1995 pour le compte de diverses entreprises de manutention et notamment pour le compte des sociétés INTRAMAR et UPA ;
qu'il a pendant toute sa carrière, été massivement exposé à l'inhalation de poussières d'amiante et n'a jamais bénéficié d'aucune protection individuelle, de même qu'il n'a jamais été informé des risques et des dangers encourus par la manipulation de l'amiante ;
qu'il a effectué une déclaration de maladie professionnelle, des plaques pleurales ayant été diagnostiquées ;
que cette pathologie a été prise en charge le 16 décembre 2006 par la CPCAM au titre de la législation sur les maladies professionnelles ;
que la société INTRAMAR fait valoir qu'elle ne pouvait pas avoir conscience du danger étant donné qu'elle n'est qu'une société utilisatrice de l'amiante, mais ne fabrique ni ne commercialise des produits à base d'amiante ;
que toutefois qu'il ressort de plusieurs attestations versées aux débats, émanant d'anciens dockers, que Monsieur X... a procédé habituellement au chargement et au déchargement de sacs contenant de l'amiante sans bénéficier d'aucune protection ;
que la nocivité de l'amiante a été médicalement constatée et décrite dès le début du 20ème siècle ;
que suivant décret du 31 août 1950, le tableau n° 30 des maladies professionnelles a été institué pour reconnaître les pathologies liées à l'amiante comme maladies professionnelles ;
que les sociétés INTRAMAR et UPA, toutes deux visées dans les attestations, n'ont pu ignorer, compte tenu du caractère habituel de la manutention de l'amiante sur le port de Marseille (site figurant sur la liste de ceux ouvrant droit à l'allocation des travailleurs de l'amiante), les risques encourus par leur salarié ;
qu'elles ont omis de prendre les mesures nécessaires pour le protéger ;
qu'il y a donc lieu de reconnaître la faute inexcusable des employeurs attraits dans la cause ;
sur les réparations,
qu'il convient d'ordonner la majoration, au maximum prévu par la loi, du capital servi à la victime ;
que pour le surplus, au vu des pièces médicales produites, de l'age de la victime, de la nature et du degré de gravité de sa pathologie, il convient de lui allouer les réparations suivantes : souffrances physiques et morales endurées 17 000 € ; préjudice d'agrément : 3 000 € ;
ALORS D'UNE PART QU'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en protéger ; que l'exposition à l'amiante, pour constituer un danger pour le salarié dont l'employeur doit avoir conscience, doit être non seulement habituelle mais aussi significative ; qu'ainsi, l'article 2 du décret n° 77-949 du 17 août 1977 précise, dans sa rédaction initiale, que la concentration moyenne en fibres d'amiante de l'atmosphère inhalée par un salarié pendant sa journée de travail ne doit pas dépasser deux fibres par centimètre cube, seules étant considérées les fibres de plus de cinq microns de longueur, de trois microns au plus de largeur et dont le rapport longueur/ largeur excède trois ; que ce décret a été modifié à deux reprises pour abaisser les seuils et les mettre en harmonie avec des valeurs limites retenues par des directives européenne et notamment par le décret n° 87-232 du 27 mars 1987 qui fixe les seuils à 1f/ ml pour toutes les variétés d'amiante sauf l'amiante bleue et 0, 8 f/ ml en moyenne sur huit heures de sorte que la Cour d'appel, qui a constaté que le niveau quantitatif de manipulation de l'amiante était inférieur à 0, 1 % du volume global du trafic du port de Marseille réparti entre 86 entreprises d'aconage et cependant énoncé que la société Intramar aurait dû avoir conscience du danger auquel elle exposait son salarié sans rechercher, notamment par référence aux seuils fixés par le décret du 17 août 1977 modifié, si le salarié avait été exposé à un risque significatif, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2 du décret n° 77-949 du décret du 17 août 1977, tel que modifié par le décret n° 87-232 du 27 mars 1987,
ALORS D'AUTRE PART QUE la maladie professionnelle doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve que cette affection doit être imputée aux conditions de travail de l'assuré au sein des entreprises précédentes si bien qu'en considérant que la maladie professionnelle dont était atteint le salarié résultait de la faute inexcusable des sociétés Intramar et Upa sans même distinguer laquelle de ces deux sociétés avaient été le dernier employeur du salarié, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1147 du Code civil et L. 452-1 du Code de la sécurité sociale,
ALORS ENFIN QUE par des écritures demeurées sans réponse, la société Intramar faisait valoir qu'elle n'avait jamais connaissance de la marchandise déchargée, qui était seule connue du transporteur maritime, ce dont il résultait qu'elle ne pouvait être avertie de la situation de danger et donc avoir conscience du danger ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant de nature à démontrer que la société Intramar ne pouvait avoir conscience du danger, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile. Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 11-28761
Date de la décision : 25/04/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 25 octobre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 25 avr. 2013, pourvoi n°11-28761


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.28761
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