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19/06/2013 | FRANCE | N°12-15312

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 juin 2013, 12-15312


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2012), que Mme X... a été engagée par la société Stryker France le 2 juin 2008 en qualité de « responsable arthroscopie » ; que soutenant faire l'objet d'un harcèlement moral, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail et à la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes ; qu'en cours de procédure, la salariée a été licenciée pour inaptitude par lettre du 23 mars 201

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Sur le premier moyen et sur le second moyen pris en ses deux premiè...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2012), que Mme X... a été engagée par la société Stryker France le 2 juin 2008 en qualité de « responsable arthroscopie » ; que soutenant faire l'objet d'un harcèlement moral, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail et à la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes ; qu'en cours de procédure, la salariée a été licenciée pour inaptitude par lettre du 23 mars 2010 ;

Sur le premier moyen et sur le second moyen pris en ses deux premières branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le second moyen pris en sa troisième branche :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du contrat de travail à ses torts avec effet au 18 mars 2010 et de le condamner au paiement de diverses sommes à ce titre, alors, selon le moyen, qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la salariée a été licenciée pour inaptitude le 23 mars 2010 ; que, dès lors, en prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail au 18 mars 2010, date de la notification de son licenciement pour inaptitude, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le vice allégué par le moyen procède d'une erreur purement matérielle dont la rectification sera ci-après ordonnée ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Vu l'article 462 du code de procédure civile :

Rectifie les motifs et le dispositif de l'arrêt attaqué ;

Dit que la résiliation du contrat de travail est prononcée avec effet au 23 mars 2010 ;

Condamne la société Stryker France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Stryker France et la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Stryker France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la salariée a été victime de faits de harcèlement moral et d'avoir en conséquence condamné l'employeur à verser à la salariée les sommes de 3.000 € à titre d'indemnité pour harcèlement moral et 1.000 € pour violation de l'obligation de sécurité de résultat ;

AUX MOTIFS QUE rappelant les dispositions de l'article L.1152-1 du code du travail aux termes desquelles … Petra X... explique qu'un an après son embauche, elle a été mise à l'écart de son secteur géographique de manière insidieuse par Stéphane Z... qui y «a placé un de ses bras droit (...) dans le seul but de (l')évincer de la réalisation des ventes en court-circuitant les relations entretenues avec les clients n'hésitant pas à la discréditer (...) en se présentant chez ses clients habituels sans la prévenir, en refusant ou en retardant la validation de ses commandes, en fixant des RDV aux clients sans la prévenir... en livrant les commandes à des moments non convenus entre les parties,... en faisant de la rétention systématique d'informations... en affichant un mépris systématique à l'égard du travail réalisé» ; qu'à l'appui de ses dires, elle verse aux débats différents échanges de courriels établissant les difficultés qu'elle a rencontrées à la suite des multiples interventions d'Olivier A... (salarié mis en place par Stéphane Z... ) sur son secteur s'agissant de plusieurs clients et notamment du «Centre Hospitalier d'Evry, la réticence de Stéphane Z... pour valider certaines commandes à l'origine du mécontentement de certains clients, les remarques méprisantes, les tentatives pour l'isoler de ses collègues de travail, faits confirmés par une première attestation de Fabien B... qui indique que « Petra a été volontairement mise en difficulté par son supérieur hiérarchique, afin de la rendre vulnérable et ainsi créer « artificiellement » des motifs de licenciement et un climat de mal-être permanent dam son travail quotidien » ; que ce témoin précise que Stéphane Z... est intervenu pour tenter de nuire à la bonne relation de Petra X... avec ses clients et avec ses collègues sollicitant qu'ils s'approprient «ses affaires » ; qu'il évoque la rétention d'information qu'il faisait et l'accuse d'avoir « même détourné la véracité des faits afin de mettre Petra en position difficile moralement et professionnellement» ; qu'un autre salarié de la société STRYKER rapporte dans une attestation établie le 27 mai 2010 alors qu'il occupait la fonction de responsable commercial Arthroscopie pour la région Nord au sein de la même division que Petra X..., qu'il a dénoncé des faits et agissements de ses supérieure hiérarchiques et notamment ceux de Stéphane Z... et d'Olivier A... qui avaient tenu des propos agressifs à l'encontre de sa collègue, en précisant qu'il avait tardé à témoigner, «par peur des représailles, comme beaucoup de collègues qui subissent actuellement les mêmes agissements décriés par Mme X... (..)» ; qu'il précise que Stéphane Z... et Olivier A... ont indiqué à plusieurs reprises « Petra est nulle », il est temps de s'en séparer», ajoutant que ce dernier a tenu des propos beaucoup plus grossiers : « C'est une connasse blonde », «une grosse conne... » et que tous deux ont mis à l'écart Petra X..., affirmant «lors d'une soirée «autour d'un verre» que « les jours de Petra sont comptés» ; que ces agissements ont gravement altéré l'état de santé de Petra X..., qui a dû cesser le travail pour maladie une première fois du 24 avril au 22 mai 2009 avant d'être victime d'une rechute le 12 juin 2009, le certificat médical établi le 4 décembre 2009 par le docteur C... confirmant que celle-ci a été soignée à partir du mois de juin 2009, pour une dépression réactionnelle à un stress professionnel et à des conditions de travail décrites comme un harcèlement moral, étant précisé que le médecin du travail l'a déclarée le 5 février 2010 « inapte à tout poste de l'entreprise » avec la mention « Danger immédiat (Art L.4624-31 CT) une seule visite pas de mesure individuelle proposée (Art L 4624-1 CT) » ; qu'alertée à plusieurs reprises par Petra X... sur ces faits de harcèlement dont elle était victime, la société STRYKER les a, d'abord contestés en indiquant notamment à sa salariée le 22 mai 2009 «J'ai vérifié l'ensemble des points évoqués par vos soins et constate qu'aucun fait de harcèlement moral n'est établi avant de décider» à la suite du droit d'alerte déposé par les représentants du personnel en application des dispositions de l'article L.4121-1 du code du travail après l'entretien intervenu le 8 juin 2009 entre Petra X... et Frédéric D..., responsable de la direction des ressources humaines, de procéder, dans un second temps, au licenciement pour faute grave de Stéphane Z... aux motifs suivants « Comportement inadmissible avec certains salariés de vos équipes » ainsi que « Plaintes à votre encontre pour harcèlement moral » ; que dans la lettre de licenciement du 1er juillet 2009, la société STRYKER rappelle à Stéphane Z... que depuis le début de l'année 2009, date de mise en place d'une nouvelle organisation lui ayant donné les fonctions de directeur national des ventes pour la gamme arthroscopie rattachée à l'Europe, il avait multiplié des contraintes répétitives et les attitudes vexatoires auprès de certains membres de (ses) équipes» et en évoquant la situation de Petra X..., lui reprochait son «attitude irresponsable » à l'égard de cette salariée en précisant : « Nous vous avions demandé, tout en vous défendant au mieux, d'être particulièrement attentif à sa situation fragile lors de son retour le 8 Juin dernier. Vous n'avez rien trouvé de mieux que de poursuivre ces pressions inacceptables en multipliant les contraintes inutiles. Madame X... nous a indiqué que vous n'avez pas cessé votre acharnement contre sa personne et qu'au contraire celui-ci s'amplifie depuis son retour dans l'entreprise» ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Petra X... a été victime des agissements de harcèlement de la part de son supérieur hiérarchique, Stéphane Z..., le seul fait qu'un accord transactionnel soit intervenu postérieurement au licenciement pour faute grave de celui-ci était insuffisant pour retenir que les griefs formés à son encontre n'étaient pas fondés ; qu'il est également établi qu'en refusant de prendre les mesures nécessaires pour éviter ces agissements dès qu'elle en a été informée, la société STRYKER a manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

ALORS QUE le salarié qui se prétend victime de harcèlement moral doit établir la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement qu'il appartient au juge d'apprécier afin de déterminer si ceux-ci permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral écartée par le Conseil de Prud'hommes, la Cour d'appel a visé « différents échanges de courriels » avec M. Z..., la réticence de ce dernier à valider « certaines » commandes, « des » remarques méprisantes, « des » tentatives d'isolement, « des » propos agressifs, voire des propos grossiers mais dont rien n'indique qu'ils aient été tenus en présence de la salariée ; qu'en s'en tenant ainsi à une analyse générale des éléments produits aux débats par la salariée sans établir plus précisément le contenu des mails litigieux ou la nature des propos ou des manoeuvres dénoncés comme laissant présumer l'existence du harcèlement allégué, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS QU'il incombe au juge d'analyser les explications avancées par l'employeur afin de prouver que les agissements permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait que les nombreux éléments versés aux débats par la salariée, et notamment les courriers électroniques, traduisait la simple mise en oeuvre du pouvoir de direction exercé par un supérieur hiérarchique envers une subordonnée dont les résultats n'étaient pas satisfaisants et a précisément répondu à chacune des allégations de Mme X... concernant tant les interventions de M. A... sur son secteur (centre d'Evry), que la validation des commandes ou encore le mécontentement des clients ; qu'en se contentant de prendre en considération l'argumentation de Mme X..., sans aucunement analyser les explications fournies par l'employeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail ;

ALORS QUE l'obligation de sécurité à la charge de l'employeur ne lui impose pas d'agir sans délai et sans enquête en présence d'allégations de harcèlement qui sont contredites par d'autres éléments ; qu'en l'espèce il résulte des propres constatations de l'arrêt que, si, dans un premier temps, l'employeur a procédé à une vérification qui ne lui a pas permis d'établir l'existence d'agissements de harcèlement moral de la part de M. Z... sur la personne de Mme X... (courrier du 22 mai 2009), dans un second temps, l'employeur a très rapidement pris la décision, après un entretien avec la salariée le 8 juin 2009, de licencier pour faute grave son supérieur hiérarchique dès le 1er juillet 2009 ; que de plus le certificat médical attestant que la salariée a été soignée à partir du mois de juin 2009, pour une dépression réactionnelle à un stress professionnel et à des conditions de travail décrites comme un harcèlement moral n'a été établi que cinq mois plus tard, le 4 décembre 2009 ; qu'en reprochant à l'employeur d'avoir refusé de prendre les mesures nécessaires pour éviter ces agissements dès qu'il en a été informé, la Cour d'appel a violé les articles L.1152-1, L.1152-4 et L.4121-1 du Code du travail ;

ALORS QU'en tout état de cause, il ne pouvait y avoir de cumul de réparation entre les sommes de 1.000 euros au titre du manquement à l'obligation de sécurité de résultat et de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du harcèlement moral subi, qui réparaient les conséquences d'une même faute ; qu'en accordant cette double réparation, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil, L.1152-1, L.1152-4 et L.4121-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur avec effet au 18 mars 2010, et d'avoir condamné l'employeur à verser à la salariée les sommes de 9.891 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 989,10 € de congés payés y afférents, 800 € à titre d'indemnité de licenciement et 19.712 € à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

AUX MOTIFS QUE il convient de rappeler que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son de travail en raison de faite qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à être à son service, et que ce dernier engage ultérieurement une procédure de licenciement, le juge doit d'abord rechercher si la résiliation du contrat était justifiée et seulement ensuite, si il y a lieu, examiner le bien fondé de la rupture par l'employeur ; que tel est le cas en l'espèce, Petra X..., ayant, après avoir demandé à son employeur aux termes de deux, courriers des 6 et 25 mai 2009 de faire cesser les agissements de harcèlement dont elle se plaignait de la part de Stéphane Z..., saisi le conseil de prud'hommes de Fontainebleau le 25 juin 2009 aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail, avant d'être licenciée pour inaptitude le 23 mars 2010, soit neuf mois plus tard et postérieurement au jugement déféré ; que les faits de harcèlement moral dont a été victime Petra X... et l'absence de réaction initiale de la société STRYKER qui contestait l'existence des agissements de Stéphane Z... dénoncés par sa salariée, constituant un manquement grave à ses obligations contractuelles justifient que soit prononcée à ses torts la résiliation judiciaire du contrat de travail, avec effet au 18 mars 2010, date de la notification de son licenciement pour inaptitude ; que cette résiliation produisant les effets d'un licenciement nul comme résultant de faits harcèlement moral, il n'y a pas lieu d'examiner les motifs invoqués par la société STRYKER au soutien du licenciement diligenté en cours d'instance ;

ALORS QUE la cassation, à intervenir sur le premier moyen, en ce que l'arrêt a retenu que la salariée avait été victime de faits de harcèlement moral, emportera cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur avec effet au 18 mars 2010 en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE pour apprécier le caractère fondé ou non d'une demande en résiliation judiciaire, le juge doit se placer au jour où il statue ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que, si la salariée, licenciée pour inaptitude le 23 mars 2010, a saisi le conseil de prud'hommes le 25 juin 2009 aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail suite au harcèlement dont elle se prétendait victime de la part de Stéphane Z..., celui-ci a été lui-même licencié le 1er juillet 2009 ; que, dès lors, en retenant que la demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur était justifiée, sans s'expliquer sur le fait que le harcèlement moral exercé par M. Z... sur la salariée avait nécessairement cessé depuis l'introduction de la demande par le licenciement de son supérieur hiérarchique, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1152-1, L.1152-4 et L.4121-1 du Code du travail ;

ALORS QU'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la salariée a été licenciée pour inaptitude le 23 mars 2010 (arrêt p.4, §7) ; que, dès lors, en prononçant, la résiliation judiciaire du contrat de travail, au 18 mars 2010, date de la notification de son licenciement pour inaptitude (arrêt p.5, §1 et dispositif), la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-15312
Date de la décision : 19/06/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 jui. 2013, pourvoi n°12-15312


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.15312
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