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03/07/2013 | FRANCE | N°12-16097

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 juillet 2013, 12-16097


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 janvier 2012), que Mme X..., salariée de la société Arès, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 17 novembre 2008 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour voir juger que la rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes ; que la société Arès a été placée en liquidation judiciaire par jugFement du 29 novembre 2010, M. Y.

.. étant nommé liquidateur ;
Attendu que la salariée fait grief à l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 janvier 2012), que Mme X..., salariée de la société Arès, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 17 novembre 2008 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour voir juger que la rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes ; que la société Arès a été placée en liquidation judiciaire par jugFement du 29 novembre 2010, M. Y... étant nommé liquidateur ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes ;
Mais attendu que le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont retenu que les manquements invoqués par la salariée ne justifiaient pas une prise d'acte de la rupture ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Séverine X... de ses demandes tendant à la fixation au passif de la société ARES en liquidation des sommes de 9. 198 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 919, 80 euros au titre des congés payés y afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à la remise d'une attestation POLE EMPLOI, d'un certificat de travail et d'un bulletin de paie rectifié, et d'avoir condamné Madame Séverine X... au paiement de la somme de 9. 198 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

AUX MOTIFS QU'il convient au préalable de qualifier la rupture du contrat de travail, les parties étant en désaccord sur ce point ; qu'à l'appui de sa demande de prise d'acte, Séverine X... invoque principalement les lettres datées du 30 octobre 2008 et du 17 novembre 2008 qu'elle a envoyées à son employeur, restées sans réponse ; que la lettre datée du 30 octobre 2008 est notamment rédigée en ces tenues : « je constate que depuis trois mois l'entreprise ARES n'est plus en mesure de me fournir du travail en raison des bouleversements intervenus. En mars 2008, vous avez décidé de vendre à la société 2 GAMMA une petite partie des offres ARCOLLE (....) en raison de cette cession partielle, je me trouve confrontée à une situation telle que mon contrat de travail n'a finalement plus aucun sens, et je déprime (...). depuis la fin du mois de juillet, et cela dure depuis trois mois, ma hiérarchie ne me donne strictement rien à faire (...) cette situation est devenue pour moi insupportable et me pousse à la dépression (..,) on continue à me laisser « au placard » sans aucune considération pour ma personne, ma hiérarchie refusant d'admettre que venir tous les matins pour ne rien faire dans la journée est pour moi très pénible (,,.) on me laisse dans un coin comme une plante d'appartement (,..). certains responsables s'expriment (...) en me faisant comprendre que l'on attend ma « démission » avec impatience (...) je m'adresse à vous, puisque vous êtes le patron, pour vous demander officiellement de me fournir un travail à effectuer car franchement cela devient insupportable psychologiquement de subir cette situation au jour le jour à la vue de tout le personnel, dans les locaux d'ARES. » ; qu'il en résulte que tout en faisant des reproches à son employeur, Séverine X... y réfute toute démission et n'invoque pas de prise d'acte, souhaitant au contraire poursuivre la relation de travail ; que la lettre datée du 17 novembre 2008 est rédigée en ces termes : « L'attitude de M. Christophe Z..., et cette manière qu'il a de nier effrontément la réalité quand cela l'arrange, sont inadmissibles pour qui, comme moi, fait l'effort de venir tous les jours depuis avril (7 mois !), pour attendre dans un bureau qu'on lui donne enfin un travail durable à réaliser et qui corresponde, pour ce qui me concerne, à mes compétences. Ce que cela me coûte nerveusement devient trop important pour que je continue à supporter cette mise à l'écart. M. Z...se moque délibérément de moi et d'une manière ouverte depuis vendredi dernier, fabriquant (avant de me recevoir) un compte rendu d'entretien (complété en deux petites minutes !) qui ne correspond à rien de vrai, mais je comprends que vous ne trouviez pas le temps, en raison des circonstances, de mettre un terme à ce que je supporte au fil des jours comme une agression morale permanente dans le but de provoquer une séparation que ma hiérarchie espère profitable pour l'entreprise. A l'inspection du travail, ils disent que cela est de la compétence des juges du prud'homme ou de la médecine du travail, et je veux bien le croire. Il est vrai que l'on voit mal comment vous pourriez désavouer M. Z...publiquement, ni créer un « travail » à me donner à faire ; mais d'un autre côté, je ne tiens pas à risquer plus gravement ma santé. En tout cas, votre silence depuis que je vous ai fait part des méthodes de M. Z...m'incite à prendre acte des choix de l'entreprise en ce qui me concerne, mais contrairement aux voeux exprimés par ma hiérarchie, il ne saurait être question de « démission », le choix qui m'est imposé étant le fait de la société ARES qui ne veut pas respecter ses engagements à mon égard et qui persiste dans cette entreprise de déstabilisation. Je suis désolée de devoir en arriver là, mais j'ai une famille et deux enfants à charge, et il n'y a aucune raison pour que je continue à supporter dans ma vie privée les contrecoups de cette situation que l'on m'impose alors même que je ne l'ai pas méritée » ; qu'il est avéré et non contesté que Séverine X... ne s'est plus présentée postérieurement à l'envoi de cette seconde lettre. Il ressort des termes de cette lettre qu'elle ne peut être qualifiée de démission, claire et non équivoque, puisque Séverine X... relate plusieurs manquements de son employeur, ressentis comme une agression morale permanente dans le but de provoquer une séparation, et en prend acte ; qu'il s'agit donc d'une lettre de prise d'acte de la rupture nonobstant l'objection de l'employeur, la saisine postérieure du Conseil de Prud'hommes ayant implicitement mais nécessairement pour objet de demander à la juridiction de voir dire que/ la prise d'acte de la rupture aura les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes les conséquences en résultant ; qu'en cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à rencontre de l'employeur ; que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; que le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit ; qu'en l'espèce, Madame X... affirme que les griefs invoqués au soutien de sa prise d'acte sont suffisamment graves pour justifier que la rupture de la relation contractuelle soit imputée à l'employeur et produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'employeur n'ayant pas respecté son obligation de fournir un travail, ce que contestent la société ARES, son liquidateur judiciaire et l'AGS ; qu'elle explique que la cession de l'activité ARCOLE 3 G RH à une autre entreprise fin mars 2008 l'a privée de l'essentiel de ses fonctions de Consultante au sein de la cellule qualité ARCOLE et avoir fait l'effort de se présenter chaque jour sur son lieu de travail, alors que la situation lui était plus que pénible puisqu'elle n'avait strictement rien à faire ; qu'elle soutient en outre que malgré ses avertissements, lors d'un entretien du 23 octobre puis dans sa lettre 30 octobre 2008, la société ARES n'a rien fait pour améliorer la situation, allant jusqu'à organiser un entretien le 7 novembre 2008, à l'issue duquel il lui a été demandé de signer un compte rendu pré-établi comportant des contre vérités manifestes ; qu'elle produit une ordonnance du Dr A..., médecin généraliste, en date du 7 novembre 2008 et un certificat médical attestant qu'elle « présente une dépression réactionnelle latente depuis 6 mois avec exacerbation clinique depuis 3 mois » ; que Séverine X... soutient en outre que l'employeur ne lui a fait aucune proposition réelle après l'avoir reçue à deux reprises, les 23 octobre et 7 novembre 2008 ; qu'indépendamment du contenu du compte rendu de l'entretien du 7 novembre, qu'elle remet en cause, et au terme duquel l'employeur exposait clairement ne pas souhaiter entrer dans une « logique de conflit », force est de constater qu'à l'issue de cet entretien, terminé à 11h10, l'employeur lui a fait une proposition par courriel du même jour, à 12h47, en ces termes : « suite à notre conversation, j'ai échangé avec Hervé B... (DMA) qui recherche un profil qualité pour effectuer les plans de qualification/ tests de l'APHP. Cette mission est très intéressante et répondrait parfaitement à tes attentes. Merci de prendre contact avec lui et me faire un retour rapidement » ; que Séverine X... n'a pas donné suite à cette demande de prise de contact ; que dès lors, la prise d'acte intervenue par la suite était pour le moins prématurée ; qu'il en résulte qu'elle produit les effets d'une démission, privant la salariée des indemnités qu'elle réclame et ouvrant droit au versement de l'indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 91986, non contesté, résultant de l'application de l'article L 1237-1 du code du travail ; que le licenciement prononcé postérieurement est par nature sans objet ; que l'examen des demandes subsidiaires de l'AGS est dès lors également sans objet.
ALORS QUE la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ; que le défaut de fourniture de travail pendant plus de sept mois justifie la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'en retenant qu'à l'issue du septième mois, l'employeur avait invité la salariée à prendre contact avec un autre salarié qui était susceptible de lui proposer une mission, pour dire que la prise d'acte de la rupture s'analysait en une démission, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.
ET ALORS en tout cas QU'en ne s'expliquant nullement sur les faits allégués antérieurs à cette dernière invitation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale aux regard des articles L 1231-1 et L 1235-1 et L 1237-1 du code du travail
QU'en ne s'expliquant pas plus sur la réalité et le sérieux de la prétendue offre faite le 7 novembre 2008 à Mme X... quand celleci les contestait expressément, la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de ces dispositions.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-16097
Date de la décision : 03/07/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 jui. 2013, pourvoi n°12-16097


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.16097
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