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23/01/2014 | FRANCE | N°12-35327

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 23 janvier 2014, 12-35327


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 30 octobre 2012), qu'Ernest X..., salarié de l'Etablissement français du sang (l'employeur) de 1969 à 1997, en qualité de laborantin, a été atteint d'une hépatite C chronique, diagnostiquée en 1986 ; qu'il est décédé le 20 novembre 1999 d'un carcinome hépato-cellulaire ; qu'après avoir été déboutée de son action en responsabilité civile dirigée contre cet employeur en raison des transfusions sanguines reçues par la victime en 1986, Mme X... a souscrit,

le 22 octobre 2007, une déclaration de maladie professionnelle auprès de la c...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 30 octobre 2012), qu'Ernest X..., salarié de l'Etablissement français du sang (l'employeur) de 1969 à 1997, en qualité de laborantin, a été atteint d'une hépatite C chronique, diagnostiquée en 1986 ; qu'il est décédé le 20 novembre 1999 d'un carcinome hépato-cellulaire ; qu'après avoir été déboutée de son action en responsabilité civile dirigée contre cet employeur en raison des transfusions sanguines reçues par la victime en 1986, Mme X... a souscrit, le 22 octobre 2007, une déclaration de maladie professionnelle auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain, devenue la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône (la caisse), que cette dernière a prise en charge au titre de la législation professionnelle ; que l'employeur a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire non prescrite la déclaration de maladie professionnelle et de confirmer la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie dont est décédé Ernest X..., alors, selon le moyen, que le point de départ du délai de prescription biennale en matière de maladie professionnelle doit être computé à partir de la date à laquelle la victime est informée du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle ; que l'information par voie d'un certificat médical présente un caractère supplétif dans l'hypothèse où ce lien a été établi antérieurement et que l'information de la victime est certaine, notamment en cas de dépôt d'un rapport d'expertise médicale judiciaire ; qu'en refusant de retenir comme point de départ de la prescription biennale, la date du dépôt du rapport d'expertise du professeur Y..., soit le 7 janvier 2004, après avoir constaté que ce rapport établissait que la contamination d'Ernest X... par le virus de l'hépatite C avait pu survenir lors de l'exposition aux risques professionnels dans son activité de laborantin, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 431-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'il résulte des articles L. 461-1 et L. 431-2 du code de la sécurité sociale que l'action en reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie peut être engagée dans le délai de deux ans qui suit la date à laquelle la victime ou ses ayants droit ont été informés par un certificat médical du lien possible entre la maladie et l'activité professionnelle ;
Et attendu qu'après avoir rappelé qu'au soutien de son moyen tiré de la prescription, l'employeur invoquait un rapport d'expertise médicale déposé dans le cadre d'une autre instance, l'arrêt retient que le texte de loi est clair et précis et renvoie uniquement à un certificat médical ; que Mme X... a souscrit la déclaration de maladie professionnelle le 22 octobre 2007 et versé un certificat médical initial daté du 28 novembre 2006 ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la demande en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Mme X... n'était pas prescrite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la pathologie dont est décédé Ernest X... correspond aux descriptions du tableau n° 45 B et de confirmer la prise en charge au titre de la législation professionnelle de cette pathologie, alors, selon le moyen, qu'il avait fait valoir dans ses conclusions d'appel qu'entre 1969 et 1997, soit pendant la période d'exposition possible au risque, Ernest X... était affecté au service de la Glacière avec pour mission la réception des produits qualifiés, la vérification de leur groupage, leur étiquetage et l'expédition de ces unités de sang qualifiées, observant qu'il ne manipulait que du sang sain ; qu'il ajoutait que durant cette période, Ernest X... n'avait déclaré aucun accident d'exposition au sang ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen de nature à exclure le caractère professionnel de la maladie dont Ernest X... était décédé, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé que la victime était décédée d'un carcinome hépato-cellulaire, qu'elle avait travaillé dans un établissement de transfusion sanguine de 1969 à 1997 comme laborantin et que la maladie avait été diagnostiquée en 1986 comme hépatite, ensuite comme hépatite C et enfin comme carcinome hépato-cellulaire, l'arrêt retient que toutes les conditions posées par le tableau des maladies professionnelles étaient satisfaites ; qu'il s'ensuit que l'origine professionnelle de la maladie est présumée ; que l'employeur qui ne produit aucune pièce sur les conditions de travail d'Ernest X... ne détruit pas la présomption d'imputabilité de la maladie à la profession ;
Que la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni à se prononcer sur une allégation dépourvue de justification, a ainsi répondu aux conclusions dont elle était saisie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Etablissement Français du sang aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'Etablissement Français du sang et le condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône la somme de 2 400 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour l'établissement Français du sang
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté l'EFS de son recours, d'avoir constaté que la déclaration de maladie professionnelle des ayants droit d'Ernest X... s'inscrit dans le délai imparti par les textes et confirmé la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie dont est décédé Ernest X... ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de la combinaison des articles L. 431-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale que la prescription biennale court, en matière de maladie professionnelle, à compter de «la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle» ; que dans le cadre de l'instance civile opposant les consorts X... à l'EFS, le professeur Y..., désigné en qualité d'expert par le tribunal, a rendu son rapport le 7 janvier 2004 ; qu'il a conclu que la contamination par le virus de l'hépatite C pouvait «être survenue tout au long de la vie du patient en particulier au Cameroun qui est une zone de plus forte endémie d'hépatite C que notre pays ou lors de l'exposition aux risques professionnels sanguins dans son activité de laborantin, situation très courante à la fin des années 1970, début des années 1980» ; que le jugement du tribunal de grande instance est du 24 août 2005 ; que le tribunal a débouté les consorts X... de leur action en responsabilité contre l'EFS à raison des transfusions sanguines pratiqués sur M. X... aux motifs que ce dernier était porteur de l'hépatite avant d'être transfusé ; que l'épouse de M. X... a souscrit la déclaration de maladie professionnelle le 22 octobre 2007 ; elle a versé un certificat médical initial daté du 28 novembre 2006 ; qu'au soutien de son moyen tiré de la prescription, l'EFS prétend que le rapport d'expertise médicale du professeur Y... a établi un lien médical entre la maladie et la profession ; que toutefois, le texte de loi est clair et précis et renvoie uniquement à un certificat médical ; que ce texte n'a pas à recevoir une interprétation extensive qui conduirait à le dénaturer comme le souhaite l'employeur ; qu'en conséquence, l'EFS doit voir rejeté son moyen tiré de la prescription ; que le jugement entrepris doit être confirmé ;
ALORS QUE le point de départ du délai de prescription biennale en matière de maladie professionnelle doit être computé à partir de la date à laquelle la victime est informée du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle ; que l'information par voie d'un certificat médical présente un caractère supplétif dans l'hypothèse où ce lien a été établi antérieurement et que l'information de la victime est certaine, notamment en cas de dépôt d'un rapport d'expertise médicale judiciaire ; qu'en refusant de retenir comme point de départ de la prescription biennale, la date du dépôt du rapport d'expertise du professeur Y..., soit le 7 janvier 2004, après avoir constaté que ce rapport établissait que la contamination d'Ernest X... par le virus de l'hépatite C avait pu survenir lors de l'exposition aux risques professionnels dans son activité de laborantin, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 431-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté l'EFS de son recours, dit que la pathologie dont est décédé Ernest X... le 20 novembre 1999 correspond aux descriptions du tableau 45 B et que l'intéressé a accompli dans le cadre de son emploi au centre de transfusion sanguine de Lyon puis de l'EFS Rhône Alpes entre 1969 et 1991 des travaux l'exposant aux produits biologiques d'origine humaine et aux objets contaminés par eux et confirmé la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie dont est décédé Ernest X... ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale présume «d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau» ; que le tableau n° 45 B des maladies professionnelles désigne comme maladie le carcinome hépato-cellulaire, fixe le délai de prise en charge à 30 ans et mentionne comme travaux susceptibles de provoquer la maladie les travaux exposant aux produits biologiques d'origine humaine et aux objets contaminés par eux effectués, entre autre, dans les établissements de transfusions sanguines ; que M. X..., souffrant d'une hépatite C, est décédé le 20 novembre 1999 d'un carcinome hépato-cellulaire ; qu'il a travaillé dans un établissement de transfusion sanguine de 1969 à 1997 comme laborantin ; que la maladie a été diagnostiquée en 1986 comme hépatite et ensuite comme hépatite C et enfin comme carcinome hépato-cellulaire ; qu'ainsi toutes les conditions posées par le tableau des maladies professionnelles sont satisfaites ; qu'il s'ensuit que l'origine professionnelle de la maladie est présumée ; que dès lors, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que la maladie a une cause étrangère au travail ; que l'EFS verse aux débats sept pièces, à savoir : la déclaration de maladie professionnelle, le rapport d'enquête administratif de la CPAM, la décision de reconnaissance de maladie professionnelle, la notification de la décision de la commission de recours amiable, le jugement du tribunal de grande instance de Lyon, un extrait des conclusions récapitulatives des consorts X... devant la cour d'appel de Lyon et un extrait du rapport de Claude Z... sur les droits des victimes ; qu'il ne produit aucune pièce sur les conditions de travail de M. X... ; que lors de l'enquête effectuée par la CPAM, l'inspecteur s'est rendu dans les locaux de l'EFS où travaillait M. X... ; que le représentant de l'employeur a déclaré à l'inspecteur : «J'émets des réserves et je vous envoie une réponse écrite sous quinzaine de jours en vous précisant ces réserves» ; que le courrier annoncé n'a jamais été adressé ; que dans ces conditions, l'EFS qui n'apporte aucune pièce ne détruit pas la présomption d'imputabilité de la maladie à la profession ;
ALORS QUE l'EFS avait fait valoir dans ses conclusions d'appel qu'entre 1969 et 1997, soit pendant la période d'exposition possible au risque, Ernest X... était affecté au service de la Glacière avec pour mission la réception des produits qualifiés, la vérification de leur groupage, leur étiquetage et l'expédition de ces unités de sang qualifiées, observant qu'il ne manipulait que du sang sain ; qu'il ajoutait que durant cette période, Ernest X... n'avait déclaré aucun accident d'exposition au sang (conclusions d'appel, page 13) ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen de nature à exclure le caractère professionnel de la maladie dont Ernest X... était décédé, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 12-35327
Date de la décision : 23/01/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Prescription - Point de départ - Certificat médical requis par l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale - Détermination - Portée

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Prescription - Prescription biennale - Délai - Point de départ - Détermination

Il résulte des articles L. 461-1 et L. 431-2 du code de la sécurité sociale que l'action en reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie peut être engagée dans le délai de deux ans qui suit la date à laquelle la victime ou ses ayants droit ont été informés par un certificat médical du lien posssible entre la maladie et l'activité professionnelle. Un rapport d'expertise, déposé dans une autre instance, ne constitue pas un tel certificat


Références :

article L. 431-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 30 octobre 2012

Sur la notion de "certificat médical" requis par l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, à rapprocher :2e Civ., 8 novembre 2012, pourvoi n° 11-19961, Bull. 2012, II, n° 183 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 23 jan. 2014, pourvoi n°12-35327, Bull. civ. 2014, II, n° 16
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, II, n° 16

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat général : Mme de Beaupuis
Rapporteur ?: Mme Olivier
Avocat(s) : SCP Boutet, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.35327
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