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05/02/2014 | FRANCE | N°12-25859

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 05 février 2014, 12-25859


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 juin 2012), que François X..., né en 1928, étant suivi depuis de nombreuses années par M. Y..., cardiologue, pour une arythmie intermittente, ce dernier lui a prescrit, à la fin de l'année 2005 et au début de l'année 2006, de la Cordarone, qu'à compter du printemps 2006, M. X... a présenté d'importantes difficultés respiratoires et a consulté un pneumologue qui a diagnostiqué une pneumopathie interstitielle, écrivant à M. Y... que cette pathologie étai

t imputable à la prise de Cordarone, que M. X... a été hospitalisé en déce...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 juin 2012), que François X..., né en 1928, étant suivi depuis de nombreuses années par M. Y..., cardiologue, pour une arythmie intermittente, ce dernier lui a prescrit, à la fin de l'année 2005 et au début de l'année 2006, de la Cordarone, qu'à compter du printemps 2006, M. X... a présenté d'importantes difficultés respiratoires et a consulté un pneumologue qui a diagnostiqué une pneumopathie interstitielle, écrivant à M. Y... que cette pathologie était imputable à la prise de Cordarone, que M. X... a été hospitalisé en décembre 2006 à la suite d'un infarctus, qu'il a revu à plusieurs reprises M. Y..., qui, à partir du 9 janvier 2007, lui a à nouveau prescrit de la Cordarone puis une radiographie pulmonaire, que le 7 février 2007, en raison d'une importante détresse respiratoire et sur les conseils de son kinésithérapeute, François X... a été hospitalisé en urgence à l'hôpital Cochin où il est décédé, le 2 mars 2007, des suites d'une infection nosocomiale ; que son épouse et ses héritiers ont recherché la responsabilité de M. Y... ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable, pris en ses deux branches :
Attendu que le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses trois branches :
Attendu que Mmes Isabelle, Danièle et M. Arnaud X..., (les consorts X...) font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes relatives à l'indemnisation du préjudice fiscal qu'ils auraient subi du fait de la faute commise par M. Y..., alors selon le moyen :
1°/ qu'en application de l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique, les héritiers du défunt dont la cause du décès résulte de la faute commise par le médecin traitant ont droit à la réparation de l'intégralité du préjudice directement et certainement subi en conséquence de la faute incriminée ; que constitue un tel préjudice la perte de chance avérée chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable ; qu'en l'espèce, les consorts X... avaient subi un préjudice fiscal résultant du décès prématuré de François-Régis X... cinq mois et 20 jours avant le vote de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et de la recherche, entrée en vigueur le 22 août 2007, dont l'article 8-XI a inséré dans le code général des impôts l'article 796-01 bis aux termes duquel « Sont exonérés de droits de mutation par décès le conjoint survivant et le partenaire lié au défunt par un pacte civil de solidarité » et dont l'article 8-IV a remplacé les trois premiers alinéas du I de l'article 779 du même code par un alinéa ainsi rédigé : « Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 150 000 ¿ sur la part de chacun des ascendants et sur la part de chacun des enfants vivants ou représentés par suite de prédécès ou de renonciation » ; que le décès prématuré de François X... a donc privé les consorts X..., soit au titre de veuve, soit à celui d'enfants du défunt, du bénéfice de l'événement favorable constitué par la réforme fiscale précitée ; qu'en outre, ils avaient fait valoir dans leurs conclusions d'appel que la note technique rédigée, le 1er juillet 2008, par M. Z..., qui était présent lors des opérations d'expertise, affirmait successivement que « l'espérance de vie de François X... était tout à fait normale et « superposable » à celle d'un homme âgé en bonne santé », que, s'agissant de l'insuffisance cardiaque modérée dont souffrait l'intéressé, « la mortalité ne survient qu'à la phase début de l'infarctus au cours de la première semaine (moins de 5 %). Au-delà, la courbe s'aplatit pour permettre un taux de survie à 80 % », et que « donc en l'absence de la réintroduction fautive de Cordarone, François X... serait de manière hautement probable toujours en vie en 2008 » ; qu'ainsi en refusant, par une pure pétition de principe, d'accorder l'indemnisation du préjudice fiscal certain et direct ainsi subi par les consorts X..., la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique ;
2°/ qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » ; qu'il résulte de ces dispositions, selon la jurisprudence pertinente du Conseil constitutionnel (en dernier lieu : C.C. n° 211-1767 QPC), qu'en principe, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que la faculté d'agir en responsabilité met en oeuvre cette exigence constitutionnelle ; que seules peuvent être admises des limitations ou des exclusions à ce principe constitutionnel justifiées par l'intérêt général et à condition qu'il n'en résulte pas une atteinte disproportionnée ni aux droits des victimes d'actes fautifs ni au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; qu'en refusant péremptoirement l'indemnisation du préjudice fiscal subi par les consorts X..., et sans expliciter le moindre motif d'intérêt général qui justifierait une telle limitation, portant ainsi une atteinte disproportionnée aux droits des victimes de l'acte fautif M. Y... et une atteinte au droit au recours juridictionnel effectif des consorts X..., la cour d'appel a méconnu l'article 4 de la déclaration de 1789 ;
3°/ qu'en écartant péremptoirement les demandes d'indemnisation des consorts X... au titre de leur préjudice fiscal, sans examiner les arguments de droit et de fait avancés par eux, dans leurs écritures d'appel, notamment, en ce qui concerne, d'une part, le caractère de disparition d'une éventualité favorable que constituait la possibilité pour les héritiers de François X... de bénéficier de l'exonération ou de l'atténuation des droits de succession prévue par la loi du 21 août 2007 susvisée compte-tenu de son décès prématuré résultant directement de la faute commise par M. Y..., et, d'autre part, de la bonne espérance de vie dont aurait certainement bénéficié M. X..., s'il n'avait pas été la victime de la faute de son médecin traitant, la cour d'appel a insuffisamment motivé sa décision, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, retenant à juste titre que, quels que soient les abattements et exonérations résultant de la loi fiscale entrée en vigueur postérieurement au décès, le paiement des droits de succession ne constitue pas un préjudice indemnisable, a fait, répondant aux écritures prétendument omises, une exacte application des principes de la responsabilité civile, dès lors que la date précise à laquelle François X... serait décédé s'il n'avait pas été victime de la faute de M. Y... ne pouvait, en dépit d'une espérance de vie purement théorique, que demeurer indéterminée, de sorte que ses héritiers n'établissaient pas que cette faute leur avait fait perdre une chance que ce décès se produise sous l'empire d'un régime fiscal plus favorable ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Condamne Mmes Isabelle, Danièle et M. Arnaud X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mmes Isabelle, Danièle et M. Arnaud X... à payer à M. Y... la somme 3 000 euros et solidairement à l'ONIAM la somme de 1 500 euros ; rejette les autres demandes ;
Les condamne envers le Trésor public à une amende civile de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour Mmes Isabelle, Danièle et M. Arnaud X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes des exposants relatives à l'indemnisation du préjudice fiscal qu'ils ont subi du fait de la faute commise par le docteur Y... ;
AUX MOTIFS QUE « s'agissant du préjudice fiscal, (¿) il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point dès lors que, quels que soient les abattements et exonérations résultant de la loi fiscale entrée en vigueur postérieurement au décès, le payement des droits de succession ne constitue pas un préjudice indemnisable »
ALORS QUE 1°) en application de l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique, les héritiers du défunt dont la cause du décès résulte de la faute commise par le médecin traitant ont droit à la réparation de l'intégralité du préjudice directement et certainement subi en conséquence de la faute incriminée ; que constitue un tel préjudice la perte de chance avérée chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable ; qu'en l'espèce, les exposants avaient subi un préjudice fiscal résultant du décès prématuré de François-Régis X... cinq mois et 20 jours avant le vote de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et de la recherche, entrée en vigueur le 22 août 2007, dont l'article 8-XI a inséré dans le code général des impôts l'article 796-01 bis aux termes duquel « Sont exonérés de droits de mutation par décès le conjoint survivant et le partenaire lié au défunt par un pacte civil de solidarité » et dont l'article 8-IV a remplacé les trois premiers alinéas du I de l'article 779 du même code par un alinéa ainsi rédigé : « Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 150 000 ¿ sur la part de chacun des ascendants et sur la part de chacun des enfants vivants ou représentés par suite de prédécès ou de renonciation » ; que le décès prématuré de M. X... a donc privé les exposants, soit au titre de veuve, soit à celui d'enfants du défunt, du bénéfice de l'événement favorable constitué par la réforme fiscale précitée ; qu'en outre, les exposants avaient fait valoir dans leurs conclusions d'appel (V. productions p 35) que la note technique rédigée, le 1° juillet 2008, par le docteur Z..., qui était présent lors des opérations d'expertise, affirmait successivement que « l'espérance de vie de M. X... était tout à fait normale et « superposable » à celle d'un homme âgé en bonne santé », que, s'agissant de l'insuffisance cardiaque modérée dont souffrait l'intéressé, « la mortalité ne survient qu'à la phase début de l'infarctus au cours de la première semaine (moins de 5 %). Au-delà, la courbe s'aplatit pour permettre un taux de survie à 80 % », et que « donc en l'absence de la réintroduction fautive de Cordarone, M. X... serait de manière hautement probable toujours en vie en 2008 » ; qu'ainsi en refusant, par une pure pétition de principe, d'accorder l'indemnisation du préjudice fiscal certain et direct ainsi subi par les exposants, la cour a violé l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique ;
ALORS QUE 2°) aux termes de l'article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » ; qu'il résulte de ces dispositions, selon la jurisprudence pertinente du Conseil Constitutionnel (en dernier lieu : C.C. n° 211-1767 QPC), qu'en principe, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que la faculté d'agir en responsabilité met en oeuvre cette exigence constitutionnelle ; que seules peuvent être admises des limitations ou des exclusions à ce principe constitutionnel justifiées par l'intérêt général et à condition qu'il n'en résulte pas une atteinte disproportionnée ni aux droits des victimes d'actes fautifs ni au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; qu'en refusant péremptoirement l'indemnisation du préjudice fiscal subi par les exposants, et sans expliciter le moindre motif d'intérêt général qui justifierait une telle limitation, portant ainsi une atteinte disproportionnée aux droits des victimes de l'acte fautif du docteur Y... et une atteinte au droit au recours juridictionnel effectif des exposants, la cour a méconnu l'article 4 de la déclaration de 1789 ;
ALORS QU'ENFIN, en écartant péremptoirement les demandes d'indemnisation des exposants au titre de leur préjudice fiscal, sans examiner les arguments de droit et de fait avancés par les consorts X..., dans leurs écritures d'appel, notamment, en ce qui concerne, d'une part, le caractère de disparition d'une éventualité favorable que constituait la possibilité pour les héritiers de M. X... de bénéficier de l'exonération ou de l'atténuation des droits de succession prévue par la loi du 21 août 2007 susvisée compte-tenu de son décès prématuré résultant directement de la faute commise par le docteur Y..., et, d'autre part, de la bonne espérance de vie dont aurait certainement bénéficié M. X..., s'il n'avait pas été la victime de la faute de son médecin traitant, la cour a insuffisamment motivé sa décision, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. Y....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le Docteur Y... avait commis une faute en réintroduisant de la Cordarone dans le traitement de Monsieur X... et en s'étant abstenu de préconiser son hospitalisation en urgence le 1er février, ce qui aurait conduit à son décès, et de l'avoir, par conséquent, condamné à indemniser intégralement les consorts X... de leurs préjudices consécutifs au décès ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur les responsabilités encourues, c'est à la suite de motifs pertinents, détaillés, circonstanciés, précis et répondant aux mêmes critiques que celles encore présentées devant la Cour sans justifications supplémentaires utiles, motifs que la Cour fait siens en les adoptant, que les premiers juges ont retenu la responsabilité du Docteur William Y... (Docteur Y...), en raison, d'une part, de la réintroduction de la Cordarone début 2007, c'est-à-dire après l'épisode de pneumopathie interstitielle de juin 2006, étant observé que le compte rendu d'hospitalisation du 24 au 28 décembre 2006 pour infarctus du myocarde soulignait que cette pneumopathie interstitielle était probablement médicamenteuse, d'autre part, de l'absence d'hospitalisation en urgence de l'intéressé le 1er février 2007 ; qu'il convient en effet de souligner avec les premiers juges, alors qu'il n'est pas démontré que François-Régis X... l'aurait refusée s'il avait été pleinement informé, l'attestation sur ce point de la secrétaire du Docteur Y... étant dépourvue de toute pertinence, que l'hospitalisation qui aurait dû être décidée immédiatement le 1er février 2007 aurait évité la controverse sur le fait que le Docteur Y... aurait ou non demandé à François-Régis X... de consulter en urgence son pneumologue en lui prescrivant des corticoïdes alors que ce dernier se serait abstenu de suivre ces conseils ; que par ailleurs, l'infection nosocomiale à pseudomonas acruginosa qui s'en est suivie lors de l'hospitalisation qui n'est intervenue que le 7 février, n'a pu, en tout état de cause, se développer qu'en raison des troubles respiratoires aigus de François-Régis X... dus précisément à cette pneumopathie faisant elle-même suite à la réintroduction de la Cordarone ; que dès lors, la discussion relative aux demandes faites à l'encontre de PONIAM, à la mise en oeuvre d'une contre-expertise et au partage de responsabilité du fait de l'infection y nosocomiale postérieure, formées par le Docteur Y..., ainsi qu'à l'exception d'incompétence soulevée par l'ONIAM, devient sans objet ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE sur les fautes reprochées au Docteur William Y..., le contrat médical conclu entre le médecin et son patient met à la charge du médecin l'obligation de dispenser au patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science médicale à la date de son intervention, cette obligation concernant tant l'indication du traitement que sa réalisation et son suivi ; que tout manquement à cette obligation de moyen ne peut entraîner la responsabilité du médecin que s'il en résulte pour le patient un préjudice en relation de causalité directe et certaine ; qu'en l'espèce, si les experts n'ont pas retenu que la prescription de Cordarone -le principe actif étant l'amiodarone- avant l'épisode de pneumopathie interstitielle du mois de juin 2006 était fautive, il n'en est pas de même de la décision de réintroduire ce médicament au début de l'année 2007, qu'ils considèrent clairement et expressément contraire aux données acquises de la science médicale ; qu'il y a lieu de rappeler que le pneumologue de Monsieur X..., le Docteur A..., a écrit, le 17 juillet 2006 au Docteur Y... en lui exposant, certes, que le "diagnostic est celui ¿ d'une pneumopathie interstitielle fibrosante" et qu'il "est difficile d'incriminer de façon formelle la Cordarone mais ceci est tout à fait possible" mais en concluant, sans ambiguïté, "De toute façon, ce médicament est dorénavant contre indiqué devant une pathologie pulmonaire fibrosante" ; que le Docteur Y... ne peut utilement invoquer les doutes exprimés par le Docteur A... sur l'origine des problèmes respiratoires dès lors que la rémission ultérieure rapide de Monsieur X..., après l'administration de corticoïdes était, ainsi que l'expose l'expert pneumologue dans le corps du rapport, "très en faveur du diagnostic de pneumopathie médicamenteuse" ; que cet expert, le Docteur Gilles B..., explique également que si le "tableau pulmonaire est réversible sous corticoïdes" "la réintroduction de la Cordarone aboutit invariablement à la rechute comme cela a été constaté lors de tests de réintroduction médicamenteuse à visée diagnostiquée" et que "dans tous ces cas, la reprise du traitement corticoïde peut s'avérer peu ou pas efficace. C'est pour cette raison qu'il ne faut pas reprendre de la Cordarone, même en association avec une corticothérapie à visée préventive", s'appuyant sur la publication de plus de 275 articles sur les effets indésirables du produit depuis les années 1980 ; que l'emploi par l'expert du terme "invariablement" est critiqué par le professeur C... - qui cependant et ainsi que le font observer les consorts X... à juste titre n'est pas pneumologue et dont l'avis n'a pas été contradictoirement soumis aux experts au cours de leurs opérations - mais la circonstance que la réaction immuno allergique ne soit pas systématique n'enlève rien à la conclusion des experts selon laquelle, dans le cas de Monsieur X... et après un épisode aigu de problèmes respiratoires, la contre indication, d'ailleurs immédiatement exprimée par le Docteur A..., était à retenir ; que les affirmations des docteurs D... et C..., tous deux cardiologues, selon lesquelles il n'existait pas d'alternative à l'utilisation de la Cordarone, sont contredites par les experts - qui n'ont pas eu connaissance de ces dires, étant observé qu'il résulte de l'écrit même du Docteur D... qu'il n'a pas disposé de l'entier dossier de Monsieur X... et du passé de problèmes respiratoires aigus - puisque le Docteur Michel E... expose qu'il existait une autre prise en charge médicamenteuse possible au regard des antécédents du patient : "soit il était en IC et il aurait dû lui prescrire un diurétique, car il faut dépléter, soit il n'était pas et dans ce cas il fallait lui mettre une bonne dose de CARDENSIEL, une dose normale ce qui aurait peut être permis de ralentir la fréquence cardiaque et de restaurer une hémodynamique correcte en évitant de prescrire une nouvelle fois ce traitement..... contre-indiqué" ; que de même, le Docteur Gilles B..., a conclu qu'"une décision nouvelle de prescription de Cordarone n'est pas à envisager quel que soit le rapport bénéfice-risque, comme cela a été indiqué très explicitement par le docteur A... au docteur Y... dans son courrier du 17/07/06", ce qui anticipe sans ambiguïté l'objection, également ultérieure, du Professeur F..., dans son courrier du 21 mai 2007, essentiellement relatif à la prise en charge hospitalière de Monsieur X... pour son infarctus du 24 au 28 décembre 2006 - selon laquelle la Cordarone, seulement prescrite secondairement par le Docteur Y... puisque telle n'était pas l'indication au sortir de l'hospitalisation - résultait d'un rapport bénéfice - risque en raison de la mauvaise tolérance de la fibrillation auriculaire ; que les experts concluent donc, sans être utilement contredits, que la réintroduction de la Cordarone était fautive ; que s'ils relèvent que le suivi de Monsieur X... a été régulier, ils estiment néanmoins que le Docteur Y... a commis des manquements en ne tenant pas compte de "l'aggravation régulière, devenant majeure, du syndrome inflammatoire", à compter du 16 janvier 2007, en s'abstenant de faire hospitaliser en urgence Monsieur X... "au vu de la radiographie catastrophique du 31 janvier 2007" ; qu'en effet, s'il est établi que le Docteur Y..., en présence des époux X... lors de sa consultation du 1er février 2007, a joint au téléphone le Docteur A..., lequel a suggéré un scanner thoracique en urgence, le docteur B... a exprimé sans ambiguïté lors de la réunion d'expertise, qu'au vu du "cliché montré à l'assistance, retrouvant une opacité quasi totale du poumon gauche" du 31 janvier 2007, il "aurait hospitalisé ce malade en urgence" expliquant que "la radiographie du thorax du 31.01.07 était catastrophique" ; que cette conclusion rend inutile les controverses sur l'attitude ultérieure du médecin - qui aurait demandé à Monsieur X... de consulter en urgence le Docteur A... et qui lui aurait prescrit des corticoïdes- et du patient - qui se serait abstenu de suivre ces conseils - puisque l'hospitalisation qui aurait due être décidée aurait évitée toute conséquence à cet égard, alors qu'il ne résulte pas à suffisance des pièces contradictoires versées aux débats et en particulier de l'attestation de la préposée du Docteur Y..., que Monsieur X..., s'il avait été dûment et pleinement informé de l'urgence de son état critique, aurait refusé cette nécessaire hospitalisation ; que les experts ont retenu un lien de causalité direct et certain entre l'administration de Cordarone et la pneumopathie interstitielle hypoxémiante diagnostiquée à l'hôpital COCHIN ; qu'enfin l'infection nosocomiale à pseudomonas aeruginosa, n'a pu, en tout état de cause, se développer qu'en raison des troubles respiratoires aigus de Monsieur X... dus à cette pneumopathie faisant suite à la réintroduction fautive de Cordarone exigeant son hospitalisation, au demeurant intervenue trop tardivement, de sorte qu'elle ne saurait être considérée comme le seul fait à l'origine du décès et ne saurait donc exonérer le Docteur Y... de ses obligations indemnitaires à l'égard des ayants droit de Monsieur X... ; qu'en conséquence le Docteur William Y... doit être condamné à réparer les entiers préjudices issus du décès de Monsieur François-Régis X... ;
1°) ALORS QUE la responsabilité du médecin n'est engagée que s'il existe un lien de causalité direct entre le fait qui lui est reproché et le dommage dont il est demandé réparation ; qu'en condamnant le Docteur Y... à réparer l'entier préjudice subi par les consorts X..., motif pris que la réintroduction fautive de la Cordarone avait favorisé la survenance d'une pneumopathie qui avait elle-même favorisé l'apparition de l'infection nosocomiale, après avoir pourtant constaté que Monsieur X... avait contracté, lors de son hospitalisation, une infection nosocomiale à pseudomonas aeruginosa, favorisée par ses troubles respiratoires et ayant entrainé son décès, de sorte que le dommage, en l'espèce, n'avait pas pour cause directe la réintroduction fautive de la Cordarone dans le traitement de la victime, mais l'infection nosocomiale, la Cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique ;
2°) ALORS QUE la faute du patient est de nature à exonérer totalement le médecin de sa responsabilité lorsqu'il apparaît que le préjudice résulte entièrement de cette faute ; qu'il en est ainsi lorsque le patient se refuse à suivre le traitement prescrit par son médecin ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions du Docteur Y..., qui soutenait que Monsieur X... avait diminué de sa propre initiative son traitement de corticoïdes dès le mois d'août 2006, tandis que la poursuite de ce traitement l'aurait préservé de la pneumopathie dont il avait été atteint et qui avait favorisé l'apparition de l'infection nosocomiale ayant provoqué le décès, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-25859
Date de la décision : 05/02/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 05 fév. 2014, pourvoi n°12-25859


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Lesourd, SCP Richard, SCP Roger, Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.25859
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