LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 2012), de déclarer irrecevable, comme prescrite, sa demande, adressée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) le 12 août 2011, en qualité d'ayant droit de sa mère, Noëlle X..., décédée le 28 mai 1988, en vue de l'indemnisation de préjudices qu'elle estimait imputables à des transfusions pratiquées sur cette dernière en 1984, alors, selon le moyen :
1°/ qu'une loi n'a, à défaut de disposition contraire, pas d'effet rétroactif et ne dispose que pour l'avenir ; que la loi applicable à une action en responsabilité est la loi applicable au jour du fait dommageable ; que l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2006, de la loi mettant désormais à la charge de l'ONIAM, établissement de droit public, l'indemnisation des victimes de contaminations transfusionnelles qui incombait antérieurement au FITH, organisme de droit privé, ne peut avoir pour effet de faire perdre aux victimes leur droit à indemnisation prétexte pris d'un changement de durée de prescription applicable du fait du régime juridique applicable à l'organisme chargé de l'indemnisation ; qu'en jugeant que l'action de Mme X... était prescrite, quand elle a été introduite moins de trente ans après les faits dommageables, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil et l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 pour fausse application ensemble l'article 1er du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que méconnaît le droit d'accès concret et effectif à un tribunal le changement dans l'organisation de l'indemnisation des victimes de contaminations transfusionnelles lorsque le système mis en place ne présente pas une clarté et des garanties suffisantes pour éviter un malentendu dans l'esprit de la victime d'une contamination transfusionnelle qui pouvait raisonnablement croire à la possibilité d'introduire une action en justice ; qu'en déclarant néanmoins la demande de Mme X... irrecevable comme prescrite la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'appliquant à la demande de Mme X... la loi n° 2004-806 du 9 août 2004, en vigueur au 1er janvier 2006, transférant à l'ONIAM la charge d'indemniser les victimes de contaminations transfusionnelles par le virus de l'immunodéficience humaine, l'arrêt retient qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis et que sont prescrites dans le même délai et sous la même réserve les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public, que ce texte qui ne comporte aucune exception s'applique donc à tous ces établissements et à toutes les créances à leur encontre, sauf disposition particulière ; qu'en l'absence d'une telle disposition, l'article L. 1142-28 du code de la santé publique qui institue une prescription décennale à compter de la consolidation des dommages résultant des actes de prévention, de diagnostic ou de soins prévus aux articles L. 1142-1 et L. 1142-1-1 n'étant pas applicable à l'action engagée, la cour d'appel, relevant que la qualité d'établissement public doté d'un comptable public n'était pas contestée à l'ONIAM, qu'il venait aux obligations du Fonds d'indemnisation des transfusés hémophiles depuis le 1er janvier 2006 et que, dès lors, le délai de quatre ans avait couru entre cette date et la demande, a exactement mis en oeuvre le principe prétorien, codifié depuis à l'article 2222, alinéa 2, du code civil, selon lequel, lorsqu'une loi nouvelle abrège un délai de prescription, le nouveau délai court à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la durée totale ne pouvant excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que cette application, contrairement à ce que prétend la première branche du moyen, n'a pas eu pour conséquence de priver Mme X..., de son droit à indemnisation, qu'elle avait gardé la faculté de faire valoir pendant quatre ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle et qu'elle n'avait pas prétendu devant la cour d'appel que le système mis en place était dépourvu de clarté et de garanties suffisantes pour éviter tout malentendu de sa part ; que le moyen, non fondé en sa première branche, est irrecevable en sa seconde ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la demande de Madame Francine X... irrecevable en raison de la prescription ;
AUX MOTIFS QUE l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 dispose que « sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis et que sont prescrites dans le même délai et sous la même réserve les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public » ; que de texte qui ne comporte aucune exception s'applique donc à tous les établissements publics dotés d'un comptable public et à toutes les créances à leur encontre, sauf disposition particulière ; qu'en l'espèce, comme le souligne Madame Francine X..., il n'y a pas de disposition législative particulière ; que la qualité d'établissement public doté d'un comptable public n'est pas contestée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux ; qu'il est contant qu'il vient aux obligations des Fonds d'indemnisation des transfusés hémophiles depuis le 1er janvier 2006 ; que le délai de quatre ans a couru entre cette date et la demande ; que l'action est donc prescrite ;
1°) ALORS QU'une loi n'a, à défaut de disposition contraire, pas d'effet rétroactif et ne dispose que pour l'avenir ; que la loi applicable à une action en responsabilité est la loi applicable au jour du fait dommageable ; que l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2006, de la loi mettant désormais à la charge de l'ONIAM, établissement de droit public, l'indemnisation des victimes de contaminations transfusionnelles qui incombait antérieurement au FITH, organisme de droit privé, ne peut avoir pour effet de faire perdre aux victimes leur droit à indemnisation prétexte pris d'un changement de durée de prescription applicable du fait du régime juridique applicable à l'organisme chargé de l'indemnisation ; qu'en jugeant que l'action de Madame X... était prescrite, quand elle a été introduite moins de trente ans après les faits dommageables, la Cour d'appel a violé l'article 2 du Code civil et l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 pour fausse application ensemble l'article 1er du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°) ALORS QUE méconnaît le droit d'accès concret et effectif à un Tribunal le changement dans l'organisation de l'indemnisation des victimes de contaminations transfusionnelles lorsque le système mis en place ne présente pas une clarté et des garanties suffisantes pour éviter un malentendu dans l'esprit de la victime d'une contamination transfusionnelle qui pouvait raisonnablement croire à la possibilité d'introduire une action en justice ; qu'en déclarant néanmoins la demande de l'exposante irrecevable comme prescrite la Cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.