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19/03/2014 | FRANCE | N°12-20917

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 mars 2014, 12-20917


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 5, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 261/2004 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux X..., titulaires de billets d'avion pour un vol Air France aller-retour Hanovre (Allemagne)-Santiago du Chili via Paris, ont, le 20 janvier 2010, vu leur vol retour annulé pour des raisons techniques et ont finalement été réacheminés vers Paris trois jours plus tard ; qu'ils ont assigné la compagnie aérienne en indemnisation de leur préjudice sur le fondement de l'a

rticle 7, paragraphe 1er, sous c), du règlement (CE) n° 261/2004 ;
Attend...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 5, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 261/2004 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux X..., titulaires de billets d'avion pour un vol Air France aller-retour Hanovre (Allemagne)-Santiago du Chili via Paris, ont, le 20 janvier 2010, vu leur vol retour annulé pour des raisons techniques et ont finalement été réacheminés vers Paris trois jours plus tard ; qu'ils ont assigné la compagnie aérienne en indemnisation de leur préjudice sur le fondement de l'article 7, paragraphe 1er, sous c), du règlement (CE) n° 261/2004 ;
Attendu que, pour les débouter de l'ensemble de leurs demandes, le jugement relève que la société Air France a bien respecté et réalisé le programme d'entretien requis par les instances de l'Agence européenne de la sécurité aérienne pour assurer la navigabilité de l'aéronef et qu'aucun défaut de vigilance ou de précaution ne peut lui être imputé, et en déduit que la panne moteur survenue de façon inopinée, échappant à la maîtrise technique effective de la compagnie aérienne et affectant une fonction essentielle de l'appareil pour assurer la sécurité du vol, constitue une circonstance extraordinaire l'exonérant de sa responsabilité au sens de l'article 5, paragraphe 3, du règlement ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier que le problème technique en cause découlait d'événements qui, par leur nature ou leur origine, n'étaient pas inhérents à l'exercice normal de l'activité de transporteur aérien, cette constatation étant nécessaire pour caractériser l'existence de circonstances extraordinaires, ni rechercher si cet opérateur avait pris toutes les mesures raisonnables pour éviter que ces prétendues circonstances extraordinaires ne conduisent à l'annulation du vol, en s'efforçant de procéder à un réacheminement rapide des passagers sur un vol de substitution, qu'il soit réalisé par la même compagnie ou par une autre, le respect des règles minimales d'entretien d'un aéronef par un transporteur aérien ne suffisant pas à établir l'adoption par ce dernier de toutes les mesures raisonnables en ce sens, la juridiction de proximité a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 9 janvier 2012, entre les parties, par la juridiction de proximité d'Aulnay-sous-Bois ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Bobigny ;
Condamne la société Air France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer aux époux X... la somme globale de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour les époux X...

Le moyen fait grief aux jugements attaqués d'avoir débouté les époux X... de l'intégralité de leurs demandes dirigées à l'encontre la société AIR FRANCE
AUX MOTIFS QUE ce n'est pas la loi chilienne mais le règlement européen (CE) 26112004 qui est applicable au litige pour ce vol assuré par un transporteur communautaire à destination de Paris ; que sur l'annulation du vol AF401 Santiago du ChililParis, départ prévu à 17H20 le 20 janvier 2010, les requérants versent la copie de leurs réservations et la preuve de leur paiement par internet pour le vol du 20 janvier ; qu'ils versent également les talons des cartes d'embarquement à leur nom montrant qu'ils n'ont embarqué pour Paris que le 23 janvier 2010 à 17H20, soit 3 jours après la date prévue ; qu'à la date prévue le 2010 1/20 10, le CRE Quotidien Chef de Quart (pièce Air France 8) liste les appareils circulant ce jour là et précise concernant le vol des requérants de Santiago à Paris qu'il a été annulé : « AF-401 SCL-CDG FGSPX 772 est reporté au 21 en AF-401A suite pompage moteur du SPX le 19, puis est finalement annulé le 20 cause changement moteur nécessaire. Les vols suivants seront opérés en 773 afin de réacheminer les pax. » ; que dans le cas d'annulation de vol, le règlement européen prévoit à l'article 7, un droit à une indemnisation forfaitaire de 250 euros, 400 euros ou de 600 euros suivant la distance à parcourir (distances mesurées selon la méthode de la route orthodromique visée au point 4 de l'article) ; que toutefois il est précisé à l'article 5.3 dudit Règlement que le transporteur aérien effectif n'est pas tenu de verser l'indemnisation prévue à l'article 7 s'il est en mesure de prouver que l'annulation est due à des circonstances extraordinaires qui n'auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises ; que la preuve incombant à la défenderesse, il convient de relever qu'elle verse au débat (pièce 7) le Certificat conforme d'EXAMEN de NAVIGABILITE valable jusqu'au 14/03/2010, montrant que l'aéronef en cause, immatriculé FGSPX, était en état de navigabilité en janvier 2010 ; qu'il s'agit bien de l'aéronef prévu au départ du vol AF40l des requérants, dont l'immatriculation FGSPX est mentionnée sur le CRE Quotidien Chef de Quart susvisé, établi le 20/01/2010, de sorte que la substitution alléguée par les requérants de l'appareil prévu au départ de leur vol, en remplacement d'un autre aéronef en panne, n'est pas démontrée ; qu'en outre, le Aircraft Technical Log, document numéroté rempli par les services techniques d'AIR France (pièce 14), montre que l'appareil immatriculé FGSPX affecté au vol AF401 des requérants, a subi des avaries importantes, corroborées par le rapport de Monsieur Y... du département entretien et maintenance d'AIR France (pièce 6) et par le CRE Quotidien Chef de Quart déjà cité, pièces confirmant la gravité de la panne par l'envoi d'une équipe de dépannage de CDG pour un changement de moteur rendu nécessaire et attestant du caractère imprévisible de l'incident confirmé par Monsieur Y... comme ne pouvant être décelé lors du monitoring moteur qui est réalisé 2 fois par semaine ; qu'il ressort de ces documents émanant de services distincts de la compagnie et concordants entre eux, non contredits par les pièces adverses, que la défenderesse a bien respecté et réalisé le programme d'entretien requis par les instances de I'AESA (Agence Européenne de la Sécurité Aérienne) pour assurer la navigabilité de l'aéronef, qu'aucun défaut de vigilance ou de précaution ne peut lui être imputé de sorte que la panne moteur survenue de façon inopinée, échappant à la maîtrise technique effective de la compagnie et affectant une fonction essentielle de l'appareil pour assurer la sécurité du vol, constitue une circonstance extraordinaire exonérant la défenderesse de sa responsabilité au sens de l'article 5.3 du règlement européen, étant relevé que le transporteur aérien doit avant tout veiller à la sécurité des passagers et l'assurer ; qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité de la défenderesse ne pouvant être mise en cause sur le fondement de l'article 7 . 1 d)u règlement européen, les requérants ne peuvent qu'être déboutés de leur demande d'indemnisation forfaitaire de 1 200 euros (2x600) de ce chef; que sur la demande d'indemnisation au titre de la résistance abusive, les consorts X... ne rapportent pas la preuve de la mauvaise foi de la défenderesse, celle-ci ne se présumant pas, étant observé que c'est l'avion prévu au départ de leur vol qui a subi de façon imprévisible une avarie affectant une fonction essentielle touchant à la sécurité des personnes et exonérant la défenderesse de l'indemnité forfaitaire prévue au règlement ; qu'en outre les requérants ne peuvent contester à la société AIR France son droit de discuter le bien-fondé des prétentions adverses dans le cadre de l'instance, qu'enfin les demandeurs ne justifiant pas du montant chiffré de leur préjudice allégué à l'encontre de la compagnie à Santiago du Chili, ils ne peuvent en conséquence qu'être déboutés de l'intégralité de leurs demandes.
1°/ ALORS QU'UN problème technique survenant sur un aéronef et entraînant l'annulation ou le retard d'un vol, ne peut relever de la notion de « circonstances extraordinaires » au sens de l'article 5 paragraphe 3 du règlement (CE) no 26112004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004, que si ce problème découle d'évènements qui par leur nature ou leur origine ne sont pas inhérents à l'exercice normal de l'activité du transporteur aérien concerné et échappent à sa maîtrise effective ; qu'en l'espèce, le fait que le vol AF 401 litigieux ait été annulé en raison d'une panne dont l'importance a nécessité de procéder à un changement de moteur ne constituait pas un évènement qui par sa nature ou son origine n'aurait pas été inhérent à l'exercice normal de l'activité de la société AIR FRANCE, et aurait échappé à sa maîtrise, et ce quand bien même celle-ci aurait respecté le programme d'entretien requis et qu'aucun défaut de vigilance ou de précaution ne pouvait lui être imputé ; que dès lors, en considérant que la panne moteur affectant la fonction essentielle de l'appareil pour assurer sa sécurité constituait une circonstance extraordinaire exonérant le transporteur aérien de sa responsabilité au sens de l'article 5.3 du règlement européen, la juridiction de proximité a entaché sa décision d'une violation de ce texte ;
2°/ ALORS QU'EN toute hypothèse, la juridiction de proximité ne pouvait débouter les époux X... de leurs demandes en se bornant à considérer que la panne moteur survenue de façon inopinée sur l'appareil, échappait à la maîtrise technique effective de la compagnie aérienne, ce qui constituait une circonstance extraordinaire, exonératoire de responsabilité au sens de l'article 5.3 du règlement européen, sans constater également que le problème survenu découlait d'évènements qui par leur nature ou leur origine n'étaient pas inhérents à l'exercice normal de l'activité de la société AIR FRANCE, condition essentielle - faisant manifestement défaut en l'espèce - pour caractériser les circonstances extraordinaires au sens du texte applicable ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, sans constater la réalisation de cette condition, la Juridiction de proximité a, à nouveau, violé l'article 5.3 du règlement européen (CE) n° 26112004 du 11 février 2004 ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-20917
Date de la décision : 19/03/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

TRANSPORTS AERIENS - Transport de personnes - Responsabilité des transporteurs de personnes - Exonération - Causes d'exonération - Existence de circonstances extraordinaires - Détermination - Cas - Panne moteur d'un aéronef - Conditions - Problème technique qui par sa nature ou son origine n'est pas inhérent à l'activité normale de transporteur

TRANSPORTS AERIENS - Transport de personnes - Responsabilité des transporteurs de personnes - Exonération - Causes d'exonération - Existence de circonstances extraordinaires - Détermination - Eléments à considérer - Mise en oeuvre par le transporteur de toutes les mesures raisonnables - Caractérisation - Portée UNION EUROPEENNE - Transports aériens - Règlement n° 261/2004 du 11 février 2004 - Refus d'embarquement et annulation ou retard important d'un vol - Responsabilité des transporteurs de personnes - Exonération - Causes d'exonération - Existence de circonstances extraordinaires - Caractérisation - Défaut - Portée

Le caractère inopiné d'une panne moteur d'un aéronef, ayant donné lieu à l'annulation d'un vol, ne suffit pas à caractériser l'existence de circonstances extraordinaires, au sens de l'article 5, paragraphe 3, du Règlement (CE) n° 261/2004, qui seraient susceptibles d'exonérer le transporteur aérien de sa responsabilité. Encore faut-il vérifier que le problème technique en cause découlait d'événements qui, par leur nature ou leur origine, n'étaient pas inhérents à l'exercice normal de l'activité de transporteur aérien. Un transporteur aérien ne peut être exonéré de sa responsabilité, sur le fondement du même texte, que s'il est établi que ce transporteur avait pris toutes les mesures raisonnables pour éviter que ces circonstances extraordinaires ne conduisent à l'annulation du vol, ce qui implique que celui-ci s'était efforcé de procéder à un réacheminement rapide des passagers sur un vol de substitution, que ce vol soit réalisé par la même compagnie ou par une autre. La simple circonstance que le transporteur aérien ait respecté les règles minimales d'entretien d'un aéronef ne suffit pas à l'exonérer de sa responsabilité


Références :

article 5, paragraphe 3, du Règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004

Décision attaquée : Juridiction de proximité d'Aulnay-sous-Bois, 09 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 mar. 2014, pourvoi n°12-20917, Bull. civ. 2014, I, n° 53
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, I, n° 53

Composition du Tribunal
Président : M. Savatier (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Jean
Rapporteur ?: Mme Maitrepierre
Avocat(s) : Me Occhipinti, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.20917
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