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21/10/2014 | FRANCE | N°13-11150

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 octobre 2014, 13-11150


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. Eric X..., ès qualités, de ce qu'il reprend l'instance ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 30 novembre 2012), que Mme Y... a été engagée le 11 mars 2004 par la Société industrielle et commerciale de l'Ouest en qualité de VRP ; qu'elle a été licenciée pour inaptitude le 8 janvier 2010 ; que contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
> Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le contrat de travail de Mme Y...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. Eric X..., ès qualités, de ce qu'il reprend l'instance ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 30 novembre 2012), que Mme Y... a été engagée le 11 mars 2004 par la Société industrielle et commerciale de l'Ouest en qualité de VRP ; qu'elle a été licenciée pour inaptitude le 8 janvier 2010 ; que contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le contrat de travail de Mme Y... était un contrat de travail de droit commun à temps complet, et de renvoyer les parties au calcul des rappels de salaires et autres avantages spécifiques, alors, selon le moyen :

1°/ que les dispositions d'ordre public du statut des voyageurs représentants placiers ne s'opposent pas à ce que l'employeur et le salarié conviennent d'une application conventionnelle de ce statut, dès lors que cette application s'avère globalement plus favorable que le droit commun ; que, dès l'instant où elle postule une entière liberté du travailleur dans l'organisation de son travail et la possibilité pour celui-ci de déployer son activité pour d'autres employeurs, l'application conventionnelle du statut des voyageurs représentants placiers exclut l'application des règles légales relatives au SMIC ; qu'au cas présent, il résultait des termes du contrat de travail que Mme Y... était engagée « en qualité de VRP dans les conditions prévues par les articles L. 751-1 L. 7311-1 et suivants du code du travail », qu'il précisait que la salariée était embauchée à titre « non exclusif » et pouvait donc exercer une activité professionnelle pour d'autres employeurs à condition de ne pas exercer une activité concurrente à celle de la société SICO, et qu'il ne stipulait aucune obligation à la charge de Mme Y... en terme de durée du travail et d'organisation de son activité ; que la société SICO exposait que l'application du statut de VRP correspondait, en outre, à une volonté collective des salariés de l'entreprise réaffirmée par les membres élus du comité d'entreprise à l'unanimité au cours de la réunion du 15 mars 2011 ; qu'en estimant que Mme Y... ne pouvait se voir opposer le statut de VRP dès lors que les conditions effectives d'application de ce statut n'étaient pas remplies, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si l'application de ce statut résultant du commun accord des parties n'était pas globalement plus favorable que l'application des dispositions du code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 7311-1 du code du travail, ensemble le principe fondamental du droit du travail, selon lequel, en cas de conflit de normes, c'est la plus favorable aux salariés qui doit s'appliquer ;

2°/ que le principe de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui interdit qu'un justiciable développe successivement au cours de la même instance deux prétentions radicalement incompatibles ; qu'au cas présent, Mme Y..., qui s'était devant le conseil de prud'hommes prévalue du statut de VRP pour solliciter la condamnation d'un rappel de salaires sur le fondement des dispositions de l'accord national professionnel du 3 octobre 1975 relatif aux VRP, ne pouvait, au cours de la même instance, en cause d'appel, prétendre que le statut de VRP lui était inopposable pour solliciter la condamnation de son employeur à lui verser un rappel de salaires sur le fondement des dispositions du code du travail inapplicables aux voyageurs représentants placiers ; que la société SICO faisait valoir dans ses écritures que Mme Y... s'était prévalue du statut de VRP en première instance et que ses prétentions en appel étaient radicalement contraires à celles qui avaient été initialement développées ; qu'en estimant néanmoins que le statut de VRP n'était pas opposable à Mme Y..., la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

3°/ que un salarié, dont le contrat stipule une entière liberté pour organiser son travail et ne prévoit aucun horaire déterminé, ni aucune obligation de se tenir à la disposition de l'employeur ne peut, lorsque l'employeur lui a fourni l'ensemble des moyens nécessaires à l'accomplissement de sa prestation de travail, revendiquer l'application des dispositions légales relatives au SMIC que pour les heures de travail qu'il a effectivement accomplies ; qu'au cas présent, le contrat de travail liant Mme Y... à la société SICO prévoyait une totale liberté de Mme Y... dans l'organisation du contrat de travail, laquelle pouvait notamment travailler pour d'autres employeurs et ne prévoyait aucune contrainte horaire, ni aucune obligation pour Mme Y... de se tenir à la disposition de la société SICO ; que le contrat de travail prévoyait en outre la mise à disposition de Mme Y... d'un véhicule magasin ainsi que d'un stock de marchandises ; qu'en écartant néanmoins le décompte établi par la société SICO dont il résultait que Mme Y... avait toujours perçu une rémunération supérieure au SMIC, au motif que ce décompte « n'était pas établi sur un temps complet mais sur le nombre de jours travaillés par la salariée », la cour d'appel a violé les articles L. 3121-1, L. 3231-1, L. 3232-1 et L. 3232-3 du code du travail ;

4°/ qu'il existait notamment entre les parties un désaccord quant à la période couverte par la demande de rappels de salaires ; qu'en renvoyant les parties à procéder au calcul des rappels des salaires « selon les modalités définies au présent arrêt », sans statuer sur ce point litigieux et sans non plus préciser quelles étaient ces modalités, la cour d'appel a violé les articles 4 du code civil et 12 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté que l'activité de la salariée consistait à se déplacer avec un camion-magasin sur un secteur délimité en proposant à des particuliers à leur domicile des produits qu'elle laissait sur place contre encaissement immédiat du prix, la cour d'appel a pu décider que l'intéressée ne relevait pas du statut de VRP ; que le moyen, pris en sa troisième branche en ce qu'il invoque l'application des clauses du contrat qui a ainsi été requalifié en un contrat de travail à temps complet, est dès lors inopérant ;

Attendu, ensuite, que la salariée, qui n'avait pas contesté bénéficier du statut de VRP en première instance, pouvait, sans se contredire, demander le bénéfice des dispositions générales du code du travail en cause d'appel ;

Attendu, enfin, que sous le couvert d'un grief de violation de la loi, la quatrième branche critique une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue par l'article 463 du code de procédure civile, ne peut donner lieu à ouverture à cassation ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SICO, la société AJ associés, ès qualités, et M. X..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la Société industrielle et commerciale de l'Ouest

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR dit que le contrat de travail liant Madame Y... à la société SICO était un contrat de travail de droit commun à temps complet, et d'AVOIR renvoyé les parties au calcul des rappels de salaires et autres avantages spécifiques en découlant, selon les modalités définies par l'arrêt ;

AUX MOTIFS QUE « Mme Françoise Y... soutient désormais qu'elle ne relève pas du statut VRP, son activité ne consistant pas en une prise d'ordres auprès de la clientèle ; qu'au contraire, la SAS SICO considère que les parties ont entendu se référer à ce statut pour régir leurs rapports ; que cependant, nonobstant la référence au statut de VRP figurant dans le contrat de travail, un salarié ne peut se voir opposer ce statut si les conditions effectives d'exercice ne sont pas réunies ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que l'activité de Mme Françoise Y... consistait à se déplacer avec un camion-magasin sur un secteur délimité en proposant à des particuliers à leurs domiciles des produits qu'elle laissait sur place contre encaissement immédiat du prix ; que l'activité essentielle n'était donc pas une prise d'ordres exigée pour bénéficier du statut de VRP ; que le contrat de travail liant les parties est donc un contrat de droit commun à temps complet ; que le jugement déféré sera infirmé en ce sens ; que Mme Françoise Y... sollicite alors un rappel de salaires sur la base de 151,67 heures mensuelles aux taux horaire de 9,40 ¿, c'est-à-dire le SMIC horaire en 2012 ; que cependant, son calcul ne prend pas en compte l'évolution de la valeur du SMIC ; que par ailleurs, la partie du décompte de l'employeur, présentée comme fondée sur le SMIC, est tout aussi erronée puisqu'elle n'est pas établie sur un temps complet mais sur le nombre de jours travaillés par la salariée ; qu'il convient donc de renvoyer les parties au calcul du rappel de salaires, et des autres conséquences pécuniaires en résultant, à charge pour la partie la plus diligente de saisir à nouveau la cour en cas de difficultés » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE les dispositions d'ordre public du statut des voyageurs représentants placiers ne s'opposent pas à ce que l'employeur et le salarié conviennent d'une application conventionnelle de ce statut, dès lors que cette application s'avère globalement plus favorable que le droit commun ; que, dès l'instant où elle postule une entière liberté du travailleur dans l'organisation de son travail et la possibilité pour celui-ci de déployer son activité pour d'autres employeurs, l'application conventionnelle du statut des voyageurs représentants placiers exclut l'application des règles légales relatives au SMIC ; qu'au cas présent, il résultait des termes du contrat de travail que Madame Y... était engagée « en qualité de VRP dans les conditions prévues par les articles L. 751-1 L. 7311-1 et suivants du Code du travail », qu'il précisait que la salariée était embauchée à titre « non exclusif » et pouvait donc exercer une activité professionnelle pour d'autres employeurs à condition de ne pas exercer une activité concurrente à celle de la société SICO, et qu'il ne stipulait aucune obligation à la charge de Madame Y... en terme de durée du travail et d'organisation de son activité ; que la société SICO exposait que l'application du statut de VRP correspondait, en outre, à une volonté collective des salariés de l'entreprise réaffirmée par les membres élus du Comité d'entreprise à l'unanimité au cours de la réunion du 15 mars 2011 ; qu'en estimant que Madame Y... ne pouvait se voir opposer le statut de VRP dès lors que les conditions effectives d'application de ce statut n'étaient pas remplies, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si l'application de ce statut résultant du commun accord des parties n'était pas globalement plus favorable que l'application des dispositions du Code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil, L. 7311-1 du Code du travail, ensemble le principe fondamental du droit du travail, selon lequel, en cas de conflit de normes, c'est la plus favorable aux salariés qui doit s'appliquer ;

ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le principe de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui interdit qu'un justiciable développe successivement au cours de la même instance deux prétentions radicalement incompatibles ; qu'au cas présent, Madame Y... qui s'était devant le Conseil de prud'hommes prévalue du statut de VRP pour solliciter la condamnation d'un rappel de salaires sur le fondement des dispositions de l'accord national professionnel du 3 octobre 1975 relatif aux VRP, ne pouvait, au cours de la même instance, en cause d'appel, prétendre que le statut de VRP lui était inopposable pour solliciter la condamnation de son employeur à lui verser un rappel de salaires sur le fondement des dispositions du Code du travail inapplicables aux voyageurs représentants placiers ; que la société SICO faisait valoir dans ses écritures que Madame Y... s'était prévalue du statut de VRP en première instance et que ses prétentions en appel étaient radicalement contraires à celles qui avaient été initialement développées (Conclusions p. 1 ; arrêt p. 2 al. 2) ; qu'en estimant néanmoins que le statut de VRP n'était pas opposable à Madame Y..., la Cour d'appel a violé le principe susvisé ;

ALORS, DE TROISIEME PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QU'un salarié, dont le contrat stipule une entière liberté pour organiser son travail et ne prévoit aucun horaire déterminé, ni aucune obligation de se tenir à la disposition de l'employeur ne peut, lorsque l'employeur lui a fourni l'ensemble des moyens nécessaires à l'accomplissement de sa prestation de travail, revendiquer l'application des dispositions légales relatives au SMIC que pour les heures de travail qu'il a effectivement accomplies ; qu'au cas présent, le contrat de travail liant Madame Y... à la société SICO prévoyait une totale liberté de Madame Y... dans l'organisation du contrat de travail, laquelle pouvait notamment travailler pour d'autres employeurs et ne prévoyait aucune contrainte horaire, ni aucune obligation pour Madame Y... de se tenir à la disposition de la société SICO ; que le contrat de travail prévoyait en outre la mise à disposition de Madame Y... d'un véhicule magasin ainsi que d'un stock de marchandises ; qu'en écartant néanmoins le décompte établi par la société SICO dont il résultait que Madame Y... avait toujours perçu une rémunération supérieure au SMIC, au motif que ce décompte « n'était pas établi sur un temps complet mais sur le nombre de jours travaillés par la salariée », la cour d'appel a violé les articles L. 3121-1, L. 3231-1, L. 3232-1 et L. 3232-3 du Code du travail ;

ALORS, DE QUATRIEME PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QU'il existait notamment entre les parties un désaccord quant à la période couverte par la demande de rappels de salaires ; qu'en renvoyant les parties à procéder au calcul des rappels des salaires « selon les modalités définies au présent arrêt », sans statuer sur ce point litigieux et sans non plus préciser quelles étaient ces modalités, la cour d'appel a violé les articles 4 du Code civil et 12 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-11150
Date de la décision : 21/10/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 30 novembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 oct. 2014, pourvoi n°13-11150


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Delvolvé

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.11150
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