La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2014 | FRANCE | N°13-22482

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 novembre 2014, 13-22482


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par l'association Accueil de nuit de Vienne et sa région par contrat du 2 mai 2002, en qualité de travailleur social, était en dernier lieu chef de service ; qu'il a été licencié, pour motif économique, par lettre du 1er février 2010 ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l

e condamner à verser certaines sommes à titre d'indemnité pour occupation de l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par l'association Accueil de nuit de Vienne et sa région par contrat du 2 mai 2002, en qualité de travailleur social, était en dernier lieu chef de service ; qu'il a été licencié, pour motif économique, par lettre du 1er février 2010 ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser certaines sommes à titre d'indemnité pour occupation de la fonction de directeur, de solde de l'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts pour défaut d'affiliation aux caisses de cadre alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article 2 du protocole n° 137 de la convention collective des centres d'hébergement et réadaptation sociale relatif à la « définition de fonction du directeur » d'un centre, le directeur « est chargé de la conception et de la mise en oeuvre et du développement des actions éducatives, pédagogiques, techniques ou thérapeutiques pour lesquelles l'établissement ou service est créé et autorisé », « dispose du pouvoir disciplinaire conformément aux délégations accordées », « élabore ou participe à l'élaboration du budget de l'établissement ou service et ordonnance les dépenses dans le cadre du budget qui lui est alloué pour l'exploitation dont il est responsable » et « peut bénéficier en outre d'autres délégations proposées par les instances dirigeantes de l'association » ; qu'il résulte de l'article 5 du même protocole que le bénéfice d'une indemnité mensuelle est versé, dans les établissements n'employant pas de directeur adjoint ou de sous-directeur, au seul cadre « qui assure la charge du remplacement permanent du directeur en complément de sa mission » ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. X... n'établissait pas et ne gérait pas le budget de la structure et qu'il n'exerçait pas le pouvoir disciplinaire ; qu'en cet état, M. X... n'exerçait pas les fonctions normalement dévolues au directeur d'établissement ; qu'en considérant néanmoins que M. X... avait droit à l'indemnité conventionnelle au titre du remplacement permanent du directeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation des articles 2 et 5 du protocole n° 137 de la convention collective des centres d'hébergement et réadaptation sociale ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'aucun directeur en titre n'assurait la direction effective du foyer d'hébergement pendant la période où le salarié demandait l'indemnité de remplacement et qu'il assumait de façon permanente le remplacement du directeur pour diriger l'équipe éducative et sociale, la cour d'appel en a déduit à bon droit que le salarié était fondé à prétendre à l'indemnité de remplacement permanent du directeur, peu important qu'il ne soit pas en charge de la totalité des attributions dévolues à un directeur ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 3121-5 du code du travail ;
Attendu que pour condamner l'employeur à verser certaines sommes au titre de l'indemnité d'astreinte, l'arrêt retient que le salarié intervenait régulièrement en cas de nécessité, que les veilleurs de nuit avaient pour instructions de prendre contact avec lui et qu'il établit qu'il demeurait en dehors de ses heures de travail à la disposition de son employeur pour intervenir à tout moment, voire pour se déplacer en cas de nécessité, cette sujétion concernant les nuits, les samedis, dimanches et jours fériés ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier, comme il lui était demandé, si le salarié était obligé de demeurer à son domicile ou à proximité en vue de répondre à un appel de son employeur pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association Accueil de nuit de Vienne et sa région à verser à M. X... les sommes de 71 442 euros au titre de l'indemnité d'astreinte et de 7 144, 20 euros au titre des congés payés afférents et en ce qu'il prend en compte ces sommes dans le calcul des indemnités dues à la suite de la rupture du contrat de travail, l'arrêt rendu le 13 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour l'association Accueil de nuit de Vienne et sa région
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'association ACCUEIL DE NUIT DE VIENNE ET SA REGION à verser à Monsieur X... les sommes de 9. 174, 90 € à titre d'indemnité pour occupation de la fonction de directeur, 6. 351, 61 € au titre de solde de l'indemnité de licenciement, 2. 732, 85 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 273, 28 € de congés payés afférents et de 4. 000 € de dommages-intérêts pour défaut d'affiliation aux caisses de cadre ;
AUX MOTIFS QUE « sur le statut de cadre revendiqué par le salarié, il ressort des bulletins de salaire que Gilles X... à l'époque du licenciement percevait une rémunération en qualité de chef de service, classification groupe VI coefficient 720 de l'accord des Centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS). L'accord CHRS (annexe 1) au titre des classifications et indemnités dans la nomenclature des emplois mentionne dans la catégorie cadre les quatre groupes suivants :- groupe 6 : économe, chef de service (éducatif, d'animation ou technique), chef de projet, psychologue,- groupe 7 : directeur adjoint, directeur d'établissement de moins de 20 lits,- groupe 8 : directeur d'établissement de 20 à 50 lits, groupe 9 : directeur d'établissement de plus de 50 lits ou assimilés. II ressort de la fiche de poste de chef de service éducatif que Gilles X... dirigeait l'équipe éducative, élaborait et évaluait les projets éducatifs en collaboration avec l'équipe éducative, qu'il tenait compte des ressources de l'équipe, ajustait les plannings, participait avec le chef de projet et responsable administratif à l'établissement du budget prévisionnel en cohérence avec les projets éducatifs, suivait le recrutement, la formation et la coordination et l'encadrement de l'équipe professionnelle, favorisait le travail en réseau avec les institutions susceptibles d'intervenir dans le processus d'élaboration du projet CFIRS et dans la coopération nécessaire à l'action éducative. Il résulte de la liste des attributions mentionnées sur cette fiche de poste, que le salarié qui exerçait de réelles responsabilités et devait prendre des initiatives dans différents domaines, exerçait un travail de cadre. Un avis de délibération du conseil d'administration du 31 mai 2007 et le compte rendu du conseil d'administration du 31 mai 2007 établissent que l'employeur considérait d'ailleurs le chef de service éducatif comme un cadre, ces pièces mentionnant qu'une réunion de cadres doit se tenir une fois toutes les trois semaines réunissant le président, les deux cadres salariés (chef de service et chef de projet), ainsi que deux membres du conseil d'administration. Il est constant qu'aucun directeur en titre n'assurait la direction effective du foyer d'hébergement pendant la période où Gilles X... demande l'indemnité de remplacement, en dépit de la préconisation du rapport établi par la Direction des affaires sanitaires et sociale courant 2008. Ce rapport révèle qu'en réalité Gilles X... assumait de façon permanente le remplacement du directeur pour diriger l'équipe éducative et sociale sous la responsabilité du président du conseil d'administration. Même si Gilles X... ne gérait pas le budget de la structure et n'exerçait pas directement le pouvoir disciplinaire, l'ensemble des pièces produites établit qu'il assumait la direction et la responsabilité du foyer d'hébergement au quotidien, dans sa mission première qui est l'accueil des personnes en grande difficulté sociale. Il dirigeait également l'équipe éducative et sociale chargée de soutenir les personnes hébergées et devait intervenir pour toutes les questions d'ordre éducatif, social et matériel concernant le foyer. Gilles X... peut dès lors prétendre au paiement de l'indemnité de remplacement de 30 points prévue à l'article 5 de l'accord collectif au titre du remplacement permanent du directeur. C'est à juste titre que le jugement déféré a fait droit à sa demande d'indemnité, dans les limites de la prescription (de juillet 2005 à février 2010), à hauteur du montant non contesté de 9174, 80 €» ;

ALORS QU'en vertu de l'article 2 du Protocole n° 137 de la convention collective des centres d'hébergement et réadaptation sociale relatif à la « définition de fonction du directeur » d'un centre, le directeur « est chargé de la conception et de la mise en oeuvre et du développement des actions éducatives, pédagogiques, techniques ou thérapeutiques pour lesquelles l'établissement ou service est créé et autorisé », « dispose du pouvoir disciplinaire conformément aux délégations accordées », « élabore ou participe à l'élaboration du budget de l'établissement ou service et ordonnance les dépenses dans le cadre du budget qui lui est alloué pour l'exploitation dont il est responsable » et « peut bénéficier en outre d'autres délégations proposées par les instances dirigeantes de l'association » ; qu'il résulte de l'article 5 du même protocole que le bénéfice d'une indemnité mensuelle est versé, dans les établissements n'employant pas de directeur adjoint ou de sous-directeur, au seul cadre « qui assure la charge du remplacement permanent du directeur en complément de sa mission » ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que Monsieur X... n'établissait pas et ne gérait pas le budget de la structure et qu'il n'exerçait pas le pouvoir disciplinaire ; qu'en cet état, Monsieur X... n'exerçait pas les fonctions normalement dévolues au directeur d'établissement ; qu'en considérant néanmoins que Monsieur X... avait droit à l'indemnité conventionnelle au titre du remplacement permanent du directeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation des articles 2 et 5 du protocole n° 137 de la convention collective des centres d'hébergement et réadaptation sociale.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'association ACCUEIL DE NUIT DE VIENNE ET SA REGION à verser à Monsieur X... les sommes de 71. 442 € au titre de l'indemnité d'astreinte et celle de 7. 144, 20 €au titre de congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE « sur les astreintes, l'accord collectif des CHRS du 6 mai 1976 dans son article 6 définit ainsi l'astreinte : « une période qui n'est pas considérée comme un temps de travail effectif au cours de laquelle le cadre a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer une mission au service de l'entreprise. Le temps consacré à l'intervention, y compris le temps de déplacement, est considéré comme du temps effectif. En contrepartie des contraintes permanentes et de l'obligation de disponibilité en découlant le cadre placé en situation d'astreinte bénéficie d'une indemnité ». Cet accord reprend la définition de l'astreinte telle qu'elle résulte des dispositions de l'article L 3125 du code du travail qui prévoit que " la période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif ». Sur interpellation de la cour à l'audience, le salarié a déclaré qu'après sa journée de travail, il pouvait être joint à tout moment sur son téléphone portable professionnel et devait pouvoir intervenir en cas d'urgence ou de nécessité. Ces déclarations sont corroborées par le cahier de liaison tenu par les veilleurs de nuit qui mentionne par exemple :- passage à 21 h 20 des correspondants de nuit, ceux-ci insistent pour que j'héberge des usagers roumains alors que nous sommes complets. Vu leur insistance j'appelle M. X... afin qu'il règle le problème, c'est ce qu'il a fait ;- vendredi 14 janvier 2005 : arrivée de Y... et B... à 20h05... une demi-heure après appel au commissariat où M. Y... est allé se plaindre... j'ai appelé Gilles X... afin qu'il soit informé de l'incident.- mercredi 26 janvier 2005 à 23 h 20 appel des pompiers pour deux personnes à leur arrivée, il s'avère que ce sont deux polonais ivres... J'appelle M. Z... mais je tombe sur la messagerie : j'appelle Gilles et on prend la décision de ne pas les garder... les pompiers les montent à l'hôpital,-27 janvier 2005 M. A... s'est présenté en état d'ivresse à 21 h30, je lui rappelle le règlement... mais celui-ci m'insulte... (Gilles présent).

C'est donc à bon droit qu'il demande la rémunération des astreintes sur la base de 90 points par semaine d'astreinte, en fonction des valeurs du point justifiée par les avenants de l'accord collectif produit aux débats ainsi qu'il suit :- 1er juillet 2005 à octobre 2005 avec valeur du point à 3, 63 90 points x 3, 63 x 15 semaines = 4900, 50 €- 1er novembre 2005 à décembre 2006 avec valeur du point à 3, 66 90 points x 3, 66 x 56 semaines = 18 295, 20 €- janvier 2007 : valeur du point 3, 64 90 points x 3, 64 x 4 = 1310, 40 €- 1er février 2007 à décembre 2007 avec valeur du point à 3, 67 90 points x 3, 67 x 43 semaines = 14202, 90 € ;- 1er janvier 2008 à décembre 2008 avec valeur du point à 3, 70 90 points x 3, 70 x 47 semaines = 15 651 € ;- 1er janvier 2009 à décembre 2009 avec valeur du point à 3, 72 90 points x 3, 72 x 47 semaines = 15 735, 60 €- janvier 2010 avec valeur du point à 3, 74 90 points x 3, 74 x 4 semaines = 1346, 40 €. En l'état de toutes les astreintes auxquelles le salarié était soumis au-delà du maximum conventionnel, l'employeur ne pouvait sérieusement se limiter à offrir en compensation à Gilles X... l'utilisation gratuite du téléphone portable professionnel à titre personnel. Pour autant il ressort des bulletins de salaire produits que Gilles X... n'était rémunéré ni pour les astreintes accomplies, ni pour les heures supplémentaires effectuées lors des temps interventions, ce qui pourrait constituer l'infraction de travail dissimulé. Le jugement déboutant Gilles X... de sa demande au titre des astreintes sera infirmé. En application des dispositions conventionnelles, il sera fait droit à l'intégralité de sa demande de ce chef à hauteur de 71. 442 €, outre les congés payés y afférents de 7. 144, 20 € » ;

ALORS, D'UNE PART, QU'une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service dans l'entreprise ; que l'astreinte ne peut résulter du seul fait que le salarié ait pu être joint en dehors de ses horaires de travail mais suppose que soit caractérisée une contrainte imposée par l'employeur impliquant l'obligation pour le salarié de rester joignable et restreignant sa liberté de se déplacer en dehors de ses horaires de travail ; qu'en se fondant sur des extraits ponctuels du cahier de liaison de gardien de nuit, faisant état de 15 événements, dont la plupart n'ont pas donné lieu à une intervention de Monsieur X... au sein de l'association, sur une période de cinq années, pour considérer que le salarié aurait été en permanence sous astreinte en dehors de ses horaires de travail, la cour d'appel qui n'a caractérisé aucune obligation conventionnelle ou contractuelle, ni aucune directive de l'association ACCUEIL DE NUIT DE LA VIENNE ET DE SA REGION dans laquelle se serait trouvé Monsieur X... de rester à son domicile ou à proximité en dehors de ses horaires de travail pour être en mesure d'intervenir au sein de l'association exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-5 du code du travail et 6 du protocole n° 137 du 1 er octobre 2001 des accords CHRS ;
ALORS, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QU'il incombe au salarié qui prétend s'être trouvé dans l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail pour le compte de l'employeur de rapporter la preuve des différentes périodes d'astreinte et d'en établir un décompte précis ; qu'au cas présent, il résulte des extraits du cahier de liaison tenu par les veilleurs de nuit visés par la cour d'appel qu'aucun appel n'a été passé à Monsieur X... pendant une période de plus de trois ans entre le 31 octobre 2005 et le 23 décembre 2008 ; qu'il résulte également de ces extraits visés par la cour d'appel que la quasi-totalité des événements se sont concentrés sur deux périodes espacées de plus de quatre ans aux mois de janvier-février 2005 et aux mois d'octobre à décembre 2009 ; qu'en estimant néanmoins que Monsieur X... établissait avoir été d'astreinte de manière permanente en dehors de ses horaires de travail entre juillet 2005 et janvier 2010, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation des articles L. 3121-5 du code du travail et 6 du protocole n° 137 du 1er octobre 2001 des accords CHRS ;
ALORS, ENFIN, QUE l'association exposante indiquait dans le courrier du 2 décembre 2009 adressé à Monsieur X... que « dans la mesure où vous bénéficiez d'un téléphone portable de l'Association à usage professionnel et personnel, nous ne nions pas que vous êtes « joignable » même en dehors de vos heures de travail », qu'« il ne s'agit pas d'une astreinte puisqu'il ne vous est pas demandé pour autant d'être disponible de manière obligatoire » ; qu'en prétendant déduire de ce courrier que l'employeur « convenait lui-même que Gilles X... était amené à intervenir en cas de besoin lorsqu'il était appelé sur le téléphone portable professionnel » (arrêt p. 6), la cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis de cet écrit en méconnaissance du principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents produits aux débats.
SUR LE

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'association ACCUEIL DE NUIT DE VIENNE ET SA REGION à verser à Monsieur X... une somme de 40. 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE « sur le licenciement, selon les dispositions de l'article L 1233-3 du code du travail constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Il résulte de ces dispositions que le licenciement pour motif économique doit reposer sur deux éléments : un élément originel, qui résulte de difficultés économiques, de mutations technologiques, ou d'une réorganisation nécessaire afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, et un élément matériel qui est la suppression d'emploi, la transformation d'emploi ou la modification du contrat de travail. Il importe dès lors de rechercher si l'emploi du salarié a été réellement supprimé, ce qu'il conteste. Il ressort de la lettre de licenciement du 1er février 2010 qui fixe les limites du litige, que le licenciement est fondé sur une cause économique. L'association invoque en effet la persistance de la situation déficitaire nécessitant une réorganisation impliquant la suppression des postes de chef de service éducatif. Elle invoque également le recrutement le 4 janvier 2010 d'un directeur, ce recrutement entraînant la suppression de l'emploi du salarié licencié. Il résulte des termes mêmes de la lettre de licenciement que l'association n'a supprimé ni l'emploi de Gilles X..., ni les tâches qu'il accomplissait, mais qu'elle les a confié ces tâches à un salarié qu'elle venait de recruter et auquel elle a donné le titre de directeur. Il en découle que la suppression du poste de Gilles X... n'est pas motivée par la volonté de réaliser des économies pour remédier à une situation déficitaire, puisqu'il est remplacé avant même d'être licencié. C'est à tort que l'employeur invoque une injonction de la Direction des affaires sanitaires et sociale qui n'a fait qu'émettre dans son rapport de 2008 une recommandation sur la nécessité de pourvoir la structure d'un directeur disposant du diplôme requis pour ce type de poste. Sur ce point, il convient de relever que Gilles X... avait postulé au poste de directeur en juin 2009 et qu'il mentionnait dans sa déclaration de candidature que " n'ayant pas à ce jour le niveau de qualification requis, je m'engage à mettre en oeuvre dans le cadre de la VAE (validation des acquis par l'expérience) un projet de formation personnel de type diplôme sanitaire et social de niveau 1 ou 2 (Cafdes, Caferuis, master médico-social) ". L'argumentation de l'Association Accueil de Nuit de Vienne et sa région sur l'absence de diplôme de Gilles X... et d'autant plus critiquable qu'il n'est pas contesté que le directeur qu'elle a recruté en pré-remplacement de Gilles X... ne possédait pas au jour de son embauche le diplôme de directeur et qu'il était en cours de formation Cafdes. Rien n'établit de surcroît que des tâches supplémentaires lui ont été confiées par rapport à celles de Gilles X.... Ce dernier justifie en outre qu'il a signé le 13 novembre 2009 une convention de stage dans le cadre du Cafdes et qu'il était prêt à s'engager dans un processus de formation pour obtenir le certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement social. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le poste de Gilles X... n'a pas été supprimé et que son licenciement ne repose sur aucune cause économique réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la sauvegarde de l'activité d'une association se résume à assurer sa pérennité au regard du strict équilibre entre les recettes et les dépenses ; qu'au cas présent, l'association faisait valoir que le recrutement d'un directeur à la suite d'une injonction de la Direction départementale d'action sanitaire et sociale (DDASS), organisme de tutelle et financeur de l'association, la contraignait, compte tenu de son déficit chronique et de l'absence d'augmentation de la dotation publique liée aux dépenses de personnel, à se réorganiser et à supprimer le poste de chef de service occupé par Monsieur X... ; que, pour décider que le licenciement ne reposait pas sur un motif économique, la cour d'appel s'est bornée à relever que « la suppression du poste de Gilles X... n'est pas motivée par la volonté de réaliser des économies pour remédier à une situation déficitaire, puisqu'il est remplacé avant même d'être licencié » et que le rapport de la DDASS n'avait fait qu'émettre une « recommandation » ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs inopérants, sans rechercher si la réorganisation mise en oeuvre était nécessaire pour sauvegarder l'activité de l'association, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'un emploi est supprimé dès lors que les tâches confiées au salarié sont soit supprimées, soit attribuées à d'autres salariés en plus de leurs fonctions initiales ; qu'il en résulte que la circonstance qu'une partie des fonctions du salarié ne soit pas affectée par une réorganisation n'implique pas que son poste ne soit pas supprimé ; qu'au cas présent, l'association exposante produisait aux débats le contrat de travail de la salariée recrutée en qualité de directeur et la lettre de mission qui y était annexée dont il résultait que cette salariée était en charge de définir la stratégie du nouveau CHRS, de la gestion juridique et sociale du personnel, ainsi que de l'élaboration et du suivi mensuel du budget ; que l'association insistait sur le fait que ces missions n'étaient pas assurées par Monsieur X... dans le cadre de son emploi ; qu'en estimant, pour dire que l'emploi de Monsieur X... n'avait pas été supprimé, que l'association exposante s'était contentée de confier les tâches accomplies par Monsieur X... à une salariée qu'elle venait de recruter et à laquelle elle avait donné le titre de directeur, sans rechercher, comme cela lui était expressément demandé, si au regard des lettres de mission produites aux débats (Conclusions p. 13) la salariée embauchée en qualité de directeur n'exerçait pas des missions, notamment en matière budgétaire, qui n'étaient nullement assumées précédemment par Monsieur X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-22482
Date de la décision : 26/11/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 13 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 nov. 2014, pourvoi n°13-22482


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.22482
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award