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03/12/2014 | FRANCE | N°13-19697

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 décembre 2014, 13-19697


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 18 avril 2013), que Mme X... , engagée le 1er novembre 2007 par la société LPB en qualité de pharmacien, a refusé le 23 août 2009 une proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique portant sur le nombre d'heures travaillées et sa rémunération ; qu'elle a été licenciée pour motif économique par lettre du 30 septembre 2009 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu

de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer des dommages-intérêts, ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 18 avril 2013), que Mme X... , engagée le 1er novembre 2007 par la société LPB en qualité de pharmacien, a refusé le 23 août 2009 une proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique portant sur le nombre d'heures travaillées et sa rémunération ; qu'elle a été licenciée pour motif économique par lettre du 30 septembre 2009 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer des dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement résultant d'une modification refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail consécutif à une réorganisation de l'entreprise destinée à sauvegarder sa compétitivité ; que lorsque le licenciement est motivé par le refus d'une modification du contrat de travail, il appartient au juge de rechercher si le motif de la modification proposée constitue ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en l'espèce, pour dire que le licenciement de la salariée est dénué de cause réelle et sérieuse, la cour retient que la société LPB ne justifie pas en quoi le maintien du temps plein de la salariée était de nature à nuire à la sauvegarde de la compétitivité ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel viole l'article L. 1233-3 du code du travail ;
2°/ que ni la réalisation d'un chiffre d'affaires constant ni celle d'une marge brute conforme aux prévisions ne suffisent à exclure l'existence de difficultés économiques ou d'une menace sur la compétitivité de l'entreprise ; qu'en se bornant à relever que le chiffre d'affaires de la société LPB n'avait pas baissé et que la marge brute était « pratiquement conforme aux prévisions » pour dire qu'une menace sur la compétitivité de la société n'est pas caractérisée, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
3°/ que la société LPB exposait qu'en dépit d'un résultat positif, elle avait été confrontée deux années consécutives à l'impossibilité de faire face aux remboursements de l'emprunt contracté pour racheter l'officine ; qu'en ne tenant pas compte de ces charges réelles et lourdes ayant une nécessaire incidence pour apprécier objectivement l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité de la société lors de la rupture du contrat, la cour d'appel prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
4°/ qu'en supposant les motifs des premiers juges adoptés, l'employeur n'est pas tenu, dans le cadre de son obligation de reclassement, de réitérer la proposition de réduction du temps de travail et de rémunération qu'un salarié a refusé dans le cadre de la proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique ; qu'en retenant le contraire pour juger le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel viole les articles L. 1222-6 et L. 1233-4 du code du travail ;
Mais attendu que l'employeur est tenu de proposer au salarié dont le licenciement économique est envisagé tous les emplois disponibles de même catégorie ou à défaut, d'une catégorie inférieure sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l'intéressé de les refuser ;
Et attendu qu'ayant relevé par motifs adoptés que l'employeur n'avait pas proposé à la salariée, dans le cadre de son obligation de reclassement, le poste que l'intéressée avait refusé dans le cadre de la proposition de modification de son contrat de travail, la cour d'appel en a exactement déduit que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de rechercher toutes les possibilités de reclassement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société LPB aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour la société LPB.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Madame François X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné la SELAS LPB à lui verser la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l'article L.1233-3 du Code du travail prévoit que « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques » ; que le licenciement consécutif au refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail a une nature économique lorsque cette modification à une cause économique, peu important les motifs du refus, qu'il convient donc de rechercher quelle était la cause de la modification du contrat de travail proposée à la salariée, et si la réduction du temps de travail de la salariée permettait de sauvegarder la compétitivité de la société ; que la SELAS LPB indique qu'au 30 juin 2009, elle a constaté un niveau de marge inférieur au niveau prévisionnel, lequel ne permettait pas d'atteindre le point mort financier couvrant tout à la fois les charges d'exploitation et les charges financières de la pharmacie, qu'afin de sauvegarder la compétitivité de la société, elle était contrainte de réduire ses charges d'exploitation et d'envisager la réduction du temps de travail de sa salariée ; qu'elle expose que le rachat de la pharmacie a nécessité le recours à un emprunt à hauteur de 1 205 000 euros et produit un compte de résultat prévisionnel duquel elle escomptait une augmentation constante de son chiffre d'affaires et une marge brute de 28,50 % qui lui permettaient de faire face au remboursement de l'emprunt ; qu'elle a réalisé un chiffre d'affaires inférieur à celui prévu et donc des marges inférieures ; que l'examen de la situation financière au 30 septembre 2009 démontre que l'exercice s'est terminé par un résultat positif de 17 569 euros et l'exercice au 30 septembre 2010 s'est également terminé par un résultat positif de 12 413 euros, mais avec une capacité d'autofinancement insuffisante la contraignant à souscrire un crédit fournisseur ; qu'elle ne justifie cependant pas en quoi le maintien du temps plein de Mme Françoise X... était de nature à nuire à la sauvegarde de l'entreprise ; que la réorganisation destinée à améliorer les marges, les profits ou le niveau de rentabilité au détriment de l'emploi ne peut être admis ; que de même et dans une conjoncture favorable, il ne peut être privilégié le niveau de rentabilité de l'entreprise ou la recherche d'une meilleure rentabilité économique au détriment de la stabilité de l'emploi ; que la nécessité d'une menace pesant sur la compétitivité doit être caractérisée, ce qui en l'espèce n'est pas établi, puisque le chiffre d'affaires n'a pas baissé mais seulement stagné (1 071 000 euros en 2008, 1 074 559 en 2009) que la marge brute est passée de 28,34 % sur l'exercice 2008 à 28,81 % sur l'exercice 2009, ce qui est pratiquement conforme aux prévisions ; qu'aucun autre élément n'est produit, ni analyse prospective sur le futur ; qu'ainsi il n'est pas démontré que la sauvegarde de la compétitivité nécessitait la réduction du temps de travail de la salariée, qu'il s'ensuit que ce licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse et la décision du conseil de prud'hommes confirmée ; qu'également doit être confirmée l'évaluation du préjudice subi par Madame X... qui a été justement et correctement arbitré par le premier juge ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QU'aux termes de l'article L.1233-3 du Code du travail, le licenciement économique est le licenciement prononcé par l'employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, ou, selon la jurisprudence, à une réorganisation décidée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que la validité du licenciement économique est toutefois subordonnée à l'impossibilité de reclasser le salarié dont le licenciement est envisagé ; que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; que le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ; qu'à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure ; que les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises ; que le refus par le salarié d'une proposition de modification du contrat de travail pour un motif économique ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement, la proposition d'une modification de contrat de travail pour motif économique ne vaut pas exécution de l'obligation de reclassement ; que la SELAS LPB a proposé à Madame Françoise X... une modification de son contrat de travail pour motif économique afin de permettre de sauvegarder la compétitivité de la société ; que la modification consistait en la réduction du temps de travail sur la base de 17, 5 heures par semaines, la rémunération brute correspondante s'élevant à 1 475, 22 euros ; que dans le délai d'un mois suivant la notification de cette proposition de modification, Madame Françoise X... a fait connaître son refus de cette modification à la SELAS LPB ; que suite à ce refus, la SAS LPB a procédé au licenciement pour motif économique de Madame Françoise X..., invoquant : - l'absence de possibilité de reclassement, - le refus de Madame Françoise X... d'accepter la modification d'éléments essentiels du contrat de travail ; - la nécessité de procéder à la réorganisation de l'entreprise afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; qu'à l'appui du motif économique du licenciement, la SELAS LPB fait valoir une impossibilité de rembourser les charges d'emprunt compte tenu d'un chiffre d'affaires réalisé insuffisant et ce malgré un résultat net positif ; qu'il ressort des comptes annuels arrêtés au 30 septembre 2009 que la SELAS LPB était effectivement dans l'impossibilité de faire face aux charges de remboursement des emprunts contractés pour financer l'achat de l'officine ; en effet, malgré un résultat positif de 17 568, 83 euros, la capacité d'autofinancement était insuffisante de 33 315 euros et ne permettait pas de rembourser les charges annuelles des emprunts de l'ordre de 57 000 euros, ce qui constitue un motif économique de licenciement ; que cependant l'obligation de reclassement du salarié par l'employeur naît lorsque le poste de travail du salarié est supprimé en raison de difficultés économiques et lorsque l'employeur envisage son licenciement, que dans cette hypothèse, l'employeur doit rechercher l'ensemble des postes disponibles et proposer par écrit ces postes au salarié, l'employeur ne pouvant procéder au licenciement économique que si le reclassement du salarié s'avère impossible ; qu'une proposition de modification du contrat de travail que le salarié peut toujours refuser, ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement ; que ce dernier ne peut limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l'intéressé de les refuser ; que dans ces conditions, l'employeur a l'obligation de proposer, à titre de reclassement, le poste que le salarié a refusé à la suite de la proposition de modification du contrat de travail ; que la SELAS LPB s'est abstenue de proposer à titre de reclassement le poste que Madame Françoise X... avait précédemment refusé au titre de la modification du contrat de travail pour motif économique, la lettre de licenciement ne mentionnant que l'absence de possibilité de reclassement ; que le conseil considère le licenciement prononcé à l'encontre de Madame X... comme dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'il condamnera la SELAS LPB au paiement de la somme de 18 000 euros au titre des dommages et intérêts ;
ALORS QUE, D'UNE PART, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement résultant d'une modification refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail consécutif à une réorganisation de l'entreprise destinée à sauvegarder sa compétitivité ; que lorsque le licenciement est motivé par le refus d'une modification du contrat de travail, il appartient au juge de rechercher si le motif de la modification proposée constitue ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en l'espèce, pour dire que le licenciement de Madame X... est dénué de cause réelle et sérieuse, la Cour retient que la société LPB ne justifie pas en quoi le maintien du temps plein de Mme X... était de nature à nuire à la sauvegarde de la compétitivité ; qu'en statuant ainsi, la Cour viole l'article L.1233-3 du Code du travail ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, ni la réalisation d'un chiffre d'affaires constant ni celle d'une marge brute conforme aux prévisions ne suffisent à exclure l'existence de difficultés économiques ou d'une menace sur la compétitivité de l'entreprise ; qu'en se bornant à relever que le chiffre d'affaires de la société LPB n'avait pas baissé et que la marge brute était « pratiquement conforme aux prévisions » pour dire qu'une menace sur la compétitivité de la société n'est pas caractérisée, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article L.1233-3 du Code du travail ;
ALORS QU'EN OUTRE, la société LPB exposait (concl. d'appel pages 15 et 16) qu'en dépit d'un résultat positif, elle avait été confrontée deux années consécutives à l'impossibilité de faire face aux remboursements de l'emprunt contracté pour racheter l'officine ; qu'en ne tenant pas compte de ces charges réelles et lourdes ayant une nécessaire incidence pour apprécier objectivement l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité de la société lors de la rupture du contrat, la Cour d'appel prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du Code du travail ;
ALORS QU'ENFIN, et en supposant les motifs des premiers juges adoptés, l'employeur n'est pas tenu, dans le cadre de son obligation de reclassement, de réitérer la proposition de réduction du temps de travail et de rémunération qu'un salarié a refusé dans le cadre de la proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique ; qu'en retenant le contraire pour juger le licenciement de Madame X... sans cause réelle et sérieuse, la Cour viole les articles L.1222-6 et L.1233-4 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-19697
Date de la décision : 03/12/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 18 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 déc. 2014, pourvoi n°13-19697


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.19697
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