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10/12/2014 | FRANCE | N°13-20135

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 décembre 2014, 13-20135


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 mai 2013), que M. X..., qui a travaillé en qualité d'électrotechnicien pour le compte de l'établissement public Grand Port maritime de Marseille (GPMM) du 15 mai 1979 au 30 septembre 2009 et qui a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de son ancien employeur à lui verser des dommages-intérêts réparant un préjudice économique ainsi

qu'un préjudice d'anxiété ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'emplo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 mai 2013), que M. X..., qui a travaillé en qualité d'électrotechnicien pour le compte de l'établissement public Grand Port maritime de Marseille (GPMM) du 15 mai 1979 au 30 septembre 2009 et qui a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de son ancien employeur à lui verser des dommages-intérêts réparant un préjudice économique ainsi qu'un préjudice d'anxiété ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire recevables les demandes indemnitaires du chef d'un préjudice d'anxiété, alors, selon le moyen, que la cour d'appel qui affirme qu'aucun salarié n'a développé une maladie professionnelle ne justifie aucunement les raisons pour lesquelles elle écarte la qualification de l'anxiété en « pathologie réactionnelle » telle qu'elle est codifiée par l'OMS dans la Codification Internationale des Maladies sous les références F41-1 CIM10 s'il s'agit d'une anxiété généralisée ou F41-1 CIM10 s'il s'agit d'un simple trouble anxieux (F 41-9 CIM 10) ; qu'en infirmant le jugement dont confirmation était demandée sans donner le moindre motif de la mise à l'écart de ces normes internationales, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le salarié n'avait pas déclaré souffrir d'une maladie professionnelle causée par l'amiante, la cour d'appel, répondant aux moyens dont elle était saisie, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit que les demandes indemnitaires fondées sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat relevaient de la compétence de la juridiction prud'homale ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens, réunis :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une somme en réparation d'un préjudice d'anxiété, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge n'est pas fondé à appliquer une présomption légale en dehors de son objet propre, de sorte qu'en se fondant sur l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 instituant l'ACAATA dont avait bénéficié M. Y..., pour affirmer que ce dernier aurait été personnellement exposé, dans des conditions fautives, au risque d'inhalation de poussières d'amiante, tandis que ce texte a pour unique objet de faciliter un accès, d'ailleurs facultatif, à une prestation de sécurité sociale spécifique (départ en retraite anticipé), la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;
2°/ que l'article 41 susvisé, à supposer qu'il permette de présumer la responsabilité de l'entreprise dans la survenance d'un préjudice d'anxiété, impose, par voie d'arrêté réglementaire, une solution exclusivement collective plaçant les parties dans une situation réglementaire, non susceptible comme telle, d'être remise en cause devant la juridiction prud'homale ; qu'il en résulte que le recours à la décision de classement, prise par l'administration, pour dispenser le demandeur d'établir le lien de causalité entre le préjudice d'anxiété invoqué et la faute imputée à l'entreprise place celle-ci dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en faisant néanmoins une application systématique de ce texte, sans vérifier qu'il réservait à l'employeur une quelconque possibilité d'apporter une preuve contraire, la cour d'appel a méconnu les règles du procès équitable en violation de l'article 6 de la CEDH ;
3°/ qu'il ne suffit pas d'invoquer une pollution environnementale pour être dispensé d'établir un lien de causalité entre la faute de l'entreprise et le préjudice d'anxiété invoqué dans le cadre de l'article 1147 du code civil, de sorte que viole ce texte, ainsi que l'article 1315 du même code, la cour d'appel qui se fonde sur une présence de l'amiante sur le site, imputable à tous les employeurs et sur la présence de ce produit dans certains bâtiments de GPMM pour reprocher à l'entreprise de ne pas avoir apporté la preuve de la non-exposition de chaque salarié aux poussières d'amiante et de n'avoir produit aux débats aucun document prouvant l'absence d'exposition de ces salariés ; qu'en statuant de la sorte la cour d'appel a totalement interverti la charge de la preuve, telle qu'elle est applicable en droit commun, en violation des textes susvisés ;
4°/ que l'obligation de l'employeur de prendre des mesures de prévention ne concerne que les « risques professionnels »propres à l'activité de l'entreprise et nullement les dangers publics liés à la pollution d'un site, de sorte qu'en incriminant le ou les employeurs qui avaient affecté, à un titre ou à un autre, leurs salariés sur le port, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L.4121-1 du code du travail ;
5°/ qu'en retenant les dispositions générales de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, lesquelles ne sanctionnent aucune faute de l'employeur et en retenant également une diffusion des poussières d'amiante sur le site portuaire concernant tous les employeurs, en raison notamment du « trafic commercial de l'amiante », activité totalement étrangère à GPMM, la cour d'appel, qui ne précise pas quelles précautions auraient permis d'éliminer le risque, mise à part une interdiction d'utilisation du produit, laquelle relevait de la seule compétence des pouvoirs publics, n'a pas caractérisé la faute imputée à l'entreprise, en violation de l'article 1147 du code civil ;
6°/ que le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour quiconque s'oppose à ce que le juge utilise une motivation standard pour déterminer la réparation et s'abstienne d'analyser les éléments produits aux débats auxquels il prétend se référer ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans préciser ni l'ampleur du risque environnemental, ni l'âge de la « victime», ni sa situation de famille, ni les contrôles auxquels elle se soumet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil et du principe susvisé ;
7°/ que l'accord collectif signé le 24 octobre 2002 entre GPMM et des organisations syndicales porte sur « les modalités de mise en oeuvre du dispositif de l'ACAATA » et comporte un ensemble de prestations concernant, outre une indemnité de départ, une garantie de financement de la retraite complémentaire, le maintien des prestations de la Commission des oeuvres sociales de l'entreprise ainsi que l'engagement de verser au conjoint survivant un capital décès en cas de disparition du salarié résultant d'une pathologie de l'amiante ; qu'en s'abstenant d'analyser globalement cette convention et en affirmant qu'elle aurait pour « seul objet » les modalités financières des départs anticipés et d'accorder un régime indemnitaire « plus favorable sur le quantum que le régime légal », la Cour d'appel qui ne s'explique nullement sur la cause du versement d'une somme équivalente à 65 % du salaire annuel de chaque intéressé, comme le prévoit l'article 5 de ladite convention, a privé sa décision de toute base légale tant au regard de l'article 1134 du code civil que de l'article L.2211-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié, qui avait travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvait, par le fait de l'employeur, lequel ne démontrait pas l'existence d'une cause d'exonération de responsabilité, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, peu important la nature de l'exposition, fonctionnelle ou environnementale, qu'il avait subie, et qu'il fasse l'objet d'une surveillance médicale ou non, a ainsi, sans méconnaître les règles du procès équitable, caractérisé l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété dont elle a souverainement apprécié le montant, sans être tenue d'en préciser les divers éléments ;
Et attendu qu'ayant fait ressortir que l'accord d'entreprise du 24 octobre 2002, tout en assurant une compensation plus importante de la perte de revenu résultant de la cessation d'activité, n'interdisait pas une demande ultérieure en réparation d'un trouble psychologique résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'établissement Grand Port maritime de Marseille aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'établissement Grand Port maritime de Marseille à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour le Grand Port maritime de Marseille
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevables les demandes indemnitaires du chef d'un préjudice d'anxiété et d'avoir condamné GPMM à verser à ce titre une indemnité de 8.000 ¿ ;
AUX MOTIFS QUE « sur la compétence et la fin de non recevoir : il convient d'abord de répondre au premier moyen soulevé par l'intimé lequel considère que les salariés, ayant sollicité le bénéfice du dispositif ACAATA et n'ayant développé aucune maladie professionnelle, ne peuvent prétendre à aucune indemnisation laquelle ne relèverait pas, au demeurant, de la compétence du conseil de prud'hommes ; que l'article L.1411-1 du code du travail, dispose que « le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti » ; que la juridiction prud'homale est compétente dès lors que le litige est né du contrat de travail ; qu'au soutien de ses prétentions, l'appelant n'invoque ni l'une des pathologies visées à l'article 1er de l'arrêté du 5 mai 2002, dont le constat vaut justification de l'exposition à l'amiante dans le cadre du FIVA, ni la notion de faute inexcusable de l'employeur ; qu'il fonde seulement ses demandes indemnitaires sur les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat et donc sur l'exécution entre les parties du contrat de travail ce qui relève, comme rappelé plus haut, de la compétence de la juridiction prud'homale de sorte que les demandes indemnitaires sont recevables, étant précisé que la demande du chef de préjudice économique n'est pas maintenue en cause d'appel » ;
ALORS QUE la Cour d'appel qui affirme qu'aucun salarié n'a développé une maladie professionnelle ne justifie aucunement les raisons pour lesquelles elle écarte la qualification de l'anxiété en « pathologie réactionnelle » telle qu'elle est codifiée par l'OMS dans la Codification Internationale des Maladies sous les références F41-1 CIM10 s'il s'agit d'une anxiété généralisée ou F41-1 CIM10 s'il s'agit d'un simple trouble anxieux (F 41-9 CIM 10) ; qu'en infirmant le jugement dont confirmation était demandée sans donner le moindre motif de la mise à l'écart de ces normes internationales, la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à Monsieur François X... une indemnité de 8.000 ¿ au titre d'un préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QUE « « le principe de la responsabilité civile implique la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux pour justifier le droit à réparation de l'intégralité des dommages subis. Il y a lieu de constater que par arrêté du 7 juillet 2000, le Port Maritime de Marseille a été inscrit sur la liste des ports susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA en faveur des salariés dockers professionnels ayant travaillé pendant la période relative aux années 1957 à 1993, que l'article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale du 21 décembre 2001 pour 2002 a étendu le dispositif de l'ACAATA aux personnels portuaires assurant la manutention et que l'arrêté du 11 décembre 2001 modifiant la liste des établissements de la construction et de la réparation navale susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA a inclus dans ce dispositif le service technique de l'outillage, des ateliers et centre d'activité de la réparation navale et du dragage du Port Autonome de Marseille. En outre, un accord d'entreprise dans le Port Autonome de Marseille, en date du 24 octobre 2002, a stipulé que " les parties signataires ont convenu d'aménager les conditions de départ définies dans les textes en vigueur pour les personnels du Port Autonome de Marseille pouvant prétendre au bénéfice d'une cessation anticipée d'activité dans le cadre du dispositif amiante " et que " peuvent prétendre au bénéfice d'une cessation d'activité anticipée amiante, les agents ayant travaillé dans les services techniques de l'outillage, des ateliers et centres d'activité de la réparation navale et du dragage, ainsi que le personnel de manutention portuaire du Port Autonome de Marseille dans les périodes visées par les textes en vigueur." Par ailleurs, il ressort du compte rendu du comité paritaire d'hygiène et de sécurité relatif à la manutention portuaire du Port de Marseille du 22 décembre 1999 produit aux débats et corroboré sur l'essentiel par un compte rendu dressé par le médecin de la manutention portuaire également produit aux débats (étant précisé que ces pièces ont été débattues contradictoirement à l'audience sans opposition des parties) que, sur la période susvisée, une grande dispersion du risque d'amiante avait été constatée tant sur les navires, les quais et les locaux du fait d'une protection rare et inefficace en raison notamment du trafic commercial de l'amiante sur le site. Ce document, qui décrit précisément la manutention et le conditionnement de l'amiante sur l'ensemble du site, lesquels y ont favorisé la diffusion libre des poussières d'amiante, ajoute qu' "aucun poste de travail ne peut être certain d'avoir échappé au risque: dockers de bord, de terre, chauffeurs, grutiers, pointeurs, chefs d'équipe, contremaîtres, chefs de service, personnel d'entretien et mécaniciens. Tout le personnel travaillant sur le port ou à proximité a pu être exposé au risque amiante et la liste n'est pas exhaustive sans oublier le personnel occasionnel ou complémentaire utilisé par les sociétés de manutention pour compléter les effectifs dockers sur les navires ou les exploitations". Ces constatations de la présence d'amiante et de la diffusion des poussières d'amiante sur le site portuaire concernent tous les employeurs qui, pendant cette période, y avaient affecté, à un titre ou à un autre, leurs salariés lesquels dès lors avaient pu être exposés, du fait de leur employeur et compte tenu de l'emploi exercé comme il sera examiné plus loin, aux poussières d'amiante. Il sera d'ailleurs ajouté qu'il est acquis aujourd'hui et n'est sérieusement plus remis en question le fait que l'amiante, en raison de ses qualités d'isolant, avait été aussi utilisée, comme le soutiennent les appelants, dans les matériaux des bâtiments du port où les salariés du PAM avaient travaillé, dans les systèmes de freins équipant les divers engins mis à leur disposition sur le port ainsi que dans tous les calorifugeages des tuyaux des terminaux pétroliers installés sur le port sur lesquels ils avaient pu intervenir. Or, il est admis par la communauté scientifique que les poussières d'amiante avaient été identifiées comme vecteur potentiel de maladies professionnelles, dès 1945 et 1950, par l'inscription de pathologies liées à l'amiante au tableau des maladies professionnelles, que de nombreux documents, études et rapports publiés depuis le début du XX° siècle avaient apporté la preuve d'une connaissance bien antérieure à 1977 des dangers de l'amiante et qu'une pathologie liée à l'inhalation de poussières pouvait se révéler de nombreuses années plus tard. Si l'obligation de sécurité mise à la charge de l'employeur a été codifiée par l'article L.230-2 ancien du code du travail, devenu L. 4121-1, dont la rédaction est issue de la loi du 31 décembre 1991, il n'en demeure pas moins que sur le fondement de la responsabilité contractuelle résultant de l'article 1147 du code civil, ainsi qu'au visa des dispositions réglementaires prises antérieurement en matière de sécurité telles qu'évoquées par les demandeurs (loi du 12 juin 1893, décret d'application du 11 mars 1894, décret du 13 décembre 1948 visant de manière générale la protection contre les poussières et le décret du 17 août 1977 visant de manière spécifique la protection contre les poussières d'amiante), la carence d'un employeur dans la mise en oeuvre des mesures de prévention des risques auxquels un salarié est exposé pendant l'exercice de son emploi, en l'espèce le fait de ne pas avoir pris les précautions suffisantes pour éviter une exposition potentiellement nocive aux poussières d'amiante, est constitutive d'un manquement à ses obligations contractuelles de nature à engager sa responsabilité et à justifier la réparation intégrale des préjudices subis. Contrairement à ce qu'affirme l'intimé, il n'est aucunement justifié par les pièces versées aux débats que le PAM devenu le GPMM avait pris de façon effective, sur le site où il avait décidé d'affecter ses salariés pendant la période considérée, les mesures nécessaires, notamment les mesures particulières visées par le décret du 17 août 1977, pour assurer la sécurité et protéger leur santé contre les poussières d'amiante. Le fait invoqué par l'appelant d'avoir mis en place un mode de représentation des salariés concernant leur sécurité, puis un CHSCT sur la prévention des risques professionnels et l'amélioration des conditions de travail (protocoles d'accord des 20 avril 1978, 22 février 1985 et 18 décembre 2001), initiatives qui ne portent pas directement sur des mesures spécifiques à la protection contre l'amiante, ne permet pas d'écarter la responsabilité de l'employeur qui ne démontre pas davantage avoir mis en oeuvre, au-delà de ces instances, un dispositif effectif de protection des salariés aux expositions nocives de nature à exclure tout risque de pathologie. La nature de l'emploi exercé qui figure d'ailleurs sur la liste des métiers fixée par arrêté du 7 juillet 2000, s'agissant d'un ouvrier intervenant sur les machines, l'avait mis en contact direct avec des matériaux contenant de l'amiante et donc l'avait exposé à de telles inhalations nocives. Le GPMM reconnaît d'ailleurs dans ses conclusions que ses anciens salariés éligibles à l'ACAATA ont « travaillé dans un métier à risque ». L'accord d'entreprise du 24 octobre 2002 dont se prévaut l'employeur ne saurait l'exonérer de sa responsabilité au regard des règles relatives à la santé et la sécurité des salariés, cet accord n'ayant eu pour seul objet que de définir les modalités financières des départs anticipés comme il sera développé plus loin. Il s'ensuit que l'employeur qui figurait sur la liste des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et qui, pour la période considérée, avait exposé ses salariés à des poussières d'amiante sans avoir mis en place des mesures de protection, quand bien même les demandeurs ne seraient pas atteints à ce jour d'une pathologie résultant de cette exposition, avait bien commis une faute » (¿) « Le salarié invoque un préjudice d'anxiété subi lors de l'exercice de l'emploi du fait de l' exposition à l'amiante sur le site du Grand Port, lequel aurait entraîné le risque de développer l'une des maladies liées à l'amiante, et une situation de stress et d'angoisse permanente de voir sa santé se dégrader à tout moment. Or, eu égard à ce qui précède, il est effectivement compréhensible, quand bien même aucune maladie n'avait été constatée et reconnue en lien avec une exposition à l'amiante, que le salarié soit confronté à une anxiété permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie, qu'il fasse l'objet d'une surveillance médicale ou non. La cour, en l'état des éléments produits aux débats, estime devoir réparer le préjudice d'anxiété du salarié à hauteur de la somme de 8.000¿. Le jugement dont appel doit être réformé » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le juge n'est pas fondé à appliquer une présomption légale en dehors de son objet propre, de sorte qu'en se fondant sur l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 instituant l'ACAATA dont avait bénéficié Monsieur X..., pour affirmer que ce dernier aurait été personnellement exposé, dans des conditions fautives, au risque d'inhalation de poussières d'amiante, tandis que ce texte a pour unique objet de faciliter un accès, d'ailleurs facultatif, à une prestation de sécurité sociale spécifique (départ en retraite anticipé), sans avoir à démontrer une faute quelconque de son employeur, la Cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;
ALORS, D'AUTRE PART, ET DE TOUTE FACON, QUE l'article 41 susvisé, à supposer qu'il permette de présumer la responsabilité de l'entreprise dans la survenance d'un préjudice d'anxiété, impose, par voie d'arrêté réglementaire, une solution exclusivement collective plaçant les parties dans une situation réglementaire, non susceptible comme telle, d'être remise en cause devant la juridiction prud'homale ; qu'il en résulte que le recours à la décision de classement prise par l'administration pour dispenser le demandeur d'établir le lien de causalité entre le préjudice d'anxiété invoqué et la faute imputée à l'entreprise place celle-ci dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en faisant néanmoins une application systématique de ce texte, sans vérifier qu'il réservait à l'employeur une quelconque possibilité d'apporter une preuve contraire, la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE a méconnu les règles du procès équitable en violation de l'article 6 de la CEDH ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'il ne suffit pas d'invoquer une pollution environnementale pour être dispensé d'établir un lien de causalité entre la faute de l'entreprise et le préjudice d'anxiété invoqué dans le cadre de l'article 1147 du Code civil, de sorte que viole ce texte, ainsi que l'article 1315 du même Code, la Cour d'appel qui se fonde sur une dispersion de l'amiante sur le site, imputable à tous les employeurs et sur la présence de ce produit dans certains bâtiments de GPMM ;
QU'il en est d'autant plus ainsi que l'obligation de l'employeur de prendre des mesures de prévention ne concerne que les « risques professionnels »propres à l'activité de l'entreprise et nullement les dangers publics liés à la pollution d'un site, de sorte qu'en incriminant le ou les employeurs qui avaient affecté, à un titre ou à un autre, leurs salariés sur le port (p.6 al.5 et 6), la Cour d'appel a violé par fausse application l'article L.4121-1 du Code du travail ;
ALORS, ENFIN, ET SUBSIDIAIREMENT, QU'en retenant les dispositions générales de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, lesquelles ne sanctionnent aucune faute de l'employeur et en retenant également une diffusion des poussières d'amiante sur le site portuaire concernant tous les employeurs, en raison notamment du « trafic commercial de l'amiante », activité totalement étrangère à GPMM, la Cour d'appel, qui ne précise pas quelles précautions auraient permis d'éliminer le risque, mise à part une interdiction d'utilisation du produit, laquelle relevait de la seule compétence des pouvoirs publics, n'a pas caractérisé la faute imputée à l'entreprise, en violation de l'article 1147 du Code civil et L.4121-1 du Code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à Monsieur François X... une indemnité de 8.000 ¿ au titre d'un préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QUE « la nature de l'emploi exercé qui figure sur la liste des métiers fixée par l'arrêté du 7 juillet 2000, l' avait mis en contact direct avec des matériaux contenant de l'amiante, et donc l' avait exposé à de telles inhalations nocives. Le GPMM reconnaît d'ailleurs dans ses conclusions que ses anciens salariés éligibles à l'ACAATA avaient "travaillé dans un métier à risque". Aucun document produit aux débats n'établit l'absence d'exposition aux poussières d'amiante de ces salariés. L'accord d'entreprise du 24 octobre 2002 dont se prévaut l'employeur ne saurait l'exonérer de sa responsabilité au regard des règles relatives à la santé et la sécurité des salariés, cet accord n'ayant eu pour seul objet que de définir les modalités financières des départs anticipés comme il sera développé plus loin » (¿)A titre liminaire, il y lieu de constater que l'accord d'entreprise du 24 octobre 2002 ne saurait être considéré, contrairement à ce que prétend l'intimé, comme ayant indemnisé les salariés au titre de leurs préjudices "toutes causes confondues". En effet, cet accord n'a pour seul objet, après avoir visé les salariés concernés, que de leur accorder un régime indemnitaire plus favorable sur le quantum que le régime légal indemnisant la cessation anticipée d'activité mais cet accord n'inclut pas l'indemnisation des préjudices extra patrimoniaux indépendants du dispositif légal et qui d'ailleurs ne sont aucunement mentionnés dans l'accord. C'est donc à tort qu'il est opposé par l'intimé le caractère satisfactoire des sommes perçues au titre de cet accord » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en s'abstenant de toute référence à l'importance et à la durée de la prétendue exposition au risque de Monsieur X..., à son âge et à sa situation de famille, pour lui allouer une réparation standard en sus de l'ACAATA, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale tant au regard de l'article 1147 du Code civil que du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour quiconque ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'accord collectif signé le 24 octobre 2002 entre GPMM et des organisations syndicales porte sur « les modalités de mise en oeuvre du dispositif de l'ACAATA » et comporte un ensemble de prestations concernant, outre une indemnité de départ, une garantie de financement de la retraite complémentaire, le maintien des prestations de la Commission des oeuvres sociales de l'entreprise ainsi que l'engagement de verser au conjoint survivant un capital décès en cas de disparition du salarié résultant d'une pathologie de l'amiante ; qu'en s'abstenant d'analyser globalement cette convention et en affirmant qu'elle aurait pour « seul objet » les modalités financières des départs anticipés et d'accorder un régime indemnitaire « plus favorable sur le quantum que le régime légal », la Cour d'AIX-EN-PROVENCE qui ne s'explique nullement sur la cause du versement d'une somme équivalente à 65 % du salaire annuel de chaque intéressé, comme le prévoit l'article 5 de ladite convention, a privé sa décision de toute base légale tant au regard de l'article 1134 du Code civil que de l'article L.2211-1 du Code du travail.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

(compte temps)
Le pourvoi reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné GPMM à payer à Monsieur X... un rappel de salaires sur le « compte-temps » de 9.588 ¿ ainsi que 958 ¿ au titre des congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE « sur le rappel de salaires, le GPMM reconnaît qu'au jour de la rupture du contrat de travail, Monsieur X... était créditeur son « compte temps » (dont le mode de fonctionnement était propre à l'entreprise) d'un nombre d'heures chiffré et non discuté de 534 heures mais l'employeur soutient qu'en définitive, le salarié y aurait renoncé en démissionnant et en adhérant au dispositif ACAATA. Or si l'article 4 du protocole d'accord du 22 octobre 2002 stipule effectivement que « les jours de récupération devront être pris au jour du départ », il ne résulte cependant d'aucune disposition légale ou conventionnelle que le salarié, qui ne les aurait pas pris, serait réputé y avoir renoncé et il importe peu, à cet égard, que la rupture du contrat de travail soit intervenue sous la forme d'une démission ayant précédé le bénéfice du dispositif ACAATA, s'agissant d'une créance de salaires née antérieurement à cette démission. Le quantum de cette créance est établi par les pièces produites ; il n'est pas remis en question en tant que tel par l'intimé. Il convient par conséquent de condamner le GPMM à payer à l'appelant la somme de 9588 ¿ de ce chef outre celle de 958,8¿ au titre des congés payés y afférents » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'exposante avait fait valoir (p.12) que la prétention de Monsieur X... reposait sur une confusion volontaire entre la notion habituelle d' « heures supplémentaires » et celle, spécifique à GPMM, de « travaux exceptionnels » lesquels, sans correspondre à un dépassement quelconque du cycle normal de travail, ouvrent droit à des rémunérations supérieures qui avaient déjà été réglées, et aussi à des jours de la récupération, seul objet du compte temps litigieux ; qu'en convertissant ce solde d'un crédit de jours récupération en « heures supplémentaires » prétendument non réglées, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur la nature des heures portées au crédit du « compte temps » de Monsieur X..., qui n'ouvraient pas droit à une rémunération, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et de l'article 3211-1 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'accord collectif du 24 octobre 2002 loin de stipuler une quelconque « renonciation » du salarié à un avantage salarial acquis subordonnait l'octroi des avantages octroyés à chacun des bénéficiaires à la condition expresse qu'il ait pris les heures de repos compensateur figurant résiduellement dans son compte temps pendant la durée du travail qui lui restait à accomplir avant son départ effectif de l'entreprise, ce qui ne contrevenait à aucune disposition légale ; qu'en refusant d'appliquer l'article 4 dudit accord, la Cour d'appel a violé ensemble l'article 1134 du Code civil et L.2232-16 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-20135
Date de la décision : 10/12/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 03 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 déc. 2014, pourvoi n°13-20135


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.20135
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