La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/2014 | FRANCE | N°13-14286

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 décembre 2014, 13-14286


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par M. Y... en qualité d'homme toutes mains ; que, licencié le 27 mai 2008, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur les premier et second moyens du pourvoi incident de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;> Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de t...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par M. Y... en qualité d'homme toutes mains ; que, licencié le 27 mai 2008, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur les premier et second moyens du pourvoi incident de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;
Attendu que pour rejeter la demande du salarié en paiement d'heures supplémentaires, d'une indemnité pour repos compensateur non pris et d'une indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt retient que l'intéressé ne produit pas d'éléments de nature à étayer sa demande lorsqu'il verse aux débats un tableau établi non pas en cours d'exécution du contrat de travail mais a posteriori, de façon purement abstraite et artificielle, sans aucun lien avec la réalité de sa situation de travail, et sans produire des documents tels qu'agendas sur lesquels il aurait consigné ses activités et ses heures de travail à partir desquels il aurait pu établir ses tableaux ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié avait produit un décompte des heures qu'il prétendait avoir réalisées auquel l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande en paiement de sommes au titre des heures supplémentaires, des repos compensateurs non pris et du travail dissimulé, l'arrêt rendu le 23 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à payer à Me Foussard la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal.
L'arrêt attaqué encourt la censure EN CE QU'IL a débouté le salarié de ses demandes au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires, de l'indemnité pour repos compensateur non pris, de l'indemnité pour travail dissimulé et de la prise en charge des frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QUE outre les témoignages déjà évoqués dont il a été dit qu'ils étaient sans aucune valeur probante, le seul document que produit M. X... pour étayer sa demande à cet égard est constitué d'une série de tableaux établis au moyen d'un ordinateur (ses pièces n° 72 à 76) ; qu'il s'agit là, à l'évidence, de documents établis, non pas en cours d'exécution du contrat de travail, mais à posteriori, en une fois unique et pour tenter d'étayer sa demande en justice ; qu'il ne produit par contre pas les documents, tels qu'agendas sur lesquels il aurait consigné ses activités et ses heures de travail par exemple, à partir desquels il aurait pu établir ses tableaux ; que ceux-ci l'ont donc été de façon purement abstraite et artificielle et sans aucun lien avec la réalité de sa situation de travail ; que ces tableaux n'étayent pas sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires;
ET AUX MOTIFS QUE s'il est fait droit à la demande de rappel de salaire de M. X... sur la base d'un temps plein, c'est à raison de l'existence d'une présomption de travail à temps plein imputable au fait que son employeur est incapable de justifier du cadre, saisonnier, hebdomadaire et quotidien, dans lequel il travaillait ;
ALORS QUE, premièrement, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; que par ailleurs l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les heures de travail effectivement réalisées par le salarié ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, de rejeter la demande de M. X... au titre des heures supplémentaire en ce qu'elle n'était étayée par aucun élément probant, tout en constatant que M. X... avait produit aux débats une série de tableaux récapitulatifs, tout en constatant que l'employeur n'avait pas été en mesure de justifier des heures réalisées, sans même exiger de celui6 ci qu'il examine et se prononce sur le bien-fondé des tableaux produits par le salarié, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, violant l'article L. 3171-1 du code du travail ;
ALORS QUE, deuxièmement, l'intention de dissimuler une partie d'un emploi salarié se déduit, lorsque l'employeur a mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué, de la connaissance qu'avait pu avoir l'employeur des heures de travail réellement accomplies, compte tenu de la charge de travail confiée au salarié ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que l'intention de dissimuler l'emploi de M. X... n'était pas établie en justifiant sa décision par des motifs inopérants tirés notamment de la présence épisodique de M. Y... sur les lieux ainsi que de l'existence de déclarations d'embauche et de bulletins de paie, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. Y... n'avait pas eu connaissance du nombre d'heures effectivement accomplies par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article L. 324-10, dernier alinéa du code du travail, recodifié sous l'article L. 8221-5 du même code.

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Y..., demandeur au pourvoi incident.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. Y... à payer à M. X... un rappel de salaire pour les périodes du 1er avril au 28 septembre 2007, et du 2 janvier au 27 mai 2008, et dit que ce rappel de salaire correspondrait à 'la différence entre le salaire correspondant à un temps complet (151,67 heures par mois) et celui qui avait été versé au salarié,
AUX MOTIFS QUE le premier contrat de travail à durée déterminée stipulait que la durée hebdomadaire de 20 heures serait à répartir du lundi au vendredi et éventuellement le samedi matin à la convenance de M. X... et en fonction du travail qu'il jugera nécessaire d'effectuer ou des priorités ou urgences éventuelles ; QU'en ce qu'elle est très imprécise sur la répartition du travail du salarié entre les jours de la semaine, cette stipulation est manifestement non conforme aux dispositions de l'article L. 3123-14 du code du travail ;
QUE ce constat doit également être fait à propos du second contrat à durée déterminée ; QUE cette non conformité emporte présomption de temps plein ; QU'il s'agit là toutefois d'une présomption simple dont l'employeur peut démontrer qu'elle ne correspond pas à la réalité ; QUE M. Y... ne produit lui-même aucun document justifiant des conditions temporelles d'exercice par M. X... de son activité à son service ; QU'il ne renverse donc pas la présomption d'exercice à temps plein de cette activité et M. X... est donc bien fondé en sa demande de rappel de salaire calculé sur la différence entre un temps plein correspondant à la durée légale du travail et le salaire, correspondant à un temps partiel, qu'il a perçu ; QU'il est bien fondé en cette demande pour la totalité de la période d'exécution de son premier contrat de travail à durée déterminée, soit du 1er avril au 28 septembre 2007, ainsi que pour la période qui a couru du 2 janvier 2008, date de son embauche dans le cadre d'un nouveau contrat à durée déterminée, au 27 mai 2008, date où lui a été notifié son licenciement après que le contrat soit devenu à durée indéterminée ;
ALORS QUE l'absence dans le contrat de travail d'un salarié à temps partiel de mention relative à la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ne justifie la requalification de ce contrat en contrat à temps complet que s'il est établi que ce salarié était placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il se trouvait dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de l'employeur ; que tel n'est pas le cas lorsque le contrat de travail stipule que le salarié déterminera lui-même la répartition des heures de travail ; que dès lors, la cour d'appel, qui a constaté que les contrats en cause stipulaient que le salarié effectuerait les heures de travail à sa convenance, ce dont il résultait qu'il était en mesure de déterminer son rythme de travail et n'était pas à la disposition permanente de l'employeur, ne pouvait juger que le contrat de travail était présumé à temps complet sans violer les articles L. 3123-14 du code du travail et 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est encore reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. Y... à payer à M. X... la somme de 7 000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE M. X... soutient que son contrat de travail s'est exécuté sans interruption de 1989 à 2008 ; que si, à la date de son licenciement, M. X... pouvait se prévaloir d'une ancienneté de cinq mois seulement en service de M. Y..., leurs mutuelles relations de travail, interrompues pour de brèves durées à plusieurs reprises, se sont déroulées sur une période de 28 ans au total ; QUE M. X... était âgé de 57 ans lorsqu'elles ont été à nouveau rompues le 27 mai 2008 ; QUE son salaire devant être calculé sur la base d'un temps complet, il était de 1 280,09 € par mois ; QUE s'il ne justifie ni de sa situation professionnelle après la rupture du contrat qui le liait et M. Y..., ni de son indemnisation éventuelle par Pôle Emploi, son âge rend largement illusoire une nouvelle embauche ; QUE ces éléments d'appréciation de son préjudice imputable à son licenciement pris en compte, celui-ci sera justement réparé par l'allocation, mise à la charge de M. Y..., de 7.000 € à titre de dommages et intérêts ;
1- ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en rappelant que M. X... avait été embauché en 1989 pour la première fois, puis que les relations contractuelles, rompues le 27 mai 2008, s'étaient déroulées sur une période de 28 ans au total, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2- ALORS QUE de surcroît, en omettant d'indiquer sur quels éléments de preuve elle se fondait pour considérer que les relations contractuelles avaient duré 28 ans, la cour d'appel a de nouveau méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3- ALORS QUE la censure à intervenir sur le premier moyen de cassation entrainera, par voie de conséquence, la censure du chef de dispositif relatif à l'indemnité allouée au titre de dommages et intérêts, en ce qu'elle a été évaluée sur la base d'un salaire à temps complet ;
4- ALORS QU'ENFIN, en énonçant que l'âge de M. X... rendait largement illusoire une nouvelle embauche, tout en relevant qu'il ne fournissait aucun document relatif à son indemnisation, la cour d'appel a énoncé un motif d'ordre général et violé de nouveau l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-14286
Date de la décision : 11/12/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 23 mars 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 déc. 2014, pourvoi n°13-14286


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.14286
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award