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11/02/2015 | FRANCE | N°13-27901

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 février 2015, 13-27901


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 mars 2013), que Mme Z... épouse X..., engagée en qualité de réceptionniste à compter du 11 juillet 2005 par Mmes Y... et A..., médecins, a été licenciée pour faute lourde le 21 octobre 2009 ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave, alors, selon le moyen :
1°/ que la faute grave implique une réaction immédiate de l'employeur qui doit engager la procédure de licenc

iement dans un délai restreint, dès lors qu'il a connaissance des fautes et qu'auc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 mars 2013), que Mme Z... épouse X..., engagée en qualité de réceptionniste à compter du 11 juillet 2005 par Mmes Y... et A..., médecins, a été licenciée pour faute lourde le 21 octobre 2009 ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave, alors, selon le moyen :
1°/ que la faute grave implique une réaction immédiate de l'employeur qui doit engager la procédure de licenciement dans un délai restreint, dès lors qu'il a connaissance des fautes et qu'aucune vérification n'est nécessaire ; que la salariée a fait valoir que l'employeur a eu connaissance des faits reprochés dès le 11 septembre 2009 mais n'a engagé la procédure de licenciement qu'à la date du 5 octobre 2011 et qu'il ne pouvait en conséquence se prévaloir d'une faute lourde ou grave ; qu'en considérant le licenciement justifié par une cause grave sans rechercher comme elle y était invitée si l'employeur avait mis en oeuvre la procédure dans un délai restreint, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en violation des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ que des carences et un comportement désagréable de la part d'une réceptionniste dans un cabinet médical, en poste depuis plus de quatre ans sans avoir fait l'objet d'une quelconque sanction antérieure, relèvent de l'insuffisance professionnelle qui, si elle peut le cas échéant constituer une cause de licenciement, ne caractérise pas la faute grave ; que la cour d'appel a confirmé le jugement en se bornant à qualifier le comportement de la salariée d'inadapté et de désagréable dans un cabinet médical qui reçoit des personnes en état de souffrance et de stress, ce comportement ayant eu pour conséquence la désertion du cabinet par un certain nombre de patients ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas caractérisé la faute grave et n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant relevé que c'est à la suite de différentes lettres adressées au cours des mois de septembre et octobre 2009 que l'employeur a eu connaissance de la réalité et de l'ampleur des faits fautifs reprochés à la salariée, la cour d'appel a ainsi fait ressortir que cette procédure avait été mise en oeuvre dans un délai restreint à partir du moment où l'employeur avait été en mesure d'apprécier l'ampleur et la gravité des faits imputés à la salariée ;
Attendu, ensuite, qu'ayant retenu que le comportement de la salariée avait eu pour conséquence le départ d'un certain nombre de patients du cabinet médical de l'employeur, la cour d'appel a pu en déduire que ses agissements rendaient impossible son maintien dans l'entreprise et constituaient une faute grave ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour Mme Z....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit le licenciement fondé sur une faute grave et débouté la salariée de ses demandes de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes et indemnités ;
AUX MOTIFS QUE :
Sur le bien-fondé du licenciement La lettre de licenciement en date du 21 octobre 2009 qui fixe les limites du litige est libellée en ces termes : " Nous vous avons fait part lors de notre entretien du 15 octobre dernier, d'agissements de votre part d'une particulière gravité. Mettant en cause la sécurité médicale de nos patients et compromettant irrémédiablement notre réputation professionnelle, ils sont constitutifs d'une faute lourde. Vous avez été engagée en qualité de réceptionniste. Nous vous rappelons que ce poste est très important dans l'organisation d'un cabinet médical. En effet à partir du 11 septembre dernier, nous avons été informées de votre comportement envers les patients :- Vous vous êtes substituée au médecin pour prendre une décision qui n'est pas de votre ressort pour les rendez-vous d'urgence.- Vous n'avez pas communiqué des appels concernant les patients du DR Y..., demandant un rendez-vous urgent :- " Danger de mort " : la patiente a tenté sept fois de nous joindre. Je vous en ai informé, vous avez affirmé m'avoir passé cette communication alors le ni la patiente ni moi-même ne nous sommes parlées ce jour-là. Vous nous avez traitées de " folles ".- " Hyperalgie " : Les patients ont tenté deux fois de me joindre sans succès. Une semaine plus tard, ils ont laissé un mot dans la boîte aux lettres demandant à récupérer les dossiers familiaux (au nombre de cinq). Quand je vous ai demandé de les appeler pour m'enquérir de leurs raisons, vous m'avez affirmé l'avoir fait à deux reprises et même avoir laissé un message sur le répondeur. Ils affirment le contraire. Et c'est en leur remettant en mains propres leurs dossiers que j'ai appris le 11 septembre votre attitude à leur égard. En conséquence des patients ont voulu changer de médecin, certains envisageant même de porter plainte pour " non-assistance à personne en danger "- Les patients se sont plaints de votre attitude désagréable voir grossière lors de leur appel. (...).- Vous continuez à commettre des erreurs itératives sur la prise des rendez-vous (...).- D'autre part, l'organisation et la gestion des dossiers n'étaient pas correctement effectué (...). Dans notre relation employée/ employeurs :- Nous vous rappelons que le personnel salarié est placé sous l'autorité de l'employeur, alors que vous ne teniez pas compte des remarques ou des conseils qui vous ont été donnés.- Votre attitude est désinvolte, irrespectueuse et grossière. Ce comportement ne peut être toléré dans un cabinet médical. Cette attitude désorganise complètement la bonne marche du cabinet. (...). "
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant de son contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis. La charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur. La faute commise par le salarié avec l'intention de nuire à l'employeur est une faute lourde. Il appartient à ce dernier de démontrer l'intention de nuire. Les docteurs Y... et A... versent aux débats plus de quarante témoignages (courriers, attestations) de patients se plaignant de façon concordante de l'attitude désagréable voire grossière de Yvette X... à leur encontre. Certaines attestations font état de faits non datés (J......), certains courriers ne sont pas datés de sorte qu'ils ne permettent pas d'en connaître la date de réception par les médecins. Il n'en demeure pas moins que les docteurs Y... et A... ont en outre reçu, courant septembre/ octobre 2009, soit moins de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement, plusieurs courriers de patients faisant état de leur mécontentement à l'égard de Yvette X..., filtrage intempestif, manque de tact, comportement insolent au téléphone (K..., L...
M..., N......), les consorts B... indiquant " c'est la première fois parmi mon état de santé problématique que je trouve une secrétaire qui détruits les relations humaines entre le médecin et ses patients ", madame C... " elle préjugeait après un interrogatoire médical complètement déplacé de la pertinence ou non d'accorder un rendez-vous ". D'autres patients comme madame D... font état d'erreurs de rendez-vous. Alain E... dans un courrier en date du 4 septembre 2009 informe le docteur Y... qu'il a quitté son cabinet pour rejoindre un autre médecin, non par manque de qualité de soins, mais en raison de l'accueil détestable de sa secrétaire : " agressivité, impolitesse et incompétence récurrente ont fini par me convaincre de muter vers un autre médecin ". D'autres patients comme mesdames F... ou G... confirment avoir du pour les mêmes raisons changer de médecin. Une autre patiente, Carole H... a adressé au médecin un courrier en date du 9 octobre 2009, dans lequel elle fait état, du refus catégorique de Yvette X... de lui fixer un rendez-vous en urgence le 24 août précédent après une violente crise d'hyperalgie. Elle ajoute qu'elle trouve ce comportement anormal et inadmissible et qu'elle tenait à la mettre au courant de ce qui " l'avait fait sortir de ses gonds ". Isabelle I... témoigne quant à elle qu'enceinte de 7 mois et étant souffrante, elle est arrivée au cabinet avant l'heure de son rendez-vous, alors qu'elle se sentait mal et que les autres patients présents dans la salle d'attente étaient d'accord pour la laisser passer, Yvette X... a refusé d'avertir le médecin de sa présence et de la faire passer au milieu des rendez-vous. Elle indique qu'elle a fini par partir pour se rendre chez un autre médecin. Elle ajoute qu'avisée de la situation, le docteur Y... l'a contactée téléphoniquement pour qu'elle soit vue en urgence. La belle-mère de la jeune femme confirme cette version des faits ajoutant que sa belle-fille en avait été très choquée. Yvette X... ne donne pas de véritable explication quant au faits qui lui sont reprochés. Elle expose qu'elle était contrainte de " jongler " constamment entre la nécessité de laisser les médecins recevoir leur patient en toute sérénité et l'insistance de ceux qui ne sollicitent qu'un entretien téléphonique avec leur médecin et qu'il n'est donc pas étonnant que les patients éconduits cristallisent leur mécontentement sur la secrétaire. Elle tente toutefois de détourner le débat en invoquant l'agression dont elle dit avoir été victime le 3 septembre 2009 de la part du docteur A... et pour laquelle elle a déposé plainte à la gendarmerie. La cour relève, comme le conseil de prud'hommes, qu'alors que Yvette X... accuse le médecin de lui avoir porté un coup de poing à la bouche, le praticien consulté par la salariée n'a toutefois constaté aucune lésion cliniquement décelable et n'a fixé aucune ITT. La plainte n'a en outre donné lieu à aucune suite pénale. Les attestations produites par la salariée louant ses qualités humaines sont insuffisantes pour combattre les témoignages précédemment évoqués et fait, que des patients ont déserté le cabinet des docteurs Y... et A... du fait de son attitude. Il s'évince de ces développements que le comportement inadapté et désagréable de la salariée est à lui seul constitutif d'une faute de nature à justifier une mesure de licenciement, tout spécialement dans un cabinet médical, lieu qui reçoit des personnes en état de souffrance ou de stress. Ces comportements fautifs qui ont eu notamment pour conséquence la désertion du cabinet par un certain nombre de patients rendaient impossible, à partir du moment où les docteurs Y... et A... ont pris connaissance de leur ampleur, le maintien de la salariée au cabinet durant la durée du préavis. La cour, comme les premiers juges, n'estime pas établie l'intention de nuire à l'employeur de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré que le licenciement de Yvette X... reposait sur une faute grave et non sur une faute lourde.
Sur les conséquences indemnitaires de la rupture et rappel de salaire Au regard de la solution apportée au litige, du fait qu'il n'est pas démontré que la mesure de licenciement a présenté un quelconque caractère abusif ou vexatoire, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Yvette X... de l'intégralité de ses demandes.
ALORS QUE la faute grave implique une réaction immédiate de l'employeur qui doit engager la procédure de licenciement dans un délai restreint, dès lors qu'il a connaissance des fautes et qu'aucune vérification n'est nécessaire ; que la salariée a fait valoir que l'employeur a eu connaissance des faits reprochés dès le 11 septembre 2009 mais n'a engagé la procédure de licenciement qu'à la date du 5 octobre 2011 et qu'il ne pouvait en conséquence se prévaloir d'une faute lourde ou grave ; qu'en considérant le licenciement justifié par une cause grave sans rechercher comme elle y était invitée si l'employeur avait mis en oeuvre la procédure dans un délai restreint, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en violation des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.
ALORS QUE des carences et un comportement désagréable de la part d'une réceptionniste dans un cabinet médical, en poste depuis plus de quatre ans sans avoir fait l'objet d'une quelconque sanction antérieure, relèvent de l'insuffisance professionnelle qui, si elle peut le cas échéant constituer une cause de licenciement, ne caractérise pas la faute grave ; que la cour d'appel a confirmé le jugement en se bornant à qualifier le comportement de la salariée d'inadapté et de désagréable dans un cabinet médical qui reçoit des personnes en état de souffrance et de stress, ce comportement ayant eu pour conséquence la désertion du cabinet par un certain nombre de patients ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas caractérisé la faute grave et n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-27901
Date de la décision : 11/02/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 22 mars 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 fév. 2015, pourvoi n°13-27901


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.27901
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