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24/03/2015 | FRANCE | N°14-13999

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 24 mars 2015, 14-13999


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 19 décembre 2013), que M. X... a confié à Mme Y..., assurée auprès de la Mutuelle des architectes français, une mission de maîtrise d'oeuvre en vue de la réhabilitation d'une maison ; que Mme Y... ayant, en décembre 2007, résilié le contrat, M. X..., invoquant la caractère fautif de cette résiliation, a obtenu en référé la désignation d'un expert ; que M. X... ayant fait donation de l'immeuble à Mme Z..., ce

lle-ci a assigné Mme Y... en responsabilité et indemnisation de ses préjudices m...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 19 décembre 2013), que M. X... a confié à Mme Y..., assurée auprès de la Mutuelle des architectes français, une mission de maîtrise d'oeuvre en vue de la réhabilitation d'une maison ; que Mme Y... ayant, en décembre 2007, résilié le contrat, M. X..., invoquant la caractère fautif de cette résiliation, a obtenu en référé la désignation d'un expert ; que M. X... ayant fait donation de l'immeuble à Mme Z..., celle-ci a assigné Mme Y... en responsabilité et indemnisation de ses préjudices matériels et de jouissance ; que M. X... est intervenu à l'instance pour solliciter l'indemnisation de son préjudice de jouissance subi avant la donation ;
Attendu qu'ayant , d'une part, relevé que Mme Y... n'avait pas respecté la procédure contractuelle de résiliation, que M. X... avait fait appel en cours de chantier à un expert et que les travaux, prévus pour durer huit mois, avaient débuté au mois de septembre 2007, la cour d'appel, devant laquelle les intimés sollicitaient l'indemnisation d'un préjudice de jouissance à compter du 30 avril 2008, et qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a souverainement retenu que l'intervention d'un tiers traduisait une perte de confiance dans l'architecte qui justifiait en son principe la résiliation à l'initiative de Mme Y... et a pu en déduire, sans se contredire, que les contrats passés avec les entreprises qui n'étaient pas résiliés, pouvaient se poursuivre dans les conditions initiales et que la faute commise par Mme Y... avait entraîné une perte de chance, qu'elle a souverainement fixée à 40%, de voir s'achever le chantier dans les conditions de prix et de délai prévues par les parties ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z... et M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille quinze.

Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Z... et M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir limité à 40 % des pertes matérielles et de jouissance subies par le maître de l'ouvrage et son ayant cause (M. X... et Mme Z..., les exposants) la condamnation à réparation d'un maître d'oeuvre et de son assureur (Mme Y... et la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS) ;
AUX MOTIFS QUE la responsabilité de Mme Y... requérait la preuve de manquements de sa part dans l'exécution du contrat d'architecte signé ou d'une faute dans la rupture de ce contrat ; que l'insuffisance des plans révélée par M. A..., expert du maître de l'ouvrage, n'avait pas été confirmée par l'expert judiciaire ; qu'il n'était nullement établi une faute dans le choix des entreprises, Mme Y... n'étant pas responsable de la liquidation judiciaire de l'une d'elles dans la mesure où il n'était pas établi qu'elle était connue pour être en difficultés ou réaliser des prestations insuffisantes ; que les fautes de conception alléguées à son encontre n'étaient en rien établies car la pose d'une poutre dans le séjour était bien prévue dans le devis de CD de bâtiment et il appartenait à l'entreprise de mettre en place une poutre adaptée aux prescriptions techniques réglementaires ; qu'il devait être ajouté que la hauteur sous plafond du séjour n'était pas inférieure à 2,30 mètres sauf au niveau de la poutre ; que la pose de plaques "hydro" était prévue dans les pièces humides dans le descriptif des travaux à réaliser et la prescription au niveau du conduit de cheminée était un rappel qui n'avait pas donné lieu à une malfaçon, le conduit ne semblant pas réalisé au vu des observations de l'expert judiciaire ; que les comptes rendus de réunion de chantier produit relevaient un suivi régulier du chantier ; que la mission du maître d'oeuvre comportait l'établissement d'un coût prévisionnel détaillé et l'assistance à la passation des contrats de travaux ; que la défaillance de Mme Y... dans la réalisation de ces missions ressortait de l'expertise, mais cette défaillance ne devait pas être préjudiciable au maître de l'ouvrage, les entreprises étant engagées par les devis signés et tenues aux travaux de reprise ; que le chiffrage des travaux de reprise et d'achèvement du chantier s'élevait selon l'expert judiciaire à 96.340,54 ¿ tandis que M. X... restait devoir payer la somme de 29.851,27 ¿, la somme de 19.382,06 ¿ correspondant à des travaux supplémentaires n'ayant pas lieu d'être ajoutée en ce qu'elle visait à payer pour l'essentiel des travaux de réfection ; que la réfection de la poutre, prévue selon un devis accepté mais non réalisé de l'entreprise BOURDARIOS du 12 décembre 2007 pour 5.690,67 ¿, étant le principal désordre, le coût d'achèvement des travaux tels que fixés par l'expert judiciaire permettait de conclure que le montant des travaux initiaux avait bien été sous-évalué pour rentrer dans l'enveloppe initiale ; que néanmoins, si Mme Y... avait achevé sa mission, il lui aurait appartenu de faire en sorte que les prestations prévues fussent réalisées aux coûts contractuellement mentionnés ; que la rupture du contrat de maîtrise d'oeuvre n'apparaissait pas fautive dans son principe ; que Mme Y... avait ressenti l'intervention de M. A... comme une remise en cause de son travail et l'avait interprétée comme une perte de confiance à son égard de la part du maître de l'ouvrage ; qu'il convenait de préciser que le chantier avait débuté le 7 septembre 2007 et devait s'achever fin avril 2008 et que l'intervention de M. A... avait donné lieu à un premier rapport non contradictoire en date du 19 novembre 2007, puis à un deuxième procès-verbal en date du 28 novembre 2007 non contradictoire mais envoyé à Mme Y..., et à un troisième rapport intitulé "mémorandum" en date du 10 décembre 2007, réalisé en présence de Mme Y... ; que M. A... critiquait le travail réalisé par Mme Y..., quand les travaux n'étaient pas terminés et étaient loin de l'être ; que la rupture n'était dans ces conditions pas fautive car le recours à un expert par le maître de l'ouvrage en cours de chantier traduisait a priori une perte de confiance dans l'architecte, ce que confirmait en l'espèce l'accumulation de critiques formulées explicitement ou implicitement par M. A... à son encontre ; que, cependant, Mme Y... devait, au terme du contrat signé, envoyer une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception et la résiliation ne pouvait intervenir qu'un mois après la mise en demeure restée sans effet ; que ce délai d'un mois aurait pu provoquer une explication franche entre Mme Y... et le maître de l'ouvrage qui n'avait pas eu lieu, et éviter la rupture du contrat de maîtrise d'oeuvre, ce qui aurait permis d'assurer l'achèvement des travaux ; que la lettre adressée par M. X... dès le 26 décembre 2007 à Mme Y... démontrait qu'il souhaitait la rencontrer en vue d'une démarche amiable et il n'était pas certain que la rencontre devait aborder la seule question des honoraires de Mme Y... ; que ce manquement fautif de la part de Mme Y... avait fait perdre au maître de l'ouvrage une chance de parvenir à l'exécution du contrat d'architecte et des contrats tels que prévus, perte de chance évaluée à 40 % au vu de la tonalité des rapports de M. A... ; que Mme Y... et la MAF étaient tenus d'indemniser les pertes matérielles et de jouissance subies par le maître de l'ouvrage et son successeur à hauteur de 40 % ; qu'il ne pouvait être reproché à M. X... puis à Mme Z... de ne pas avoir contracté avec un autre architecte pour parvenir à l'achèvement des travaux aux conditions initialement prévues car l'enveloppe financière fixée par M. X... était atteinte ; qu'il était par ailleurs compréhensible que M. X... ait interrompu les travaux dans la mesure où il n'avait plus de maître d'oeuvre pour les surveiller ; qu'après le dépôt du rapport d'expertise, l'impossibilité de financer les travaux avec d'autres entreprises était a fortiori établie au vu des montants prévus par l'expert pour lesquels Mme Y... comme la MAF n'avaient pas offert le paiement de provision ;
ALORS QUE, d'une part, en application du principe de la réparation intégrale, un préjudice certain et réalisé doit être entièrement indemnisé ; que de l'ensemble des énonciations de l'arrêt attaqué résulte une faute du maître d'oeuvre en lien causal avec le préjudice du maître de l'ouvrage qui ne pouvait faire achever les travaux puisque l'enveloppe financière stipulée au contrat de maîtrise d'oeuvre était déjà atteinte avant la rupture unilatérale des relations entre les parties ; qu'en considérant néanmoins que la faute de l'architecte, qui avait sous-évalué le prix des travaux, n'était pas préjudiciable au maître de l'ouvrage au prétexte que si le premier avait achevé sa mission, il aurait été tenu de faire en sorte que les prestations prévues fussent réalisées aux coûts contractuellement mentionnés, et en limitant le préjudice à la perte d'une chance, quand il résultait de ses constatations que ledit préjudice était déjà réalisé, si bien que la prise en compte de l'hypothèse de l'achèvement de sa mission par le maître d'oeuvre était inopérante, ne tirant pas ainsi les conséquences légales de ses propres énonciations, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1149 du code civil ;
ALORS QUE, d'autre part, le juge ne pouvait, sans se contredire, tout à la fois constater que le maître de l'ouvrage était dans l'impossibilité de financer les travaux avec d'autres entreprises après la rupture du contrat de maîtrise d'oeuvre car l'enveloppe financière fixée par lui était atteinte, ce qui était dû à une sous-évaluation du prix des travaux par l'architecte, et limiter le préjudice de l'intéressé à la perte d'une chance de parvenir à l'exécution du contrat d'architecte et des travaux prévus initialement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, en outre, pour retenir que la rupture du contrat par le maître d'oeuvre n'était pas fautive dans son principe, l'arrêt attaqué a relevé que le chantier avait débuté le 7 septembre 2007 et devait s'achever fin avril 2008 et en a déduit que la critique du travail réalisé par l'architecte était intervenue à un moment où les travaux étaient loin d'être terminés ; qu'il a par ailleurs constaté que le délai fixé pour la fin des travaux était de huit mois à compter de la signature du contrat le 2 octobre 2006, ce dont il résultait que le terme prévu pour les travaux se serait situé au 2 juin 2007 ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel s'est contredite, ne satisfaisant pas ainsi aux prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, enfin, selon un planning établi par l'architecte le 30 juillet 2007, la date de fin des travaux avait été fixée au 7 janvier 2008 (pièce n° 13 du bordereau annexé aux conclusions de l'exposante) ; que le procès-verbal de constat du 10 décembre 2007 (ibid., pièce n° 7), relatant la réunion contradictoire tenue avec l'architecte le 7 décembre précédent, mentionnait que les parties avaient reporté la date d'achèvement des travaux au 7 février 2008 ; que, pour déclarer que la rupture unilatérale du contrat de maîtrise d'oeuvre n'était pas fautive dans son principe, le juge a retenu que le chantier devait s'achever fin avril 2008 ; qu'en statuant ainsi sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur la circonstance que la rupture, intervenue à moins d'un mois et demi de la fin du chantier et non pas quatre mois avant le délai contractuel d'achèvement, n'avait eu lieu que dix jours après un accord des parties sur le principe et la date d'achèvement des travaux et était de ce fait fautive, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-13999
Date de la décision : 24/03/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 19 décembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 24 mar. 2015, pourvoi n°14-13999


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.13999
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