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10/06/2015 | FRANCE | N°14-11031

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 juin 2015, 14-11031


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Caen, 22 novembre 2013), que la société Guy Dauphin environnement (GDE) a décidé de transférer certaines de ses activités de Rocquancourt à Montoir de Bretagne, soixante-seize salariés étant concernés par ce changement de lieu de travail ; qu'un accord collectif de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences a été négocié, avec un accompagnement social formalisé dans un plan de sauvegarde de l'emploi et que le 20 février 2013, la sociét

é GDE a informé les salariés que leur emploi était transféré à Montoir de Bret...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Caen, 22 novembre 2013), que la société Guy Dauphin environnement (GDE) a décidé de transférer certaines de ses activités de Rocquancourt à Montoir de Bretagne, soixante-seize salariés étant concernés par ce changement de lieu de travail ; qu'un accord collectif de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences a été négocié, avec un accompagnement social formalisé dans un plan de sauvegarde de l'emploi et que le 20 février 2013, la société GDE a informé les salariés que leur emploi était transféré à Montoir de Bretagne et leur a proposé, soit une mutation soit un reclassement ; qu'à défaut de réponse les salariés étaient considérés comme ayant refusé la « mobilité choisie » ainsi que les mesures d'accompagnement et que l'entreprise serait obligée d'imposer cette mobilité ; que Mme X... et vingt autres salariés, parmi lesquels Mme Y..., salariée protégée, ont informé la société GDE tant de leur refus d'être transférés que de rompre leur contrat d'un commun accord, sollicitant le prononcé de leur licenciement ainsi que les mesures d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi ; que la société GDE a pris note de leur refus et les a informés de leur mutation, à compter du 1er juillet 2013 sur le site de Montoir de Bretagne en application de la clause de mobilité figurant à leur contrat de travail ; que les salariés et l'Union départementale des syndicats CGT du Calvados ont saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Caen pour interdire à la société d'imposer cette mutation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les salariés, à l'exception de Mme Y..., font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande tendant à faire interdiction sous astreinte à la société de mettre en oeuvre la clause de mobilité contractuelle, alors, selon le moyen :
1°/ qu'une clause contractuelle ne peut faire échec à l'application des dispositions d'ordre public du droit du licenciement pour motif économique ; que dans le cadre d'une réorganisation destinée à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, l'employeur qui envisage de proposer aux salariés dont l'emploi est transféré une modification du lieu de travail ne peut imposer celle-ci par la mise en oeuvre d'une clause contractuelle de mobilité ; qu'en cas de refus par le salarié de la mutation, l'employeur peut procéder au licenciement pour motif économique du salarié et non lui imputer un faute disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement ; que la mise en oeuvre d'une clause de mobilité dans le cadre d'une restructuration emportant transfert d'emplois, qui a pour objet ou effet d'éluder l'application de la procédure applicable au licenciement collectif pour motif économique, constitue un trouble manifestement illicite ; qu'en jugeant au contraire que la clause de mobilité étant valide, les salariés, en refusant leur mutation, ont refusé une modification de leurs conditions de travail et non une modification de leur contrat de travail et que dès lors, les licenciements n'ont pas, sauf abus, à être prononcés pour motif économique et que ces salariés n'ont pas vocation à bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3, L. 1233-4, L. 1233-61, L. 1233-62 et R. 1455-6 du code du travail ;
2°/ que selon l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'en jugeant cependant inapplicable le droit du licenciement pour motif économique au motif que la restructuration a été envisagée sans compression des effectifs alors qu'il ne résulte de ce texte légal aucune condition tenant à une réduction des effectifs, la cour d'appel a violé ledit texte ;
3°/ qu'en jugeant que n'était pas caractérisé un trouble manifestement illicite au motif que le licenciement des salariés n'est pas encore intervenu alors qu'elle a constaté que l'employeur leur a imposé la mutation géographique et leur a notifié que leur refus est susceptible de constituer un faute disciplinaire et a refusé d'engager à leur égard la procédure de licenciement pour motif économique, ce qui caractérisait le trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail ;
4°/ que le juge des référés est compétent en application de l'article R. 1455-6 du code du travail pour prévenir un dommage imminent ; en sorte qu'en se déclarant incompétente au motif que la procédure n'était pas parvenue à son terme et en refusant d'intervenir pour préserver les salariés de la perte illégale de leur emploi, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail ;
5°/ que la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'après avoir constaté que l'employeur a délibérément rédigé les dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi de manière à « en éviter toute application » contrairement à l'injonction que lui avait faite la DIRECCTE, la cour d'appel a néanmoins jugé que l'appréciation des conditions du bénéfice des mesures de ce plan excède la compétence du juge des référés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait l'existence d'un trouble manifestement illicite caractérisé par la manoeuvre de l'employeur visant à éluder le respect de ses engagements, a violé l'article R. 1455-6 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le contrat de travail des salariés contenait une clause de mobilité dont la validité n'était pas discutée et qu'en n'acceptant pas leur mutation, ils refusaient un changement de leurs conditions de travail, la cour d'appel a exactement retenu, par ces seuls motifs, que la demande faite aux salariés de rejoindre leur nouveau lieu de travail ne constituait pas un trouble manifestement illicite; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que les salariés, à l'exception de Mme Y..., font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande tendant à faire interdiction sous astreinte à la société de mettre en oeuvre la clause de mobilité contractuelle, alors, selon le moyen :
1°/ que la mise en oeuvre de la clause de mobilité doit être conforme à l'intérêt de l'entreprise ; qu'en se bornant, alors que les salariés invoquaient l'absence d'intérêt à imposer aux salariés une mutation géographique, à affirmer qu'il n'appartient pas au juge de se substituer à l'employeur pour apprécier l'intérêt pour l'entreprise de se réorganiser, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ que la mise en oeuvre d'une clause contractuelle de mobilité ne peut porter une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit fondamental du salarié à une vie personnelle et familiale ; qu'il appartient au juge des référés de faire cesser le trouble manifestement illicite que constitue une telle atteinte ; qu'en se bornant à relever que les salariés n'ont pas encore été licenciée pour se dire incompétente et écarter tout trouble manifestement illicite alors qu'elle a constaté que les salariés se sont vus imposer la clause de mobilité sans prise en considération de leur « situation familiale et personnelle particulière », la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et R. 1455-6 du code du travail ;
3°/ que le juge des référés est compétent en application de l'article R. 1455-6 du code du travail pour prévenir un dommage imminent ; en sorte qu'en se déclarant incompétent au motif que la procédure n'était pas parvenue à son terme et en refusant d'intervenir pour préserver les salariés de la perte illégale de leur emploi, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail ;
Mais attendu d'abord, que la cour d'appel a constaté que la société GDE avait transféré plusieurs services à Montoir-de-Bretagne et qu'elle avait dès lors un intérêt légitime à muter les salariés affectés aux services ainsi transférés en application de la clause de mobilité insérée dans leur contrat de travail ;
Attendu ensuite, qu'ayant retenu que le seul fait de mettre en oeuvre la clause de mobilité ne constituait pas un abus de droit, la cour d'appel a exactement décidé que les salariés ne justifiaient pas de l'existence d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième, quatrième et cinquième moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X... et les vingt et un autres demandeurs.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Concernant tous les exposants à l'exception de Madame Y...

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté les salariés de leur demande tendant à voir faire interdiction sous astreinte à la société de mettre en oeuvre la clause de mobilité contractuelle, de les AVOIR déboutés de leur demande tendant à voir mettre en oeuvre à leur égard une procédure de licenciement pour motif économique, le tout sous astreinte, et d'avoir refusé de liquider l'astreinte prononcée en première instance et de condamner l'employeur à leur verser une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE les salariés intimés fondent leurs demandes sur l'existence d'un trouble manifestement illicite ; que ce trouble serait, selon eux, caractérisé, au principal, d'un part par la mise en ouvre abusive de clauses contractuelles de mobilité en éludant le recours à des licenciements économiques qui s'imposaient car l'opération de transfert - qui entrainait des mutations - constituait une réorganisation faite pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; que ce trouble serait d'autre part caractérisé par le refus de la SA GDE de leur appliquer le PSE en méconnaissance des dispositions de ce plan qui prévoyait que les salariés refusant de muter et refusant d'adhérer au plan de départ volontaire devraient être licenciés pour motif économique et bénéficier des mesures prévues au PSE ; que ce trouble résulterait enfin de l'inégalité de traitement entre les salariés soumis à une même opération puisque ceux ayant accepté une rupture conventionnelle bénéficient du dispositif protecteur du licenciement et des mesures d'accompagnement du PSE tandis que ceux ayant refusé ce mode de rupture se voient imposer une mobilité forcée et à défaut une sanction disciplinaire ; que subsidiairement, les salariés intimés soutiennent que les clauses de mobilité auraient été mises en oeuvre dans des conditions abusives car cette mise en oeuvre n'est pas justifiée par l'intérêt de l'entreprise et porte atteinte à la vie familiale et personnelle des salariés ; que les salariés intimés font valoir que Mme Y... bénéficiant d'un statut protecteur, une mutation imposée constitue un trouble manifestement illicite ; qu'ils fondent leur demande sur l'article R1455-6 du code du travail qui permet à la formation de référé du conseil de prud'hommes de prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que la validité des clauses de mobilité contenues dans les contrats de travail de les salariés intimés n'est pas (ou plus) contestée ; que la mise en oeuvre d'une clause valide constitue une modification des conditions de travail, elle ne nécessite pas l'accord du salarié ; que cette mise en oeuvre est nécessairement licite ; que seules, le cas échéant, les conditions dans lesquelles cette clause est appliquée peuvent être considérées comme abusives voire manifestement illicites si cet abus est flagrant ; que pour qu'une demande en référé puisse aboutir, il doit en outre exister un troublé né à tout le moins, bien que ce fondement ne soit pas expressément mentionné, un dommage imminent - ; que si le trouble n'est que potentiel, la demande faite en référé n'est pas fondée ; sur l'application de clauses de mobilité aux lieu et place d'un licenciement économique collectif ; que les règles du licenciement économique s'appliquent à toute rupture du contrat de travail résultant d'une suppression, d'une transformation ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail consécutives notamment à une réorganisation de l'entreprise destinée à sauvegarder sa compétitivité ; qu'employant plus de 50 salariés, la SA GDE doit en outre établir un PSE si plus de 9 salariés sont concernés par des licenciements économiques ; que la clause de mobilité étant valide, les salariés intimés, en refusant leur mutation, ont refusé une modification de leurs conditions de travail et non une modification de leur contrat de travail ; que dès lors, les licenciements prononcés à raison de ces refus n'ont pas, sauf abus, à être prononcés pour motif économique ; que la SA GDE a présenté sa réorganisation comme devant intervenir à effectifs constants, elle n'a donc pas envisagé de suppression de postes a fortiori concernant plus de 9 salariés ; que cette réorganisation n'entre pas donc, faute de compression d'effectif, dans le champ du licenciement économique et n'entraine pas l'obligation d'établir un PSE ; qu'en toute hypothèse, les contrats des salariés intimés n'ont pas été rompus ; qu'un licenciement a certes été envisagé dans le courrier qui leur a été adressé le 3/7/13 mais pour l'heure, aucune rupture n'est effective ; que si l'employeur les licencie pour motif disciplinaire comme il a menacé de le faire dans ce courrier, il y aura lieu, à ce moment là et à ce moment là seulement, d'apprécier, sous les réserves ci-dessus évoquées, s'il a, ce faisant, eu recours, à tort, à un licenciement disciplinaire aux lieu et place d'un licenciement économique ; que pour l'heure, faute de rupture du contrat de travail, il ne saurait être considéré que les règles du licenciement économique auraient d'ores et déjà été détournées ; que l'existence d'un trouble manifestement illicite n'est donc pas établi sur ce fondement ; sur le refus d'appliquer le PSE ; que la SA GDE a élaboré un PSE destiné à « éviter ou limiter les ruptures de contrat de travail pour motif économique et faciliter les reclassements et réorientations professionnelles lorsque la mobilité interne n'est pas possible » ; que ce plan comporte des aides à la mobilité pour les salariés ayant accepté une « mobilité interne sur le site de Montoir de Bretagne », un recensement des postes disponibles dans le groupe pour les salariés concernés par le transfert de services mais « qui ne souhaitent pas poursuivre leur activité sur Montoir de Bretagne », avec avenant de mutation ou convention de transfert, un congé de reclassement et diverses mesures d'accompagnement social pour les salariés ne s'étant pas « déclarés volontaires pour poursuivre leur activité » à Montoir et ayant refusé des postes de reclassement à condition, pour ces salariés, d'avoir signé une convention de rupture pour motif économique ; que suite à une demande de la DIRECCTE (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi), la SA GDE a intégré au plan un dernier volet prévoyant que « si une procédure de licenciement collectif pour motif économique concernant des salariés dont l'emploi était intégré au projet de transfert devait être mise en oeuvre pour refus de modification de leur contrat de travail en application de l'article L1222-6 du code du travail, ces salariés, quel qu'en soit le nombre, bénéficieront des mêmes mesures que celles qui sont prévues par le présent PSE (...) à la seule exception (...) de l'indemnité de départ volontaire » ; que les salariés intimés font valoir que la SA GDE n'entend pas, en méconnaissance du plan, les faire bénéficier de cette dernière mesure ; que dans ses courriers successifs (datés du 20/2/13, 18/3/13, 22/3/13 et 3/7/13), la SA GDE a effectivement, de plus en plus nettement, manifesté son intention de ne pas appliquer aux salariés intimés cette disposition et de les licencier pour motif disciplinaire ; que néanmoins, aucun licenciement n'est pour l'heure intervenu ; qu'il n'existe donc pas de trouble né et actuel mais seulement un trouble potentiel qui dépend du type de licenciement que la SA GDE choisira ; que de surcroit, ce refus annoncé d'appliquer aux salariés intimés cette disposition n'est pas manifestement illicite ; qu'en effet, cette disposition a vocation à s'appliquer si le contrat de travail est modifié ; qu'or la mise en oeuvre d'une clause de mobilité ne modifie que les conditions de travail ; que la DIRECCTE s'est certes élevées dès le 7/3/13 contre le recours à un licenciement disciplinaire esquissé par la SA GDE dans son premier courrier du 20/2/13, en soulignant que « cela ne correspond (ni) à la lettre ni à l'esprit » de ce que la SA GDE avait accepté en estimant que les personnes « qui ne choisiront pas volontairement les mobilités que vous proposez devront bénéficier du congé de reclassement, des mesures sociales et financières prévues par le PSE¿ » et en demandant à la SA GDE d'envoyer « un rectificatif aux salariés concernés » ; que la bonne foi de l'employeur apparaît en effet sujette à caution puisqu'il s'avère avoir rédigé cet ajout demandé par la DIRECCTE de telle manière que la lettre de cette disposition lui permette d'en éviter toute application ; que néanmoins, il n'appartient pas au juge des référés d'apprécier ce point qui suppose une analyse qui excède la constatation d'une illicéité manifeste ; que l'existence d'un trouble manifestement illicite n'est donc pas établi sur ce fondement ;
ALORS QU'une clause contractuelle ne peut faire échec à l'application des dispositions d'ordre public du droit du licenciement pour motif économique ; que dans le cadre d'une réorganisation destinée à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, l'employeur qui envisage de proposer aux salariés dont l'emploi est transféré une modification du lieu de travail ne peut imposer celle-ci par la mise en oeuvre d'une clause contractuelle de mobilité ; qu'en cas de refus par le salarié de la mutation, l'employeur peut procéder au licenciement pour motif économique du salarié et non lui imputer un faute disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement ; que la mise en oeuvre d'une clause de mobilité dans le cadre d'une restructuration emportant transfert d'emplois, qui a pour objet ou effet d'éluder l'application de la procédure applicable au licenciement collectif pour motif économique, constitue un trouble manifestement illicite ; qu'en jugeant au contraire que la clause de mobilité étant valide, les salariés, en refusant leur mutation, ont refusé une modification de leurs conditions de travail et non une modification de leur contrat de travail et que dès lors, les licenciements n'ont pas, sauf abus, à être prononcés pour motif économique et que ces salariés n'ont pas vocation à bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi, la Cour d'appel a violé les articles L. 1233-3, L. 1233-4, L. 1233-61, L. 1233-62 et R.1455-6 du code du travail.
ET ALORS encore QUE selon l'article L. 1233-3 du Code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'en jugeant cependant inapplicable le droit du licenciement pour motif économique au motif que la restructuration a été envisagée sans compression des effectifs alors qu'il ne résulte de ce texte légal aucune condition tenant à une réduction des effectifs, la Cour d'appel a violé ledit texte.
ET ALORS en outre QU'en jugeant que n'était pas caractérisé un trouble manifestement illicite au motif que le licenciement des salariés n'est pas encore intervenu alors qu'elle a constaté que l'employeur leur a imposé la mutation géographique et leur a notifié que leur refus est susceptible de constituer un faute disciplinaire et a refusé d'engager à leur égard la procédure de licenciement pour motif économique, ce qui caractérisait le trouble manifestement illicite, la Cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail.
ALORS surtout QUE le juge des référés est compétent en application de l'article R. 1455-6 du Code du travail pour prévenir un dommage imminent ; en sorte qu'en se déclarant incompétente au motif que la procédure n'était pas parvenue à son terme et en refusant d'intervenir pour préserver les salariés de la perte illégale de leur emploi, la Cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail.
ET ALORS enfin QUE la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'après avoir constaté que l'employeur a délibérément rédigé les dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi de manière à « en éviter toute application » contrairement à l'injonction que lui avait faite la DIRECCTE, la Cour d'appel a néanmoins jugé que l'appréciation des conditions du bénéfice des mesures de ce plan excède la compétence du juge des référés ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait l'existence d'un trouble manifestement illicite caractérisé par la manoeuvre de l'employeur visant à éluder le respect de ses engagements, a violé l'article R.1455-6 du Code du travail.
DEUXIÈME MOYEN (subsidiaire) DE CASSATION
Concernant tous les exposants à l'exception de Madame Y...

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté les salariés de leur demande tendant à voir faire interdiction sous astreinte à la société de mettre en oeuvre la clause de mobilité contractuelle et d'avoir refusé de liquider l'astreinte prononcée en première instance et de condamner l'employeur à leur verser une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE sur l'inégalité de traitement ; qu'alors qu'ils se trouvent, selon eux, dans la même situation que les salariés ayant signé une convention de rupture pour motif économique, les salariés intimés se plaignent d'être traités différemment car ils se voient imposer une mutation forcée et sont à défaut menacés d'être sanctionnés alors que ceux-ci bénéficient du dispositif protecteur du licenciement économique ; qu'un même courrier a été envoyé le 20/2/13 à tous les salariés qui ouvrait également aux salariés intimés la possibilité de signer une convention de rupture pour motif économique s'ils le souhaitaient ; qu'actuellement, le contrat de travail de ceux qui ont signé cette convention a été rompu tandis que celui des salariés intimés est toujours en cours ; que cette différence majeure justifie que les salariés intimés puissent se voir imposer une mutation et soient menacés de sanctions ; que quant aux inégalités qui pourraient apparaître après leur licenciement avec ceux qui ont signé une convention de rupture pour motif économique, il est impossible de les apprécier tant que les salariés intimés n'ont pas été licenciés et que le recours à un licenciement disciplinaire n'est, pour l'heure, qu'une menace ; qu'il conviendra en outre, le cas échéant, à ce moment là, d'apprécier si les salariés intimés et ces autres salariés sont dans une situation identique ; que l'existence d'un trouble manifestement illicite n'est donc pas établi sur ce fondement.
ALORS QUE l'employeur qui envisage le licenciement pour motif économique de dix salariés ou plus doit établir et mettre un oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi ; que si un plan de sauvegarde de l'emploi peut contenir des mesures réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique au regard de l'avantage en cause puissent bénéficier de cet avantage, à moins qu'une différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes, et que les règles déterminant les conditions d'attribution de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables ; que constitue une inégalité de traitement injustifiée l'application de la procédure de licenciement pour motif économique et des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi aux seuls salariés qui acceptent une rupture amiable du contrat de travail par un « départ volontaire », à l'exclusion de ceux qui n'ont pas accepté la convention de rupture ; qu'en jugeant le contraire, au motif inopérant que les salariés qui ont été exclus du bénéfice des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi pour avoir refusé une convention amiable de rupture et qui se sont vus imposer la mise en oeuvre d'une clause de mobilité n'ayant pas encore été licenciés, ne se trouvent pas dans la même situation, la Cour d'appel a violé le principe d'égalité, ensemble les articles L. 1233-3, L. 1233-4, L. 1233-61 et L. 1233-62 et R. 1455-6 du Code du travail.
ALORS surtout QUE le juge des référés est compétent en application de l'article R. 1455-6 du Code du travail pour prévenir un dommage imminent ; en sorte qu'en se déclarant incompétente au motif que la procédure n'était pas parvenue à son terme et en refusant d'intervenir pour préserver les salariés de la perte illégale de leur emploi, la Cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail.
TROISIÈME MOYEN (subsidiaire) DE CASSATION
Concernant tous les exposants à l'exception de Madame Y...

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté les salariés de leur demande tendant à voir faire interdiction sous astreinte à la société de mettre en oeuvre la clause de mobilité contractuelle et d'avoir refusé de liquider l'astreinte prononcée en première instance et de condamner l'employeur à leur verser une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE sur la mise en oeuvre abusive des clauses de mobilité ; qu'il n'est pas contesté que la SA GDE a transféré plusieurs services à Montoir de Bretagne ; que les salariés intimés n'établissent ni même n'allèguent que le service où ils étaient affectés serait resté à Rocquancourt ; que dès lors, l'entreprise avait un intérêt légitime à muter les salariés intimés affectés aux services transférés ; que quant à l'intérêt pour l'entreprise de se réorganiser, il n'appartient pas au juge de se substituer à l'employeur pour l'apprécier ; qu'il est constant que certains des salariés intimés qui ont refusé de muter ont une situation familiale et personnelle particulière ; que si, alors qu'il connaît maintenant leur situation, l'employeur entend néanmoins sanctionner leur refus de muter notamment en les licenciant, il leur appartiendra, quand la sanction sera effective, de la contester, le cas échéant devant le juge du fond ; que pour l'heure, le seul fait de mettre en oeuvre, dans l'intérêt légitime de l'entreprise, une clause de mobilité figurant à leur contrat de travail, ne saurait être considéré comme un abus de droit, abus qui, faute en l'espèce d'être manifeste, ne saurait d'ailleurs être apprécié par le juge des référés ; que l'existence d'un trouble manifestement illicite n'est donc pas établi sur ce fondement.
ALORS d'une part QUE la mise en oeuvre de la clause de mobilité doit être conforme à l'intérêt de l'entreprise ; qu'en se bornant, alors que les salariés invoquaient l'absence d'intérêt à imposer aux salariés une mutation géographique, à affirmer qu'il n'appartient pas au juge de se substituer à l'employeur pour apprécier l'intérêt pour l'entreprise de se réorganiser, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail.
ALORS d'autre part QUE la mise en oeuvre d'une clause contractuelle de mobilité ne peut porter une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit fondamental du salarié à une vie personnelle et familiale ; qu'il appartient au juge des référés de faire cesser le trouble manifestement illicite que constitue une telle atteinte ; qu'en se bornant à relever que les salariés n'ont pas encore été licenciée pour se dire incompétente et écarter tout trouble manifestement illicite alors qu'elle a constaté que les salariés se sont vus imposer la clause de mobilité sans prise en considération de leur « situation familiale et personnelle particulière », la Cour d'appel a violé les articles L. L. 1121-1 et R. 1455-6 du Code du travail.
ALORS surtout QUE le juge des référés est compétent en application de l'article R. 1455-6 du Code du travail pour prévenir un dommage imminent ; en sorte qu'en se déclarant incompétent au motif que la procédure n'était pas parvenue à son terme et en refusant d'intervenir pour préserver les salariés de la perte illégale de leur emploi, la Cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail.
QUATRIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Concernant Madame Y...

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame Y... de sa demande tendant à voir faire interdiction sous astreinte à la société de mettre en oeuvre la clause de mobilité contractuelle en violation de son statut protecteur et d'avoir refusé de liquider l'astreinte prononcée en première instance et de condamner l'employeur à lui verser une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE sur le cas de Mme Y... ; que Mme Y... en tant que salariée protégée, ne peut se voir imposer un changement dans ses conditions de travail ; que son licenciement suppose en outre une autorisation de l'inspection du travail ; que Mme Y... s'est vue notifier sa mutation, qu'elle a refusée, comme elle en avait la possibilité ; que la SA GDE n'a pas, pour l'heure du moins, sanctionné Mme Y... et ne l'a pas licenciée ; qu'il n'existe donc aucun trouble né et actuel qu'il appartiendrait au juge des référés de faire cesser.
ALORS QU'aucune modification du contrat de travail ni aucun changement des conditions de travail ne peut être imposé à un représentant du personnel ; qu' en cas de refus par le salarié, il appartient à l'employeur d'engager la procédure de licenciement ; que l'absence d'engagement d'une telle procédure constitue un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés doit mettre fin en ordonnant la réintégration de ce salarié protégé dans son ancien emploi avec tous les avantages qu'il comportait ; que la Cour d'appel a constaté que la salariée s'est vue notifier sa mutation, qu'elle a refusé ; que pour la débouter cependant de sa demande tendant à faire interdiction sous astreinte à la société de mettre en oeuvre ladite clause, la Cour d'appel a estimé qu'il n'existe aucun trouble né et actuel qu'il appartiendrait au juge des référés de faire cesser au motif que la salariée n'a été ni sanctionnée, ni licenciée ; qu'en statuant ainsi, alors que la société n'a ni rétabli la salariée dans son emploi, ni engagé à son encontre une procédure de licenciement, la Cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du Code du travail.
CINQUIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté l'UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS CGT DU CALVADOS de sa demande tendant à dire que la société a porté atteinte à l'intérêt collectif de la profession et de condamner l'employeur à lui verser une indemnité à ce titre et une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE les salariés intimés et Mme Y... étant déboutés de leurs demandes, l'atteinte portée aux intérêts de la profession n'est pas établie ; que l'union départementale des syndicats CGT du Calvados sera en conséquence déboutée de sa demande.
ALORS QU'en application de l'article 625 du Code de procédure civile, la cassation à intervenir sur l'un ou l'autre des précédents moyens emportera cassation du cinquième moyen.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-11031
Date de la décision : 10/06/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 22 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 jui. 2015, pourvoi n°14-11031


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.11031
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