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18/06/2015 | FRANCE | N°14-19890

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 18 juin 2015, 14-19890


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 22 avril 2014), que, domicilié en France et exerçant son activité professionnelle au Luxembourg, M. X... a sollicité de la caisse primaire d'assurance maladie de Thionville (la caisse) le remboursement de prestations de santé dont il avait bénéficié du 4 décembre 2007 au 17 mars 2008 ; que la caisse a procédé au remboursement de ces prestations, déduction faite d'une franchise ; que, contestant le fait que cette participation demeure

à sa charge dès lors qu'il paye des cotisations sociales dans son pays ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 22 avril 2014), que, domicilié en France et exerçant son activité professionnelle au Luxembourg, M. X... a sollicité de la caisse primaire d'assurance maladie de Thionville (la caisse) le remboursement de prestations de santé dont il avait bénéficié du 4 décembre 2007 au 17 mars 2008 ; que la caisse a procédé au remboursement de ces prestations, déduction faite d'une franchise ; que, contestant le fait que cette participation demeure à sa charge dès lors qu'il paye des cotisations sociales dans son pays d'emploi, M. X... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt, après avoir déclaré n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne, de décider que la franchise prévue à l'article L. 322-2 du code de la sécurité sociale n'est pas une cotisation sociale et, en conséquence, de rejeter sa demande, en sa qualité de travailleur frontalier domicilié en France et exerçant son activité professionnelle dans un autre Etat membre de l'Union européenne, tendant au remboursement de ladite participation réglée à la caisse primaire de la Moselle, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient à la Cour de justice de l'Union européenne de statuer, à titre préjudiciel, sur l'interprétation de textes communautaires soulevant une question sur laquelle elle n'a pas encore statué ; que la Cour de cassation française doit donc poser à cette juridiction la question préjudicielle suivante, sur laquelle celle-ci ne s'est pas à ce jour prononcée : « une pratique interne ayant pour objet de mettre à la charge des assurés sociaux une contribution sur le remboursement des prestations en nature constitue-t-elle une cotisation sociale au sens de l'article 11 du règlement 883/2004 ? Le fait pour l'état de résidence servant les prestations de mettre cette contribution à la charge des travailleurs frontaliers qui acquittent les cotisations sociales dans le pays d'emploi caractérise-t-il une atteinte au principe de libre circulation des travailleurs ? », cela par voie de renvoi préjudiciel en application des dispositions de l'article 267 du traité sur l'union européenne (TUE) ;
2°/ qu'en toute hypothèse, toute contribution affectée spécifiquement au financement du régime de sécurité sociale d'un état membre de l'Union européenne revêt, indépendamment de sa qualification juridique et de ses modalités de calcul ou de perception, la nature d'une cotisation de sécurité sociale soumise à l'interdiction de double prélèvement visant les personnes résidant dans un état membre et travaillant dans un autre ; qu'en l'espèce, la franchise annuelle d'un montant forfaitaire laissée à la charge de l'assuré pour les frais relatifs à chaque prestation et produit de santé, constituant un gain immédiat pour la caisse, est ainsi affectée spécifiquement au financement du régime de sécurité sociale ; qu'en se fondant sur les modalités de perception de la franchise pour décider le contraire et considérer qu'elle ne constituait pas une cotisation de sécurité sociale soumise à l'interdiction du double prélèvement, la cour d'appel a violé l'article 11 du règlement européen 883/2004 du 29 avril 2004 et l'article L. 322-2 III du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que la franchise annuelle laissée à la charge de l'assuré en application de l'article L. 322-2 III du code de la sécurité sociale pour les frais, pris en charge par l'assurance maladie, relatifs à chaque prestation et produit de santé que le texte énumère, ne revêt pas le caractère d'une contribution pour le financement de la sécurité sociale au sens de l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, applicable à la date des soins litigieux ;
Et attendu que l'arrêt retient que la franchise instituée par les articles L. 322-2 III , D. 322-5 et D. 322-6 du code de la sécurité sociale tend à laisser à la charge d'un assuré une partie du coût d'un acte ; qu'il ne résulte ni des dispositions précitées ni de celles des articles L. 241-1 et suivants que la contribution soit affectée spécifiquement au financement d'un régime de sécurité sociale ; que la seule circonstance que cette limitation des remboursements entraîne une économie pour la caisse débitrice des prestations ne peut suffire à caractériser son affectation au financement d'un régime ; que ce mécanisme a été introduit dans les dispositions relatives aux prestations en nature servies au titre de l'assurance maladie afin d'inciter leurs bénéficiaires à faire preuve de responsabilité vis-à-vis de l'usage des soins, la part laissée à charge de l'assuré ne pouvant excéder un plafond annuel de cinquante euros ; que la franchise forfaitaire constitue une retenue opérée sur le remboursement par la caisse des frais engagés par l'assuré ; que, directement reliée à une prestation ou un produit de santé, elle ne grève donc pas les revenus d'activité ou de remplacement perçus par le travailleur à l'occasion d'une activité exercée dans un autre Etat membre de l'Union européenne ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que la franchise forfaitaire litigieuse n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, ce dont il résultait qu'elle devait être définitivement supportée par le ressortissant européen bénéficiant de la prestation à laquelle la contribution est attachée ;
D'où il suit que, sans qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l' Union européenne, le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
DIT n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, après avoir déclaré n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne, d'avoir décidé que la franchise prévue à l'article L. 322-2 III du code de la sécurité sociale n'était pas une cotisation sociale et, en conséquence, d'avoir rejeté la demande d'un assuré social (M. X..., l'exposant), travailleur frontalier domicilié en France et exerçant son activité professionnelle dans un autre Etat membre de l'Union européenne, tendant au remboursement de la dite franchise dé-duite par la caisse primaire (celle de Moselle) ;
AUX MOTIFS QUE l'article 11-3-a) du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 disposait que « la personne qui exerc(ait) une activité salariée ou non salariée dans un état membre (était) soumise à la législation de cet état membre » ; que, selon un arrêt "Perenboom" du 5 mai 1977, la Cour de justice des communautés européennes avait décidé que l'état de résidence ne pouvait pas prélever des cotisations sociales sur la rémunération perçue par le travailleur à l'occasion d'une activité exercée dans un autre état et de ce fait assujettie à la législation de ce dernier état ; que, par deux arrêts C-34/98 et C-169/98 du 15 février 2000, la Cour de justice avait déclaré qu'en appliquant la contribution sociale généralisée et la contribution pour le remboursement de la dette sociale aux revenus d'activité et de remplacement des travailleurs salariés et indépendants qui résidaient en France mais travaillaient dans un autre état membre et qui, en vertu du règlement 1408/71 du conseil du 14 juin 1971, n'étaient pas soumis à la législation française sur la sécurité sociale, la république française avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 13 dudit règlement, ainsi que des articles 48 et 52 du traité CE (devenus, après modification, articles 39 CE et 43 CE) ; que, pour statuer en ce sens, la cour de justice avait retenu que l'affectation spécifique d'une contribution au financement du régime de sécurité sociale d'un état membre constituait le critère déterminant de l'application de l'article 13 du règlement 1408/71, peu important l'existence de contre-parties en termes de prestations ou la qualification d'impôts par la législation nationale ; que, compte tenu des termes de l'article 11 du règlement (CE) 883/2004 du 29 avril 2004, ce critère était également déterminant pour trancher le présent litige ; qu'il convenait donc de vérifier si la franchise instituée par l'article L. 322-2 III du code de la sécurité sociale revêtait le caractère d'une contribution au financement de la sécurité sociale au sens de l'article 11 du règlement (CE) 883/2004 du 29 avril 2004 ; que l'article L. 322-2 III du code de la sécurité sociale instituait une franchise annuelle d'un montant forfaitaire laissée à la charge de l'assuré pour les frais relatifs à chaque prestation et produit de santé, désignés à cet article, pris en charge par l'assurance maladie ; que, selon l'article D 322-5 du même code, le montant de la franchise prévue au III de l'article L. 322-2 était fixé ainsi qu'il suivait : 0,5 € pour les médicaments concernés, ce montant s'appliquant par unité de conditionnement ou, en cas de délivrance au titre de l'article L. 5126-4 du code de la santé publique, par médicament prescrit ; 0,5 € par acte effectué par un auxiliaire médical, 2 € par transport, ce montant s'appliquant par trajet ; que le montant maximum supporté au titre de cette franchise par le bénéficiaire de soins au cours d'une année civile était fixé à 50 ¿ par l'article D. 332-6 ; que la franchise ainsi instituée tendait à laisser à la charge d'un assuré une partie du coût d'un acte ; qu'il ne résultait cependant ni des dispositions de droit interne précitées ni de celles des articles L. 241-1 et suivants du code de la sécurité sociale que la contribution était affectée au financement d'un régime de sécurité sociale ; qu'en outre, la seule circonstance que cette limitation des remboursements entraînait une économie pour la caisse débitrice des prestations ne pouvait suffire à caractériser son affectation au financement d'un régime ; que, sur ce point, il convenait d'observer que ce mécanisme avait été introduit dans les dispositions relatives aux prestations en nature servies au titre de l'assurance maladie afin d'inviter leurs bénéficiaires à faire preuve de responsabilité vis-à-vis de l'usage des soins, la part laissée à la charge de l'assuré ne pouvant excéder un plafond annuel de 50 € ; qu'ensuite la franchise forfaitaire constituait une retenue opérée sur le remboursement par la caisse des frais engagés par l'assuré ; que directement reliée à une prestation ou un produit de santé, elle ne grevait donc pas les revenus d'activité ou de remplacement perçus par le travailleur à l'occasion d'une activité exercée dans un autre état membre de l'union européenne, qu'il résultait de ce qui précédait que la franchise instituée par l'article L. 322-2 III du code de la sécurité sociale ne rentrait pas dans le champ d'application de l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du Conseil et du Parlement européen du 29 avril 2004 ; qu'à partir du moment où les travailleurs résidant en France et travaillant dans un autre état membre n'étaient pas soumis à un double prélèvement de cotisations sur les revenus de cette activité, il n'était pas porté atteinte à leur droit à la libre circulation et à la liberté d'établissement ; qu'en conséquence, il y avait lieu de rejeter les demandes formées par M. X... (arrêt attaqué, p. 5, alinéas 4 à 6, p. 6, et p. 7, alinéas 1 et 2) ;
ALORS QU'il appartient à la Cour de justice de l'Union européenne de statuer, à titre préjudiciel, sur l'interprétation de textes communautaires soulevant une question sur laquelle elle n'a pas encore statué ; que la Cour de cassation française doit donc poser à cette juridiction la question préjudicielle suivante, sur laquelle celle-ci ne s'est pas à ce jour prononcée : « Une pratique interne ayant pour objet de mettre à la charge des assurés sociaux une contribution sur le remboursement des prestations en nature constitue-t-elle une cotisation sociale au sens de l'article 11 du règlement 883/2004 ? Le fait pour l'état de résidence servant les prestations de mettre cette contribution à la charge des travailleurs frontaliers qui acquittent les cotisations sociales dans le pays d'emploi caractérise-t-il une atteinte au principe de libre circulation des travailleurs ? », cela par voie de renvoi préjudiciel en application des dispositions de l'article 267 du traité sur l'union européenne (TUE) ;
ALORS QUE, en toute hypothèse, toute contribution affectée spécifiquement au financement du régime de sécurité sociale d'un état membre de l'Union européenne revêt, indépendamment de sa qualification juridique et de ses modalités de calcul ou de perception, la nature d'une cotisation de sécurité sociale soumise à l'interdiction de double prélèvement visant les personnes résidant dans un état membre et travaillant dans un autre ; qu'en l'espèce, la franchise annuelle d'un montant forfaitaire laissée à la charge de l'assuré pour les frais relatifs à chaque prestation et produit de santé, constituant un gain immédiat pour la caisse, est ainsi affectée spécifiquement au financement du régime de sécurité sociale ; qu'en se fondant sur les modalités de perception de la franchise pour décider le contraire et considérer qu'elle ne constituait pas une cotisation de sécurité sociale soumise à l'interdiction du double prélèvement, la cour d'appel a violé l'article 11 du règlement européen 883/2004 du 29 avril 2004 et l'article L. 322-2 III du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-19890
Date de la décision : 18/06/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Maladie - Prestations - Prestations en nature - Participation forfaitaire - Nature - Portée

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Prestations (dispositions générales) - Coordination des systèmes de sécurité sociale - Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 - Article 11 - Prestations en nature - Participation forfaitaire - Nature - Portée

La participation forfaitaire que l'assuré acquitte en application de l'article L. 322-2, III, du code de la sécurité sociale pour les frais, pris en charge par l'assurance maladie, relatifs à chaque prestation et produit de santé que le texte énumère, ne revêt pas le caractère d'une contribution pour le financement de la sécurité sociale au sens de l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, de sorte qu'elle doit être définitivement supportée par le ressortissant européen bénéficiant de la prestation à laquelle la contribution est attachée


Références :

article L. 322-2, III, du code de la sécurité sociale

article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 22 avril 2014

A rapprocher :2e Civ., 10 octobre 2013, pourvoi n° 12-22836, Bull. 2013, II, n° 194 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 18 jui. 2015, pourvoi n°14-19890, Bull. civ. 2015, n° 833, 2e Civ., n° 1293 2015 n° 6, II, n° 160
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2015, n° 833, 2e Civ., n° 1293 2015 n° 6, II, n° 160

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat général : Mme Lapasset
Rapporteur ?: Mme Chauchis
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.19890
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