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09/07/2015 | FRANCE | N°14-16009

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 juillet 2015, 14-16009


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 février 2014), qu'engagée par la société URG le 1er juillet 1974, son contrat étant repris par la société des pétroles Shell en 1981, Mme X... a été licenciée le 26 mars 2010 pour motif économique dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, après avoir refusé une mesure de cessation anticipée d'activité ; Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement de dommages-intérêts en raison de l'inégal

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 février 2014), qu'engagée par la société URG le 1er juillet 1974, son contrat étant repris par la société des pétroles Shell en 1981, Mme X... a été licenciée le 26 mars 2010 pour motif économique dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, après avoir refusé une mesure de cessation anticipée d'activité ; Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement de dommages-intérêts en raison de l'inégalité de traitement dont a fait l'objet la salariée dans la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi, alors, selon le moyen :
1°/ que les salariés qui sont éligibles à un mécanisme d'entreprise de cessation anticipée d'activité ne se trouvent pas dans la même situation de précarité que les autres salariés dont le licenciement est envisagé, ces derniers perdant nécessairement, après la rupture de leur contrat de travail, l'intégralité de leur salaire et donc l'essentiel de leurs revenus, cependant que les salariés éligibles au mécanisme de cessation anticipée d'activité peuvent, à ce titre, bénéficier d'une allocation de préretraite intégralement prise en charge par l'employeur jusqu'à la date de liquidation de leur retraite à taux plein ; qu'en condamnant la société des pétroles Shell à verser des dommages-intérêts en raison de l'inégalité de traitement dont Mme X... aurait été l'objet dans la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi, après avoir pourtant constaté que, bien qu'intégrée dans le groupe MSA 1 en raison de son âge et de son ancienneté, Mme X... avait refusé de bénéficier du dispositif de cessation anticipée d'activité, ce dont il résultait que la salariée ne se trouvait pas, à la date de son licenciement, dans la même situation que les autres salariés dont le licenciement était envisagé, suivant les prévisions du plan de sauvegarde de l'emploi, et qui, n'étant pas éligibles au dispositif de cessation anticipée d'activité et ne pouvant pas prétendre au bénéfice de l'allocation de préretraite afférente, étaient nécessairement confrontés aux aléas du reclassement et pouvaient seulement bénéficier d'une indemnisation de la perte de leur emploi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui découlaient de ses constatations au regard des dispositions de l'article L. 1133-2 du code du travail ;
2°/ qu'un plan de sauvegarde de l'emploi peut contenir des mesures réservées à certains salariés lorsque la différence de traitement est justifiée par des raisons objectives et pertinentes, et que les règles déterminant les conditions d'attribution de cet avantage sont préalablement définies et contrôlables ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre le 1er septembre 2009 avait vocation à équilibrer les mesures prises à l'égard de l'ensemble des classes d'âge représentées dans l'entreprise en minorant les avantages du plan pour les plus âgés à proportion de l'avantage social auquel ils étaient éligibles et auquel, inversement, les plus jeunes ne pouvaient pas prétendre, et que les règles déterminant l'octroi des avantages liés respectivement à la cessation anticipée d'activité et au licenciement pour motif économique avaient préalablement été définies dans le cadre de la négociation du plan de sauvegarde de l'emploi ; que, dès lors, le double objectif de maintien de l'emploi et d'équilibre des situations visé dans le plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre par la société des pétroles Shell étant légitime, et la mesure litigieuse participant à la réalisation de cet objectif de manière pertinente et adaptée, la cour d'appel, en condamnant la société des pétroles Shell à verser des dommages-intérêts en raison de l'inégalité de traitement dont Mme X... aurait été l'objet dans la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi, a violé l'article L. 1133-2 du code du travail ;
Mais attendu que si un plan de sauvegarde de l'emploi peut contenir des mesures réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique au regard de l'avantage en cause puissent bénéficier de cet avantage, à moins qu'une différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d'attribution de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables ;

Qu'ayant constaté d'une part, que la salariée avait refusé une mesure de cessation anticipée d'activité et que le plan de sauvegarde de l'emploi prévoyait que, de ce fait, les avantages dont elle bénéficiait étaient moins importants que ceux des autres salariés licenciés qui ne remplissaient pas les conditions pour prétendre à un départ anticipé et d'autre part, que cette différence de traitement ne pouvait être justifiée par le seul fait d'inciter les salariés âgés d'au moins 55 ans, à accepter une cessation anticipée d'activité, la cour d'appel a retenu à bon droit que la salariée faisait l'objet d'une différence de traitement qui n'était pas justifiée par des raisons objectives et pertinentes ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique autonome de licenciement dès lors qu'elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ; qu'en retenant, pour déclarer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, que la société des pétroles Shell n'avait pas fait référence dans la lettre de licenciement aux difficultés économiques rencontrées dans le secteur d'activité du groupe auquel elle appartenait et n'avait pas fourni d'élément objectif pour justifier les difficultés économiques mettant en péril sa compétitivité, et en subordonnant ainsi le motif économique de licenciement à l'existence, à la date du licenciement, de difficultés économiques de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail, ensemble l'article L. 1233-42 du même code ;
2°/ que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique autonome de licenciement dès lors qu'elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ; qu'il était exposé dans la lettre de licenciement notifiée le 26 mars 2010 que la réorganisation du service lubrifiants était nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de la société des pétroles Shell sur un marché français des lubrifiants en net déclin depuis l'année 2000 et marqué par l'apparition de nouvelles technologies moins consommatrices d'huiles, par une concurrence accrue entre les acteurs économiques et par une augmentation importante des coûts de production et de logistique, le tout se manifestant, sur le territoire français, par une « baisse progressive du portefeuille clients », la « perte des parts de marché de Shell », l'« érosion des marges » de celle-ci et une « diminution des volumes de 20 % » ; que, dès lors, en ne recherchant pas si, nonobstant l'absence de difficultés économiques établies à la date du licenciement, la réorganisation du service lubrifiants en France, et la suppression consécutive du poste de Mme X..., n'étaient pas nécessaires à la sauvegarde de la compétitivité de la société des pétroles Shell et, en conséquence, de l'activité « lubrifiants » du groupe Shell en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a fait ressortir que la société ne produisait aucun élément sur la situation du secteur d'activité des lubrifiants du groupe auquel elle appartient, a pu décider qu'elle n'établissait pas l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise ; qu'elle a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société des pétroles Shell aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société des pétroles Shell et condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat aux Conseils, pour la société des pétroles Shell
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société des Pétroles Shell, employeur, à verser à madame X..., salariée, des dommages-intérêts d'un montant de 70 000 euros en raison de l'inégalité de traitement dont elle aurait été l'objet dans la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Shell ;
AUX MOTIFS QUE pour écarter les demandes de madame X..., le premier juge a rappelé les règles de preuve en matière de discrimination, il a rappelé que le plan de sauvegarde de l'emploi prévoyait des mesures particulières pour trois catégories de salariés, en fonction de leur âge, de leur ancienneté et de leurs droits à retraite ; que le premier juge a relevé que madame X... a refusé de bénéficier du processus auquel elle était éligible et qu'il en a déduit qu'elle n'était pas en droit de se prévaloir d'une discrimination ; que madame X... n'agissant que pour elle même, ne peut que faire valoir des arguments au soutien des discriminations ou des inégalités de traitement dont elle estimé avoir été victime ; qu'elle était âgée de 56 ans au moment où le plan de sauvegarde de l'emploi a été mis en oeuvre et elle avait trente-six ans d'ancienneté ; qu'elle a donc été classée dans un groupe dénommé MSA 1 ; que ce groupe était réservé aux salariés ayant plus de 20 ans d'ancienneté et âgés d'au moins 55 ans ; qu'il était proposé aux salariés répondant à ces critères de cesser leur activité de manière anticipée, tout en restant rémunérés par Shell ; qu'un plan de sauvegarde de l'emploi peut contenir des mesures réservées à certains salariés sans que cette situation constitue une discrimination à la double condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique au regard de l'avantage en cause doivent pouvoir en bénéficier sauf différence de traitement justifiée par des raisons objectives et pertinentes, et que les règles déterminant les conditions d'attribution soient préalablement définies et contrôlables ; qu'en l'espèce, l'âge pour prétendre à une cessation anticipée d'activité n'est pas un motif de discrimination mais une condition nécessaire pour permettre d'anticiper une cessation d'activité ; qu'il s'en déduit que la création du groupe MSA 1 n'est donc pas critiquable en tant que telle et les observations de madame X... sont inopérantes sur le principe et le fonctionnement de la cessation anticipée de l'activité ; que si madame X... a été intégrée dans le groupe MSA 1 en raison de son âge et de son ancienneté, elle n'a pas voulu bénéficier de la cessation anticipée d'activité puisqu'elle souhaitait continuer à travailler ; qu'elle s'est dès lors retrouvée de fait dans la situation décrite dans le paragraphe consacré aux salariés ayant refusé la CAA et il était prévu qu'elle bénéficierait de l'indemnité conventionnelle de la convention collective des pétroles, cette indemnité étant inférieure à celle prévue pour les autres salariés licenciés dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'il était ensuite indiqué qu'en tout état de cause, le salarié bénéficiait de l'accompagnement par le cabinet d'out-placement dans les conditions définies au paragraphe 2 1 3 pour une durée maximale de 17 mois à compter de la suppression du poste sans qu'il lui soit proposé d'offres valables d'emploi ; que madame X... déplore que le fait qu'elle était éligible à la CAA la privait du maintien du salaire pay-roll et des offres valables d'emploi ; que le plan de sauvegarde de l'emploi excluait madame X... du maintien du salaire pay-roll mais lui permettait de bénéficier du congé de reclassement dans les mêmes conditions que les autres salariés licenciés et qu'elle avait accès au processus d'un relais emploi conseil dont la mission était d'aider au reclassement externe ; qu'il est manifeste que le plan de sauvegarde de l'emploi était destiné à inciter les salariés à moins de cinq ans de la retraite et dotés d'une grande ancienneté à cesser leur activité de manière anticipée ; que, cependant, à partir du moment où madame X... avait manifesté son intention de ne pas profiter du mécanisme de la cessation anticipée d'activité, elle devait bénéficier des mêmes dispositions que les autres salariés licenciés ; qu'ainsi, son exclusion du bénéfice du pay-roll n'est pas justifiée, le plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant seulement que le pay-roll pour les salariés âgés de plus de 50 ans était de 8 mois, sauf pour les salariés éligibles à la cessation anticipée de l'activité ; que, de même, elle a perçu une indemnité conventionnelle de reclassement inférieure à celle prévue pour les salariés âgés de plus de 50 ans mais ne faisant pas partie du groupe MSA 1 ; qu'enfin, elle ne devait pas recevoir des offres valables d'emploi ; que l'employeur ne peut justifier cette différence de traitement par le seul fait qu'il s'agissait d'inciter les salariés entrant dans les critères à accepter la cessation anticipée d'activité ; que, dès lors qu'il n'est pas allégué que le dispositif légal d'assurance chômage pour les salariés éligibles à la CAA mais la refusant, soit plus favorable aux salariés concernés, il est manifeste que madame X... a été victime d'une inégalité de traitement qui n'a pas de justification objective ; qu'en revanche, la discrimination basée sur l'âge ne peut être caractérisée puisque d'autres dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi reconnaissent des droits semblables aux salariés âgés de plus de 50 ans et aux autres ; que le jugement qui a débouté madame X... de ses demandes de ce chef, sera réformé ; que l'inégalité de traitement dont madame X... a été victime doit être réparée par des dommages-intérêts que la cour évalue à 70 000 euros en fonction des éléments qui lui sont soumis, tant sur la réduction de l'indemnité de licenciement que sur le défaut du maintien de salaire intégral pendant quelques mois que sur l'absence d'offres valables d'emploi (arrêt, pp. 3 et 4) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE les salariés qui sont éligibles à un mécanisme d'entreprise de cessation anticipée d'activité ne se trouvent pas dans la même situation de précarité que les autres salariés dont le licenciement est envisagé, ces derniers perdant nécessairement, après la rupture de leur contrat de travail, l'intégralité de leur salaire et donc l'essentiel de leurs revenus, cependant que les salariés éligibles au mécanisme de cessation anticipée d'activité peuvent, à ce titre, bénéficier d'une allocation de préretraite intégralement prise en charge par l'employeur jusqu'à la date de liquidation de leur retraite à taux plein ; qu'en condamnant la société des Pétroles Shell à verser des dommages-intérêts en raison de l'inégalité de traitement dont madame X... aurait été l'objet dans la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi, après avoir pourtant constaté que, bien qu'intégrée dans le groupe MSA 1 en raison de son âge et de son ancienneté, madame X... avait refusé de bénéficier du dispositif de cessation anticipée d'activité, ce dont il résultait que la salariée ne se trouvait pas, à la date de son licenciement, dans la même situation que les autres salariés dont le licenciement était envisagé, suivant les prévisions du plan de sauvegarde de l'emploi, et qui, n'étant pas éligibles au dispositif de cessation anticipée d'activité et ne pouvant pas prétendre au bénéfice de l'allocation de préretraite afférente, étaient nécessairement confrontés aux aléas du reclassement et pouvaient seulement bénéficier d'une indemnisation de la perte de leur emploi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui découlaient de ses constatations au regard des dispositions de l'article L. 1133-2 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QU'un plan de sauvegarde de l'emploi peut contenir des mesures réservées à certains salariés lorsque la différence de traitement est justifiée par des raisons objectives et pertinentes, et que les règles déterminant les conditions d'attribution de cet avantage sont préalablement définies et contrôlables ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre le 1er septembre 2009 avait vocation à équilibrer les mesures prises à l'égard de l'ensemble des classes d'âge représentées dans l'entreprise en minorant les avantages du plan pour les plus âgés à proportion de l'avantage social auquel ils étaient éligibles et auquel, inversement, les plus jeunes ne pouvaient pas prétendre, et que les règles déterminant l'octroi des avantages liés respectivement à la cessation anticipée d'activité et au licenciement pour motif économique avaient préalablement été définies dans le cadre de la négociation du plan de sauvegarde de l'emploi ; que, dès lors, le double objectif de maintien de l'emploi et d'équilibre des situations visé dans le plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre par la société des Pétroles Shell étant légitime, et la mesure litigieuse participant à la réalisation de cet objectif de manière pertinente et adaptée, la cour d'appel, en condamnant la société des Pétroles Shell à verser des dommages-intérêts en raison de l'inégalité de traitement dont madame X... aurait été l'objet dans la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi, a violé l'article L. 1133-2 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société des Pétroles Shell, employeur, à verser à madame X..., salariée, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 60 000 euros ;
AUX MOTIFS QUE le premier juge a estimé que les causes économiques du licenciement étaient justifiées par la nécessité de protéger la sauvegarde de la compétitivité en raison des difficultés économiques qui avaient entraîné la suppression de plusieurs emplois ; que la lettre de licenciement adressée le 26 mars 2010 à madame X... dont les termes fixent les limites du litige fait état des éléments suivants : elle rappelle que le licenciement de madame X... correspond à la suppression de son poste dans le secteur Lubrifiants de la société Shell France qui a dû être réorganisé ; que la lettre fait ensuite état des difficultés et de la baisse d'activité de la société Shell France ainsi que du mauvais rapport entre la marge et les coûts dans le secteur lubrifiants en France par rapport aux autres pays d'Europe ; que la société s'explique ensuite sur les offres de reclassement faites à madame X... ; qu'en application de l'article L. 1233 du code du travail, il appartient au juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux du motif économique, de vérifier l'existence des difficultés économiques ou de mutation technologique ou de la réorganisation effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise dans son secteur d'activité, alléguées par l'employeur ayant entraîné la suppression du poste du salarié ; que l'employeur est tenu, en application de l'article L. 122-14-2 alinéa 1er devenu L. 1232-6 du code du travail, d'énoncer les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement ; que lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique, la lettre de licenciement doit énoncer les motifs économiques ou de changement de technologie invoqués par l'employeur et mentionnés à l'article L. 1233-3 du code du travail ; qu'il sera observé que la société Shell France appartient à un groupe et que l'employeur dans la lettre de licenciement ne fait aucune référence aux difficultés économiques dans le secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise ; que la lettre de licenciement ne fait état que des difficultés rencontrées par la société Shell France ; qu'en outre, même sur la société Shell France, en dehors de ses propres déclarations, l'employeur ne fournit aucun élément objectif pour justifier de difficultés économiques mettant en péril sa compétitivité ; qu'enfin, l'expertise du cabinet Syndex établie à la demande du comité d'entreprise, ne donne aucun élément sur l'état du secteur d'activité des lubrifiants sur le groupe mais sur le plan de Shell France ne démontre nullement la nécessité de supprimer des postes pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; qu'il se déduit de ces éléments que la cause économique du licenciement n'est pas établie et que le licenciement de madame X... est donc sans cause réelle et sérieuse sans qu'il y ait lieu de rechercher si la société a ou non justifié des recherches de reclassement ; que le licenciement de madame X..., contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, doit être analysé comme étant dénué de cause réelle et sérieuse ; que le jugement sera réformé sur ce point ; que le préjudice ainsi causé à madame X... doit être réparé dans le cadre des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail ; que, compte tenu de l'âge, de l'ancienneté et des difficultés de madame X... à retrouver un emploi, mais aussi en regard des sommes qu'elle a déjà perçues dans le cadre de ce licenciement, la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer à 60 000 euros l'indemnité qui lui est due de ce chef (arrêt, pp. 5 et 6) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique autonome de licenciement dès lors qu'elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ; qu'en retenant, pour déclarer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, que la société des Pétroles Shell n'avait pas fait référence dans la lettre de licenciement aux difficultés économiques rencontrées dans le secteur d'activité du groupe auquel elle appartenait et n'avait pas fourni d'élément objectif pour justifier les difficultés économiques mettant en péril sa compétitivité, et en subordonnant ainsi le motif économique de licenciement à l'existence, à la date du licenciement, de difficultés économiques de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail, ensemble l'article L. 1233-42 du même code ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique autonome de licenciement dès lors qu'elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ; qu'il était exposé dans la lettre de licenciement notifiée le 26 mars 2010 que la réorganisation du service Lubrifiants était nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de la société des Pétroles Shell sur un marché français des lubrifiants en net déclin depuis l'année 2000 et marqué par l'apparition de nouvelles technologies moins consommatrices d'huiles, par une concurrence accrue entre les acteurs économiques et par une augmentation importante des coûts de production et de logistique, le tout se manifestant, sur le territoire français, par une « baisse progressive du portefeuille clients », la « perte des parts de marché de Shell », l'« érosion des marges » de celle-ci et une «diminution des volumes de 20% » ; que, dès lors, en ne recherchant pas si, nonobstant l'absence de difficultés économiques établies à la date du licenciement, la réorganisation du service Lubrifiants en France, et la suppression consécutive du poste de madame X..., n'étaient pas nécessaires à la sauvegarde de la compétitivité de la société des Pétroles Shell et, en conséquence, de l'activité « lubrifiants » du groupe Shell en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-16009
Date de la décision : 09/07/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Licenciement collectif - Plan de sauvegarde de l'emploi - Contenu - Mesures réservées à certains salariés - Avantage - Egalité de traitement - Conditions - Détermination

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Licenciement collectif - Plan de sauvegarde de l'emploi - Contenu - Mesures réservées à certains salariés - Avantage - Egalité de traitement - Atteinte au principe - Cas - Dispositions introduisant une différence de traitement entre les salariés éligibles à un mécanisme de cessation anticipée d'activité et les autres - Raisons objectives et pertinentes justifiant la différence de traitement (non) - Portée

Si un plan de sauvegarde de l'emploi peut contenir des mesures réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique au regard de l'avantage en cause puissent bénéficier de cet avantage, à moins qu'une différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d'attribution de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables. Ayant constaté d'une part, qu'un salarié avait refusé une mesure de cessation anticipée d'activité et que le plan de sauvegarde de l'emploi prévoyait que, de ce fait, les avantages dont il bénéficiait étaient moins importants que ceux des autres salariés licenciés qui ne remplissaient pas les conditions pour prétendre à un départ anticipé et d'autre part, que cette différence de traitement ne pouvait être justifiée par le seul fait d'inciter les salariés âgés d'au moins 55 ans, à accepter une cessation anticipée d'activité, une cour d'appel retient dès lors à bon droit que le salarié faisait l'objet d'une différence de traitement qui n'était pas justifiée par des raisons objectives et pertinentes


Références :

articles L. 1132-1, L. 1133-2, L. 1233-61 et L. 1233-62 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 18 février 2014

Sur l'application du principe d'égalité de traitement aux plans de sauvegarde de l'emploi, à rapprocher : Soc., 23 octobre 2013, pourvoi n° 12-23457, Bull. 2013, V, n° 243 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 jui. 2015, pourvoi n°14-16009, Bull. civ. 2016, n° 834, Soc., n° 38
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 834, Soc., n° 38

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat général : Mme Robert
Rapporteur ?: M. Chauvet
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.16009
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