La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/11/2015 | FRANCE | N°14-19140

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 novembre 2015, 14-19140


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 avril 2014), que M. X... exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur marketing avec le statut de cadre dirigeant, dans la société Les Rouis, société holding du groupe Safir (la société) ; qu'ayant été licencié, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que le sa

larié soutenait que le véritable motif du licenciement était la volonté de M. Y....

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 avril 2014), que M. X... exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur marketing avec le statut de cadre dirigeant, dans la société Les Rouis, société holding du groupe Safir (la société) ; qu'ayant été licencié, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié soutenait que le véritable motif du licenciement était la volonté de M. Y..., après le déjeuner du 17 novembre 2011 auquel avaient participé plusieurs des cadres associés de l'opération de LBO dont il était l'initiateur, de se séparer d'un associé devenu gênant et de l'évincer de l'opération ; que la cour d'appel a constaté que le déjeuner du 17 novembre 2011 avait entraîné la procédure de licenciement ; qu'en s'étant abstenue de vérifier sa cause exacte, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a violé les articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
2°/ que la cour d'appel a examiné les attestations de MM. Z..., A... et de Mme B... avant d'admettre qu'ils pouvaient avoir un intérêt à l'éviction de M. X... ; qu'en ayant pris en considération des attestations dont elle mettait en doute l'objectivité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
3°/ qu'après avoir constaté que les participants à l'opération de LBO pouvaient avoir un intérêt à l'éviction du salarié, la cour d'appel a retenu que tel n'était pas le cas des autres rédacteurs d'attestations, dont M. C..., directeur de participations CMC-CIC Capital ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il était acquis aux débats que le groupe CMC-CIC participait également à l'opération de LBO, la cour d'appel, qui a néanmoins pris en considération cette attestation, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
4°/ qu'en ayant reproché au salarié d'avoir abusé de sa liberté d'expression pour « injurier M. Y... », sans avoir constaté d'injure proférée par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
5°/ qu'en ayant reproché au salarié d'avoir dépassé sa liberté d'expression pour « diffamer » M. Y... « devant ses collègues sur des questions de probité », cependant qu'aucun propos diffamatoire ne ressort de ses constatations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail d'avoir dépassé sa liberté d'expression pour « diffamer » M. Y... « devant ses collègues sur des questions de probité », cependant qu'aucun propos diffamatoire ne ressort de ses constatations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
Mais attendu que si le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, d'une liberté d'expression, il ne peut en abuser en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a souverainement apprécié la valeur probante des attestations produites, a estimé que le salarié avait dépassé sa liberté d'expression en injuriant le président de la société et en le diffamant devant ses collègues sur des questions de probité, comportement que ne pouvait autoriser sa qualité d'associé ; qu'écartant par là même tout autre motif de licenciement, elle n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, en décidant que le licenciement procédait d'une cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que les témoignages contenus dans les attestations fournies par l'employeur au soutien de ses griefs ne peuvent être considérés comme faits par complaisance au seul motif qu'ils émanent de personnes ayant des liens avec l'employeur, sans éléments objectifs de nature à pouvoir suspecter leur sincérité ; que l'attestation de Mme D... peut être considérée comme ayant été faite par complaisance car elle a appelé M. X... pour lui indiquer qu'elle avait été forcée à rédiger une attestation ; qu'au surplus, elle ne comporte aucun détail précis permettant d'appuyer la lettre de licenciement ; qu'il en est de même des attestations J..., K..., D... et Claude dont les termes sont trop vagues pour fonder un grief quelconque ; que, sur le fond, si le salarié jouit d'une liberté d'expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, il ne peut abuser de cette liberté en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs ; que plusieurs attestations reprennent les propos dénoncés dans la lettre de licenciement ; que M. Z..., directeur technique achat groupe, atteste avoir pris ses distances avec M. X... car à compter de juin 2011, il ne cessait de critiquer M. Y..., relatant un certain favoritisme financier envers « Arnaud et Elisabeth », des affaires contraires à l'intérêt de l'entreprise, « des allusions sur le " black " sur le dos de l'entreprise » ; que M. A..., directeur industriel, 3ème participant au déjeuner du 17 novembre 2011 ayant entraîné la procédure, indique que MM. X... et E...ont tenu des propos vifs et critiques sur M. Y..., sur ses décisions, l'aide financière apportée par Safir à certains actionnaires ; que Mme B... décrit le déroulement du déjeuner qu'elle avait organisé en indiquant que MM. X... et E...avaient multiplié les critiques sur M. Y... quant à sa probité, M. X... évoquant son impossibilité de gérer du fait de son addiction à l'alcool, son côté manipulateur, le fait qu'il avait reçu des espèces lors de la vente de son véhicule professionnel et l'existence de ventes sans facture ; que si cette dernière et M. A... et Z..., participants au LBO, pouvaient avoir intérêt à l'éviction de M. X..., il n'en est rien pour les autres rédacteurs d'attestations ; que M. C..., directeur de participations CMC CIC Capital Finance, indique avoir eu un contact téléphonique avec M. X... le 22 novembre 2011 au cours duquel il exprimait ses reproches à M. Y... dans le but de le discréditer aux yeux des actionnaires et de déstabiliser l'actionnariat du groupe en mettant en exergue des pratiques illicites au sein du groupe ; que M. F..., directeur division achat, précise que le climat était particulier et que M. X... critiquait M. Y... ; que lors d'une réunion fin octobre 2011, il lui avait dit à propos du directeur « un jour il dit blanc et un jour noir, il ne faut pas lui faire confiance » ; que M. G..., chef comptable, écrit que M. X... a accusé M. Y... « d'avoir touché une partie de la vente de son véhicule professionnel en espèces », d'avoir prévu un budget 2012 impossible à respecter, d'avoir embauché M. H...sans son accord ; qu'il lui a demandé de confirmer que certains cadres avaient été favorisés financièrement pour leur prise de participation dans le groupe ; que M. X... ne critique pas réellement ces attestations ; qu'il s'enorgueillissait des bons résultats de la société en produisant des notes inexploitables et ajoute avoir reçu une promotion deux mois avant son licenciement ; que cette promotion contredit la lettre de licenciement qui évoque des critiques sur les résultats depuis 7 ans mais que la question de la durée des critiques est très résiduelle dans la lettre qui se réfère essentiellement à son comportement « depuis plusieurs semaines » ; que M. X... produit l'attestation de M. E...qui ne contredit pas l'ensemble des attestations précitées alors que ce dernier avait recouvré sa liberté de parole, ayant été licencié en même temps que M. X... ; qu'il en résulte que M. X... a dépassé sa liberté d'expression pour injurier M. Y... et le diffamer devant ses collègues sur des questions de probité ; que sa qualité d'associé ne lui donnait pas plus d'autorisation pour injurier et diffamer M. Y... ;
Alors 1°) que le salarié soutenait que le véritable motif du licenciement était la volonté de M. Y..., après le déjeuner du 17 novembre 2011 auquel avaient participé plusieurs des cadres associés de l'opération de LBO dont il était l'initiateur, de se séparer d'un associé devenu gênant et de l'évincer de l'opération ; que la cour d'appel a constaté que le déjeuner du 17 novembre 2011 avait entraîné la procédure de licenciement ; qu'en s'étant abstenue de vérifier sa cause exacte, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a violé les articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
Alors 2°) que la cour d'appel a examiné les attestations de MM. Z..., A... et de Mme B..., avant d'admettre qu'ils pouvaient avoir un intérêt à l'éviction de M. X... ; qu'en ayant pris en considération des attestations dont elle mettait en doute l'objectivité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
Alors 3°) qu'après avoir constaté que les participants à l'opération de LBO pouvaient avoir un intérêt à l'éviction de M. X..., la cour d'appel a retenu que tel n'était pas le cas des autres rédacteurs d'attestations, dont M. C..., directeur de participations CMC-CIC Capital ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il était acquis aux débats que le groupe CMC-CIC participait également à l'opération de LBO (cf. conclusions d'appel de la société Les Rouis p. 2 dernier §), la cour d'appel, qui a néanmoins pris en considération cette attestation, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
Alors 4°) qu'en ayant reproché à M. X... d'avoir abusé de sa liberté d'expression pour « injurier M. Y... », sans avoir constaté d'injure proférée par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
Alors 5°) qu'en ayant reproché M. X... d'avoir dépassé sa liberté d'expression pour « diffamer » M. Y... « devant ses collègues sur des questions de probité », cependant qu'aucun propos diffamatoire ne ressort de ses constatations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-19140
Date de la décision : 04/11/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 03 avril 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 nov. 2015, pourvoi n°14-19140


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.19140
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award