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14/01/2016 | FRANCE | N°14-14641

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 janvier 2016, 14-14641


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 28 novembre 2013), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 3e, 21 mars 2012, pourvoi n° 11-14. 834), que M. Lionel X..., qui exploitait des parcelles gracieusement mises à sa disposition par son père, a établi plusieurs factures au nom de M. Y... et perçu diverses sommes à l'occasion de la libération des lieux et que, le lendemain, M. André X... a consenti à M. et Mme Y... un bail à long terme sur le même fonds ; que M. et Mme Y... o

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 28 novembre 2013), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 3e, 21 mars 2012, pourvoi n° 11-14. 834), que M. Lionel X..., qui exploitait des parcelles gracieusement mises à sa disposition par son père, a établi plusieurs factures au nom de M. Y... et perçu diverses sommes à l'occasion de la libération des lieux et que, le lendemain, M. André X... a consenti à M. et Mme Y... un bail à long terme sur le même fonds ; que M. et Mme Y... ont assigné M. Lionel X... en restitution des sommes versées ;
Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'a la qualité d'intermédiaire au sens de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime l'exploitant qui, à l'occasion de la conclusion d'un bail portant sur les terres jusque là gracieusement mises à sa disposition par leur propriétaire, perçoit directement des preneurs entrants une remise de sommes non justifiée ; qu'en refusant de reconnaître la qualité d'intermédiaire de M. Lionel X... entre, d'une part, M. et Mme Y... et, d'autre part, M. André X..., son père, au motif qu'il n'était pas établi qu'il eût pris l'initiative de rencontrer M. et Mme Y... afin de les solliciter pour obtenir d'eux diverses indemnités en contrepartie de la libération, par lui-même, des terres qu'il exploitait appartenant à son père et de la conclusion, au profit de M. et Mme Y..., d'un bail rural à long terme sur ces mêmes terres, quand il résultait des constatations de l'arrêt que M. Lionel X... était l'exploitant, à titre gratuit, des terres appartenant à son père, que le 3 novembre 1992, il s'était fait remettre par M. et Mme Y... une somme de 119 327, 50 francs (18 191, 36 euros) pour cession d'améliorations de fonds en terre et indemnité culturale pour arrière fumures, que le lendemain, 4 novembre 1992, M. André X... avait consenti à M. et Mme Y... un bail à long terme sur ces mêmes terres qu'il délaissait donc, et qu'il s'était encore fait remettre, le 14 février 1993 par M. et Mme Y..., un acompte de 50 000 francs (7 622, 45 euros) sur une facture de 110 572, 50 francs (16 856, 67 euros) pour vente de quotas laitiers, la cour d'appel, qui a ajouté au texte une condition qu'il n'énonce pas et n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ;
2°/ que l'intermédiaire qui aura directement, à l'occasion d'un changement d'exploitant, obtenu une remise d'argent non justifiée, en doit restitution ; que le caractère non justifié de la remise d'argent établit la rémunération de l'entremise et, par là même, la qualité d'intermédiaire, au sens de l'article L. 411-74, de celui qui l'a perçue ; qu'ayant constaté que M. Lionel X..., exploitant à titre gratuit des terres appartenant à son père ensuite données à bail à M. et Mme Y..., avait perçu de ces derniers, à l'occasion de la conclusion du bail, des sommes au titre des améliorations culturales, arrière-fumures et vente de quotas laitiers, la cour d'appel, qui a refusé de considérer que ces sommes rémunéraient l'entremise de M. Lionel X... pour conditionner la signature du bail par son père au profit de M. et Mme Y..., sans rechercher si le versement de ces sommes avait une cause licite et justifiée, a privé sa décision de base légale au regard l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ;
3°/ que M. et Mme Y... faisaient valoir, dans leurs conclusions déposées et soutenues à l'audience, que le paiement différé de la vente des quotas laitiers trouvait sa justification dans l'attente de la décision de la direction départementale de l'agriculture quant au transfert desdits quotas et, partant, de l'assurance qu'ils allaient bénéficier des 44 229 litres de lait ; qu'en rejetant la demande en répétition de l'indu de M. et Mme Y..., au motif que ce n'est que le 14 février 1993, soit plus de trois mois après la conclusion du bail par acte du 4 novembre 1992, que M. Lionel X... avait établi une facture de 110 572, 50 francs (16 856, 67 euros) pour vente de quotas laitiers sur laquelle il s'était fait remettre un acompte de 50 000 francs (7 622, 45 euros), sans répondre au moyen précité dont il résultait que la remise de cette somme s'était bien faite à l'occasion du changement d'exploitant, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que M. et Mme Y... faisaient valoir, dans leurs conclusions déposées et soutenues à l'audience, que la somme versée par eux à M. Lionel X... la veille de la conclusion du bail avec son père, au titre des fumures et arrière-fumures, soit 119 327, 50 francs (18 191, 36 euros), représentait plus de 3 057 euros l'hectare et que cette somme correspondait, selon le barème indicatif des valeurs vénales des terres agricoles dans l'Artois pour l'année 2006, à la valeur vénale desdites parcelles s'il avait été procédé à leur cession, ce qui était de nature à démontrer son caractère excessif et, partant, le fait qu'elle ne pouvait représenter la contrepartie d'améliorations culturales mais n'avait pour seul objet que de rémunérer l'entremise de M. Lionel X... auprès de M. André X... ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que la qualité d'intermédiaire de M. Lionel X... n'était pas établie par M. et Mme Y... qui en supportaient la charge de la preuve, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit qu'il n'y avait pas lieu à répétition des sommes directement versées par les preneurs entrants à l'exploitant sortant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. et Mme Y... de leur demande de répétition formée contre M. Lionel X... en application de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, de leur demande de dommages-intérêts et de les avoir condamnés à payer à M. Lionel X... la somme de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
AUX MOTIFS QUE « selon les dispositions d'ordre public de l'article L. 411-74 du code rural dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2013, sera puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30. 000 ¿, ou de l'une de ces deux peines seulement, tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant, soit obtenu ou tenté d'obtenir une remise d'argent ou de valeur non justifiée, soit imposé ou tenté d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci (al 1), les sommes indûment perçues étant sujettes à répétition majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux pratiqué par la Caisse régionale de Crédit agricole pour les prêts à moyen terme (al 2), l'action en répétition, s'agissant de la reprise de biens mobiliers pouvant être exercée dès lors que la somme versée à excédé leur valeur vénale de plus de 10 % (al 3) et demeurant, dans tous les cas prévus par ce texte, recevable à l'encontre du bailleur pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d'exercice du droit de reprise, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d'effet du congé (al 4) ; qu'en l'espèce pour prétendre à la répétition en application de ces dispositions des sommes qu'ils ont versées à M. Lionel X... dans un temps voisin de la conclusion à leur profit par M. André X... du bail du 4 novembre 1992 portant sur les parcelles précédemment exploitées par l'accipiens, les époux Y...- A... excipent de la qualité d'intermédiaire qu'elles visent qui aurait été selon eux celle de ce dernier, peu important pour qu'ils puissent utilement revendiquer le bénéfice desdites dispositions que M. Lionel X... n'ait pas été antérieurement titulaire d'un bail rural sur les terres qui leur ont été affermées mais seulement bénéficiaire d'une mise à disposition à titre gratuit dès lors qu'elles ont vocation à s'appliquer sans aucune restriction à l'occasion d'un changement d'exploitant, opération n'impliquant pas nécessairement l'existence au profit de celui qui abandonne la mise en valeur des biens en cause d'un bail rural (¿) ;
Que sur le fond, aucune des productions des parties ne permet de retenir que, comme le soutiennent les époux Y...- A..., M. Lionel X... a pris l'initiative de les rencontrer afin de les solliciter pour obtenir d'eux, en contrepartie de la libération des parcelles gracieusement mises à sa disposition par M. André X..., son père, et de l'octroi par celui-ci à leur profit d'un bail rural à long terme sur celle-ci, diverses indemnités dont le paiement conditionnerait la conclusion de ce dernier et que bien que n'étant pas partie, ni même mentionné en une quelconque qualité, à l'acte du 4 novembre 1992 constatant le bail qui leur a été consenti par M. André X... il a néanmoins agi en qualité d'intermédiaire dans l'opération réalisant un changement d'exploitant sur les parcelles qui leur ont été affermées en percevant les sommes dont ils demandent restitution et en mettant en relation en conséquence, M. Maurice Y... et Mme Eliane A... avec son père pour la passation du bail sur les terres qu'il exploitait jusqu'alors ; que par ailleurs, même si l'article 1353 du code civil autorise le juge, dans les cas où la loi admet, comme en l'occurrence la preuve testimoniale, à former sa conviction sur des présomptions abandonnées à ses lumières et à sa prudence pouvant résulter même d'un fait unique, la seule circonstance selon laquelle M. Lionel X... s'est fait remettre par les époux Y...- A..., la veille de la conclusion du bail consenti par son père à ces derniers, une somme de 119. 327, 50 F (18. 191, 36 ¿) pour cession d'améliorations de fonds en terre et indemnité culturale pour arrière-fumures est insuffisante à caractériser des présomptions graves, précises et concordantes au sens de ce texte dont il résulterait qu'il a pris la qualité d'intermédiaire dans l'opération critiquée en conditionnant la conclusion du bail fait aux époux Y...- A... au paiement par ces derniers de diverses indemnités à son profit alors que ce n'est que le 14 février 1993, soit plus de trois mois après l'acte du 4 novembre 1992 constatant ce bail, qu'il a établi une facture de 110. 572, 50 F (16. 856, 67 ¿) pour vente de quotas laitiers en acceptant que ne lui soit alors payé qu'un acompte de 50. 000 F (7. 622, 45 ¿) qui ne sera au demeurant suivi d'aucun autre règlement ; que le jugement sera infirmé sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action des époux Y...-
A... et ces derniers déboutés de la demande qu'ils forment à l'encontre de M. Lionel X... sur le fondement de l'article L. 411-74 du code rural ; » (arrêt p. 5 et 6) ;
1) ALORS QU'a la qualité d'intermédiaire au sens de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime l'exploitant qui, à l'occasion de la conclusion d'un bail portant sur les terres jusque là gracieusement mises à sa disposition par leur propriétaire, perçoit directement des preneurs entrants une remise de sommes non justifiée ; qu'en refusant de reconnaître la qualité d'intermédiaire de M. Lionel X... entre, d'une part, M. et Mme Y... et, d'autre part, M. André X..., son père, au motif qu'il n'était pas établi qu'il eût pris l'initiative de rencontrer M. et Mme Y... afin de les solliciter pour obtenir d'eux diverses indemnités en contrepartie de la libération, par lui-même, des terres qu'il exploitait appartenant à son père et de la conclusion, au profit de M. et Mme Y..., d'un bail rural à long terme sur ces mêmes terres, quand il résultait des constatations de l'arrêt que M. Lionel X... était l'exploitant, à titre gratuit, des terres appartenant à son père, que le 3 novembre 1992, il s'était fait remettre par M. et Mme Y... une somme de 119. 327, 50 F (18. 191, 36 ¿) pour cession d'améliorations de fonds en terre et indemnité culturale pour arrière fumures, que le lendemain, 4 novembre 1992, M. André X... avait consenti à M. et Mme Y... un bail à long terme sur ces mêmes terres qu'il délaissait donc, et qu'il s'était encore fait remettre, le 14 février 1993 par M. et Mme Y..., un acompte de 50. 000 F (7. 622, 45 ¿) sur une facture de 110. 572, 50 F (16. 856, 67 ¿) pour vente de quotas laitiers, la cour d'appel, qui a ajouté au texte une condition qu'il n'énonce pas et n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ;
2) ALORS QUE l'intermédiaire qui aura directement, à l'occasion d'un changement d'exploitant, obtenu une remise d'argent non justifiée, en doit restitution ; que le caractère non justifié de la remise d'argent établit la rémunération de l'entremise et, par là même, la qualité d'intermédiaire, au sens de l'article L. 411-74, de celui qui l'a perçue ; qu'ayant constaté que M. Lionel X..., exploitant à titre gratuit des terres appartenant à son père ensuite données à bail à M. et Mme Y..., avait perçu de ces derniers, à l'occasion de la conclusion du bail, des sommes au titre des améliorations culturales, arrière-fumures et vente de quotas laitiers, la cour d'appel, qui a refusé de considérer que ces sommes rémunéraient l'entremise de M. Lionel X... pour conditionner la signature du bail par son père au profit de M. et Mme Y..., sans rechercher si le versement de ces sommes avait une cause licite et justifiée, a privé sa décision de base légale au regard l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ;
3) ALORS QUE M. et Mme Y... faisaient valoir, dans leurs conclusions déposées et soutenues à l'audience (concl. p. 7 in medio), que le paiement différé de la vente des quotas laitiers trouvait sa justification dans l'attente de la décision de la direction départementale de l'agriculture quant au transfert desdits quotas et, partant, de l'assurance qu'ils allaient bénéficier des 44. 229 litres de lait ; qu'en rejetant la demande en répétition de l'indu de M. et Mme Y..., au motif que ce n'est que le 14 février 1993, soit plus de trois mois après la conclusion du bail par acte du 4 novembre 1992, que M. Lionel X... avait établi une facture de 110. 572, 50 F (16. 856, 67 ¿) pour vente de quotas laitiers sur laquelle il s'était fait remettre un acompte de 50. 000 F (7. 622, 45 ¿), sans répondre au moyen précité dont il résultait que la remise de cette somme s'était bien faite à l'occasion du changement d'exploitant, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE M. et Mme Y... faisaient valoir, dans leurs conclusions déposées et soutenues à l'audience (concl. p. 13), que la somme versée par eux à M. Lionel X... la veille de la conclusion du bail avec son père, au titre des fumures et arrière-fumures, soit 119. 327, 50 F (18. 191, 36 euros), représentait plus de 3. 057 euros l'hectare et que cette somme correspondait, selon le barème indicatif des valeurs vénales des terres agricoles dans l'Artois pour l'année 2006, à la valeur vénale desdites parcelles s'il avait été procédé à leur cession, ce qui était de nature à démontrer son caractère excessif et, partant, le fait qu'elle ne pouvait représenter la contrepartie d'améliorations culturales mais n'avait pour seul objet que de rémunérer l'entremise de M. Lionel X... auprès de M. André X... ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-14641
Date de la décision : 14/01/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 28 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 14 jan. 2016, pourvoi n°14-14641


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.14641
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