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27/01/2016 | FRANCE | N°13-27979

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 janvier 2016, 13-27979


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 3 novembre 2003 en qualité de chirurgien-dentiste par la Mutualité française Côte d'Or-Yonne aux droits de laquelle est venue la Mutualité française Bourgogne ; qu'elle a été en arrêt-maladie à compter du 17 juillet 2010 ; qu'elle a été licenciée le 21 février 2011 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qu

i n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le second mo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 3 novembre 2003 en qualité de chirurgien-dentiste par la Mutualité française Côte d'Or-Yonne aux droits de laquelle est venue la Mutualité française Bourgogne ; qu'elle a été en arrêt-maladie à compter du 17 juillet 2010 ; qu'elle a été licenciée le 21 février 2011 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé :
Attendu que le rejet du premier moyen rend sans portée la première branche du second ;
Mais sur le second moyen pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 1232-6 et L. 1132-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les rendez-vous des patients ont été reportés de mois en mois, puis fixés auprès d'autres dentistes ce qui a eu pour conséquence d'allonger les délais de traitement de tous les patients, de nécessiter la reprise de soins anciens pour certains, et notamment ceux relatifs à la pose de prothèse dentaire qui étaient en cours et de nuire à la qualité des soins, chaque praticien ayant des méthodes personnelles de travail, que l'absence prolongée de la salariée a notablement accentué la désorganisation du centre dentaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, par motifs adoptés, que la lettre de licenciement visait la désorganisation, non de l'ensemble de la Mutuelle, mais du fonctionnement du seul centre dentaire de Dijon dans lequel travaillait la salariée, ce dont il résultait que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme X... d'une part de sa demande en dommages-intérêts au titre d'un harcèlement moral et de la méconnaissance de son obligation de sécurité, d'autre part de celle en paiement de sommes au titre de l'annulation de la mise à pied, l'arrêt rendu le 17 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la Mutualité française bourguignonne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la Mutualité française bourguignonne et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le harcèlement moral n'était pas avéré et d'avoir en conséquence débouté la salariée de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement et inexécution fautive du contrat de travail.
AUX MOTIFS QUE selon les dispositions de 1'article L. 1154-1 du contrat de travail lorsque survient un litige relatif, notamment au harcèlement moral, le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence du harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; Isabelle X... fait valoir qu'à compter de sa reprise d'activité le 3 novembre 2003, ses conditions de travail, compte tenu du changement du directeur du Pôle Santé, sont devenues de plus en plus pénibles, voire insurmontables, qu'elle a subi une nouvelle organisation du travail génératrice de tensions, que c'est dans ce climat qu'elle a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire d'une durée de trois jours avec retenue sur salaire, du 10 au 12 avril 2006 ; qu'elle ajoute que son assistante, ayant été placée en arrêt de travail au cours de l'année 2007, ses conditions de travail sont devenues plus difficiles, qu'au cours de l'année 2008, ses relations avec celle-ci se sont dégradées, que lors d'un entretien organisé par la directrice du Pôle Santé, elle a été violemment prise à partie par son assistante, que c'est dans ces conditions qu'elle a dû être mise en arrêt de travail 17 juillet 2010, puis déclarée inapte temporairement le 31 août 2010 et qu'un incident a eu lieu le 27 octobre 2010 lors d'un entretien avec Madame Z... et Madame A... ; les deux seuls faits précis, invoqués, sont relatifs à la mise à pied disciplinaire d'une part et à l'incident du 27 octobre 2010, d'autre part, étant observé qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier une information sur la date précise à laquelle, en 2008, Isabelle X... a été prise à partie par son assistante ; Or, les faits reprochés à Isabelle X... dans le cadre de la sanction de mise à pied disciplinaire notifiée le 15 mars 2006, dont la réalité a été admise par le Conseil de l'Ordre dans sa décision du 25 mai 2006, ont justifié une sanction disciplinaire d'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée d'un mois avec sursis, avec publication de la décision dans les locaux de la Caisse primaire d'assurance maladie, à compter du jour où elle serait devenue définitive ; par suite, la sanction de mise à pied disciplinaire de trois jours prononcée par la mutualité n'était pas sans fondement, ni excessive au regard des faits, même si le Conseil de l'Ordre a porté une appréciation plus bienveillante sur les faits commis ; en ce qui concerne les problèmes relationnels apparus entre Isabelle X... et son assistante, Madame B..., il est justifié de la décision prise par la directrice du Pôle Santé de changer de poste cette dernière et de réorganiser le centre dentaire, à compter de la date de reprise d'activité d'Isabelle X... ainsi que celle-ci en a été informée par lettre du 20 août 2010 ; par lettre du 15 septembre, il a été proposé à Isabelle X... un rendez-vous afin d'évoquer le fonctionnement du binôme dentisteassistante dentaire, le 30 septembre ou le 8 octobre ; ce rendez-vous ayant eu lieu finalement le 27 octobre, Isabelle X..., ainsi qu'elle 1'admet elle-même dans sa lettre du 3 décembre, a levé 1'entretien au motif que Madame Z..., la directrice du Pôle Santé, était présente, mais affirme qu'elle a été empêchée de partir, ce que Madame A... a contesté aux termes de son courrier du 3 décembre ; il est justifié qu'un nouveau rendez-vous a été proposé à Isabelle X... le 5 novembre à 8 h 30 qui n'a, semble-t-il pas eu lieu ; il ne résulte pas de ces éléments la preuve de faits laissant présumer que Isabelle X... a été harcelée moralement par des membres de sa hiérarchie ; il n'est pas non plus établi que la mutualité ait manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail et d'assurer la sécurité de sa salariée, les pièces versées aux débats établissant au contraire la volonté de1'employeur de régler le problème lié aux relations conflictuelles ayant existé entre Isabelle X... et son assistante par des propositions renouvelées de rendez-vous faites dès le début de l'année 2010 ; par suite, à juste titre, les premiers juges ont débouté Isabelle X... de sa demande indemnitaire à ces titres.
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE En application de l'article L 1152-1 du Code du travail : " aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel " ; Selon l'article L 1153-1 du Code du travail : " les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits " ; Lorsqu'un tel litige survient, selon l'article L 1154-1 du Code du travail, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces éléments ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement " ; En l'espèce, Madame X... invoque d'abord la sanction disciplinaire notifiée le 15 mars 2006, avec une mise à pied de trois jours, pour non-respect de la procédure de facturation de certains actes ; Elle avance, pour se justifier, que le Conseil Régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Bourgogne considère, par une délibération du 6 juin 2006, que les irrégularités constatées constituent des cotations inexactes par ignorance de la suppression d'une cotation et la facturation d'actes hors nomenclature en faveur de personnes démunies, sans constituer des manquements à l'honneur et à la probité ; Toutefois, Madame X... ne cite pas la sanction prononcée de 1'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée d'un mois assorti du sursis, avec publication du jugement ; Madame X... demande cependant 1'annulation de la mise à pied disciplinaire pour son caractère prématuré et sa disproportion avec les faits retenus ; Toutefois, cette appréciation des faits par le Conseil de l'Ordre, eu égard à la déontologie, n'exclut pas la possibilité par l'employeur de sanctionner ces manquements de part son pouvoir de direction ; La sanction appliquée pour la mise à pied de trois jours, qui n'est pas disproportionnée par rapport à la faute avérée, n'a donc pas à être annulée ; Madame X... allègue en outre, pour les années 2007 et 2008, des conditions de travail difficiles, puis la dégradation des relations avec son assistante dentaire, sans pour autant relater des circonstances précises qui, de plus, puissent être imputables à 1'employeur ; Madame X... prétend enfin que son arrêt de travail est la conséquence d'une souffrance au travail qui s'est amplifiée depuis début 2010 et qui a été constatée par le Docteur D..., médecin du travail, et ce dès le 3 février 2010 ; Madame X... soutient également que durant son arrêt de travail, la Mutualité Française a multiplié les pressions et manoeuvres, au lieu de favoriser son retour à 1'emploi dans des conditions normales ; A l'appui de ses dires, Madame X... produit un projet de compte-rendu d'une réunion interne du 31 mai 2010, émanant du directeur médical dentaire, le Docteur E..., ne précisant pas les personnes présentes et mentionnant certes des dysfonctionnements techniques, des tensions internes dans le service et un manque de communication avec la hiérarchie, mais en restant dans un cadre de fonctionnement général ; Le Docteur D..., médecin du travail, sur la fiche du 3 février 2010 indique notamment : démotivation, tensions avec les assistantes dentaires, mauvaise ambiance de travail, tendance dépressive', mais aussi soucis familiaux, et néanmoins déclare Madame X...'apte'; De son côté, la Mutualité Française rapporte les difficultés relationnelles entre Madame X... et son assistante, Madame B..., concrétisées après l'incident du 7 juillet 2010 et pour lequel des erreurs comportementales ont été commises par les deux protagonistes ; Mais, contrairement à ce qu'affirme Madame X..., la Mutualité Française a agi pour une solution de sérénité : d'abord en changeant de poste Madame B... qui, pour sa part, se plaint des pressions exercées à son encontre par Madame X..., celle-ci étant avertie de cette affectation le 30 août ; puis en cherchant à plusieurs reprises, au travers des courriers produits, à évoquer avec Madame X... le fonctionnement quotidien du binôme : Dentiste-Assistante dentaire ; Madame X... évoque aussi que son état de santé a imposé une prise en charge psychiatrique à compter du 17 janvier 2011 ; Madame X... établit des faits qui, selon elle, constituent un harcèlement, sans qu'ils puissent être interprétés, comme des agissements répétés, ayant portés atteinte à ses conditions de travail matérielles ou psychologiques, ou à sa dignité ; Toutefois, l'appréciation de ces éléments pris dans leur ensemble ne permet pas de présumer d'un harcèlement moral, nonobstant l'état de santé invoqué par Madame X..., dont il n'est pas établi qu'il soit la répercussion de pressions subies ; Madame X... ne peut donc reprocher à son employeur un défaut dans son obligation générale de sécurité ; Ainsi, Madame X... ne rapporte pas de faits suffisamment pertinents ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant ; Sa demande de dommages et intérêts ne peut donc être accueillie.
ALORS QUE la salariée affirmait qu'elle avait été victime d'un harcèlement moral du fait d'agissements répétés ayant abouti à une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ; que ses agissements étaient constitués par la sanction prématurée et disproportionnée dont elle avait été victime, alors même que le Conseil de l'ordre avait admis que les fautes commises n'étaient pas déterminantes, et par le fait qu'elle avait été victime du comportement violent de son assistante ; que pour refuser de faire droit à la demande de la salariée, la Cour d'appel a simplement affirmé que la sanction n'était « pas sans fondement, ni excessive au regard des faits, même si le Conseil de l'ordre a porté une appréciation plus bienveillante sur les faits commis » puis rappelé les faits de l'altercation entre la salariée et son assistante sans aucune autre précision ; qu'en statuant ainsi, sans expliquer précisément la valeur de la faute reprochée et la proportionnalité de la sanction prononcée et sans expliquer en quoi les faits d'altercation relevés par la salariée n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement, la cour d'appel, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1152-1 du Code du travail
QU'à tout le moins, la Cour d'appel qui s'est ainsi déterminée par voie de considérations générales et abstraites, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de la salariée était fondé sur une cause réelle et sérieuse, et non pas sur son seul état de santé, et de l'avoir en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes d'indemnité de préavis et congés payés afférents, dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et remise des documents sociaux
AUX MOTIFS QUE Isabelle X... a été licenciée par lettre du 21 février 2011, rédigée en ces termes : " Vous êtes absente depuis le 17 juillet 2010 dans le cadre d'un arrêt maladie régulièrement prolongé. En date du 14 février dernier, à l'occasion d'un entretien préalable, nous vous avons indiqué que nous envisagions à votre égard un licenciement pour absence prolongée et désorganisation de service, nécessitant votre remplacement définitif. En effet vos absences pour maladie ont désorganisé de façon importante le fonctionnement du centre dentaire de Dijon, dans lequel vous travaillez. La tentative de répartition d'une partie de votre activité au fur et à mesure des prolongations d'arrêts maladie a désorganisé 1'organisation des consultations, en générant une augmentation du délai d'attente des patients pour obtenir un rendez-vous, ainsi que le travail des assistantes, y ajoutant une surcharge de travail importante. Certains patients ont également vu leur traitement suspendu, engendrant leur mécontentement. D'autre part, nous avons été amenés à mener dès le mois de septembre 2010 des recherches pour assurer votre remplacement, dans le cadre d'un contrat a durée déterminé recherches qui n'ont donné lieu à aucun résultat. En effet la rareté des dentistes sur le marché du travail ne nous a pas permis de trouver les compétences recherchées dans le cadre d'un CDD de quelques semaines, sans visibilité précise sur une fin de contrat. Ces perturbations affectant le bon fonctionnement du centre dentaire de Dijon, nous sommes donc contraints de pourvoir à votre remplacement à titre définitif. Vous nous avez indiqué votre position et nous avez confirmé ne pas être en mesure de reprendre votre travail à l'heure actuelle. C'est donc au regard des perturbations importantes dans le bon fonctionnement du centre dentaire de Dijon que nous vous faisons part de votre licenciement pour désorganisation de service due a votre absence prolongée. Votre préavis, d'une durée de trois mois, débutera à la date de première présentation de ce courrier. Etant en arrêt maladie et donc dans l'impossibilité d'effectuer votre préavis, celui-ci ne vous sera pas payé " ; Il est justifié qu'à la date du licenciement d'Isabelle X..., le centre de santé dentaire de Dijon comprenait six dentistes et six assistantes ; il est établi que Isabelle X... a été absente de son poste de travail à compter du 19 juillet 2010, de manière continue, jusqu'à la date de son licenciement ; il résulte des attestations établies par Madame F..., adjointe de direction et de Madame G..., agent administratif, que, du fait des absences pour maladie d'Isabelle X..., renouvelées de mois en mois, les rendez-vous de ses patients ont été, dans un premier temps, également reportés de mois en mois, puis fixés auprès des autres dentistes, ce qui a eu pour conséquences, d'allonger les délais de traitement de tous les patients, de nécessiter la reprise de soins anciens pour certains, et notamment, ceux relatifs à la pose de prothèse qui étaient en cours, et de nuire à la qualité du suivi des traitements en cours, chaque praticien ayant des méthodes personnelles de travail ; en admettant même que le centre dentaire de Dijon ait pu rencontrer des difficultés d'organisation, avant même l'arrêt de maladie d'Isabelle X..., du fait du décès de l'un des dentistes en août 2009 et du départ en retraite d'un autre praticien, il n'en demeure pas moins que l'absence prolongée d'Isabelle X... a notablement, et a fortiori, accentué cette désorganisation ce qui rendait nécessaire son remplacement définitif, lequel n'a pu se concrétiser que le 11 avril 2011 par la signature d'un contrat à durée indéterminée avec le docteur H..., de nationalité espagnole, après une période de recherche intensive dont il est justifié, effectuée par l'intermédiaire du site abcdent. fr au cours du second semestre 2010, qui a abouti à de nombreux contacts auxquels il n'a, toutefois pu être donné suite pour les motifs énumérés dans la pièce n° 15, non discutée, versée aux débats par l'employeur ; il est, au vu de l'ensemble de ces éléments, établi par la mutualité que les perturbations résultant de l'absence prolongée d'Isabelle X... rendait nécessaire son remplacement définitif qui est, compte tenu de la difficulté du recrutement eu égard à la spécificité du poste, intervenue dans un délai raisonnable de moins de deux mois après la date du licenciement ; c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le licenciement d'Isabelle X... reposait sur une cause réelle et sérieuse ; Isabelle X... doit être déboutée de ses demandes au titre des indemnités de rupture.
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, mentionne ainsi : « En effet, vos absences pour maladie ont désorganisé de façon importante le fonctionnement du centre dentaire de Dijon, dans lequel vous travaillez. La tentative de répartition d'une partie de votre activité au fur et à mesure des prolongations d'arrêts maladie a désorganisé l'organisation des consultations, en générant une augmentation du délai d'attente des patients pour obtenir un rendez-vous, ainsi que le travail des assistantes, y ajoutant une surcharge de travail importante. Certains patients ont également vu leur traitement suspendu, engendrant leur mécontentement. D'autre part, nous avons été amenés à mener dès le mois de septembre 2010 des recherches pour assurer votre remplacement, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, recherches qui n'ont donné lieu à aucun résultat. En effet, la rareté des dentistes sur le marché du travail ne nous a pas permis de trouver les compétences recherchées dans le cadre d'un CDD de quelques semaines, sans visibilité précise sur une fin de contrat. Ces perturbations affectant le bon fonctionnement du centre dentaire de Dijon, nous sommes donc contraints de pourvoir à votre remplacement à titre définitif. Vous nous avez indiqué votre position, et vous nous avez confirmé ne pas être en mesure de reprendre votre travail à l'heure actuelle. C'est donc au regard des perturbations importantes dans le bon fonctionnement du centre dentaire de Dijon que nous vous faisons part de votre licenciement pour désorganisation de service due à votre absence prolongée. » ; Madame X... invoque d'abord la nullité de son licenciement, tant pour harcèlement moral qui n'est pas retenu, que pour méconnaissance par la Mutualité Française de son obligation de sécurité, sans toutefois l'établir ; Ainsi, cette prétention ne peut qu'être écartée ; Si la maladie n'est pas en elle-même un motif de licenciement en application de l'article L 1132-1 du Code du travail, les absences répétées ou prolongées pour maladie peuvent justifier un licenciement dès lors qu'elles perturbent le bon fonctionnement de l'entreprise et rendent nécessaire le remplacement définitif du salarié absent ; Or, Madame X... prétend que les causes de la désorganisation du centre dentaire ne trouvent pas leur origine dans son absence prolongée ; Elle indique que la désorganisation du service est déjà évoquée lors de la réunion organisée par les chirurgiens-dentistes, le 30 mai 2010, mais toutefois le projet du compte-rendu ne fait état que de dysfonctionnements logistiques, sans mentionner une insuffisance de praticiens ; Madame X... souligne aussi que le compte-rendu de la réunion du Comité d'entreprise du 12 avril 2011 n'indique pas que son absence depuis le 20 juillet 2010 soit la cause de la désorganisation ; Mais toutefois, ce constat ne peut être en lui-même exclusif ; Ce même compte-rendu stipule par contre à la fois que le recrutement de deux dentistes d'origine espagnole à partir du 11 avril 2011 permettra de répondre aux attentes des patients, qui est alors d'un délai d'un mois pour obtenir un rendez-vous, et que la baisse d'activité et le déficit incident sont liés pour une part à un manque de journées de praticien ; La Mutualité Française fait valoir en l'espèce des troubles engendrés par l'absence prolongée de Madame X..., avec la problématique spécifique due aux relations patients-praticien dans l'incertitude d'une date de reprise, des rendez-vous annulés et reportés, l'augmentation des délais d'attente liée à la répartition des patients sur la charge des autres dentistes ; Ainsi, cette absence prolongée entraine des troubles importants dans la gestion et le suivi des patients du médecin et accentue alors le déficit structurel ; Cette désorganisation ne peut valablement être contestée, même si son impact eût pu certainement être atténué en embauchant un dentiste supplémentaire plus tôt ; La Mutualité Française a pallié dans un premier temps l'absence de Madame X..., mais d'une manière non satisfaisante pour les patients, en les répartissant sur les autres praticiens, et de manière pénalisante pour la rentabilité ; Une embauche temporaire n'a pu être envisagée dans ce type de fonction qui ne peut s'exercer dans la vacance ou la précarité ; Aussi l'employeur arrive à la conclusion qu'il va être alors amené à remplacer Madame X... de façon définitive et que le bon fonctionnement du centre dentaire ne peut s'envisager qu'avec un encadrement médical stable ; En 1'espèce, le remplacement définitif est effectif au 11 avril 2011, soit dans un délai raisonnable après la notification du licenciement de Madame X... ; Il est rappelé que le licenciement n'a une cause réelle et sérieuse que si les perturbations causées au fonctionnement de l'établissement par l'absence prolongée du salarié pour raison médicale, entraînent pour l'employeur la nécessité de procéder au remplacement définitif ; Tel est le cas en l'occurrence avec l'engagement de deux chirurgiens-dentistes, même si un seul contrat de travail à durée déterminée et à temps complet est fourni ; Il en résulte que le licenciement de Madame X... est justifié et que donc il ne peut pas être fait droit à sa demande de dommages et intérêts.
ALORS QUE, lorsque l'absence prolongée du salarié est la conséquence du harcèlement moral dont celui-ci est l'objet, l'employeur ne peut se prévaloir de la perturbation qu'une telle absence avait causé au fonctionnement de l'entreprise ; que pour dire que le licenciement justifié par la perturbation du fonctionnement de l'entreprise nécessitant le remplacement définitif du salarié absent était fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré que les faits de harcèlement n'étaient pas avérés ; que la cassation à intervenir sur le fondement des motifs ayant exclu l'existence d'un harcèlement moral entrainera par application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence des motifs ayant refusé de considérer le licenciement de la salariée, bien que justifié par une perturbation du fonctionnement de l'entreprise nécessitant le remplacement définitif du salarié absent, nulle du fait de l'existence d'un harcèlement moral.
ALORS ENSUITE QUE, le motif tiré de la perturbation du fonctionnement de l'entreprise nécessitant le remplacement définitif du salarié absent ne constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement que si le poste du salarié est véritablement pourvu et non supprimé ; qu'en l'espèce, la salariée faisait valoir que son poste n'avait pas été pourvu et qu'en réalité il avait été supprimé dans la mesure où, consécutivement à 3 départs dont celui de la salariée, seules deux embauches avaient été réalisées, dont l'une en CDD ; que pour dire que le licenciement de la salariée reposait sur une cause réelle et sérieuse tirée de la perturbation du fonctionnement de l'entreprise nécessitant son remplacement définitif, la Cour d'appel a considéré que le remplacement de la salariée était définitif et qu'il était intervenu dans un délai raisonnable ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le poste n'avait pas été pourvu mais supprimé, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1132-1 du Code du travail.
ALORS ENCORE QUE, le motif tiré de la perturbation du fonctionnement de l'entreprise nécessitant le remplacement définitif du salarié absent doit s'apprécier au niveau de l'entreprise et non pas du seul établissement ; qu'en l'espèce, la salariée faisait valoir que dans ses écritures que l'employeur se situait au seul niveau du centre dentaire de Dijon, et non pas au niveau de l'entreprise en son entier, pour justifier la perturbation ; que ni la Cour d'appel, ni les premiers juges n'ont répondu à cette critique pourtant déterminante ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1132-1 du Code du travail.
ALORS ENFIN QUE, le motif tiré de la perturbation du fonctionnement de l'entreprise nécessitant le remplacement définitif du salarié absent ne constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement que si la désorganisation de l'entreprise est en lien avec l'absence du salarié ; qu'en l'espèce, la salariée affirmait que la désorganisation de l'entreprise résultait, non pas de ses absences, mais des choix de gestion et de recrutement de l'employeur ; que la Cour d'appel a elle-même constaté qu'il pouvait être admis « que le centre dentaire de Dijon ait pu rencontrer des difficultés d'organisation, avant même l'arrêt de maladie d'Isabelle X..., du fait du décès de l'un des dentistes en août 2009 et du départ en retraite d'un autre praticien » ; qu'en considérant toutefois que le licenciement de la salariée était justifiée par la perturbation de l'entreprise, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations desquelles il ressortait que la perturbation de l'entreprise était la conséquence des choix de gestion et de recrutement de l'employeur, a violé les dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1132-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-27979
Date de la décision : 27/01/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 17 octobre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 jan. 2016, pourvoi n°13-27979


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:13.27979
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