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27/01/2016 | FRANCE | N°14-15.297

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na, 27 janvier 2016, 14-15.297


SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 janvier 2016




Rejet non spécialement motivé


M. MALLARD, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président



Décision n° 10122 F

Pourvoi n° S 14-15.297







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décis

ion suivante :

Vu le pourvoi formé par la [2] ([1]), dont le siège est [Adresse 1], ayant un établissement [Adresse 3],

contre l'arrêt rendu le 5 février 2014 par la cour d'...

SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 janvier 2016




Rejet non spécialement motivé


M. MALLARD, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président



Décision n° 10122 F

Pourvoi n° S 14-15.297







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la [2] ([1]), dont le siège est [Adresse 1], ayant un établissement [Adresse 3],

contre l'arrêt rendu le 5 février 2014 par la cour d'appel de Montpellier (4e chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [S] [Z], domiciliée [Adresse 2],

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;


LA COUR, en l'audience publique du 16 décembre 2015, où étaient présents : M. Mallard, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mme Schmeitzky-Lhuillery, conseiller, Mme Ducloz, conseiller référendaire, désignée pour siéger avec voix délibérative en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, Mme Becker, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la [2], de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de Mme [Z] ;

Sur le rapport de M. Mallard, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la [2] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la S[2] et condamne celle-ci à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille seize.MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la Société nationale immobilière

PREMIER MOYEN DE CASSATION :


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Madame [Z] devait bénéficier de la prime de région parisienne, d'AVOIR condamné l'exposante à lui verser la somme de 12420 euros pour la période de novembre 2005 à octobre 2010, de 3105 euros à compter du mois de novembre 2010 jusqu'au mois de janvier 2012, de l'AVOIR condamnée à intégrer mensuellement la prime et à la régler les mois suivants le prononcé de la décision, de lui AVOIR ordonné de rectifier les bulletins de salaire de Madame [Z] en intégrant la prime mensuelle, de l'AVOIR condamnée aux dépens ainsi qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Le groupe [1] (société Nationale Immobilière) est une entreprise du secteur public, filiale de la Caisse des Dépôts, qui intervient dans le secteur du logement social. La [1] est l'actionnaire majoritaire des filiales constituant le Groupe [1]. Outre cette activité de société holding, la [1], comme elle l'indique, a plus particulièrement pour objectif principal de permettre à des foyers aux revenus moyens de rester dans les centres urbains, grâce à des loyers d'un montant raisonnable, notamment par la construction et la gestion de nouveaux logements, en relation avec les collectivités territoriales et différents partenaires. L'organisation de la [1] se compose de trois structures différentes :
* un siège social, situé à [Localité 6], où se trouvent le Directoire et le Comité Exécutif, ainsi que les équipes de Directions Groupe telles que les Ressources Humaines, le secrétariat juridique de l'ensemble du groupe, les systèmes d'information, les finances.
Les équipes du siège ont vocation à travailler sur la stratégie et la coordination dans leurs domaines respectifs, sur le périmètre du Groupe ;
*5 établissements opérationnels situés à [Localité 1], [Localité 7], [Localité 4], [Localité 3] et [Localité 6] ayant pour mission la mise en oeuvre opérationnelle de la politique patrimoniale, de gestion locative et de développement ;
*un Etablissement Administratif situé à [Localité 5] (EAM), au sein duquel se trouvent la direction financière, la direction juridique, la direction des systèmes d'information, la direction de la gestion locative, la direction du patrimoine, la direction des ressources humaines (équipes de gestion administrative et paie) et la direction du développement, fonctions que la [1] qualifie dans ses conclusions de "back office".
Depuis 1973, la [1] octroyait à ses collaborateurs résident en région parisienne une prime dite "de région parisienne" puis prime "vie chère", s'élevant en dernier lieu à 207 E. Cette prime a été supprimée à compter du 1er janvier 2013, dans le cadre de la signature d'un accord collectif portant sur la rémunération. Mme [Z] a été embauchée par la [1] en qualité de Cadre Juridique par contrat de travail à durée déterminée, le 24 décembre 2001. Le 25 juin 2002, elle a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée. Elle a été affectée à l'établissement administratif de [Localité 5]. Le 9 novembre 2010, elle a saisi le conseil de prud'hommes de MONTPELLIER d'une demande en rappel de salaire portant sur la prime de région parisienne, en faisant valoir qu'en vertu du principe de l'égalité de traitement, elle devait également bénéficier de cette prime puisqu'elle exerçait un travail de valeur égale à celui des salariés exerçant en région parisienne. Par jugement du 23 janvier 2012, le conseil de prud'hommes de MONTPELLIER a dit que Mme [Z] devait bénéficier de cette prime, a condamné la [1] à lui verser 12 420E brut pour la période de novembre 2005 à octobre 2010, 3105 e bruts de novembre 2010 à janvier 2012, ainsi que 900 E au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La [1] a également été condamnée à intégrer mensuellement la prime et à la régler à Mme [Z] les mois suivant le prononcé du jugement, ainsi qu'à rectifier les bulletins de salaires de Mme [Z]. Par lettre recommandée reçue au greffe de la cour d'appel le 10 février 2012, la [1] a interjeté appel de ce jugement. La [1] demande à la cour de débouter Mme [Z] de l'intégralité de ses demandes, de la condamner au paiement de la somme de l 9 458€ en remboursement des primes de région parisienne, somme à parfaire, ainsi que 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait essentiellement valoir que Mme [Z] ne démontre pas se trouver dans une situation identique des salariés bénéficiaires de cette prime, puisque son poste de responsable de la veille juridique était unique au sein de la [1] et que la prime de région parisienne repose sur un critère objectif, les contraintes afférentes à ce lieu de travail, dont la pertinence est démontrée par les données statistiques qu'elle produit, relatives à l'immobilier, aux dépenses de consommation, à la durée et aux conditions de transport. Elle ajoute que les inconvénients de la vie parisienne ont entraîné un "turn over" important des salariés au sein des établissements parisiens de la [1], entraînant une désorganisation considérable, et que c'est afin de limiter ce désagrément qu'a été instaurée la prime litigieuse. Elle indique que l'intégration de la prime de région parisienne dans le salaire de base des collaborateurs mutés en province s'explique par l'obligation du maintien par l'employeur du salaire contractuellement prévu. Enfin, elle soutient qu'il ne saurait être retenu une exécution déloyale du contrat de travail, lequel ne prévoyait pas le versement de la prime litigieuse. Mme [Z] conclut à la confirmation du jugement entrepris, et sollicite en outre 5 000 € de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et 3 000 f au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait essentiellement valoir qu'elle exerce une activité "de valeur égale" à celle des salariés exerçant en région parisienne qui relèvent du même service juridique, puisqu'elle est placée sous la même direction du directeur juridique, et de celle du même directeur juridique adjoint, avec le même emploi de cadre juridique, et souligne que tous les salariés exerçant en région parisienne bénéficient de cette même prime, sans distinction entre la nature de leur poste ou leur ancienneté, alors que tous les salariés exerçant en province en sont exclus. Elle soutient que I'objectif de l'employeur n'était pas de compenser la vie chère, puisque les personnels de terrain en sont exclus, mais simplement de permettre une plus grande stabilité du personnel parisien, de sorte que la prime ne vise pas à compenser le coût de la vie chère, et surtout qu'il est prévu d'intégrer cette prime au salaire de base en cas de mobilité vers la province, ce qui démontre que cette prime n'est pas liée au coût de la vie dans la capitale. Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
En application du principe d'égalité de traitement, un accord collectif ne peut prévoir de différences de rémunération entre salarié d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale que si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence. En l'espèce, Mme [Z], qui exerce les fonctions de cadre juridique, est affectée à l'établissement administratif de [Localité 5], mais rattachée à la direction juridique du Groupe [1], à la direction parisienne, et placée directement sous l'autorité du Directeur Juridique du Groupe, comme en fait foi l'organigramme produit par elle. La direction juridique comporte par ailleurs quatre services qui sont les pôles ventes, pôle droit des sociétés, pôle métiers contentieux et veille, pôle montage d'opération, dont il n'est pas contesté qu'ils sont situés en région parisienne. Si la [1] fait valoir que les collaborateurs de la direction juridique travaillant en région parisienne interviennent en tant que supports des pôles opérationnels alors que Mme [Z] intervient exclusivement en tant que support des juristes de la Direction juridique, celle-ci produit les compte rendu de ses entretiens d'évaluation des années 2011, 2012 et 2013, faisant ressortir que ses attributions comportaient non seulement la veille juridique au niveau du groupe, mais, plus généralement qu'elle était "chargée d'étude juridique", et également qu'il lui avait été notamment fixé comme objectifs, pour la période 2011/2012 de "réaliser des études dans le domaine immobilier" , et de "épauler et participer aux dossiers de développement immobilier...." et pour l'année 2013 de "construire et animer les formations au GIE vente" et "aider les juriste du GIE Vente à mettre en place des fiches d'autocontrôle (déclarative) à remplir par les monteurs quand les dossiers leurs arrivent". Sa fiche d'évaluation des années 2011/2012, puis de l'année 2013 comprend notamment quant aux compétences opérationnelles, la rubrique "apporter une assistance aux entités opérationnelles", de sorte qu'il ne saurait être soutenu qu'elle se bornait à venir en soutient des seuls juristes de la Direction juridique. Il apparaît ainsi que Mme [Z] exerce un travail de valeur égale à celui des autres cadres de la Direction juridique. Par ailleurs, il est constant que la société, implantée sur l'ensemble du territoire national mais dont le siège social est à [Localité 6], attribue depuis fort longtemps à ses collaborateurs de la région parisienne une prime spécifique, d'un montant brut de 207 € en dernier lieu, dont les salariés des établissements de province ne bénéficient pas. Mme [Z] produit trois lettres d'embauches, faisant état de l'attribution de cette prime, à deux salariés du "Groupe [1]" à [Localité 6], mais également à une personne embauchée par "[1]", pour un emploi à [Localité 2] (92). La société soutient que la différence constatée repose sur un critère objectif qui est le lieu de travail et un élément pertinent qui est 1a différence du coût de la vie entre [Localité 6] et la province justifiée par les données statistiques de l'Insee et les différents documents qu'elle produit. Si les donnée statistiques fournies établissent en effet que les prix à [Localité 6] et dans la proche banlieue parisienne sont supérieurs dans plusieurs domaines, notamment le logement, à ceux ayant cours dans le reste du pays, cette approche demeure cependant approximative en ce qu'elle ne tient aucunement compte des disparités existantes, en terme de cherté du coût de la vie et notamment de logement, entre [Localité 6], sa proche banlieue et le reste de l'Ile-de-France d'une part, entre les différentes régions de France d'autre part et enfin entre chacune de ces régions et l'Ile-de-France hors [Localité 6]. Par ailleurs il résulte des accords collectifs relatifs à la mobilité professionnelle conclus au sein du groupe en 2007 et 2011 que "la prime de région parisienne des salariés de la SA en mobilité vers une structure de province sera intégrée au salaire de base", ce qui aboutit à laisser perdurer par rapport aux nouveaux collègues du salarié affecté à un établissement situé en Province une différence de traitement fondée sur une affectation antérieure en région parisienne. Ce dernier élément vient ainsi mettre à mal le critère avancé pour justifier cette différence de traitement entre les différents établissements de la société selon la localisation géographique. Mme [Z] était donc en droit de bénéficier de la prime litigieuse, et, les sommes réclamées à ce titre n'étant pas contestées quant à leur calcul, le jugement du conseil de prud'hommes de MONTPELLIER sera donc confirmé en toutes ses dispositions » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « selon le principe « à travail égal - salaire égal » l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de traitement entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique. II ne peut y avoir de différences de traitement entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la pertinence. L'entreprise ne conteste pas que Mme [Z] exerce un travail égal à celui des employés parisiens. Or il apparaît qu'elle ne perçoit pas la prime intitulée « région parisienne ». Selon un compte-rendu de 1984 cette prime permettait de stabiliser le personnel en région- parisienne puis a été renommée «prime vie chère» en 2000. D'une part l'objet de la prime ne peut être changé, d'autre part les salariés qui ont travaillé en région parisienne et qui sont ensuite partis en province ont conservé cet avantage qui a été intégré à leur salaire de base. En l'espèce, malgré les justifications à. posteriori données par l'employeur, l'allocation de cette prime n'est pas justifiée ; en conséquence Mme [Z] est en droit do prétendre au paiement de cette prime dans la limite de 5 ans à compter de la saisine soit 207X 12 X 5 = 12420 euros »

1. ALORS QU'il est possible d'établir des différences de traitement entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise, dès lors qu'elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; que constitue une raison objective à l'octroi d'une prime le fait que la vie soit plus chère à [Localité 6] et en proche banlieue que dans le reste de la France ; que pour accorder à Madame [Z], salariée de l'établissement de MONTPELLIER le bénéfice de la prime de «région parisienne » bénéficiant aux salariés travaillant dans ladite région, la Cour d'appel a retenu que si les données fournies par l'employeur démontraient que la vie était plus chère à Paris et en proche banlieue que dans le reste de la France, cette approche demeurait approximative faute de tenir compte des disparités existant entre d'une part PARIS / la proche banlieue et le reste de l'Ile de France, d'autre part entre les différentes régions, et de dernière part entre chacune des régions et l'Ile de France hors PARIS ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a ainsi violé le principe d'égalité de traitement ;

2. ALORS QU'en s'abstenant de rechercher, au vu des données fournies par l'employeur, si la différence de traitement n'était pas justifiée entre la région parisienne d'une part, et celle de MONTPELLIER d'autre part, où travaillait et habitait la salariée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement ;

3. ET ALORS QU'en s'abstenant de rechercher, au vu des données fournies par l'employeur, qui étayait aussi la différence de traitement par référence aux désagréments générés par les transports pour ceux de ses salariés travaillant en région parisienne (temps passé, conditions de voyage...), si la différence de traitement n'était pas justifiée non seulement par rapport au coût de la vie, mais également au regard de la qualité de cette dernière, singulièrement eu égard aux conséquences de transports longs, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement ;

4. ALORS QU'en toute matière, le juge est tenu de respecter et de faire respecter le principe de contradiction ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas lui avoir fourni des éléments de comparaison, qui n'étaient pas réclamés par la salariée, ce sans inviter au préalable l'exposante à effectuer les comparaisons qu'elle estimait nécessaires pour se prononcer sur la pertinence de la prime, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

5. ALORS QUE repose sur une raison objective la différence de traitement fondée sur l'obligation de l'employeur de ne pas modifier la rémunération d'un salarié ; qu'en l'espèce, l'employeur avait exposé qu'il ne pouvait unilatéralement retirer aux salariés qui avaient quitté la région parisienne le bénéfice la prime litigieuse, car cette prime participait du niveau de leur rémunération qui constituait un élément contractuel (conclusions p.35); qu'en retenant que le maintien de la prime au bénéfice des salariés qui avaient quitté la région parisienne mettait à mal le critère avancé par l'employeur pour justifier de la différence de traitement, sans rechercher si l'employeur n'était pas tenu de procéder de la sorte, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement et de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

6. ALORS QUE constitue une raison objective justifiant un traitement différencié l'existence d'un taux de démission plus important dans les établissements situés en région parisienne ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir, données chiffrées à l'appui, que le taux de démission était bien plus élevé à [Localité 6] que dans l'établissement de [Localité 5] (cinq fois plus entre 2002 et 2012, trois fois plus entre 2008 et 2012) ; qu'il soulignait qu'un tel « turn over » était facteur de désorganisation et qu'il était en conséquence important de stabiliser ses effectifs ; qu'en s'abstenant d'examiner si cet élément objectif n'était pas de nature à justifier l'octroi de la prime de région parisienne, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement ;

7. ALORS QUE c'est au salarié qui se prévaut d'une méconnaissance du principe d'égalité de traitement d'établir que sa situation est comparable à celle des salariés bénéficiant de l'avantage dont il s'estime avoir été privé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel, qui a imposé à l'employeur de prouver que Madame [Z] était dans une situation différente de celle des salariés travaillant en région parisienne, a violé l'article 1315 du Code civil ;

8. ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; que, pour considérer que la salariée effectuerait un travail de « valeur égale à celui des autres cadres de la direction juridique », la Cour d'appel a retenu que les entretiens d'évaluation 2011/2012 et 2012/2013 « compren(aient) notamment quant aux compétence opérationnelles, la rubrique assistance aux entités opérationnelles » ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait desdits entretiens que la « compétence » ne correspondait pas à l'emploi exercé, mais représentait un simple référentiel de compétence standard, valant pour toute une filière métier, la Cour d'appel a dénaturé les entretiens d'évaluation en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;

9. ET ALORS QUE l'objet d'une prime peut varier sans pour autant qu'il soit porté atteinte au principe d'égalité de traitement ; qu'il en va, a fortiori, de même, lorsque la variation ne porte que sur l'appellation de la prime ; que les premiers juges ont considéré, pour faire droit à la demande de Madame [Z], que la prime de région parisienne, qui selon un compte rendu de 1984 permettait de stabiliser le personnel, avait ensuite été intitulée prime de vie chère, ce dont ils ont déduit que la prime aurait « changé d'objet » et que le principe d'égalité aurait ainsi été méconnu ; qu'à supposer de tels motifs adoptés, la Cour d'appel aurait, de ce chef également, méconnu le principe d'égalité de traitement.

SECOND MOYEN DE CASSATION :


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Madame [Z] doit bénéficier de la prime, d'AVOIR condamné l'exposante à lui verser la somme de 12420 euros pour la période de novembre 2005 à octobre 2010, de 3105 euros à compter du mois de novembre 2010 jusqu'au mois de janvier 2012, de l'AVOIR condamnée à intégrer mensuellement la prime et à la régler les mois suivants le prononcé de la décision, de lui AVOIR ordonné de rectifier les bulletins de salaire de Madame [Z] en intégrant la prime mensuelle, de l'AVOIR condamnée aux dépens ainsi qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Le groupe [1] (société Nationale Immobilière) est une entreprise du secteur public, filiale de la Caisse des Dépôts, qui intervient dans le secteur du logement social. La [1] est l'actionnaire majoritaire des filiales constituant le Groupe [1]. Outre cette activité de société holding, la [1], comme elle l'indique, a plus particulièrement pour objectif principal de permettre à des foyers aux revenus moyens de rester dans les centres urbains, grâce à des loyers d'un montant raisonnable, notamment par la construction et la gestion de nouveaux logements, en relation avec les collectivités territoriales et différents partenaires. L'organisation de la [1] se compose de trois structures différentes :
* un siège social, situé à [Localité 6], où se trouvent le Directoire et le Comité Exécutif, ainsi que les équipes de Directions Groupe telles que les Ressources Humaines, le secrétariat juridique de l'ensemble du groupe, les systèmes d'information, les finances.

Les équipes du siège ont vocation à travailler sur la stratégie et la coordination dans leurs domaines respectifs, sur le périmètre du Groupe ;
*5 établissements opérationnels situés à [Localité 1], [Localité 7], [Localité 4], [Localité 3] et [Localité 6] ayant pour mission la mise en oeuvre opérationnelle de la politique patrimoniale, de gestion locative et de développement ;
*un Etablissement Administratif situé à [Localité 5] (EAM), au sein duquel se trouvent la direction financière, la direction juridique, la direction des systèmes d'information, la direction de la gestion locative, la direction du patrimoine, la direction des ressources humaines ( équipes de gestion administrative et paie) et la direction du développement, fonctions que la [1] qualifie dans ses conclusions de "back office".
Depuis 1973, la [1] octroyait à ses collaborateurs résident en région parisienne une prime dite "de région parisienne" puis prime "vie chère", s'élevant en dernier lieu à 207 E. Cette prime a été supprimée à compter du 1er janvier 2013, dans le cadre de la signature d'un accord collectif portant sur la rémunération. Mme [Z] a été embauchée par la [1] en qualité de Cadre Juridique par contrat de travail à durée déterminée, le 24 décembre 2001. Le 25 juin 2002, elle a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée. Elle a été affectée à l'établissement administratif de [Localité 5]. Le 9 novembre 2010, elle a saisi le conseil de prud'hommes de MONTPELLIER d'une demande en rappel de salaire portant sur la prime de région parisienne, en faisant valoir qu'en vertu du principe de l'égalité de traitement, elle devait également bénéficier de cette prime puisqu'elle exerçait un travail de valeur égale à celui des salariés exerçant en région parisienne. Par jugement du 23 janvier 2012, le conseil de prud'hommes de MONTPELLIER a dit que Mme [Z] devait bénéficier de cette prime, a condamné la [1] à lui verser 12 420E brut pour la période de novembre 2005 à octobre 2010, 3105 e bruts de novembre 2010 à janvier 2012, ainsi que 900 E au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La [1] a également été condamnée à intégrer mensuellement la prime et à la régler à Mme [Z] les mois suivant le prononcé du jugement, ainsi qu'à rectifier les bulletins de salaires de Mme [Z]. Par lettre recommandée reçue au greffe de la cour d'appel le 10 février 2012, la [1] a interjeté appel de ce jugement. La [1] demande à la cour de débouter Mme [Z] de l'intégralité de ses demandes, de la condamner au paiement de la somme de l 9 458€ en remboursement des primes de région parisienne, somme à parfaire, ainsi que 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait essentiellement valoir que Mme [Z] ne démontre pas se trouver dans une situation identique des salariés bénéficiaires de cette prime, puisque son poste de responsable de la veille juridique était unique au sein de la [1] et que la prime de région parisienne repose sur un critère objectif, les contraintes afférentes à ce lieu de travail, dont la pertinence est démontrée par les données statistiques qu'elle produit, relatives à l'immobilier, aux dépenses de consommation, à la durée et aux conditions de transport. Elle ajoute que les inconvénients de la vie parisienne ont entraîné un "turn over" important des salariés au sein des établissements parisiens de la [1], entraînant une désorganisation considérable, et que c'est afin de limiter ce désagrément qu'a été instaurée la prime litigieuse. Elle indique que l'intégration de la prime de région parisienne dans le salaire de base des collaborateurs mutés en province s'explique par l'obligation du maintien par l'employeur du salaire contractuellement prévu. Enfin, elle soutient qu'il ne saurait être retenu une exécution déloyale du contrat de travail, lequel ne prévoyait pas le versement de la prime litigieuse. Mme [Z] conclut à la confirmation du jugement entrepris, et sollicite en outre 5 000 € de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et 3 000 f au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait essentiellement valoir qu'elle exerce une activité "de valeur égale" à celle des salariés exerçant en région parisienne qui relèvent du même service juridique, puisqu'elle est placée sous la même direction du directeur juridique, et de celle du même directeur juridique adjoint, avec le même emploi de cadre juridique, et souligne que tous les salariés exerçant en région parisienne bénéficient de cette même prime, sans distinction entre la nature de leur poste ou leur ancienneté, alors que tous les salariés exerçant en province en sont exclus. Elle soutient que I'objectif de l'employeur n'était pas de compenser la vie chère, puisque les personnels de terrain en sont exclus, mais simplement de permettre une plus grande stabilité du personnel parisien, de sorte que la prime ne vise pas à compenser le coût de la vie chère, et surtout qu'il est prévu d'intégrer cette prime au salaire de base en cas de mobilité vers la province, ce qui démontre que cette prime n'est pas liée au coût de la vie dans la capitale. Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats. MOTIFS DE LA DÉCISION : En application du principe d'égalité de traitement, un accord collectif ne peut prévoir de différences de rémunération entre salarié d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale que si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence. En l'espèce, Mme [Z], qui exerce les fonctions de cadre juridique, est affectée à l'établissement administratif de [Localité 5], mais rattachée à la direction juridique du Groupe [1], à la direction parisienne, et placée directement sous l'autorité du Directeur Juridique du Groupe, comme en fait foi l'organigramme produit par elle. La direction juridique comporte par ailleurs quatre services qui sont les pôles ventes, pôle droit des sociétés, pôle métiers contentieux et veille, pôle montage d'opération, dont il n'est pas contesté qu'ils sont situés en région parisienne. Si la [1] fait valoir que les collaborateurs de la direction juridique travaillant en région parisienne interviennent en tant que supports des pôles opérationnels alors que Mme [Z] intervient exclusivement en tant que support des juristes de la Direction juridique, celle-ci produit les compte rendu de ses entretiens d'évaluation des années 2011, 2012 et 2013, faisant ressortir que ses attributions comportaient non seulement la veille juridique au niveau du groupe, mais, plus généralement qu'elle était "chargée d'étude juridique", et également qu'il lui avait été notamment fixé comme objectifs, pour la période 2011/2012 de "réaliser des études dans le domaine immobilier" , et de "épauler et participer au dossiers de développement immobilier...." et pour l'année 2013 de "construire et animer les formations au GIE vente" et "aider les juriste du GIE Vente à mettre en place des fiches d'autocontrôle (déclarative) à remplir par les monteurs quand les dossiers leurs arrivent". Sa fiche d'évaluation des années 2011/2012, puis de l'année 2013 comprend notamment quant aux compétences opérationnelles, la rubrique "apporter une assistance aux entités opérationnelles", de sorte qu'il ne saurait être soutenu qu'elle se bornait à venir en soutient des seuls juristes de la Direction juridique. Il apparaît ainsi que Mme [Z] exerce un travail de valeur égale à celui des autres cadres de la Direction juridique. Par ailleurs, il est constant que la société, implantée sur l'ensemble du territoire national mais dont le siège social est à [Localité 6], attribue depuis fort longtemps à ses collaborateurs de la région parisienne une prime spécifique, d'un montant brut de 207 € en dernier lieu, dont les salariés des établissements de province ne bénéficient pas. Mme [Z] produit trois lettres d'embauches, faisant état de l'attribution de cette prime, à deux salariés du "Groupe [1]" à [Localité 6], mais également à une personne embauchée par "[1]", pour un emploi à [Localité 2]. La société soutient que la différence constatée repose sur un critère objectif qui est le lieu de travail et un élément pertinent qui est la différence du coût de la vie entre [Localité 6] et la province justifiée par les données statistiques de l'Insee et les différents documents qu'elle produit. Si les donnée statistiques fournies établissent en effet que les prix à [Localité 6] et dans la proche banlieue parisienne sont supérieurs dans plusieurs domaines, notamment le logement, à ceux ayant cours dans le reste du pays, cette approche demeure cependant approximative en ce qu'elle ne tient aucunement compte des disparités existantes, en terme de cherté du coût de la vie et notamment de logement, entre [Localité 6], sa proche banlieue et le reste de l'Ile-de-France d'une part, entre les différentes régions de France d'autre part et enfin entre chacune de ces régions et l'Ile -de-France hors [Localité 6]. Par ailleurs il résulte des accords collectifs relatifs à la mobilité professionnelle conclus au sein du groupe en 2007 et 2011 que "la prime de région parisienne des salariés de la SA en mobilité vers une structure de province sera intégrée au salaire de base " , ce qui aboutit à laisser perdurer par rapport aux nouveaux collègues du salarié affecté à un établissement situé en Province une différence de traitement fondée sur une affectation antérieure en région parisienne. Ce dernier élément vient ainsi mettre à mal le critère avancé pour justifier cette différence de traitement entre les différents établissements de la société selon la localisation géographique. Mme [Z] était donc en droit de bénéficier de la prime litigieuse, et, les sommes réclamées à ce titre n'étant pas contestées quant à leur calcul, le jugement du conseil de prud'hommes de MONTPELLIER sera donc confirmé en toutes ses dispositions » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « selon le principe « à travail égal — salaire égal » l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de traitement entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique. II ne peut y avoir de différences de traitement entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la pertinence. L'entreprise ne conteste pas que Mme [Z] exerce un travail égal à celui des employés parisiens. Or il apparaît qu'elle ne perçoit pas la prime intitulée « région parisienne ». Selon un compte-rendu de 1984 cette prime permettait de stabiliser le personnel en. région- parisienne puis a été renommée «prime vie chère» en 2000. D'une part l'objet de la prime ne peut être changé, d'autre part les salariés qui ont travaillé en région parisienne et qui sont ensuite partis en province ont conservé cet avantage qui a été intégré à leur salaire de base. En l'espèce, malgré les justifications à. posteriori données par l'employeur, l'allocation de cette prime n'est pas justifiée ; en conséquence Mme [Z] est en droit de prétendre au paiement de cette prime dans la limite de 5 ans à compter de la saisine soit 207X 12 X 5 = 12420 euros »

ALORS QUE si le principe d'égalité de traitement permet au juge d'ordonner le rétablissement de la situation du salarié dont les droits ont été méconnus au regard dudit principe, ce rétablissement n'est possible que tant que la différence de traitement perdure ; qu'ainsi, lorsqu'une prime dont le salarié aurait dû, en application du principe d'égalité, bénéficier, a été supprimée par accord collectif, ce salarié ne peut plus, à compter de l'intervention dudit accord, en bénéficier ; qu'en l'espèce, il était constant que, par accord collectif du 29 juin 2012, la prime de région parisienne avait été supprimée à compter du 1er janvier 2013 ; qu'en condamnant l'exposante à intégrer la prime litigieuse, pour l'avenir, à la rémunération de la salariée, la Cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 14-15.297
Date de la décision : 27/01/2016
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Chambre sociale, arrêt n°14-15.297 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte rnsm/na, 27 jan. 2016, pourvoi n°14-15.297, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.15.297
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