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28/01/2016 | FRANCE | N°14-23351

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 28 janvier 2016, 14-23351


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambery, 19 juin 2014), que les époux X... et les consorts Y... sont propriétaires de fonds contigus, issus de la division d'une propriété plus vaste, opérée en 1922 ; que l'acte de division disposait qu'une cour resterait " mitoyenne " entre les deux propriétés et que le fonds, appartenant aujourd'hui aux époux X..., disposerait notamment d'un droit de passage sur l'autre fonds pour accéder au chemin de Gonrat ; que l

es époux X... ont assigné les consorts Y... pour voir juger que ce passage ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambery, 19 juin 2014), que les époux X... et les consorts Y... sont propriétaires de fonds contigus, issus de la division d'une propriété plus vaste, opérée en 1922 ; que l'acte de division disposait qu'une cour resterait " mitoyenne " entre les deux propriétés et que le fonds, appartenant aujourd'hui aux époux X..., disposerait notamment d'un droit de passage sur l'autre fonds pour accéder au chemin de Gonrat ; que les époux X... ont assigné les consorts Y... pour voir juger que ce passage pouvait s'exercer en automobile ;

Attendu qu'ayant constaté que le droit de passage s'exerçait depuis le chemin de Gonrat jusqu'au portillon accédant au jardin, propriété des époux X..., la cour d'appel, qui a retenu que l'assiette de ce passage permettait aux véhicules d'y circuler et constaté que cette situation n'aggravait pas la servitude, en a exactement déduit, abstraction faite d'un motif surabondant, que le mode d'exercice de celle-ci par passage d'automobiles, avec droit de faire demi-tour mais sans droit de stationnement, était acquis ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour les consorts Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que la servitude conventionnelle de passage qui résulte de l'acte de vente du 13 avril 1922 continuera de s'exercer par le passage depuis le chemin de Gonrat, jusqu'à la cour litigieuse, à pieds jusqu'à l'ancienne porte d'entrée de la Villa Mexico, ou en véhicule automobile mais sans pouvoir y stationner, avec faculté d'y effectuer un demi-tour et le cas échéant d'accéder au jardin par la création d'un portail à la place ou à côté du portillon actuel et d'AVOIR ordonné la publication de la présente décision au fichier immobilier ;

AUX MOTIFS QUE le litige opposant les parties a d'abord porté sur la propriété de la cour située sur une partie de la nouvelle parcelle B 1879 ; que les consorts Y... ne contestent pas l'existence d'une servitude conventionnelle qu'ils prétendent au contraire avoir toujours respectée, lorsqu'elle s'est exercée à pied, par le portillon ; qu'ils en contestent cependant l'aggravation, en invoquant les dispositions de l'article 702 du Code civil ; que l'acte de vente du 13 avril 1922 démontre que la servitude conventionnelle de passage a été consentie, à cette occasion, dans les termes suivants : « Il est expressément convenu : que la cour reste mitoyenne et que malgré que le chemin privé qui donne sur le chemin de Gonrat devienne la propriété de Monsieur Z..., la demanderesse aura droit de passage, ainsi que pour aller au canal de Mérande faire la lessive, etc. Mme A... venderesse gardera la jouissance du puits, toutefois en cas de réparations, elle participerait par moitié à ces dernières. En ce qui concerne le mur du potager, il reste la propriété exclusive de la venderesse, qui pourra le raser si bon lui semble, ainsi qu'y pratiquer une ouverture du côté de la cour » ; qu'en considération de l'interprétation de cette clause par la Cour d'appel dans son arrêt du 8 décembre 2009, reconnaissant la propriété exclusive de la cour aux consorts Y..., la clause relative à l'ouverture dans le mur du potager ne peut recevoir d'autre sens que celui de permettre le passage depuis le chemin de Gonrat, jusqu'au potager ; qu'il en résulte une servitude conventionnelle de passage au profit du fonds A..., aujourd'hui fonds X... ; qu'aux termes des articles 706 et 707 du Code civil, la servitude est éteinte par le non-usage pendant 30 ans, à compter du jour où l'on a cessé d'en jouir lorsqu'il s'agit d'une servitude discontinue ; qu'en application de l'article 708 du Code civil, le mode de la servitude peut se prescrire comme la servitude même et de la même manière ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme A... n'avait jamais usé de la faculté d'ouvrir le mur de son potager et que la première ouverture a été réalisée seulement le 15 juin 2011, ainsi qu'il résulte des déclarations des époux X... à l'huissier ayant dressé constat à leur demande le 16 juin 2011 ; qu'en conséquence, le mur du potager a empêché tout passage pendant bien plus que 30 ans ; qu'il en est résulté une extinction partielle de la servitude conventionnelle, dont l'assiette initialement convenue ne peut plus être revendiquée ; qu'en revanche il résulte des nombreux constats, de plusieurs attestations et photographies et il n'est d'ailleurs pas contesté par les consorts Y... le fait dès lors constant d'un passage depuis le chemin de Gonrat pour accéder d'une part au portillon se trouvant à droite à l'entrée de la cour et à l'ancienne porte de la Villa Mexico également sur la droite de la cour ; qu'en conséquence le droit de passage doit pouvoir continuer à s'exercer d'une part jusqu'au portillon, d'autre part jusqu'à l'ancienne porte d'entrée ; que le mode d'exercice de la servitude n'a pas précisément été défini par la convention ; qu'en 1922, l'usage de l'automobile était peu répandu ; qu'au contraire, par la suite, il s'est largement développé ; qu'en l'espèce, il résulte des déclarations des parties elles-mêmes, mais encore des constats et de nombreuses attestations, que la cour de la ferme dispose d'un revêtement qui permet aux véhicules de tourisme autant qu'aux véhicules agricoles, d'y circuler, même d'y stationner ; que cet usage est désormais très ancien, plusieurs témoins affirmant que l'accès à la cour en voiture se faisait depuis les années 60, Monsieur André B...se souvenant d'avoir vu la voiture de son père, garée dans la cour au cours de l'été 1939 ; qu'il résulte de la combinaison des dispositions de la convention initiale d'une part, et de l'usage qui a été fait de la cour d'autre part, que l'exercice de la servitude par le passage de véhicules d'une part est un mode de servitude acquis par prescription et d'autre part ne constitue pas une aggravation au sens du texte précité ; (¿) ; qu'au vu des constatations qui précèdent, il doit être fait droit à la prétention formée à titre subsidiaire par les époux X... de pouvoir continuer à jouir de la servitude conventionnelle en exerçant un droit de passage depuis le chemin de Gonrat, jusqu'à la cour litigieuse, à pieds jusqu'à l'ancienne porte d'entrée de la villa Mexico, ou en véhicule automobile mais sans pouvoir y stationner, avec faculté d'y effectuer un demi-tour et le cas échéant d'accéder au jardin par la création d'un portail à la place ou à côté du portillon actuel ;

ALORS QUE la Cour d'appel n'a pas constaté que les époux X..., leurs auteurs ou leurs connaissances auraient régulièrement pénétré en véhicule automobile à l'intérieur même de leur propriété, depuis le chemin qui mène du chemin du Gonrat à la cour des consorts Y...-C...; que, de fait, et comme le faisaient valoir les consorts Y...-C..., les époux X... n'ont jamais pu, à raison de l'existence d'un portillon, pénétrer dans leur jardin depuis la cour qu'à pieds ; qu'en déduisant du seul fait les consorts Y...-C...ou leurs auteurs avaient ponctuellement toléré le stationnement de véhicules appartenant aux époux X..., à leurs auteurs ou connaissances dans leur cour, que l'exercice de la servitude par le passage de véhicules automobiles sur le chemin litigieux jusqu'à l'intérieur du jardin des époux X...serait un mode de servitude acquis justifiant la création d'un portail à la place ou à côté du portillon actuel, la Cour d'appel a violé l'article 708 du code civil ;

ALORS QUE si le mode de la servitude peut se prescrire comme la servitude même et de la même manière, le propriétaire du fonds dominant est toujours soumis à la règle de la fixité de la servitude qui lui interdit d'apporter à l'état des lieux des modifications entraînant une aggravation de la charge grevant le fonds ; qu'au cas particulier, il est constant que le passage litigieux s'est toujours fait par un portillon permettant exclusivement de pénétrer à l'intérieur de la propriété des époux X... à pieds et donc sur une assiette limitée pour permettre ce seul passage à pieds ; qu'en autorisant un passage en voiture, entraînant nécessairement une extension de l'assiette de la servitude dont atteste le remplacement qui serait fait dudit portillon par un portail, la Cour d'appel a violé le principe de la fixité de la servitude, ensemble l'article 702 du code civil ;

ALORS QUE celui qui a un droit de servitude ne peut en user que suivant son titre, sans pouvoir faire, ni dans le fonds qui doit la servitude, ni dans le fonds à qui elle est due, de changement qui aggrave la condition du premier ; que la modification de l'usage d'une servitude de passage et son extension subséquente, du fait des progrès des moyens de transport, constitue nécessairement une aggravation prohibée par la loi ; qu'en décidant le contraire au motif inopérant de la supposée imprécision de la clause de l'acte du 13 avril 1922 et quand il était par ailleurs constant que le fonds de Monsieur et Madame X... n'est pas enclavé, la Cour d'appel a violé l'article 702 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-23351
Date de la décision : 28/01/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 19 juin 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 28 jan. 2016, pourvoi n°14-23351


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.23351
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