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09/03/2016 | FRANCE | N°15-13444

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 mars 2016, 15-13444


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article R. 1452-6 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Lidl par contrat à durée déterminée conclu pour la période du 23 mars au 23 avril 2011, renouvelé jusqu'au 24 mai 2011 ; qu'il a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy le 14 juin 2011 pour obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée ; que l'affaire a été radiée le 9 septembre 2011 pour défaut de communicati

on de pièces ; que le salarié a alors saisi le conseil de prud'hommes de Longwy qui, pa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article R. 1452-6 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Lidl par contrat à durée déterminée conclu pour la période du 23 mars au 23 avril 2011, renouvelé jusqu'au 24 mai 2011 ; qu'il a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy le 14 juin 2011 pour obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée ; que l'affaire a été radiée le 9 septembre 2011 pour défaut de communication de pièces ; que le salarié a alors saisi le conseil de prud'hommes de Longwy qui, par jugement du 4 juin 2012, a constaté son incompétence territoriale ; que parallèlement, les parties ont été convoquées devant le conseil de prud'hommes de Nancy devant lequel le salarié s'est désisté de sa demande le 29 juin 2012 ; qu'il a alors saisi, le 5 juillet 2012, le conseil de prud'hommes de Strasbourg des mêmes demandes ; que celui-ci en a constaté l'irrecevabilité, se fondant sur le principe d'unicité de l'instance ; que, sur appel de cette décision, la cour d'appel l'a confirmée ;

Attendu que pour dire irrecevables les demandes du salarié, la cour d'appel retient que lorsque l'instance est éteinte par l'effet d'un désistement, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail et fondées sur des causes connues du salarié avant sa demande primitive doivent être déclarées irrecevables à l'exception de certaines hypothèses où elles doivent être déclarées recevables, dont le fait pour un salarié de se désister de son instance afin de saisir le conseil de prud'hommes limitrophe sur le fondement de l'article 47 du code de procédure civile ; que cependant le salarié ayant, en l'espèce, invoqué ces dispositions de manière totalement infondée, ses demandes sont irrecevables en raison de l'unicité de l'instance ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune décision sur le fond n'avait été rendue, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la société Lidl aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Lidl et condamne celle-ci à payer à Me Delamarre la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Delamarre, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir constaté l'irrecevabilité des demandes formées par Monsieur X... selon le principe de l'unicité de l'instance ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE

« Il est constant que le Conseil de prud'hommes de Nancy a, par jugement du 4 mai 2013, constaté le désistement d'instance de M. X... et s'est déclaré dessaisi.

Aux termes de l'article R. 1452-6, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les parties font l'objet d'une seule instance. Cependant, la règle de l'unicité de l'instance n'est applicable que lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement sur le fond.

Lorsque l'instance est éteinte par l'effet d'un désistement, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail et fondées sur des causes connues du salarié avant sa demande primitive doivent être déclarées irrecevables à l'exception de certaines hypothèses où elles doivent être déclarées recevables, dont le fait pour un salarié de se désister de son instance devant le Conseil de prud'hommes afin de saisir le Conseil de prud'hommes limitrophe sur le fondement de l'article 47.

En l'espèce, M. X... a invoqué l'article 47 pour saisir le Conseil de prud'hommes de Longwy, de manière totalement infondée, dans la mesure où il invoque une connivence entre le cabinet Juri-Filor, représentant la société Lidl, et une conseillère prud'homale faisant appel à ce cabinet pour défendre les intérêts de son patron alors que l'article 47 ne vise que la situation d'un magistrat ou d'un auxiliaire de justice partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions.

D'évidence, le conseil de la société Lidl n'est pas partie à l'instance.

M. X... ne démontre en rien que le principe de l'unicité de l'instance serait contraire aux articles 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et 8 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le droit d'agir en justice restant garanti.

En conséquence, le jugement du conseil de prud'hommes doit être confirmé en ce qu'il a constaté l'irrecevabilité des demandes formées par M. X... en raison de l'unicité de l'instance.

Les dispositions du jugement méritent également confirmation relativement aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant, l'appelant, qui succombe, supportera l'intégralité des dépens et il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'intimée les frais non répétibles exposés par elle à hauteur d'appel ; aussi convient-il de lui allouer à ce titre le montant de 1. 000 ¿ »,

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE

« Le lieu de travail et le domicile du salarié se situent tous les deux dans le ressort du Conseil de prud'hommes de Nancy.

En vertu des règles de compétence territoriale fixées par le Code du travail, il était éventuellement recevable à saisir le Conseil de prud'hommes de Nancy. C'est ce qu'il fit par saisine du 14 juin 2011 pour solliciter la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ainsi qu'une indemnité de requalification.

A l'audience du 9 septembre 2011, le Conseil de prud'hommes de Nancy a prononcé une décision de radiation pour défaut de communication de pièces et conclusions du demandeur. Le 25 octobre 2011, le salarié saisit le Conseil de prud'hommes de Longwy pour les mêmes demandes concernant le même contrat de travail. Une décision de radiation n'a pas pour effet de mettre fin à une instance. Ainsi le salarié ne pouvait pas de façon distincte attraire la société SNC Lidl devant le Conseil de prud'hommes de Nancy, puis devant le conseil de prud'hommes de Longwy dans le cadre d'une seconde instance.

La radiation n'emporte pas la fin de l'instance et le dessaisissement du Conseil de prud'hommes saisi (Cour Cass. chambre sociale 22/ 06/ 2004 RJS 10/ 04 n° 1978). Ainsi le Conseil de prud'hommes de Nancy ne se trouvait pas dessaisi. En vertu des principes de l'unicité de l'instance en matière prud'homale énoncé à l'article R. 1452-6 du Code du travail, toutes les demandes dérivant du même contrat de travail entre les mêmes parties doivent faire l'objet d'une seule et même instance.

Le principe de l'unicité de l'instance s'oppose donc à l'introduction d'une seconde instance distincte de la première (Cour Cass. chambre sociale 16/ 04/ 2008 RJS n° 817). Tant qu'il n'a pas été mis fin à une première instance l'opposant au même employeur, soit par jugement définitif au fond, soit par procès-verbal de conciliation, soit par décision constant une péremption d'instance, soit enfin par désistement d'instance ou d'action, le salarié ne peut pas introduire distinctement à l'encontre du même employeur une seconde instance, et ce quel que soit le fondement de ses prétentions.

En l'espèce, le salarié ne pouvait pas introduire une troisième instance, le 5 juillet 2012, pour articuler les mêmes demandes pour le même contrat de travail devant le Conseil de prud'hommes de Strasbourg.

L'instance initialement engagée par le salarié devant le Conseil de prud'hommes de Nancy est toujours pendante devant de dernier, les parties ayant été convoquées pour son audience du 24 mai 2013.

Le principe de l'unicité de l'instance s'oppose à l'introduction d'une autre instance devant le Conseil de prud'hommes de Strasbourg, parallèle de la première.

Par courrier du 29 juin 2012, le salarié a adressé au conseil de l'employeur une lettre faisant part de son désistement, lettre dans laquelle se trouvait jointe une copie d'un courrier recommandé adressé par M. X... au conseil de prud'hommes de Nancy ayant pour objet « son désistement avec réserve ».

Au vu des pièces, il convient de constater qu'il n'est intervenu aucune décision du conseil de prud'hommes de Nancy précisant être dessaisi du dossier, le Conseil de prud'hommes de Nancy demeure saisi de l'instance initiée par M. X... le 14 juin 2011.

Par conséquent, le Conseil constate l'irrecevabilité des demandes formées par M. X... par application des principes de l'unicité de l'instance »,

ALORS QUE

La règle de l'unicité de l'instance résultant de l'article R. 1452-6 du Code du travail n'est applicable que lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement sur le fond ; qu'en l'espèce, si Monsieur X... avait saisi, avant de s'adresser au Conseil des prud'hommes de Strasbourg, le Conseil des prud'hommes de Nancy et le Conseil des prud'hommes de Longwy, aucune de ces deux dernières juridictions ne s'était prononcée au fond sur les demandes de l'exposant ; qu'ainsi, en l'absence de décision au fond, ni le Conseil des prud'hommes de Strasbourg ni la Cour d'appel de Colmar ne pouvaient opposer à Monsieur X... le principe de l'unicité de l'instance ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-13444
Date de la décision : 09/03/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 15 mai 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 mar. 2016, pourvoi n°15-13444


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Delamarre, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.13444
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